COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 29 JUIN 2015--- = = = oOo = = =---
ARRET N.
RG N : 14/ 00712
AFFAIRE :
M. Guy X..., Mme Nelly Y...
C/
M. Antoine Z..., Mme Paulette Louise Agnès B... épouse Z...
SERVITUDE
Le VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Guy X... de nationalité Française, né le 16 Janvier 1961 à Le Creusot (71), Electro-Mécanicien, demeurant...-87150 ORADOUR SUR VAYRES
représenté par Me Eric BRECY-TEYSSANDIER, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Nelly Y... de nationalité Française, née le 13 Décembre 1964 à Saint Junien (87), Electro-Mécanicienne, demeurant...-87150 ORADOUR SUR VAYRES
représentée par Me Eric BRECY-TEYSSANDIER, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'un jugement rendu le 20 MARS 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
Monsieur Antoine Z... de nationalité Française, né le 07 Août 1936 à CHAMBON FEUGEROLLES, Retraité, demeurant...-18570 LA CHAPELLE SAINT URSIN
représenté par Me Solange DANCIE de la SCP DEBLOIS PHILIPPE. DANCIE SOLANGE, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Paulette Louise Agnès B... épouse Z... de nationalité Française, née le 22 Janvier 1942 à SAINT DOULCHARD, Retraitée, demeurant...-18570 LA CHAPELLE SAINT URSIN
représentée par Me Solange DANCIE de la SCP DEBLOIS PHILIPPE. DANCIE SOLANGE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMES
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Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 28 Mai 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 25 Juin 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2015.
A l'audience de plaidoirie du 28 Mai 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Mme Sophie BRIEU, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur SABRON, Président de chambre, a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 29 Juin 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Selon un acte du 3 février 1983 M. Antoine Z... et Madame Paulette B... épouse Z... ont acquis de la société ETS MOREAU une propriété comportant une maison et un ancien moulin transformé en habitation sise sur la commune d'ORADOUR SUR VAYRES, lieudit..., qui figure au cadastre de ladite commune sous les no 530 de la section D et 154, 155, 156, 157 de la section E.
L'ancien moulin est situé sur la parcelle E 155 qui est séparée de la parcelle D 530 par une dérivation de la rivière TARDOIRE ; à l'Est de la parcelle E 155 se trouve une propriété qui a été acquise de M. E... selon un acte du 3 juillet 1998 par M. Guy X... et Madame Nelly Y..., laquelle figure au cadastre de la commune d'ORADOUR SUR VAYRES, notamment, sous les no 147, 148 et 149 de la section, E.
Ces parcelles sont situées sur la même berge que l'ancien moulin (parcelle E 155) et sont séparées de la parcelle D 530 des époux Z... par le canal qui alimentait autrefois ce moulin lorsqu'il était en fonctionnement.
Les époux Z... qui considèrent que ce canal est le bief du moulin, bief désigné dans leur acte comme faisant partie de leur propriété, ont par acte du 21 mars 2012 fait assigner M. X... et Madame Y... devant le tribunal d'instance de LIMOGES aux fins de bornage.
Les consorts X...- Y... ayant contesté à leurs voisins la propriété du cours d'eau séparatif qui n'est selon eux qu'un bras de la rivière TARDOIRE et ayant prétendu que la ligne séparative des fonds se situait dans l'axe médian du lit de ce dernier, le tribunal d'instance a par jugement du 16 Janvier 2013 sursis à statuer sur le bornage et renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de LIMOGES afin qu'il se prononce sur la question de la propriété du cours d'eau.
Le tribunal de grande instance de LIMOGES a rendu le 20 mars 2014 un jugement dont le dispositif est ainsi rédigé :
- dit que la parcelle cadastrée section D no 530 appartenant à M. Antoine Z... et Madame Paulette B..., son épouse, et les parcelles appartenant à M. Guy X... et Madame Nelly Y..., cadastrées Section E no 147, 148 et 149 lieu dit «... » sur la commune d'ORADOUR SUR VAYRES, sont séparées par un bief appartenant aux époux Z... ;
- déboute M. Guy X... et Madame Nelly Y... de toutes leurs demandes ;
- condamne M. Guy X... et Madame Nelly Y... in solidum entre eux aux entiers dépens ainsi qu'à payer aux demandeurs la somme de 1 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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M. Guy X... et Madame Nelly Y... ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 11 juin 2014.
Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 12 mai 2015, ils demandent à la cour :
- de dire que le bief du moulin qui ne peut se situer qu'en aval de la chute d'eau, dans la proportion comprise entre cette dernière et les roues, est distinct du canal d'amenée et de fuite qui est en réalité un bras de la rivière TARDOIRE dont le lit se divise au lieudit... en deux branches se rejoignant en aval de la propriété Z... ;
- de constater qu'un acte du 31 décembre 1927 par lequel la société MOREAU a vendu le jardin qui figurait à l'ancien cadastre sous le no 52 et correspond aujourd'hui aux parcelles 148 et 149 qui sont leur propriété est en contradiction avec la thèse des époux Z... puisqu'il mentionne que ce jardin « joignait la rivière Tardoire » et non le bief du moulin qui est intégré dans la parcelle E 155 ;
- de dire que les époux Z... qui n'ont pas titre ne peuvent pas davantage invoquer le droit d'accession qui résulte des dispositions de l'article 546 du code civil dés lors que le moulin ne fonctionne plus depuis plusieurs dizaines d'années et a été transformé en maison à usage d'habitation ;
- de débouter les époux Z... de l'intégralité de leurs demandes ;
- de les condamner à leur verser des dommages-intérêts de 3 000 ¿ pour procédure abusive, ainsi qu'une indemnité de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 24 avril 2015, M. Antoine Z... et Madame Paulette B... épouse Z... demandent à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, la propriété du bief qui est un canal à pente faible acheminant l'eau en un lieu précis, tel que la roue à aube d'un moulin, résultant sans équivoque de leur titre ;
- de condamner les appelants à leur verser une indemnité complémentaire de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DECISION
L'acte du 3 février 1983 par lequel les époux Z... ont acquis leur fonds de la société Ets MOREAU décrit ce fonds de la façon suivante : « une maison composée de trois pièces et un moulin transformé en maison d'habitation de quatre pièces avec bief et terrain à la suite, le tout figurant au cadastre sous les indications suivantes : ¿ ».
Cet acte qui a été publié est opposable aux tiers.
Le titre de M. X... et Madame Nelly Y... qui ont acquis leur propriété de M. E... ne comporte aucune mention de ce bief alors que les parcelles 147, 148 et 149 bordent le canal en litige.
Les appelants soutiennent que le bief est en réalité limité à l'espace qui se situerait entre la « chute » et les roues du moulin (aujourd'hui disparues), de telle sorte qu'il se trouverait intégré dans la parcelle E 155 sur laquelle est implanté le moulin et que le cours d'eau revendiqué par les époux Z... serait en réalité un bras de la rivière Tardoire, comme le démonterait un acte du 31 décembre 1927 par lequel leur auteur, M. E..., a acquis un jardin qui correspondrait aux actuelles parcelles E 148 et E149, lequel est décrit comme joignant la rivière Tardoire.
Toutefois le mot bief n'a pas la signification trop étroite que lui donnent les appelants ; ce mot désigne, lorsqu'un bief est affecté à l'alimentation d'une machine hydraulique ou d'un moulin, le canal de dérivation qui conduit les eaux d'un cours d'eau vers la machine ou le moulin.
En l'espèce, il apparaît à l'examen du plan cadastral que le cours d'eau en litige est bien une dérivation de la Tardoire qui a été créée pour alimenter le moulin vers lequel il se dirige directement (canal d'amenée) puis pour permettre à l'eau de revenir dans le lit de la rivière (canal de fuite).
Ce canal de dérivation qui a été créé par la main de l'homme et qui est bordé de poteaux qui servent à conforter les berges traverse la propriété des époux Z... et, seulement sur une partie de son cours, longe les parcelles E 147, E 148 et E 149 appartenant aux consorts X... Y... qu'il sépare de la parcelle D 530 de leurs voisins qui, elle englobe la totalité de la dérivation et est bordée, sur sa partie sud, par le véritable cours de la TARDOIRE.
Cette dérivation a été créée, jadis, pour desservir le mécanisme hydraulique du moulin dont elle était un accessoire.
Ce terme de « dérivation » est utilisé par les autorisations administratives données aux époux Z... pour le curage du bief.
Dans une lettre du 28 novembre 2007, la DDA de la Haute Vienne, Service de l'eau, de l'environnement et de la forêt, précise bien que ces ouvrages « ne sont pas situés sur le cours d'eau » ; elle autorise M. Z... à procéder au curage du « tronçon dérivé au lieudit ... » en indiquant qu'il s'agit du curage des canaux d'amenée et de fuite ; l'autorisation est donnée sous réserve de « ne modifier ni l'ouvrage de dérivation des eaux, ni le point de restitution ».
Ainsi, pour l'autorité publique, le cours de la TARDOIRE ne se confond pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, avec le canal dérivé qui se situe entre « l'ouvrage de dérivation », situé à l'Ouest de la parcelle D 530 des époux Z..., et le « point de restitution » qui se situe à l'Est de cette parcelle.
Par ailleurs l'administration reconnaît que la dérivation qui avait pour vocation d'alimenter le mécanisme du moulin inclut « les canaux d'amenée d'eau et de fuite ».
Certes ces autorisations ont été délivrées sous réserve du droit des tiers.
Il reste que, comme le fait l'observation de la configuration des lieux, elles confortent le sens qu'il convient de donner au mot bief qui est utilisé dans l'acte du 3 février 1983 par lequel les époux Z... ont acquis leur fond.
Cet acte est un titre de propriété qui, lui, est opposable aux consorts X...- Y... et il résulte des observations ci-dessus que le bief mentionné dans ce titre est bien l'intégralité de la dérivation qui traverse la parcelle D 530 des époux Z... en longeant une partie de la propriété des intimés, dérivation qui inclut les canaux d'amenée d'eau et de sortie.
Il est indifférent qu'un acte du 3 décembre 1923 par lequel l'auteur des appelants, M. E..., a acquis de la société MOREAU un jardin anciennement cadastré P 52 qui correspondrait aux actuelles parcelles E 148 et E 149 décrive ce jardin comme joignant la « rivière Tardoire ».
Cette désignation qui est erronée dans la mesure où le canal qui longe les parcelles E 148 et E 149 est en réalité une dérivation de la rivière créée artificiellement pour le service de l'ancien moulin n'a pas pu faire acquérir de droit au propriétaire desdites parcelles sur le cours d'eau improprement qualifié de rivière.
Enfin, peu importe également que le moulin ne soit plus en fonctionnement depuis de nombreuses années dés lors que la propriété des époux Z... sur le bief ne résulte pas de l'accession mais d'un titre qui est opposable aux tiers.
IL y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
M. et Madame Z... sont en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais occasionnés par la procédure d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité complémentaire que la cour fixe à 2500 ¿.
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LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant, condamne M. Guy X... et Madame Nelly Y... à payer à M. Antoine Z... et Madame Paulette B... épouse Z... une indemnité de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP DEBLOIS-DANCIE conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.