ARRET N.
RG N : 13/ 00158
AFFAIRE :
M. Eric X..., Mme Emilie Y... épouse X...
C/
M. Patrick Z..., Mme Nicole A... épouse Z..., SA OCEA
GS-iB
vices cachés
Grosse délivrée à Maître DURAND-MARQUET et Maître PASTAUD, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 19 FEVRIER 2014--- = = = oOo = = =---
Le DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Eric X... de nationalité Française né le 21 Janvier 1974 à CHALLANS (85300) Profession : Marin pêcheur, demeurant ...
représenté par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES, Me LE MARCHADOUR, avocat au barreau de LORIENT
Madame Emilie Y... épouse X... de nationalité Française née le 09 Juillet 1981 à LORIENT (56100) Profession : Sans profession, demeurant ...
représentée par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES, Me LE MARCHADOUR, avocat au barreau de LORIENT
APPELANTS d'un jugement rendu le 09 MARS 2010 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DES SABLES D'OLONNE
ET :
Monsieur Patrick Z... de nationalité Française né le 08 Décembre 1953 à LES SABLES D'OLONNE (85100), demeurant ...
représenté par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Henri BODIN, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE
Madame Nicole A... épouse Z... de nationalité Française née le 09 Août 1955 à LES SABLES D'OLONNE (85100), demeurant ...
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Henri BODIN, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE
SA OCEA dont le siège social est Quai de la Cabaude-85100 LES SABLES D'OLONNE
représentée par Me Philippe PASTAUD, avocat au barreau de LIMOGES et Me QUIMBERT, avocat au barreau de NANTES.
INTIMES
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Sur renvoi de cassation : jugement du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne en date du 09 mars 2010- arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 16 septembre 2011- arrêt de la cour de Cassation en date du 14 novembre 2012
L'affaire a été fixée à l'audience du 18 Décembre 2013 par application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, la Cour étant composée de Monsieur Alain MOMBEL, Premier Président, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller a été entendu en son rapport oral, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Alain MOMBEL, Premier Président, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Février 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
FAITS et PROCÉDURE
Le 23 mars 2004, M. Eric X..., marin pêcheur, a acquis auprès de M. Patrick Z..., qui était jusqu'alors patron de pêche et armateur, un bateau de pêche immatriculé pour une longueur de 10, 51 mètres pour un prix de 251 540, 87 euros.
Le bateau a subi diverses avaries qui ont justifié des expertises puis son immobilisation et, à cette occasion, il est apparu que sa partie arrière avait été rallongée par l'adjonction d'un caisson, cette modification ayant été réalisée en 1993 par la société Ocea.
M. X... et son épouse ont assigné les époux Z... et la société Ocea devant le tribunal de grande instance des Sables d'Olonne en indemnisation de leur préjudice.
Par jugement du 9 mars 2010, le tribunal de grande instance a rejeté les demandes des époux X....
La cour d'appel de Poitiers, par arrêt du 16 septembre 2011, a confirmé ce jugement.
Les époux X... ont formé un pourvoi et, par arrêt du 14 novembre 2012, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, mais seulement en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages-intérêts formée contre les époux Z... à hauteur de 75 000 euros.
MOYENS et PRÉTENTIONS
Les époux X... concluent à la condamnation des époux Z... à leur payer des dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices moral (15 000 euros) et financier (60 000 euros), outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en soutenant que ceux-ci ont manqué à leur obligation de délivrance.
Les époux Z... concluent au rejet des demandes des époux X... en soutenant que ceux-ci ne démontrent pas que le navire n'était pas conforme à sa destination à la date de la vente. Subsidiairement, ils contestent le lien de causalité entre le manquement qui leur est reproché et les chefs de préjudice allégués par les époux X.... A titre infiniment subsidiaire, ils demandent à être relevés indemnes de toutes condamnations par la société Ocea dont la faute de conception commise lors de l'opération de rallongement du navire à rendu celui-ci impropre à la navigation.
La société Ocea conclut à l'irrecevabilité de l'action en garantie des époux Z... qui excède les limites de la cassation. Subsidiairement, ils concluent au rejet de leur demande de garantie en soutenant que le rapport d'expertise amiable de M. D... ne lui est pas opposable et que le manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance ne peut entraîner sa garantie
MOTIFS
Attendu que M. Z..., qui était patron de pêche, n'est pas un professionnel de la vente de navires ; qu'il a acquis en 1985 le bateau litigieux dont la longueur était alors de 10, 51 mètres ; qu'en avril-mai 1993, M. Z... a confié à la société Ocea des travaux tendant à rallonger la partie arrière du bateau par adjonction d'un caisson, sans toutefois que la longueur totale du navire excède la limite de 12 mètres (courrier électronique Ocea du 3 novembre 2006) ; que ces travaux n'ont pas été mentionnés dans les rapports de visite annuelle postérieurs.
Attendu que M. Z... a vendu le bateau à M. X... le 23 mars 2004 ; que cette vente a été conclue après que M. Christian B..., expert mandaté par M. X..., ait examiné le navire ; que l'acte de vente comporte une clause selon laquelle l'acquéreur a visité et inspecté le bien et l'accepte " sans exception ni réserve et s'engage à n'élever après la vente aucune réclamation pour quelque cause que ce soit ".
Attendu que M. X... soutient ne pas avoir été informé du rallongement de la coque lors de la vente alors que cet élément, qui avait une incidence sur le tonnage du bateau, était déterminant de son consentement puisqu'étant seulement titulaire du " certificat d'apprentissage maritime ", il n'était autorisé à piloter, en vertu du décret du 29 décembre 1993, qu'un " navire armé à la petite pêche d'une jauge brute égale ou inférieure à dix tonneaux ".
Attendu que l'acte de francisation initial de 1985 indique un volume de coque de 9, 89 tonneaux alors que celui du 6 décembre 2006, donc postérieur aux travaux de rallongement, fait état d'une jauge brute de 10, 54 UMS (Universal Measurement System) et d'une jauge nette de 3, 16 UMS..
Attendu que, répondant à la demande de renseignements de M. X... sur le tonnage du bateau après rallongement, la direction inter-régionale des douanes, par courrier du 24 août 2010, rappelle à celui-ci qu'il à lui-même réclamé au bureau des jauges de procéder aux mesures du bateau par courrier du 14 novembre 2006 tout en alertant ce service sur le rallongement de la coque ; qu'appliquant la nouvelle norme UMS, le bureau des jauges, qui était donc parfaitement informé de la transformation du bateau, a relevé une jauge brute de 10, 54 UMS pour une longueur hors tout de 11, 35 mètres ; que M. X... ne rapporte pas la preuve que le nouveau tonnage du bateau excéderait les limites de pilotage qui lui sont lui sont imposées en vertu de la réglementation en l'état des titres dont il est titulaire ; que M. X... a d'ailleurs exploité ce bateau jusqu'au retrait du permis de navigation qui n'est intervenu qu'en octobre 2006, donc postérieurement à la vente, au motif d'importants travaux sur la structure du bateau entrepris à son initiative (attestation du ministère transports du 6 mai 2008) ; que si la direction inter-régionale des douanes indique dans son courrier du 24 août 2010, que l'absence de déclaration de transformation d'un navire peut entraîner la nullité de l'acte de francisation si celui-ci n'est plus conforme aux caractéristiques du navire, force est de constater qu'un nouvel acte de francisation, tenant compte des nouvelles caractéristiques du bateau consécutivement à la transformation opérée par la société Ocea, a été délivré par cette administration le 6 décembre 2006.
Attendu que les époux X... ne rapportent pas la preuve d'une non conformité du navire en l'un de ses éléments ayant déterminé leur consentement.
Attendu que les époux X... soutiennent que M. Z... leur a vendu un bateau impropre à l'usage auquel il est destiné par suite des travaux de rallongement de la coque réalisés par la société Ocea en méconnaissance des règles de l'art, travaux à l'origine d'entrées d'eau et d'un phénomène de corrosion qui ont justifié un retrait du permis de navigation.
Attendu que les travaux de rallongement ont été réalisés par la société Ocea en avril-mai 1993, alors que le bateau était la propriété de M. Z... ; que M. X... a acquis le bateau le 23 mars 2004 après l'avoir fait préalablement examiner par son expert, M. Christian B... ; que ce dernier, dans son rapport du 16 février 2004, fait état d'un bateau dans un état d'entretien et de conservation très convenable ; qu'en ce qui concerne plus particulièrement la coque, M. B... constate que celle-ci est en aluminium à bouchains vifs et que les tôles des oeuvres mortes et des oeuvres vives apparaissent saines et exemptes d'altérations dues à l'électrolyse ; que cet expert n'a constaté aucun problème de corrosion ou d'entrée d'eau.
Attendu que, postérieurement à la vente, M. X... a utilisé le bateau et a signalé une avarie moteur qui a fait l'objet d'un rapport de mer du 10 juin 2004 (mise en alarme du moteur) ; qu'en septembre 2004, M. X... a constaté des bruits anormaux en sortie de ligne d'arbre et à la prise de force du moteur ; que M. Philippe C..., expert maritime requis par M. X..., a examiné la coque du bateau dont les tôles avaient été mises à nu et constaté, dans son rapport du 18 novembre 2004, plusieurs petits points de corrosion repris par soudure ainsi qu'une perforation de 10 mm de la tôle de voûte, au dessus du gouvernail, anciennement destinée à évacuer de l'eau mais mal rebouchée ; que cet expert préconise de traiter ces points de corrosion par soudure et peinture en surface des tôles et il précise que le système de protection par anodes a été vérifié, les travaux étant à placer au compte entretien.
Attendu que le ministère des transports atteste le 6 mai 2008 que des travaux importants sur la structure du bateau ont été faits à l'initiative de M. X... pendant la période comprise entre le 23 octobre 2006 et le 1er janvier 2007, travaux qui ont entraîné de fait un retrait du permis de navigation pendant cette période avant qu'une visite en date du 2 janvier 2007 permette la reprise de son exploitation ; qu'il résulte de cette attestation que le permis de navigation a été retiré à raison de l'exécution de travaux d'ampleur sur la structure du bateau et non pas en considération de l'entrée d'eau de mer constatée le 24 octobre 2006 dans le caisson arrière installé par la société Ocea pour rallonger le bateau.
Attendu qu'à la suite de cette entrée d'eau du 24 octobre 2006, M. X... a fait expertiser le navire par M. Jean-Marc D..., expert maritime ; que celui-ci, dans son rapport du 7 décembre 2007, a notamment constaté :- des " écoulements d'eau de mer par plusieurs trous au niveau de la voûte et à l'endroit de la soudure du placard posée par le chantier Timolor lors de l'arrêt technique de 2005 " (rapport p. 7),- la présence importante d'eau de mer (entre 400 et 500 litres) dans le sas arrière,- des signes de corrosion due à un phénomène d'électrolyse,- des décollements de la peinture de protection apposée un an auparavant,- la présence de nombreux chancres, particulièrement aux endroits des soudures ; que M. D... met en cause la qualité des travaux de rallongement de la coque exécutés en 1993 par la société Ocea, ces travaux étant selon lui susceptibles de causer les problèmes d'électrolyse constatés (rapport p. 15) ; qu'au vu des désordres constatés, l'inspecteur de la navigation a suspendu le permis de navigation (rapport p. 14).
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise de M. D... que les entrées d'eau se situent au niveau d'une réparation (soudure d'un placard) effectuée par l'entreprise Timolor et 2005, donc postérieurement à la vente ; que cette réparation est confirmée par M. X... lui-même qui a indiqué à l'huissier de justice qu'il avait requis aux fins de constat (procès-verbal des 1er et 4 décembre 2006) qu'en juillet 2005, il a fait poser cinq placards de renfort sur la coque et il ajoute qu'il a constaté, en 2006, des entrées d'eau au niveau des soudures de ces placards rajoutés ; qu'il sera ici rappelé que M. B..., qui a expertisé le bateau préalablement à la vente à la demande de M. X..., n'a relevé aucun problème d'entrée d'eau ; qu'il résulte de ces constatations factuelles que la cause des entrées d'eau de mer réside dans la défectuosité des soudures réalisées par une entreprise tierce lors de la pose des placards de renforts postérieurement à la vente et que cette situation ne peut engager la responsabilité des intimés.
Attendu, s'agissant du phénomène de corrosion, que M. B..., qui a expertisé le bateau préalablement à la vente à la demande de M. X..., n'a relevé aucun problème de corrosion ; que dans son rapport du 18 novembre 2004 rédigé huit mois après la vente, M. C..., expert maritime, n'a constaté que quelques petits points de corrosion dont il préconise le traitement (soudure et peinture de protection) et il précise que le système de protection par anodes a été vérifié ; que dans son rapport du 7 décembre 2007, M. D... met en doute la qualité des anodes équipant le navire ; qu'il résulte cependant, d'une facture de la société PENOUEST du 28 juin 2004, donc postérieure à la vente, que cette entreprise a procédé au remplacement des zincs et de quatre des sept électrodes du navire ; que le système de protection par anode dont M. D... met en doute la qualité a donc été installé postérieurement à la vente et ne peut donc engager la responsabilité des intimés.
Attendu qu'il s'ensuit que le jugement, qui a débouté les époux X... de leur action sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, sur renvoi de Cassation, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 novembre 2012 ;
CONFIRME le jugement rendu le 9 mars 2010 par le tribunal de grande instance des Sables d'Olonne ;
CONDAMNE solidairement les époux X... à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile :-3 000 euros aux époux Z...,-3 000 euros à la société Ocea ;
CONDAMNE les époux X... aux dépens et DIT qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT,
Elysabeth AZEVEDO. Alain MOMBEL.