COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 21 MAI 2015--- = = = oOo = = =---
ARRET N.
RG N : 14/ 00411
AFFAIRE :
Mme Chantal X... épouse Y..., M. Christian Y...
C/
SARL DUCLUZEAU LARDY prise en la personne de son liquidateur Me B..., domicilé ...-36000- CHATEAUROUX
DEMANDE EN PAIEMENT
Le VINGT ET UN MAI DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Chantal X... épouse Y... de nationalité Française née le 23 Juillet 1948 à PARIS (75000), Retraité, demeurant...
représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur Christian Y... de nationalité Française, né le 17 Mai 1944 à ALGER, Retraité, demeurant...
représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'un jugement rendu le 04 MARS 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GUERET
ET :
SARL DUCLUZEAU LARDY prise en la personne de son liquidateur Me B..., domicilé ...-36000- CHATEAUROUX dont le siège social est 15 RUE DE LA REPUBLIQUE-23600 BOUSSAC
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée à la personne du liquidateur ;
INTIMEE
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Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 07 Avril 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 12 Mai 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2015.
A l'audience de plaidoirie du 07 Avril 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur SABRON, Président de chambre, a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 21 Mai 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
M. Christian Y... et Madame Chantal X... épouse Y... ont obtenu par arrêté du 15 décembre 2009 un permis de construire pour la réalisation d'une maison de plein pied sur un terrain situé sur la commune de BOUSSAC, rue d'Auvergne.
Le descriptif annexé aux plans prévoyait l'aménagement d'un accès handicapé, ce qui excluait la mise en oeuvre d'un escalier.
La SARL DUCLUZEAU LARDY a adressé aux époux Y... un devis daté du 9 mars 2010 évaluant les travaux de maçonnerie à la somme de 37 813 ¿ puis un devis daté du 18 mai 2010 de 1ère phase des travaux de gros oeuvre (terrassement, fondations et dallage) d'un montant de 17 408, 57 ¿ TTC.
Elle a adressé le 13 août 2010 aux époux Y... une facture de situation d'avancement des travaux d'un montant de 16 298, 42 ¿ TTC.
Par courrier du 28 août 2010, ceux-ci ont refusé ces travaux au motif d'une mauvaise implantation de la dalle en hauteur, rendant impossible la réalisation d'un accès handicapé.
Un constat d'huissier a été établi à leur demande le 2 septembre 2010.
Par acte du 19 janvier 2010, la SARL DUCLUZEAU LARDY a fait assigner M. et Madame Y... devant le tribunal de grande instance de GUERET en paiement de sa facture et de dommages-intérêts.
Une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 12 juillet 2011 a confié une mesure d'expertise à M. Z... qui a déposé le 7 mars 2012 un rapport dans lequel il estimait l'ouvrage conforme aux plans du permis de construire et aux règles de l'art.
Le tribunal a par jugement du 4 mars 2014 :
- rejeté la demande de nouvelle expertise des époux Y... ;
- condamné ces derniers, solidairement, à payer à la SARL DUCLUZEAU LARDY la somme de 16 298, 42 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2011 ;
- débouté ladite société de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamné les époux Y... aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Madame Y... ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 4 avril 2014.
La SARL DUCLUZEAU LARDY ayant été mise en liquidation judiciaire, ils ont fait signifier la déclaration d'appel et leurs conclusions par acte d'huissier du 27 juin 2014 à son mandataire liquidateur, Maître BRO-PONROY, acte dans lequel celui-ci était invité à constituer avocat.
Dans les conclusions susvisées qui ont été déposées le 24 juin 2014, M. et Madame Y... demandent à la cour :
- de prendre connaissance des avis techniques et devis dont il résulte que les fondations ne sont pas hors-gel et que leur mauvaise implantation nécessite des travaux de remblaiement représentant un surcoût de près de 5 000 ¿ ;
- de constater que les devis de la société DUCLUZEAU LARDY n'ont pas été acceptés et que cette dernière s'est empressée d'exécuter la première phase des travaux avant même qu'ils aient reçu un accord de prêt, leur demande n'ayant été acceptée par la CAISSE D'EPARGNE que l 3 septembre 2010 ;
- de débouter la société DUCLUZEAU LARDY de sa demande en paiement ;
- de la condamner à leur verser la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son intervention forcée et des malfaçons qui nécessitent la démolition de l'ouvrage ;
- subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise ;
- de condamner la société intimée aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le liquidateur judiciaire de la SARL DUCLUZEAU LARDY n'a pas constitué avocat.
LES MOTIFS DE LA DECISION
Il existe un doute sérieux sur l'existence même de la base contractuelle de l'intervention de la société DUCLUZEAU LARDY dont les devis n'ont pas été acceptés par les maîtres de l'ouvrage et dont les travaux ont été réalisés avant même que ces derniers qui ont des ressources modestes aient obtenu une réponse à leur demande de financement.
En effet, la société DUCLUZEAU LARDY a adressé sa facture au titre de la réalisation de la première phase de ses travaux (terrassement et dallage) le 13 août 2010 alors que la CAISSE D'EPARGNE n'a notifié son accord de prêt le 3 septembre 2010.
En second lieu, nonobstant l'avis de l'expert judiciaire selon lequel les fondations et le dallage sont conformes au permis de construire et aux règles de l'art, les époux Y... rapportent la preuve de ce que ces travaux sont inutilisables.
Ils entraîneraient un dépassement de leur budget dans la mesure où la hauteur d'implantation de la dalle exige pour réaliser une construction de plein pied sans escalier, condition qui est essentielle compte tenu du handicap de Madame Y..., des prestations de remblaiement supplémentaires de près de 5 000 ¿.
Surtout, contrairement à l'avis de l'expert qui a ignoré ce point, il résulte des avis fournis par Madame Carole A..., architecte DPLG, et par la société ENVIREAUTERRE, cabinet d'études de sol, que l'épaisseur des semelles ne respecte pas la norme européenne en vigueur depuis 1997 en matière de protection contre le gel, norme qui, dans le département de la Creuse, est de 65 centimètres de profondeur.
L'épaisseur de la semelle des fondations réalisées par la société intimée qui varie entre 12 et 31 centimètres n'atteint pas, en moyenne, la moitié de cette norme.
Le cabinet ENVIREAUTERRE ajoute que le choix de fondations superficielles (semelles filantes) réalisé par société DUCLUZEAU LARDY n'est pas adapté à la nature du sol qui est constitué de roches déstructurées et altérées.
Enfin, les appelants justifient par la production des courriers des sociétés CASANOVA et PONTI AL GHAZAWI que les entreprises de maçonnerie qu'ils ont contactées pour reprendre les travaux refusent d'utiliser la dalle réalisée par la société DUCLUZEAU LARDY et posent comme condition de leur intervention la démolition de cet ouvrage, en surcoût de leur devis.
De même, l'architecte contacté par les époux Y... dont le permis de construire est aujourd'hui périmé, estime que cette démolition s'impose avant toute intervention en vue de la reprise du chantier.
Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société DUCLUZEAU LARDY qui est intervenue sans l'accord contractuel des maîtres de l'ouvrage et qui a réalisé une prestation inutilisable de l'intégralité de ses demandes.
La demande reconventionnelle des époux Y... est recevable, ceux-ci ayant déclaré leur créance par lettre du 27 juin 2014 dans la liquidation judiciaire de la société DUCLUZEAU LARDY.
Ils subissent un préjudice de jouissance important dans la mesure où, plus de quatre ans après l'obtention de l'accord de prêt immobiliser de la CAISSE D'EPARGNE, leur projet de construction est resté au stade de la préparation du terrain.
A cela s'ajoute un préjudice économique constitué par le surcoût que représentent les travaux de démolition de la dalle existante qui, selon les devis produits aux débats, est de l'ordre de 7 000 ¿ TTC.
Au regard de ces éléments d'appréciation, la somme de 10 000 ¿ réclamée par les appelants en réparation du préjudice constitué par l'inutilité des travaux réalisés sans leur accord est parfaitement justifiée.
Enfin, M. et Madame Y... sont en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 2 500 ¿.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision réputée contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau ;
Déboute la SARL DUCLUZEAU LARDY de l'intégralité de ses demandes.
Dit que cette société qui est intervenue sans l'accord exprès des maîtres de l''ouvrage et a réalisé des travaux qui doivent être démolis est responsable du préjudice subi par M. et Madame Y....
Fixe à 10 000 ¿ la créance de dommages-intérêts de M. Christian Y... et Madame Chantal X... épouse Y... dans la liquidation judiciaire de la SARL DUCLUZEAU LARDY.
Condamne ladite société, représentée par son liquidateur judiciaire, Maître B..., à verser à M. et Madame Y... une indemnité de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.