1 RG : 1999/8075 La première chambre de la cour d'appel de Lyon, composée, lors des débats et du délibéré, de : Monsieur JACQUET, président, Monsieur ROUX, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller, en présence, lors des débats en audience publique, de Madame KROLAK, greffier, a rendu l'arrêt contradictoire suivant, EXPOSE DU LITIGE:
Le 6 février 1993, Monsieur Y X... a subi un prélèvement sanguin au Laboratoire du P à Lyon pour la recherche d'une éventuelle séropositivité. Après contrôle effectué par l'Institut P de Lyon à la demande du Laboratoire du P, le résultat s'est avéré positif. En 1996, une nouvelle analyse sanguine, effectuée à la demande du docteur Y... sur la personne de Monsieur Y X..., s'est révélée négative. Le 10 février 1997, Monsieur Y X..., Monsieur R Z..., qui vivait avec lui, et Madame O X... remariée A..., sa mère, ont fait assigner le Laboratoire du P devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d'obtenir réparation du préjudice moral subi du fait de l'erreur commise. Les demandeurs ont appelé en cause M° X..., en qualité de mandataire liquidateur de l'Institut P de Lyon et l'assureur de ce dernier, la compagnie d'assurances G I A. Par jugement du 6 décembre 1999, le tribunal de grande instance a déclaré le Laboratoire du P seul responsable des préjudices moraux subis par les demandeurs et l'a condamné, avec exécution provisoire, à payer les sommes de 70.000 francs à Monsieur Y X..., de 20.000 francs à Monsieur R Z... et de 20.000 francs à Madame O A... [* Le Laboratoire du p a relevé appel de cette décision. *] Il demande, à titre principal, de débouter les demandeurs de leurs prétentions et leur condamnation à lui payer 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et, à titre subsidiaire, de condamner M° D, ès-qualités, et le Gan à le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. Il fait valoir que pour les tests de dépistage du virus VIH, à la différence des analyses courantes, les laboratoires
d'analyse médicale sont seulement soumis à une obligation non pas de résultat mais de prudence et de diligence. Il ajoute que, lors de l'analyse, il avait simplement conclu que les résultats étaient à contrôler, sans en avoir tiré aucune conséquence, et que c'est après contrôle effectué par l'Institut P de Lyon que celui-ci a conclu au caractère positif du sérum. Il affirme qu'aucune faute n'a pu être techniquement commise dans ses locaux, qu'il a parfaitement rempli ses obligations et que sa responsabilité ne saurait être recherchée. * Les consorts X... et Z... sollicitent la condamnation au principal du Laboratoire du P et, à titre subsidiaire, celle du Laboratoire du P in solidum avec le G I A à verser à Monsieur Y X... la somme de 150.000 francs, à Monsieur R Z..., celle de 50.000 francs, et à Madame O X... épouse A..., celle de 50.000 francs, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre les entiers dépens, ainsi que la somme de 10.000 francs à chacun d'entre eux en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, avec capitalisation des intérêts sur ces sommes, en application de l'article 1154 du code civil. Ils demandent également de fixer leur créance à ces mêmes montants à l'encontre de l'Institut P de Lyon en liquidation judiciaire. Ils font valoir que le Laboratoire du P était tenu à une obligation de résultat dans le dépistage du virus du Sida et que, en fournissant à Monsieur Y X..., un résultat erroné, l'appelant a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Ils ajoutent que le Laboratoire du P est mal fondé à soutenir qu'aucune erreur ne peut provenir de son fait alors que, si les tests pratiqués par ledit laboratoire s'étaient d'emblée révélés négatifs, il n'aurait pas été nécessaire de faire appel à l'Institut P. Ils précisent que la responsabilité contractuelle de ce dernier n'est pas recherché, puisqu'aucun contrat ne liait l'Institut P à Monsieur Y X..., et que R Z... et O X... épouse A... demandent leur indemnisation sur le fondement de la responsabilité
délictuelle. [* M° D, en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de l'Institut P de Lyon, demande la confirmation du jugement entrepris qui l'a mis hors de cause et la condamnation de l'appelant et de toutes les parties succombantes à lui verser 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il explique que l'intervention de l'Institut P de Lyon résulte de la demande formée par le Laboratoire du P aux fins de contrôler les résultats que ce dernier avait obtenus ; que sa prestation a donc été effectuée pour le compte de ce dernier, lequel était seul tenu, du fait du contrat la liant à Monsieur Y X..., par une obligation de résultat. Il ajoute que les résultats s'expliquent par une contamination du prélèvement sanguin au Laboratoire du P et que, en conséquence, l'erreur ne lui est pas imputable. *] Le G I A conclut au rejet des demandes formées à son encontre et, à titre subsidiaire, à la réduction des sommes sollicitées. Il fait valoir que la responsabilité de l'Institut P ne peut être retenue puisque le sérum qui lui a été transmis était contaminé du fait du Laboratoire du P. MOTIFS DE LA DECISION : Attendu que le 6 février 1993, Monsieur Y X... a demandé au Laboratoire du P à Lyon la recherche, sur sa personne, d'une éventuelle séropositivité ; qu'un prélèvement sanguin a été effectué sur ce dernier dans le laboratoire et placé dans deux tubes ; que le sérum provenant d'un des deux tubes de prélèvement a fait l'objet de deux tests ; que ces derniers ne permettant pas d'aboutir à une conclusion certaine, le second tube de sérum était envoyé à l'Institut P de Lyon pour une analyse de contrôle selon une autre technique (western-blotting) ; que l'Institut P, après analyse, transmettait directement les résultats à Monsieur Y X... ; qu'il précisait, dans la partie interprétation d'analyse, que le "sérum était positif après western-blotting" et spécifiait que "sérum positif signifie que la
personne est infectée par le virus HIV et doit être considérée comme potentiellement contagieuse ; à elle seule, cette séropositivité n'est pas un diagnostic du Sida, mais nécessite de consulter" ; que, à la réception de ce résultat, Monsieur Y X... s'est considéré comme infecté par le virus HIV et a subi des soins ; que, en 1996, une nouvelle analyse sanguine de recherche de séropositivité effectuée à la demande du docteur Y... sur la personne de Monsieur Y X... s'est alors révélée négative ; que Monsieur Y X..., Monsieur R Z..., qui vit avec lui depuis plus de quinze ans, ainsi que sa mère, qui demeure également avec lui, demandent leur indemnisation pour le préjudice moral ainsi subi du fait de cet erreur ; attendu que l'erreur n'est pas contestée ; que Monsieur Y X... n'a contracté qu'avec le Laboratoire d'analyse du P ; que c'est le Laboratoire d'analyse du P qui seul a demandé à l'Institut P une analyse de contrôle ; que, même si Monsieur Y X... a été avisé de ce qu'une analyse de contrôle était demandée à l'Institut P, si cet Institut a envoyé ses résultats directement à Monsieur Y X... sans passer par le Laboratoire d'analyse du P et si Monsieur Y X... a réglé directement l'Institut P, aucun contrat n'a, pour autant, été passé entre Monsieur Y X... et l'Institut P de Lyon ; que Monsieur Y X... recherche la responsabilité contractuelle du Laboratoire d'analyse du P ; qu'il soutient que ce laboratoire d'analyse était tenu d'une obligation de résultat ; que Laboratoire d'analyse du P fait valoir que la détection du virus HIV n'est pas une analyse de technique simple et dépourvue d'aléa ; que, compte tenu de l'état de la science à l'époque et du caractère aléatoire des actes effectués, le Laboratoire d'analyse du P soutient qu'il n'était tenu qu'à une simple obligation de prudence et de diligence ; que, néanmoins, le résultat transmis, selon lequel le sérum était positif et qui précisait qu'un sérum positif signifiait que la personne était infectée par le virus HIV, était clair, ne faisait état d'aucun doute
de la part du laboratoire d'analyse et d'aucune réserve sur le résultat obtenu, alors que ce résultat s'est révélé faux par la suite ; que, ce faisant, par ce résultat d'analyse effectué pour son compte et transmis sans réserves, le Laboratoire d'analyse du P a, nécessairement, manqué à son obligation de prudence à laquelle il reconnaît lui-même être tenu ; que, dès lors, sa responsabilité contractuelle est engagée à l'égard de Monsieur Y X... ; que toute faute contractuelle peut être retenue comme faute délictuelle à l'égard des tiers ; que Monsieur R Z... et Madame O X... soutiennent, à bon droit, que la faute ainsi reprochée au Laboratoire d'analyse du P et établie contre lui, constitue une imprudence et une négligence engageant à leur égard sa responsabilité délictuelle ; qu'il convient de confirmer sur ce point la décision entreprise ; [* attendu que le tribunal, par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, a fait une exacte appréciation du préjudice moral de chacune des parties, dont le principe n'est au demeurant pas contesté, en allouant, à titre de dommages et intérêts, 70.000 francs à Monsieur Y X..., 20.000 francs à Monsieur R Z... qui partage sa vie, et 20.000 francs à Madame O X..., sa mère qui demeure également avec lui, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ; qu'il y a lieu de confirmer la décision querellée à cet égard également ; *] attendu que le Laboratoire d'analyse du P demande, à titre subsidiaire, d'être relevé et garanti par son sous traitant, l'Institut P de Lyon, en liquidation judiciaire et par l'assureur de ce dernier ; que Laboratoire d'analyse du P fait valoir que l'Institut P est à l'origine de la contamination du prélèvement sanguin, a commis une erreur au moins dans l'interprétation de l'analyse de contrôle et est à l'origine du préjudice subi par les demandeurs en envoyant le résultat de l'analyse de contrôle directement à Monsieur Y X... ; mais
attendu que le résultat de l'analyse du Laboratoire d'analyse du P n'était pas clairement négatif puisque ce laboratoire s'est cru obligé de faire procéder à une analyse de contrôle selon une autre technique ; qu'il apparait ainsi que, s'il y a eu contamination du sang, celle-ci s'est nécessairement faite au moment du prélèvement, avant même l'analyse de l'Institut P ; qu'il n'est pas, en tous cas, pas démontré que l'erreur soit imputable à l'Institut P de Lyon ; qu'il ne peut être, non plus, reproché à l'Institut P d'avoir transmis son résultat directement à Monsieur Y X..., dès lors que, en application de l'article R 5015-47 du code de déontologie pharmaceutique, la communication des analyses de laboratoire au patient est la règle ; que, au vu de ces éléments, il convient de débouter le Laboratoire du P de ses demandes en relevé et garantie et de confirmer sur ce point également, le jugement critiqué ; attendu que la mise hors de cause du G I A, assureur de l'Institut P, doit, en conséquence, être confirmée ; qu'il convient de débouter chacune des parties de ses prétentions plus amples ou contraires ; * attendu que le Laboratoire d'analyse du P, qui succombe, doit supporter les dépens d'appel ; qu'il y a lieu, en équité, de condamner le Laboratoire d'analyse du P à payer à Monsieur Y X..., à Monsieur R Z... et à Madame O X... épouse A... 500 euros chacun, en application de l'article 700 du NCPC, pour la procédure d'appel ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit, dans le cas d'espèce, aux demandes d'indemnités au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, émanant des autres parties ; PAR CES MOTIFS : La cour, Confirme le jugement critiqué. Y ajoutant, Condamne le Laboratoire d'analyse du P à payer à Monsieur Y X..., à Monsieur R Z... et à Madame O X... épouse A... 500 euros chacun, en application de l'article 700 du NCPC, pour la procédure d'appel. Déboute chacune des parties du surplus de ses demandes. Condamne le Laboratoire d'analyse du P aux dépens d'appel et autorise les avoués
de ses adversaires à recouvrer directement contre lui les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. * Cet arrêt a été prononcé publiquement par le président, en présence du greffier, et a été signé par eux. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,