COUR D'APPEL DE LYON
6ème CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU
Décision déférée : Décision du Tribunal de Grande Instance LYON du 20 février 2001 (R.G. : 200101117) N° R.G. Cour : 01/01533
Nature du recours : APPEL Affaire : Demande relative à la saisissabilité et/ou à la mise à disposition de sommes ou d'un bien Sans procédure particulière
APPELANTE : SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT Siège social : 56 Rue du Président Ed. Herriot 69002 LYON représentée par Maître BARRIQUAND, Avoué assistée de Maître REBOTIER, Avocat, (TOQUE 538) INTIMES :
Monsieur David X... Y... : 32 Rue Chazières 69004 LYON représenté par la SCP JUNILLON-WICKY, Avoués assisté par Maître RIBEYRE, Avocat, (TOQUE 656)
Madame Fanny X... Y... : 32 Rue Chazières 69004 LYON représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, Avoués assistée par Maître RIBEYRE, Avocat, (TOQUE 656) Instruction clôturée le 26 Février 2002
Audience de plaidoiries du 30 Mai 2002
LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :
. Monsieur VEBER, Président
. Madame DUMAS, Conseiller
. Monsieur SORNAY, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame Z..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du par Monsieur VEBER, Président, qui a signé la minute avec Madame Z..., Greffier FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Société Marseillaise de Crédit (SMC), pour obtenir l'exécution de la condamnation de Monsieur David X... à lui payer une somme de 3.220.007 F, a fait pratiquer le 13 décembre 2000 deux saisies-attribution sur les comptes de ce dernier ouverts auprès du Crédit Agricole Mutuel du Centre Est et de la Caisse d'Epargne de Lyon.
Soutenant que ces comptes étaient alimentés par des revenus de la communauté étant mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les époux X..., par acte du 16 janvier 2001, ont fait assigner la SMC devant le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de LYON afin d'obtenir la mainlevée des saisies ainsi que sa condamnation à leur verser une somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 20 février 2001, le Juge de l'Exécution a ordonné la mainlevée des saisies-attribution pratiquées au motif que la
présomption d'acquêt de l'article 1402 du Code Civil s'appliquant aux comptes bancaires, la SMC ne démontrait pas que les comptes saisis étaient des biens propres de Monsieur X....
Appelante de cette décision, la Société SMC en demande la réformation et soutient que le compte bancaire n'est pas en soi un bien de communauté mais un instrument comptable, que la créance détenue par le titulaire sur l'établissement bancaire peut être saisie dans le cadre de l'article 1415 du Code Civil qui précise que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt sauf si ceux-ci ont été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint. Elle explique que les deux comptes saisis sont au seul nom de Monsieur X..., que les sommes saisies sur ces comptes sont censés appartenir à celui-ci en vertu de l'alinéa 2 de l'article 1402 du Code Civil et que ces sommes sont présumées être saisissables par son créancier. Elle ajoute que les époux X... ne soutiennent pas que les comptes étaient alimentés par d'autres sommes que les revenus ou les biens propres de Monsieur X..., qu'ils n'ont pas introduit de demande en distraction de revenus conformément à l'article 48 et 66 du décret du 31 juillet 1992 et qu'ainsi la présomption de saisissabilité des comptes n'est pas combattue. Elle conclut au rejet de la demande de mainlevée des opérations de saisie et sollicite une somme de 2.000 ä en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les époux X... répliquent qu'ils se sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, que la créance de la SMC fait suite à un engagement de caution souscrit par Monsieur X... sans l'accord exprès de son épouse et que seuls ses biens propres peuvent répondre de la dette. Ils ajoutent que l'intégralité des fonds déposés sur les comptes sont présumés dépendre de la communauté car
les comptes ont tous été ouverts postérieurement au mariage. Ils soulignent que la nature propre ou commune des fonds ne peut se déduire de l'identité du titulaire des comptes car selon l'article 1402 du Code Civil, pour échapper à la présomption de communauté, les fonds doivent porter en eux-mêmes la preuve ou la marque de leur origine et que la jurisprudence déclare communs les fonds portés au crédit d'un seul des deux époux, sauf preuve contraire. Ils ajoutent que la demande en distraction s'inscrit dans un cadre précis qui suppose qu'à l'origine la saisie a été pratiquée pour le recouvrement d'une créance engagée par l'un des époux pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ils demandent la confirmation du jugement et estiment que l'action de la SMC constitue un acharnement fautif qui doit être réparé par une somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts. Ils sollicitent enfin une somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Attendu que les époux David X... - Fanny LEVY se sont mariés le 28 août 1962 après avoir choisi le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts ;
Que suite à son engagement de caution pour deux prêts souscrits par la Société CELODIE en 1989 et 1991, Monsieur X... a été condamné, par arrêt de la Cour d'Appel de LYON en date du 26 octobre 2000, à payer à la SMC les sommes de 2.600.000 F et 620.007 F ;
Qu'il est constant que Madame X... n'a pas donné son consentement aux actes de cautionnement pris par son mari ;
Attendu que, par acte du 13 décembre 2000, la SMC a fait pratiquer
deux saisies-attribution sur les comptes ouverts par Monsieur X... auprès du Crédit Agricole Mutuel du Centre Est et de la Caisse d'Epargne de Lyon ;
Attendu que la SMC, qui reproche au jugement déféré d'avoir prononcé la mainlevée des saisies-attribution, soutient que les comptes objet de la saisie sont au seul nom de Monsieur X... et que les sommes saisies sur ces comptes sont présumées lui appartenir en propre puisqu'elles portent en elles-mêmes preuve ou marque de leur origine ; qu'en conséquence, ces sommes sont présumées être saisissables par le créancier de Monsieur X... ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 1415 du Code Civil que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt contractés sans le consentement exprès de l'autre conjoint ;
Qu'aux termes de l'article 1402 du Code Civil, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ; Attendu que selon la SMC, dès lors qu'une personne est seule titulaire d'un compte bancaire, les sommes figurant au crédit du compte sont présumées lui appartenir en propre, quel que soit son régime matrimonial ;
Que cette présomption avancée par la SMC se trouve contraire aux dispositions susvisés de l'article 1402 du Code Civil, texte qui prévoit par ailleurs dans son alinéa 2 que "si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l'époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit" ;
Que la SMC ne produit à l'appui de son affirmation du caractère propre des sommes déposées sur les comptes objet de la saisie aucune
élément de cette nature alors que s'agissant de comptes d'épargne pour la plupart l'alimentation exclusive de ceux-ci par les revenus personnels de Monsieur X... est moins que certaine ;
Qu'ainsi, faute pour le créancier d'identifier les revenus de l'époux débiteur, les sommes déposées sur les comptes ne sont pas saisissables ;
Attendu que la SMC soutient encore que les époux X... n'ont introduit aucune demande de distraction des revenus de Madame X... selon l'article 48 du décret du 31 juillet 1992 ;
Que, toutefois, ce texte ne concerne que les obligations contractées pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants pour lesquelles les gains et salaires d'un époux ne peuvent être saisis par les créanciers du conjoint ;
Attendu, en définitive, que le jugement déféré mérite confirmation ; Attendu que les époux X... ne démontrent pas que la procédure suivie par la SMC constituerait un acharnement ou présenterait un caractère abusif ; que leur demande de dommages et intérêts de ce chef doit être rejetée ;
Attendu que l'équité commande que la SMC participe à hauteur de 500 ä aux frais non compris dans les dépens que les époux X... ont été contraints d'exposer ;
Attendu que la SMC qui succombe supporte les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
Y ajoutant,
Condamne la Société Marseillaise de Crédit à payer aux époux X... la somme de 500 ä en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la Société Marseillaise de Crédit aux dépens d'appel et autorise la SCP JUNILLON etamp; WICKY, Avoués, à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT