COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 29 JUIN 2015--- = = = oOo = = =---
ARRET N.
RG N : 14/ 00718
AFFAIRE :
Mme Carine X... épouse Y...
C/
M. Antoine Z..., SCP Z...- E...- F...
DEMANDE EN REPARATION DOMMAGES CAUSES PAR AUXILIAIRE DE JUSTICE
Le VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Carine X... épouse Y... de nationalité Française, née le 03 Septembre 1975 à PARIS 16 (75), pancartiste, demeurant...-79370 CELLES SUR BELLE
représentée par Me Bertrand VILLETTE, avocat au barreau de LIMOGES, Me François-Xavier MORISSET, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
APPELANTE d'un jugement rendu le 28 MARS 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
Monsieur Antoine Z... de nationalité Française, Notaire, demeurant...-19510 MASSERET
représenté par Me Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
SCP Z...- E...- F... Notaire, demeurant...-19510 MASSERET
représentée par Me Marie christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMES
--- = = oO § Oo = =---
Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 28 Mai 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 25 Juin 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2015.
A l'audience de plaidoirie du 28 Mai 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Mme Sophie BRIEU, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur SABRON, Président de chambre, a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 29 Juin 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Madame Carine X... et M. Christophe B... ont vécu en concubinage jusqu'en juillet 2005, date de leur séparation ; ils ont eu deux enfants, G..., né le 10 septembre 1998, et H..., né le 5 décembre 2004.
M. B... avait reçu en donation de son père un terrain d'une superficie de 21 ares 11 centiares situé sur la commune de JUMILHAC LE GRAND, dans le département de la Dordogne.
Il a cédé à sa compagne selon un acte reçu le 10 octobre 2003 par Maître Antoine Z..., notaire associé à LUBERSAC, la moitié indivise de ce terrain sur lequel le couple a fait construire une maison à usage d'habitation qui était en conséquence un bien indivis entre M. B... et Madame X....
Après leur séparation ces derniers ont signé devant le même notaire un acte de partage afférent au seul bien immobilier de JUMILHAC LE GRAND dont les termes étaient les suivants :
- évaluation de l'immeuble à la somme de 128 189 ¿ ;
- fixation du passif à la somme de 68 189 ¿ représentant le solde des prêts à la date du 25 juin 2007 ;
- balance entre l'actif et le passif : 60 000 ¿ ;
- attribution de l'immeuble à M. B... à charge pour lui de payer le passif ;
- versement à Madame X... d'une soulte de 30 000 ¿ pour la remplir de ses droits.
Par acte du 14 septembre 2011, c'est à dire quatre ans après la signature de cet acte de partage, Madame Carine X..., remariée Y..., a fait assigner Maître Antoine Z... et la SC Z...- E...- F... devant le tribunal de grande instance de BRIVE pour obtenir en réparation du préjudice causé par les manquements qu'elle imputait au notaire dans l'établissement de l'acte de partage susvisé le versement d'une somme de 110 950, 50 ¿, recalculée sur la base de la valeur réelle donnée au bien.
Une ordonnance du juge de la mise en état du 20 décembre 2012 a rejeté la demande d'expertise immobilière formée par Madame X... épouse Y....
Par jugement du 28 mars 2014, le tribunal a débouté celle-ci de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à verser à Maître Antoine Z... et à la SCP une indemnité de 3 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame Carine X... épouse Y... a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 12 juin 2014.
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 10 avril 2015, elle demande à la cour au visa de l'article 1382 du code civil :
- de dire que le notaire a commis dans l'établissement de l'acte de partage des fautes relatives à l'indétermination de la date de l'acte, à l'absence de description du bien et, surtout, à la sous évaluation manifeste de ce bien sur laquelle elle reproche à Maître Z... de ne pas avoir attiré son attention en méconnaissance de l'obligation de conseil ;
- de dire que le notaire a également manqué à cette obligation en s'abstenant de l'informer de ce que la loi du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, avait réduit à deux ans le délai de l'action en complément de part régie par le nouvel article 889 du code civil ;
- de condamner in solidum Maître Z... et sa société d'exercice à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 110 950, 50 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2007 et capitalisation de ces intérêts comme dit à l'article 1154 du code civil ;
- de les condamner in solidum à lui verser une indemnité de 10 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
**
Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 24 avril 2015, Maître Antoine Z... et la SCP Z...- E...- F... demandent de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le notaire n'a pas commis de faute ayant entraîné pour l'appelante un préjudice.
Ils sollicitent une indemnité complémentaire de 3 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DECISION
L'acte a bien été passé en 2007 comme cela résulte notamment de la date de sa publication (27 juillet 2007) et de la date à laquelle l'étude a remis à Madame X... le montant de la soulte (le 25 juin 2007, c'est à dire le jour de la signature de l'acte).
L'irrégularité de la rectification manuscrite du chiffre figurant sur la première page de l'acte n'a pas causé de grief à l'appelante qui ne peut pas prétendre que l'erreur matérielle aurait eu une incidence sur la prescription de l'action en complément de part qu'elle n'a pas exercée contre M. B....
Ce délai avait été fixé à deux ans à compter du partage par la loi du 23 juin 2006 qui était entrée en vigueur le 1er janvier 2007, avant la signature de l'acte (25 juin 2007).
Il n'entre pas dans la mission du notaire d'informer les parties des délais de prescription qui s'appliquent aux actions que sont susceptibles d'occasionner les contestations portant sur leurs actes.
On ne peut pas non plus retenir ce point comme susceptible d'engager la responsabilité de Maître Z....
Enfin, la désignation de l'immeuble qui comporte les références cadastrales, la nature (maison et terrain) et la superficie des parcelles est suffisante dés lors qu'elle permet d'identifier le bien ; ce n'est pas l'imprécision de la description de ce bien que Madame X... connaissait parfaitement pour y avoir résidé avec sa famille qui était de nature à empêcher ou retarder l'action qu'elle a négligée d'exercer contre son ancien concubin.
En revanche, il est surprenant que le notaire n'ait pas exigé des parties qu'elles justifient, au moins par des avis de valeur donnés par des agents immobiliers, de l'évaluation du bien qui, dans l'acte de partage, était attribué en nature à M. B....
Rien dans les mentions de l'acte, ni dans les circonstances de l'affaire, ne fait apparaître de la part des parties une volonté de déroger au principe d'égalité qui dirige les opérations de partage d'un bien indivis.
Notamment, l'explication selon laquelle M. B... qui exerçait la profession d'entrepreneur aurait eu une créance à l'égard de Madame C... au titre de travaux qu'il aurait effectué gratuitement dans la maison ne repose sur aucun élément objectif.
De telles prestations pouvaient être quantifiées et l'acte de partage n'en fait pas mention.
Il n'est pas cohérent que la valeur donnée à l'immeuble soit moins élevée que le montant des travaux de construction qui a été fixé à la somme totale de 135 577, 50 ¿ aux fins de déclaration de TVA.
Cette valeur n'est pas cohérente, non plus, au regard de la surface de terrain, de la surface habitable et de la présence d'une piscine qui paraît être d'une dimension importante.
La circonstance que Madame X... ait laissée se prescrire l'action en complément de part ne lui interdit pas d'agir contre le notaire qui a rédigé l'acte de partage à la condition que soit démontrée l'existence d'une faute et de celle d'un préjudice causé par cette faute.
Or l'absence de toute vérification de la valeur donnée par les parties au bien à partager est susceptible d'avoir causé à Madame X... un préjudice, au moins au titre de la perte d'une chance.
Il demeure que les éléments fournis par l'appelante sont insuffisants pour déterminer la valeur réelle de l'immeuble à la date du partage et, de la sorte, fixer la base de l'évaluation du préjudice qu'elle invoque.
Il y a lieu, avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Ordonne une mesure d'expertise et désigne pour y procéder M. Jean Pierre D..., demeurant 8 bis Avenue du 14 juillet à BRIVE LA GAILLARDE, lequel aura pour mission :
- d'entendre les parties en leurs explications et prétentions respectives ;
- d'examiner et, si possible, de visiter l'immeuble situé sur la commune de JUMILHAC LE GRAND (Dordogne) lieudit « ... », objet de l'acte de partage du 25 juin 2006, étant précisé que cet immeuble qui a été attribué à M. Christophe B... est la propriété d'un tiers ;
- de se faire remettre tous documents utiles se rapportant audit immeuble ;
- de le décrire ;
- de rechercher quelle en était la valeur à la date du partage (juin 2007) ;
- de dire si la valeur de 128 189 ¿ qui lui a été donnée dans le dit acte apparaît ou non manifestement sous estimée.
Dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par Madame X... qui devra consigner entre les mains de Madame le Régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'Appel la somme de 1. 200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert dans le délai d'un mois à compter de cette décision ;
Dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la Cour dans les deux mois à compter de l'avis de consignation de la provision ;
Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation et devra commencer ses opérations dès que le greffe l'aura averti de la consignation de la provision ;
Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête ;
Rappelle qu'en application de l'article 271 du Code de procédure civile, à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert est caduque, à moins que le juge, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de la caducité ; l'instance est poursuivie sauf à ce qu'il soit tiré toute conséquence de l'abstention ou du refus de consigner,
Réserve les dépens
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.