ARRET N .
RG N : 13/00229
AFFAIRE :
SAS AXIS
C/
Société EDF ENTREPRISE, SA ERDF
CMS-iB
exécution de services
Grosse délivrée àSelarl DAURIAC - COUDAMY, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGESCHAMBRE CIVILE ---==oOo==---ARRET DU 05 MARS 2015---===oOo===---
Le CINQ MARS DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
SAS AXISdont le siège social est à "Crouzeix" - 87220 FEYTIAT
représentée par la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'un jugement rendu le 30 JANVIER 2013 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
Société EDF ENTREPRISEdont le siège social est 30 avenue de Wagram - 75008 PARIS
représentée par Me Mathieu PLAS, avocat au barreau de LIMOGES
SA ERDFdont le siège social est 19 bis avenue de la Révolution - BP 406 - 87012 LIMOGES CEDEX
représentée par Me Mathieu PLAS, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEES
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Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 Janvier 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 26 Février 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2014.
A l'audience de plaidoirie du 22 Janvier 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Madame Christine MISSOUX, Conseiller a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 05 Mars 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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FAITS ET PROCEDURE
Par un arrêt du 27 mars 2014 auquel il est expressément et plus amplement référé pour les faits, la procédure, les prétentions et moyens de défenses respectifs des parties, la cour de ce siège a, au visa de l'article 444 du Code civil, ordonné la réouverture de débats afin que les parties s'expliquent sur une responsabilité éventuelle de la SA ERDF fondée sur l'article 1382 du Code civil.
Les sociétés EDF et ERDF faisant défense commune et reprenant leur argumentaire initial, sollicitent voir:
- confirmer le jugement entrepris,
- dire que l'action de la société AXIS repose sur l'application des conditions contractuelles d'un contrat qu'elle a souscrit avec EDF, et non ERDF,
- dire et juger en toute hypothèse, que la société ERDF a rempli ses obligations en matière d'intervention sur incident,
- dire que les prétentions développées à l'encontre d'EDF ne pourront qu'être rejetées,
- dire que la responsabilité D'EDF ne serait pas engagée en l'absence de démonstration d'une faute lourde lui étant imputable,
- dire qu'en application de l'article 10 du contrat liant la société AXIS et EDF, il convient d'appliquer la clause limitative de responsabilité au profit d'EDF, qui sera jugée comme ne contrevenant pas à l'économie générale du contrat et à l'obligation de fourniture d'énergie électrique, obligation de moyen soumise aux aléas de la technique et éléments atmosphériques,
- dire que la cour serait incompétente pour statuer sur la responsabilité d'ERDF y compris sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, s'agissant de la réparation d'un ouvrage public,
Subsidiairement,
- si la Cour retenait sa compétence, dire que la société ERDF n'a commis aucune faute, que son intervention n'a pas été tardive, et que la société AXIS ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait informé EDF en temps utile,
Encore plus subsidiairement,
- dire que la preuve du préjudice n'est pas rapportée,
- dire en toute hypothèse, que les sociétés EDF, ERDF seraient exonérées au titre des fautes commises par la société AXIS,
- Condamner cette société, outre aux dépens, à lui payer la somme de 3000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions en réponse, la société AXIS sollicite voir réformer le jugement entrepris,
VU l'arrêt rendu,
- Condamner in solidum les sociétés EDF et ERDF, outre aux dépens, à lui payer :
* la somme principale de 14 222,88 ¿ outre intérêts à compter du 15 octobre 2010, date de la mise en demeure,
* 5000 ¿ à titre de dommages et intérêts,
* 5000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu que les sociétés EDF et ERDF faisant défense commune, maintiennent devant la cour, que la société ERDF n'est pas contractuellement engagée envers la société AXIS dont par ailleurs, la responsabilité ne pourrait être appréciée que par la juridiction administrative, s'agissant de la réparation d'un transformateur, ouvrage public, et qu'en toute hypothèse, celle-ci n'aurait commis aucune faute, étant intervenue sur la panne dans l'heure et demi suivant l'information que lui aurait donnée EDF;
Qu'elle soutient encore, qu'au terme du contrat la liant avec la société AXIS, la responsabilité d'EDF, débitrice de la fourniture continue d'électricité, peut engager sa responsabilité dans 3 cas:
- en cas de faute lourde, la conduisant à indemniser l'entier préjudice,
- en l'absence de faute lourde, mais alors, sa responsabilité relèverait de la clause limitative de responsabilité, jugée valable,
- en cas de force majeure ou faute du client entraînant une exonération totale de sa responsabilité.
Et attendu qu'en l'espèce, la société EDF, qui soutient ne pas avoir commis de faute lourde, l'origine de la panne étant imputable à la survenance d'un orage, se prévaut de la faute exonératoire de la société AXIS qui ne rapporterait pas la preuve de ce qu'elle l'aurait informée dès la survenance de la panne le lundi matin à l'embauche des salariés, de sorte qu'aucun lien de causalité entre son manquement contractuel à son obligation de fourniture continue d'électricité et le dommage en résultant ne pourrait être retenu.
Mais attendu que dans son arrêt du 27 mars 2014 ordonnant la réouverture des débats, la Cour de siège, appréciant les pièces qui étaient produites par la société AXIS, a rejeté la faute exonératoire invoquée par EDF, et a jugé:
- qu'il était rapporté la preuve selon laquelle la Société AXIS avait bien avisé EDF dès la reprise du travail le lundi matin 2 août, alors qu'il est constant que l'alimentation de l'entreprise n'a été rétablie que le lendemain après midi à 18 heures;
- et encore, que le fait pour la société AXIS de ne pas posséder de groupe électrogène ne saurait être considéré comme une faute dès lors que l'article X du contrat stipule expressément que "l'existence d'un groupe de secours .... ne modifie en rien les droits et obligations des parties", ce recours n'étant prévu que comme une simple "faculté" par l'article I du dit contrat;
Que ces points ne sauraient donc faire à nouveau débat devant la Cour, qui n'a ordonné la réouverture des débats que pour que les parties concluent sur une éventuelle responsabilité d'ERDF fondée sur l'article 1382 du Code civil, EDF soutenant en effet, que ERDF n'aurait commis aucune faute dans la gestion de l'incident, alors que la Cour relevait en même temps, que ni la société EDF, ni la société ERDF ne justifiaient de la date et de l'heure à laquelle EDF aurait répercuté à ERDF la panne, et la société ERDF en aurait été informée, de façon à être à même d'apprécier la réactivité de la société ERDF dans la gestion de cet incident, et à cet égard, la cour a relevé encore, que le courrier du 16 septembre invoqué en défense par EDF, la pièce 18 produite par AXIS, ne contenait aucune précision sur ce point, contrairement à ce qu'elle prétendait;
Que sur réouverture des débats, ni ERDF, ni EDF ne rapporte, ni ne tente même, de rapporter cette preuve, se limitant à procéder par voie d'affirmation.
Attendu ce faisant, qu'étant soutenu dans les écritures communes des sociétés EDF et ERDF, que la société ERDF serait intervenue dans l'heure et demi suivant l'information de la panne à elle donnée par EDF et n'aurait donc commis aucune faute dans la gestion sur incident, il convient d'en déduire, que seule la société EDF a commis des manquements contractuels générateurs de fautes, la première en ne remplissant pas son obligation de fournir en continu l'électricité à la société AXIS, tel qu'elle s'y était engagée par le contrat "tarif jaune", ce qui constitue une simple faute, mais encore, une deuxième faute, en ne justifiant pas qu'elle aurait répercuté immédiatement à son gestionnaire de réseau, l'information dont elle seule, a été destinataire et dont la Cour a jugé qu'elle lui avait été donnée dès le lundi matin, par la société AXIS, ce qui est constitutif d'une faute lourde car elle ne s'est pas mise délibérément en situation d'exécuter son obligation principale de fourniture en continue d'énergie électrique prise à l'égard de ce client;
Qu'en application de l'article 10 du contrat visant la faute lourde, la société EDF sera déclarée responsable de l'entier préjudice résultant de cette faute, et condamnée à l'indemniser.
Attendu à cet égard, que la société EDF soutient que la société AXIS ne rapporterait pas la preuve de son préjudice car celui-ci n'aurait pas été évalué contradictoirement au moyen, par exemple, une procédure de référé expertise, alors que par ailleurs, aucune analyse comptable se serait produite.
Attendu que la société AXIS sollicite un préjudice s'élevant à la somme de 14 322,88 ¿ HT comprenant :
- location d'un groupe électrogène.......... 132,00 ¿- chômage technique des salariés............. 120,60 ¿- main d'oeuvre électricien....................... 270,00 ¿- perte d'exploitation .............................. 13700,00 ¿
Attendu tout d'abord, que les justificatifs de ces chefs de préjudice ont été communiqués à EDF-ERDF dès, et depuis, le 4 octobre 2010; qu'il s'agit de factures et de l'attestation de l'expert comptable de la société s'agissant des pertes d'exploitation, au sujet de laquelle, EDF n'indique même pas en quoi l'attestation de ce professionnel qui engagerait sa responsabilité, pourrait ne pas être sincère, et ne produit aucun élément technique de nature à combattre les chiffres avancés;
Qu'enfin, l'évidence même du préjudice invoqué qui n'est pas contesté en lui-même, sa modicité et la simplicité de son calcul s'agissant des pertes d'exploitation sur une durée très brève, ne justifiaient manifestement pas la nomination d'un expert judiciaire pour examiner contradictoirement les comptes de l'entreprise, lesquels, il doit être rappelé, ont été communiqués à EDF-GRDF en octobre 2010, qui ont ainsi disposé de 4 années, pour solliciter elles-mêmes une expertise à leurs frais avancés, si elles avaient sérieusement estimé que le préjudice invoqué n'était pas fiable et sincère.
Attendu en conséquences, que la société EDF sera condamnée à payer cette somme à la société AXIS qui sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2010, date de la mise en demeure.
Attendu par ailleurs, que la société AXIS sollicite la somme de 5000 ¿ à titre de dommages et intérêts, considérant que l'attitude de EDF et GRDF est "totalement" abusive;
Qu'il y sera fait droit.
Attendu en effet, que le sinistre remonte au 1er août 2010, et les seuls intérêts de retard alloués au titre de son indemnisation ne sauraient à eux seuls indemniser cette société de son entier préjudice ;
Qu'après avoir admis, dans un cadre transactionnel, sa responsabilité et le principe d'indemnisation d'un dommage subi par la société AXIS, EDF et ERDF ont opéré un revirement de position, non sans avoir au préalable induit en erreur le client sur la société responsable en transmettant la déclaration de sinistre à ERDF, en se renvoyant les responsabilités, multipliant en les compliquant les démarches procédurales de la société AXIS et retardant d'autant, son indemnisation.
Or attendu que cette petite société était entrain de produire des pièces pour la marque CITROËN au moment de l'interruption d'énergie; qu'en bon père de famille, elle avait conclu un contrat d'alimentation continue d'électricité avec EDF pour lequel elle paye un abonnement en conséquences, et a pensé à limiter son préjudice en munissant ses machines d'onduleurs, de façon à ne pas les exposer à une détérioration en cas de coupures inopinées;
Qu'elle a dû, pour honorer son marché avec CITROËN, tout re-fabriquer en urgence, induisant ainsi une gestion du sinistre particulière, qu'elle n'a pourtant pas comptabilisé dans son préjudice, et dont elle n'est pas indemnisée;
Qu'il résulte de ce qui précède qu'EDF, en qualité de fournisseur d'énergie avec un quasi monopole, n'a ni assumé ses responsabilité en cette qualité, ni même encore, ses obligations contractuelles avec son client, la Société AXIS.
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LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement entrepris,
Et STATUANT à nouveau,
DIT que la société EDF a commis un double manquement à son obligation contractuelle de fournir en continu de l'énergie électrique à la société AXIS, constitutif d'une faute simple et d'une faute lourde,
La DECLARE entièrement responsable des préjudices subis par la Société AXIS
VU l'article X du contrat "tarif jaune",
La CONDAMNE à payer à la Société AXIS prise en la personne de son représentant légal, la somme de 14 222,88 ¿ HT majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2010, au titre de ses préjudices financiers, outre celle de 5000 ¿ à titre de dommages et intérêts,
Et Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société EDF à payer à la société AXIS la somme de 4000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La CONDAMNE également aux dépens de première instance et d'appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.