ARRET N .
RG N : 14/00184
AFFAIRE :
ASSOCIATION POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA)
C/
MAIF, intervenante volontaire, Société SMABTP, Me CHRISTIAN FOURTET es qualité de Liquidateur judiciaire de la SARL EAU ENERGIE DU LIMOUSIN
D. B/ E. A
demande en réparation des dommages causés par les salariés et apprentis formée contre l'employeur
Grosse délivrée à Me CHARTIER-PREVOST avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE ---==oOo==--- ARRET DU 21 MAI 2015 ---===oOo===---
Le VINGT ET UN MAI DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
ASSOCIATION POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA) prise en la personne de son Directeur en exercice domicilié en cette qualité audit siège. Formateur AFPA, dont le siège social est 68, rue de Babylone - BP 80177 - 87005 LIMOGES CEDEX
représentée par Me Philippe CLERC, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'un jugement rendu le 05 DECEMBRE 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
Société SMABTP dont le siège social est 114, Avenue Emile Zola - 75739 PARIS CEDEX 15
représentée par Me Alain CHARTIER-PREVOST, avocat au barreau de LIMOGES substitué à l'audience par Me PLAS, avocat au barreau de LIMOGES
Maître CHRISTIAN FOURTET es qualité de Liquidateur judiciaire de la SARL EAU ENERGIE DU LIMOUSIN dont le siège est situé 69, avenue du Ruchoux - 87000 LIMOGES, demeurant 2, rue Saint Affre - 87000 LIMOGES
non comparant, non représenté bien que régulièrement assigné
INTIMES
Et
MAIF, intervenante volontaire dont le siège social est Centre de Traitement - Gestion 01 - 79018 NIORT CEDEX 0
représentée par Me Philippe CLERC, avocat au barreau de LIMOGES
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Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 07 avril 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 12 mai 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 mars 2015.
A l'audience de plaidoirie du 07 avril 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur BALUZE a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 21 mai 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
---==oO§Oo==--- LA COUR ---==oO§Oo==---
Exposé du Litige
M. X... était stagiaire à l'Association pour la formation professionnelle des adultes (ou AFPA). Il effectuait un stage à l'entreprise Eau Energie du Limousin sur un chantier de la Ligue du tennis du Limousin.
Le 7 mai 2009, il a été victime d'un accident mortel. Alors qu'il démoussait une toiture, les plaques de celle-ci ont cédé et il a ainsi fait une chute de 7 mètres.
Il y a eu une procédure pénale et, par jugement du 10 septembre 2010, le tribunal correctionnel de Limoges a notamment déclaré la SARL Eau Energie du Limousin coupable d'homicide involontaire et la Ligue de Tennis du Limousin coupable d'exécution de travaux par une entreprise extérieure sans plan de prévention des risques.
La constitution de partie civile de Madame X..., en son nom personnel et comme représentante de ses enfants mineurs, à l'égard de la SARL Eau Energie du Limousin a été déclarée recevable (par arrêt de la cour d'appel de Limoges du 4 mai 2011).
Mme X... a également diligenté une procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Vienne qui, par jugement du 9 février 2012, a notamment :
- déclaré que l'accident du travail dont M. X... a été victime le 7 mai 2009 résulte de la faute inexcusable de l'AFPA et de la SARL Eau Energie du Limousin,
- fixé le montant de la majoration de la rente AT versée par la CPAM de la Haute Vienne à son maximum, majoration à recouvrer auprès de l'AFPA,
- condamné l'AFPA a verser à Mme X..., en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses quatre enfants mineurs, diverses sommes au titre du préjudice moral d'un montant total de 130 000 ¿,
- dit que la CPAM de la Haute-Vienne devra verser ces sommes aux ayants droits¿ et que cette avance de l'indemnisation au titre du préjudice moral sera recouvrée contre l'AFPA.
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La SARL Eau Energie du Limousin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 16 février 2011 et Me Fourtet a été désigné en qualité de liquidateur.
Sur ce, l'AFPA a engagé une action contre Me Fourtet et la SMABTP, en tant qu'assureur de la SARL Eau Energie du Limousin.
L'assureur de l'AFPA, la MAIF, est intervenu volontairement.
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La SMABTP conteste sa garantie au motif que la SARL Eau Energie du Limousin n'était pas son assurée au moment du sinistre le 7 mai 2009, un premier contrat ayant été résilié et le second n'ayant été souscrit qu'après.
L'AFPA et la MAIF invoquent l'article L 124-5 du code des assurances et la garantie subséquente couvrant les réclamations postérieures à l'expiration du contrat.
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Par jugement du 5 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Limoges a essentiellement :
- dit que la SARL Eau Energie du Limousin avait manqué à son obligation contractuelle de sécurité à l'égard de M.Belfodil,
- déclaré irrecevable la demande de la MAIF tendant à fixer une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Eau Energie du Limousin (à défaut de déclaration de créance),
- débouté la MAIF de sa demande de condamnation de la SMABTP (considérant que la garantie de celle-ci n'était pas due car le fait dommageable était postérieur à la résiliation du contrat).
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L'AFPA a interjeté appel.
La MAIF est intervenue volontairement ensuite, par voie de conclusions.
L'AFPA et la MAIF font valoir que la garantie subséquente résultant de l'article précité s'applique en l'occurrence car la réclamation est intervenue dans le délai minimal de cinq ans prévu par cette garantie, après la résiliation du premier contrat le 31 mars 2009.
Elles soutiennent également que selon une jurisprudence le fait dommageable est la condamnation de l'employeur pour faute inexcusable et rappellent que le jugement du tribunal correctionnel est du 10 septembre 2010, date à laquelle le second contrat d'assurance était en cours.
Elles relèvent également qu'il y a une reprise du passé en cas de souscription d'un nouveau contrat d'assurance, ce qui a été le cas en l'espèce.
En conséquence, l'AFPA et la MAIF demandent :
- de dire et juger que la SARL Eau Energie du Limousin a manqué à ses obligations contractuelles vis-à-vis de M. X... et notamment à son obligation de sécurité,
- de condamner la SMABTP à payer à la MAIF, subrogée dans les droits de l'AFPA, la somme de 155 840,73 euros,
- de dire et juger que la MAIF sera admise, en tant que de besoin, au passif de la SARL Eau Energie du Limousin pour la somme de 155 840,73 euros.
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La SMABTP conclut à la confirmation. Elle fait valoir notamment que la garantie due à la suite d'une réclamation suppose que le fait dommageable soit antérieur à la résiliation du contrat, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
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Me Fourtet, ès qualités, a été assigné par acte du 2 mai 2014 déposé à l'étude de l'Huissier mais n'a pas constitué avocat.
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Il est renvoyé aux conclusions des parties constituées déposées par l'AFPA et la MAIF le 29 avril 2014 et par la SMABTP le 27 mai 2014.
Motifs
Il pourrait être observé d'abord que l'intervention volontaire en cause d'appel de la MAIF est irrecevable, vu l'article 554 du code de procédure civile, car elle était déjà partie en première instance.
Cela étant, en admettant que l'AFPA et la MAIF aient qualité pour demander elles-mêmes de dire et juger que la SARL Eau Energie du Limousin (ou SARL EEL) a manqué à ses obligations contractuelles vis-à-vis de M. X... et notamment à son obligation de sécurité, la Cour adopte à ce sujet les motifs pertinents du jugement (page 4,premier paragraphe sous l'intitulé 1) sur la responsabilité de la SARL Eau Energie du Limousin. En substance, M. X... a été laissé avec d'autres stagiaires sur le toit composé de matériaux fragiles sans protection personnelle ou collective et la faute inexcusable de cette société comme de l'AFPA a été retenue par le Tribunal des affaires de sécurité sociale.
Sur la demande d'admission de la MAIF au passif de la SARL Eau Energie du Limousin, il n'appartient pas à la présente juridiction d'admettre un créancier au passif, cela relève du juge commissaire. En considérant qu'il s'agit d'une demande de fixation de créance, là aussi la Cour adopte les motifs pertinents du jugement (page 5, paragraphe 2) sur la fixation d'une créance au passif de la SARL Eau Energie du Limousin. En substance, il n'est pas allégué ni justifié en tout cas d'une déclaration de créance aux organes de la procédure judiciaire de telle sorte que cette demande ne peut prospérer.
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Sur la garantie ou non de la SMABTP, le mandataire liquidateur avait indiqué que l'assureur de la SARL EEL serait la SMABTP.
Cette société produit un contrat d'assurance professionnelle à effet au 1er août 2007, une lettre de résiliation au 31 mars 2009, un autre contrat d'assurance professionnelle à effet au 1er mars 2010 et une lettre de résiliation au 13 octobre 2010.
Il est également produit un listing des contrats avec date d'effet et de résiliation devant s'appliquer à ces contrats.
Il est exposé de manière non discutée qu'il y a eu deux contrats d'assurance du 1 er août 2007 au 31 mars 2009 puis du 1er mars 2010 au 13 octobre 2010. Il n'est pas justifié en tout cas d'autres contrats et dates utiles.
L'accident a eu lieu le 7 mai 2009. Il s'agit du fait dommageable et il est donc postérieur à la résiliation du premier contrat d'assurance et antérieur au second.
Il peut être rappelé certaines dispositions de l'article L 124-5 du code des assurances : La garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation ...
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l'année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret.
Il ressort de ce texte que la garantie même par réclamation ou garantie subséquente suppose que le fait dommageable soit intervenu avant la fin du cours du contrat d'assurance, pour cause d'expiration du contrat ou résiliation de celui-ci.
Il ne suffit pas qu'il y ait une réclamation dans les cinq ans de la fin du contrat d'assurance. Il y a une autre condition, l'antériorité du fait dommageable par rapport à l'expiration ou la résiliation de la garantie.
Cette condition n'est pas remplie en l'occurrence.
Par rapport au second contrat d'assurance, à effet au 1er mars 2010, la reprise du passé, compte tenu de la nature de contrat aléatoire du contrat d'assurance, ne peut en principe valoir que pour le passé inconnu.
Il peut certes y avoir dans certains cas des clauses de reprise du passé, mais justement, il est nécessaire qu'il y ait une stipulation à ce sujet. Il n'est pas allégué ni en tout cas précisé quelle disposition du contrat produit contiendrait une telle clause.
De toute façon, il convient de rappeler que selon l'article précité: l'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Or, lors de la souscription du second contrat, en date du 23 mars 2010, la SARL EEL avait nécessairement connaissance du fait dommageable litigieux survenu le 7 mai 2009. Le gérant de la SARL EEL a été entendu le jour même par les services de Police.
Quant à la reconnaissance de la faute inexcusable, d'abord il ne s'agit pas là du fait dommageable, et ensuite, de toute façon, elle est postérieure à la résiliation du second contrat (résiliation au 13 octobre 2010, jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale le 9 février 2012).
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les demandes contre la SMABTP ne sont pas fondées et seront rejetées.
Le jugement est donc confirmé.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SMABTP ses frais irrépétibles d'appel. Il lui sera alloué une indemnité supplémentaire en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
---==oO§Oo==--- PAR CES MOTIFS ---==oO§Oo==---
LA COUR
Statuant par décision rendue par défaut, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Rejette l'appel et les demandes de l'AFPA et de la MAIF contre la SMABTP et en admission ou fixation de créance à la liquidation judiciaire de la SARL Eau Energie Limousin,
Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Limoges du 5 décembre 2013,
Condamne in solidum l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et la société d'assurances MAIF à payer à la société d'assurance SMABTP une indemnité supplémentaire en cause d'appel de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et la société d'assurances MAIF aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.