ARRET N .
RG N : 16/01106
AFFAIRE :
M. Alain Georges Max X...
C/
M. Gérard Y...
GS/MCM
Demande en nullité d'un contrat ou des clauses relatives à un autre contrat
Grosse délivrée à
Me RAYNAL, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARRET DU 16 NOVEMBRE 2017
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Le SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Alain Georges Max X...
né le 21 Septembre 1963 à SAINT-JUNIEN (87200), demeurant La Bretagne - ...
représenté par Me Emmanuel RAYNAL, avocat au barreau de LIMOGES, Me Guillaume FALLOURD, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANT d'un jugement rendu le 16 AOUT 2016 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE LIMOGES
ET :
Monsieur Gérard Y...
né le 25 Juin 1950 à SFAX, demeurant ...
représenté par Me Cristina VANNIER, avocat au barreau de LIMOGES, Me Juan Carlos HEDER, avocat au barreau de GERS
INTIME
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Suivant calendrier de procédure du Président de chambre chargé de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 28 Septembre 2017 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 16 Novembre 2017.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 septembre 2017.
A l'audience de plaidoirie du 28 Septembre 2017, la Cour étant composée de Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 09 Novembre 2017 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date, le délibéré a été prorogé au 16 novembre 2017 par mise à disposition au greffe, les parties en étant régulièrement avisées.
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LA COUR
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FAITS et PROCÉDURE
Le 28 février 2013, M. Gérard Y..., propriétaire de la jument de trot Berverly du Vallon, a confié cet animal à M. Alain X..., entraîneur, dans le cadre d'un "contrat de location de carrière de courses" jusqu'au 31 décembre 2021.
Reprochant à M. X... d'avoir manqué à ses obligations contractuelles, M. Y... l'a assigné devant le tribunal d'instance de Limoges pour voir :
- prononcer la résolution du contrat aux torts de M. X...,
- ordonner, sous astreinte, la restitution de l'animal,
- obtenir paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et d'une perte de chance de percevoir des gains.
Par jugement du 16 août 2016, le tribunal d'instance a accueilli les demandes de M. Y..., à l'exception de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance.
M. X... a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 15 novembre 2016, rendue sur al demande de M. X..., la première présidente de la cour d'appel a ordonné l'exécution provisoire du jugement du 16 août 2016.
MOYENS et PRÉTENTIONS
M. X... conclut au rejet des demandes de M. Y... qui est, selon lui, à l'origine de la rupture des relations contractuelles. Il demande la condamnation de M. Y... à lui payer des dommages-intérêts en réparation de sa propre perte de chance de percevoir des gains.
M. Y... conclut à l'irrecevabilité des pièces communiquées par M. X... le 19 juin 2017 à raison de leur tardiveté et, pour le surplus, à la confirmation du jugement, sauf à lui allouer des dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire.
MOTIFS
Sur l"incident de procédure.
Attendu que M. X... a communiqué, le 19 juin 2017, huit pièces no 16 à 22 et no 29 qui sont, pour l'essentiel, des attestations et un certificat vétérinaire au soutien de son argumentation consistant à soutenir qu'il engageait la jument sur les courses qui lui apparaissaient les plus adaptées; que M. Y... conclut à l'irrecevabilité de ces pièces à raison de leur communication tardive.
Mais attendu que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2017; que M. Y... a bénéficié d'un délai suffisant pour conclure sur ces nouvelles pièces; que sa demande tendant à les voir déclarées irrecevables sera rejetée.
Sur le fond.
Attendu que les parties sont liées par un "contrat de location de carrière de courses" au terme duquel M. X... s'est engagé à prendre en charge l'entretien, l'entraînement et la participation à des courses de la jument de M. Y... en échange d'un pourcentage sur les gains obtenus en course par cet animal.
Attendu que M. Y... reproche à M. X... d'avoir manqué à son obligation d'entretien et de soins en faisant courir l'animal alors qu'il était fiévreux et en négligeant une blessure dont celui-ci était atteint à un membre postérieur droit (tarse);
Mais attendu que les reproches de M. Y... ne sont étayés par aucun élément de preuve alors que M. X... verse aux débats des attestations par lesquelles la clinique vétérinaire de Magnac Laval et M. Hubert Z..., vétérinaire, confirment la qualité de l'entretien et des soins qu'il prodigue aux animaux qui lui sont confiés; que le manquement de M. X... à son obligation d'entretien et de soins n'est pas établi.
Attendu que M. Y... reproche encore à M. X... d'avoir manqué à ses obligations d'information, de conseil et d'entraînement et d'avoir privilégié ses propres chevaux au détriment de sa jument qu'il n'a pas fait suffisamment courir et qu'il n'a pas assez sollicité en courses;
Mais attendu qu'il incombait à M. X..., gestionnaire de la carrière de courses de la jument qui lui avait été confiée par M. Y..., d'apprécier la fréquence et les choix des courses dans lesquelles il entendait engager la jument en fonction de l'état de forme de celle-ci, des périodes de repos devant nécessairement espacer les courses, du niveau des autres compétiteurs, ceci dans le cadre d'une stratégie devant permettre de promouvoir la carrière sportive de l'animal et ses perspectives de gains en courses; que si la jument de M. Y... a effectivement été, à de nombreuses reprises, déclarée forfait ou non partante (45 fois forfait et 12 fois non partante sur 78 engagements), cela ne permet pas de caractériser un manquement de M. X... aux obligations inhérentes à sa qualité d'entraîneur, qui s'analysent en des obligations de moyen; qu'en effet, en cette qualité, il incombait à M. X... d'apprécier l'opportunité de faire courir la jument compte tenu de divers paramètres, se révélant parfois en dernière minute (forme de l'animal, niveau des autres compétiteurs, état de la piste) afin de la réserver pour les courses les plus adaptées à son profil sportif; que cette stratégie sportive participe de l'intérêt tant de l'entraîneur, dont la réputation professionnelle est en cause, que du propriétaire, les gains obtenus par l'animal lors des courses, d'autant plus importants que ses performances sont bonnes, étant partagés entre eux; que M. Y... ne démontre pas que les déclarations "forfait" ou "non partant" décidées par M. X... tenaient à des critères étrangers aux impératifs sportifs ou à une volonté de privilégier les propres chevaux de celui-ci au détriment de sa jument; que le reproche fait à M. X... d'avoir insuffisamment sollicité la jument, dont il était alors le driver, dans une ligne droite lors d'une course à Bordeaux le 21 février 2016 apparaît trop subjectif pour caractériser une faute de celui-ci dans l'exercice de sa mission; qu'il s'ensuit qu'aucun manquement à ses obligations d'entraîneur ne peut être retenu à la charge de M. X....
Attendu que M. X..., gestionnaire de la carrière de courses de la jument, devait tenir informé son propriétaire, M. Y..., de ses éventuels problèmes de santé ainsi que de ses aptitudes et résultats sportifs.
Attendu que M. Y..., qui reproche à M. X... de ne pas lui avoir communiqué le classeur des ordonnances vétérinaires de sa jument, ne fait état d'aucune pathologie consécutive à une négligence de M. X... dans l'entretien de cet animal, aucun manquement de celui-ci à cette obligation n'étant au demeurant établi; qu'il ne peut être reproché à M. X... de n'avoir pas tenu informé M. Y... de pathologies dont l'existence n'est pas démontrée;
Et attendu que si M. X... est effectivement débiteur envers M. Y... d'une information relative à la carrière sportive de la jument de celui-ci, l'étendue de cette information doit être relativisée pour tenir compte:
- du caractère "éclairé" de M. Y..., propriétaire d'une jument de trot, ce qui de déduire son intérêt et, partant, sa bonne connaissance de l'univers des courses, en sorte que c'est à tort qu'il se prévaut de la qualité de "consommateur" dans ses relations avec M. X...;
- des contraintes qui sont celles de l'entraîneur qui doit, parfois dans un temps très bref précédant la course, décider du maintien en course ou du forfait d'un animal;
que, dès lors, M. Y..., qui pouvait avoir accès aux engagements de sa jument sur le site de SECF, ne peut faire reproche à M. X... de ne pas l'avoir tenu informé en temps réel des forfaits de sa jument; que M. Y... ne prétend pas avoir été maintenu dans l'ignorance des performances sportives de sa jument; que sa demande fondée sur un manquement de M. X... à son obligation d'information ne peut être accueillie.
Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de toute faute caractérisée de M. X... dans l'exécution de ses obligations contractuelles, les demandes de M. Y... tendant à voir le "contrat de location de carrière de courses" résilié aux torts de celui-ci et à obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral de ce chef ne peuvent être accueillies; qu'il s'ensuit que le jugement sera infirmé et, par voie de conséquence, que M. Y... ne peut prétendre à des dommages-intérêts pour appel abusif.
Attendu que M. X... démontre que M. Y... destine désormais sa jument à la reproduction puisqu'il produit un courrier électronique du 26 octobre 2016 indiquant qu'elle va être saillie; que cette nouvelle destination, incompatible avec celle des courses de trot, rend impossible toute restitution de l'animal à M. X...; qu'il convient donc de prononcer la résiliation du "contrat de location de carrière de courses" et de dire que cette résiliation est imputable à M. Y....
Attendu que M. X... demande à être indemnisé par M. Y... de sa perte de chance de percevoir des gains à l'occasion des courses dans lesquelles il aurait pu engager la jument si le contrat n'était pas résilié.
Mais attendu, compte tenu tant des dernières performances de la jument qui n'étaient pas exceptionnelles que du caractère particulièrement aléatoire des courses, que M. X... ne justifie pas de la privation d'une chance suffisamment certaine pour ouvrir droit à indemnisation; que sa demande de ce chef sera rejetée.
Attendu que M. X... réclame le remboursement des sommes qu'il a été amené à payer à M. Y... en exécution de la décision de première instance.
Mais attendu que l'arrêt de la cour d'appel constitue un titre en lui-même permettant à M. X... d'obtenir ce remboursement.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
REJETTE la demande de M. Gérard Y... tendant à voir déclarer irrecevables les pièces communiquées par M. Alain X... le 19 juin 2017;
INFIRME le jugement rendu par le tribunal d'instance de Limoges le 16 août 2016;
Statuant à nouveau;
PRONONCE la résiliation du "contrat de location de carrière de courses" conclu le 28 février 2013 entre M. Alain X... et M. Gérard Y... et DIT que cette résiliation est imputable à M. Gérard Y...;
REJETTE les demandes de M. Gérard Y...;
REJETTE la demande de M. Alain X... en paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir des gains;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. Alain X... en remboursement des sommes qu'il a été amené à payer à M. Gérard Y... en exécution du jugement infirmé;
CONDAMNE M. Gérard Y... à payer à M. Alain X... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE M. Gérard Y... aux dépens et DIT qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Johanne PERRIER.