COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 26 MARS 2015--- = = = oOo = = =---
ARRET N.
RG N : 14/ 00020
AFFAIRE :
Mme Geneviève X...- B..., M. Pierre Y...
C/
Mme Catherine Marie Y... épouse Z...
contestations relatives au partage
Le VINGT SIX MARS DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Geneviève X...- B... de nationalité Française née le 29 Septembre 1958 à LIMOGES (87000), demeurant "... "-87260 SAINT PAUL
représentée par la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me MELMOUX de la SCP MELMOUX PROUZAT GUERS AUCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Pierre Y... de nationalité Française né le 06 Mars 1961 à LIMOGES (87000) Profession : Dirigeant de société, demeurant...-87000 LIMOGES
représenté par la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me MELMOUX de la SCP MELMOUX PROUZAT GUERS AUCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER
APPELANTS d'un jugement rendu le 21 NOVEMBRE 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
Madame Catherine Marie Y... épouse Z... de nationalité Française née le 03 Mai 1953 à LIMOGES (87000) Profession : Cadre administratif, demeurant...-59493 VILLENEUVE D'ASCQ
représentée par la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me Brigitte DE FOUCHER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
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Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 12 Février 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 12 Mars 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2014.
A l'audience de plaidoirie du 12 Février 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Monsieur François PERNOT, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Président a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 26 Mars 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
M. Jean Y... et son épouse, née Madeleine A..., ont par acte du 23 décembre 1992 fait donation à titre de partage anticipé à leurs six enfants, Françoise, Catherine, Luce, Claire, Geneviève et Pierre Y..., de la nue propriété de divers immeubles situés à LIMOGES, AIXE sur Vienne et Paris.
Les donations ont été calculées par déduction de la valeur en pleine propriété de chaque bien de la part représentant l'usufruit des donateurs, fixée à 1/ 10 pour M. Jean Y... et 2/ 10 pour son épouse.
La masse des biens donnés était évaluée à la somme de 6 734 250 Francs représentant le total des valeurs de chaque immeuble en nue propriété.
Il revenait à chaque enfant un/ sixième de cette somme, soit 1 222 375 frs.
Des soultes étaient dues par les enfants dont l'attribution excédait ce montant.
Un de ces derniers, Madame Catherine Y... épouse Z..., a reçu l'attribution de la nue propriété d'un appartement situé... à PARIS (7ème), lequel à la page 8 de l'acte de donation partage, était évalué « à 2 250 000 frs soit pour le nue propriété présentement donnée (valeur de l'usufruit de Madame Y... 2/ 10) une valeur de 1 800 000 Frs » (274 408, 23 ¿).
Ce bien était un propre de la donatrice.
Les droits de la donataire étant de 1 122 375 frs, elle était débitrice d'une soulte de 677 625 Frs devant revenir, selon les énonciations du chapitre « paiement des soultes » à madame Geneviève Y... épouse X... B... à hauteur de 370 125 Frs et à M. Pierre Y... à hauteur de 307 500 Frs.
Il était stipulé que le paiement des soultes devrait être effectué dans les six mois du décès du survivant des donateurs, sans intérêts jusqu'à cette date.
Par ailleurs, l'acte rappelait au titre « révision des soultes » que, par application de l'article 833-1 du code civil (actuel article 828), si, par suite des circonstances économiques, la valeur à ce jour des biens mis au lot des débiteurs des soultes augmentait ou diminuait de plus du quart, la somme due augmenterait ou diminuerait dans la même proportion.
Madame Madeleine A... épouse Y... est décédée le 12 janvier 1994.
M. Jean Y... est à son tour décédé le 24 octobre 2011, de telle sorte que les soultes devaient être payées avant le 24 avril 2012.
Une expertise amiable a été confiée à M. C..., expert auprès de la cour d'appel de PARIS, lequel a estimé à la date de l'exigibilité de la soulte la valeur en peine propriété de l'immeuble reçu par Madame Catherine Z... à la somme de 1 098 000 ¿.
La valeur du bien ayant augmenté de plus du quart, le montant des soultes dues par Madame Z... devait être révisé en application du texte précité.
Les parties qui ont accepté l'estimation de l'expert n'ont pas pu s'accorder sur la méthode de révision.
Madame Z..., conformément au projet établi par maître D..., notaire à AIXE SUR VIENNE, a versé à Madame X... B... la somme de 179 141 ¿ et à M. Pierre Y... la somme de 148 830, la révision des soultes ayant été faite sur la base du rapport entre la valeur du bien en pleine propriété à la date de la donation et sa valeur en pleine propriété à la date de l'exigibilité (valeur retenue par l'expert).
La formule utilisée était la suivante :
Valeur soulte à l'acte du 23 décembre 1992 X valeur vénale actuelle du bien en pleine propriété. Valeur vénale du bien en pleine propriété au 23 décembre 1992.
Etant précisé que les soultes à l'acte étaient de 56 425, 19 ¿ pour Madame X... B... et de 46 878, 07 ¿ pour M. Y..., que la valeur en pleine propriété du bien au jour de l'expertise était de 1 089 000 ¿ et que la valeur en pleine propriété du même bien à la date de la donation était de 343 010, 29 ¿.
Madame Geneviève X... B... et M. Pierre Y... ont estimé ne pas avoir été remplis de leurs droits dans la mesure où selon eux, les soultes devaient être révisées sur la base du rapport entre, d'une part, la valeur de la donation, soit la valeur de la nue propriété du bien à la date de cette dernière (1 800 000 Frs ou 274 408, 23 ¿) et, d'autre part, la valeur de 1 089 000 ¿ à laquelle l'expert avait estimé l'immeuble en pleine propriété en mars 2012.
Par acte du 7 novembre 2012, ils ont fait assigner Madame Catherine Y... épouse Z... devant le tribunal de grande instance de LIMOGES pour obtenir sa condamnation à payer au titre de la révision de leurs soultes :
- à Madame Geneviève X... B... à laquelle était due la somme de 223 925 ¿, un complément de 44 784 ¿ ;
- à M. Pierre Y... auquel était due la somme de 186 037 ¿, un complément de 37 207 ¿ ;
Outre les intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2012.
Le tribunal a par jugement du 21 novembre 2013 approuvé la méthode de calcul sur la base de laquelle Madame Catherine Z... avait évalué les sommes versées à ses frère et s ¿ ur au titre de la révision des soultes leur revenant et débouté ces derniers de l'intégralité de leurs demandes.
Il a condamné Madame Geneviève X... B... et M. Pierre Y... aux dépens et au versement d'une indemnité de 1 800 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ceux-ci ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 7 janvier 2014.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 9 avril 2014, Madame Geneviève X... B... et M. Pierre Y... demandent à la cour :
- de dire que pour calculer la révision de la soulte en conformité avec l'article 828 du code civil, il y a lieu de tenir compte de la valeur telle qu'elle est portée à l'acte de donation en nue propriété pour la comparer à la valeur en pleine propriété au jour du décès ;
- en conséquence, de dire qu'il est dû à Madame X... B... née Y... la somme de 223 925 ¿ avec intérêts à compter du 25 avril 2012, date de l'exigibilité de la soulte ;
- de dire qu'il est dû à M. Pierre Y... la somme de 187 037 ¿ avec intérêts à compter de la même date ;
- de condamner Madame Catherine Y... épouse Z... à payer à Madame Geneviève X... B... la somme de 44 784 ¿ après déduction du versement déjà effectué, ce avec intérêts sur 223 925 ¿ à compter du 25 avril 2012 ;
- de la condamner à payer à M. Pierre Y... la somme de 37 207 ¿ après déduction du versement déjà effectué, ce avec intérêts sur la somme de 187 037 ¿ à compter du 25 avril 2012 ;
- de condamner l'intimée à leur verser, pour chacun d'eux, une indemnité de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 2 juin 2014, Madame Catherine Y... épouse Z... demande de confirmer le jugement et de condamner les appelants à lui verser une indemnité complémentaire de 4 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé de l'argumentation développée par les parties.
LES MOTIFS DE LA DECISION
Le moyen d'irrecevabilité tiré par les appelants du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui est infondé.
Si Madame Catherine Z... a effectivement proposé, dans un premier temps, par l'intermédiaire de son notaire, de prendre en considération la valeur de la donation en nue propriété, cette proposition n'a pas été faite dans le cadre d'une procédure.
Au surplus, elle n'est pas contradictoire avec la méthode qui a en définitive été retenue par le notaire de l'intimée dans la mesure où, la valeur retenue pour réviser le montant de la soulte à la date de son exigibilité était, non pas une valeur en pleine propriété selon la méthode utilisée par les appelants, mais une valeur en nue propriété « eu égard au calcul d'un usufruit reconstitué à 20 % applicable lors de la donation partage de 1992 « (lettre de Maître D... du 25 avril 2012).
La formule utilisée était la suivante :
Valeur de la soulte à l'acte du 23 décembre 1992 X valeur actuelle de l'immeuble en nue propriété Valeur immeuble en nue propriété au 23 décembre 1992.
Cette méthode aboutissait à une valeur comparable à celle de la méthode consistant à utiliser le rapport entre la valeur en pleine propriété à la date de la donation (1992) et la valeur en pleine propriété à la date de l'exigibilité de la soulte (2012) et, en, toute hypothèse, elle ne correspond pas à celle que développent les appelants dans leurs conclusions.
On doit, pour calculer la révision de la soulte telle qu'elle a été fixée dans l'acte de donation partage du 23 décembre 1992 utiliser des éléments de référence qui soient cohérents entre eux.
Tel n'est pas le cas si le rapport utilisé pour parvenir à ce calcul est celui entre la valeur du bien donné en nue propriété à la date de la donation et la valeur de ce bien à la date de l'exigibilité, mais en pleine propriété.
Comme le rappellent les appelants qui visent l'article 617 du code civil dans le dispositif de leurs conclusions, l'usufruit s'éteint à la mort de l'usufruitier.
Les donataires détiennent en vertu de la donation, par l'effet du décès des donateurs, des droits en pleine propriété.
La valeur qui doit être prise en considération à la date de l'exigibilité de la soulte (24 avril 2012) est dés lors, logiquement, une valeur en pleine propriété.
De ce fait, le rapport sur la base duquel doit être calculée la révision ne peut être qu'avec la valeur du bien donné à la date de la donation (1992), peu important que la donation ait porté sur la nue propriété.
La valeur du bien en pleine propriété est d'ailleurs mentionnée dans l'acte du 23 décembre 1992 et elle sert à déterminer la valeur de la nue propriété par déduction du pourcentage que représente l'usufruit que se réservent les donateurs en fonction de l'âge de chacun d'eux.
C'est précisément parce que cet usufruit n'a pas la même valeur pour les deux donateurs qui avaient un âge différent qu'il convient, pour calculer le coefficient de révision de la soulte, de retenir à la date de la donation et à la date de la révision des valeurs en pleine propriété.
Les circonstances économiques qui, au sens de l'article 828 du code civil, sont susceptibles d'avoir sur la valeur du bien une incidence justifiant la révision de la soulte sont celles qui sont extérieures à la personne des parties.
L'usufruit que s'est réservé le donateur, dont l'évaluation dépend de l'âge de celui-ci et qui a vocation à disparaître à son décès, n'est pas une circonstance économique au sens de l'article précité.
C'est donc à bon droit que Madame Catherine Y... épouse Z... a procédé à la révision de la soulte dont elle est redevable en vertu de l'acte de donation en nue propriété du 23 décembre 1992 sur la base du rapport entre, d'une part, la valeur du bien à la date de cette donation en pleine propriété et, d'autre part, la valeur du même bien après cessation de l'usufruit déterminée par expertise à la date de l'exigibilité de la soulte, c'est à dire en 2012.
Madame Z... qui a procédé sur cette base au paiement des soultes n'est plus redevable d'aucune somme à l'égard de ses frère et soeur.
Le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.
L'intimée est en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 4 000 ¿.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Y ajoutant, condamne Madame Geneviève Y... épouse X... B... et M. Pierre Y... à verser à Madame Catherine Y... épouse Z... une indemnité complémentaire de 4 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.