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19/09/2002 | FRANCE | N°2000/03870

France | France, Cour d'appel de Lyon, 19 septembre 2002, 2000/03870


COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2002

Décision déférée : Décision du Tribunal de Commerce LYON du 29 mai 2000 - au fond (R.G. : 199802836) N° R.G. Cour : 00/03870

Nature du recours : APPEL Affaire : Autres demandes relatives au prêt APPELANTE : SOCIÉTÉ SOFINCO, SA 27 rue de la Ville l'Evêque 75008 PARIS

représentée par Me MOREL, avoué à la Cour assistée par la SCP CHAIN, LAGGER, etamp; Associés, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉES : SOCIÉTÉ ROBERT FOUR, SA 41 rue de Richelieu 75001 PARIS représentée

par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour assistée de Me GALLOIS, avocat au barreau de PARIS SOCIÉTÉ D...

COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2002

Décision déférée : Décision du Tribunal de Commerce LYON du 29 mai 2000 - au fond (R.G. : 199802836) N° R.G. Cour : 00/03870

Nature du recours : APPEL Affaire : Autres demandes relatives au prêt APPELANTE : SOCIÉTÉ SOFINCO, SA 27 rue de la Ville l'Evêque 75008 PARIS

représentée par Me MOREL, avoué à la Cour assistée par la SCP CHAIN, LAGGER, etamp; Associés, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉES : SOCIÉTÉ ROBERT FOUR, SA 41 rue de Richelieu 75001 PARIS représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour assistée de Me GALLOIS, avocat au barreau de PARIS SOCIÉTÉ DES TRANSPORTS BERNIS, venant aux droits de la société CREUSE EXPRESS à l'enseigne "23 EXPRESS", SARL ZI du Nord 37000 LIMOGES représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me GAUTHIER, avocat SOCIÉTÉ RHÈNE DAUPHINE EXPRESS 69 EXPRESS, SA 13 rue Francine Fromont

- ZAC EST 69120 VAULX-EN-VELIN représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée par la SCP CHANON-CROZE-DEYGAS-PERRACHON-BES, avocats au barreau de LYON Instruction clôturée le 21 Mai 2002 Audience de plaidoiries du 12 Juin 2002 COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur MOUSSA, Président, Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, Madame MIRET, Conseiller,

GREFFIER : Mademoiselle X..., lors des débats et du délibéré, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 19 SEPTEMBRE 2002 par Monsieur MOUSSA , Président qui a signé la minute avec Mademoiselle X..., Greffier. EXPOSE DE L'AFFAIRE :

Le 22 mars 1991, Monsieur Jacques Y... a commandé à la société ROBERT FOUR une tapisserie d'Aubusson pour le prix de 160.000 francs, payable à concurrence de 60.000 francs par le versement d'un acompte de 22.400 francs et la remise de cinq traites, et pour le solde au moyen d'un prêt de 100.000 francs contracté auprès de la société SOFINCO.

La société ROBERT FOUR a confié l'oeuvre aux transports 23 EXPRESS, cette société ayant affrété les transports 69 EXPRESS qui ont procédé à la livraison le 17 juillet 1991. Faisant valoir qu'il n'avait pas reçu la commande, Monsieur Y... a cessé de rembourser l'emprunt contracté auprès de la société SOFINCO. Celle-ci a donc engagé une procédure qui s'est terminée par un arrêt définitif de cette Cour, en date du 20 mars 1998, qui l'a déboutée de son action formée à l'encontre de Monsieur Y... et a condamné la société 23 EXPRESS, garantie par la société RHÈNE DAUPHINE 69 EXPRESS, à payer à celui-ci la somme de 47.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Exposant qu'elle avait subi un préjudice par suite du défaut de remboursement du prêt, la société SOFINCO a de nouveau saisi le Tribunal de Commerce de Lyon aux fins d'obtenir la condamnation des sociétés de transports et de la société ROBERT FOUR à lui payer diverses sommes mais elle a été déboutée de toutes ses prétentions, par un jugement du 29 mai 2000, lequel a alloué à chacun des défendeurs 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SA GROUPE SOFINCO a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières écritures, en date du 30 avril 2002, elle prie la Cour d'infirmer ledit jugement et de condamner la société ROBERT FOUR à lui payer 15.244 euros (100.000 francs), outre intérêts au taux légal à compter du 18 juin 1998. Elle sollicite aussi la condamnation solidaire des sociétés BERNIS et 69 EXPRESS à lui payer 20.343,02 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation initiale. Elle demande à la Cour de dire que ces condamnations s'exécuteront en deniers ou quittances et de condamner in solidum les intimées à lui payer 3.048,98 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société ROBERT FOUR a conclu en dernier lieu le 13 mars 2002 au rejet des demandes de la société SOFINCO et à l'octroi de 2.290 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société des TRANSPORTS BERNIS, venant aux droits de la société 23 EXPRESS, a conclu le 30 avril 2002 à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables et en toute hypothèse non fondées les demandes de la société SOFINCO à son encontre. A titre subsidiaire, elle sollicite la garantie intégrale de la société RHÈNE DAUPHINE EXPRESS 69 EXPRESS. Elle réclame enfin 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société RHÈNE DAUPHINE EXPRESS 69 EXPRESS a aussi conclu en

dernier lieu le 15 juin 2001 à la confirmation du jugement et au rejet des prétentions de SOFINCO. Elle prie la Cour, en toute hypothèse, de dire que le préjudice de la société SOFINCO ne peut porter que sur la somme en principal de 100.000 francs (15.244,90 euros), outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'exploit introductif d'instance aux transporteurs, et elle réclame 25.000 francs (3.811,23 euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées. DISCUSSION :

Attendu que la société ROBERT FOUR soutient que l'action de la société SOFINCO est irrecevable à son encontre au motif qu'elle aurait dû l'engager dans le délai de deux ans de l'article L 311-37 du Code de la Consommation ;

Mais attendu que ces dispositions se rapportent au litige né de la défaillance de l'emprunteur et engagé devant le tribunal d'instance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu que l'action de la société SOFINCO n'est pas fondée ici sur le contrat de prêt, auquel la société ROBERT FOUR n'était pas partie, mais constitue une action indépendante de ce contrat dont les fondements juridiques distincts seront analysés plus loin ;

Attendu que cette dernière société ne peut reprocher à la société SOFINCO de n'avoir pas engagé une action en résolution du contrat de vente à son encontre, puisque la société SOFINCO n'était pas partie audit contrat, lequel n'a pas fait l'objet d'une action en résolution de la part de Monsieur Y..., l'acquéreur ;

Attendu que la société BERNIS, qui reprend seule le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée, admet que celui-ci ne peut être opposé à l'appelante dans la mesure où celle-ci fonde ses demandes sur l'article 1382 du Code Civil ;

Attendu, plus précisément, que la précédente action de la société SOFINCO était engagée à l'encontre de Monsieur Y... et avait pour objet le remboursement du prêt alors que celle dont la Cour est saisie à l'encontre des transporteurs tend au paiement de dommages et intérêts résultant de leurs prétendues fautes, de sorte que la cause et l'objet des deux actions sont différents et que ne peut être opposée à la société SOFINCO l'autorité de la chose jugée de l'arrêt précité de cette Cour ;

Attendu que, pour sa part, la société 69 EXPRESS prétend que la société SOFINCO doit "apurer son recours contractuel" à l'encontre de R. FOUR avant de la poursuivre sur le plan délictuel ;

Mais attendu que l'action du prêteur, fondée ici sur l'article 1382 du Code Civil, n'est pas un recours subsidiaire et n'est pas soumise à la condition d'une action préalable à l'encontre du vendeur, à supposer même qu'il ait un lien contractuel avec lui ;

Attendu en conséquence que les actions de la société SOFINCO sont bien recevables ;

Attendu, au fond, qu'il appartient à la société SOFINCO de démontrer la faute des transporteurs, à l'encontre desquels elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 103 du Code de Commerce, alors applicables, puisqu'elle n'était pas partie au contrat de transport ;

Attendu que la société BERNIS fait remarquer à juste titre que la société SOFINCO invoque la faute qu'aurait commise le chauffeur de la société 69 EXPRESS en remettant la tapisserie à un tiers non identifié et non à l'acheteur destinataire du colis, Monsieur Y... ;

Attendu que cette faute ne peut être imputée qu'à la société 69 EXPRESS et non à la société BERNIS, à laquelle n'est pas reproché le mauvais choix du transporteur, ou toute autre faute pouvant avoir un

lien de causalité avec le défaut de livraison, et à laquelle ne saurait être reproché le seul fait de n'avoir pas personnellement effectué le transport ;

Attendu en revanche que, comme l'a relevé la Cour dans son précédent arrêt, définitif sur ce point, la société 69 EXPRESS a commis une faute, qualifiée même de lourde, en remettant le colis à un tiers non identifié ;

Attendu, certes, que la Cour s'était prononcée sur un fondement contractuel et non délictuel ;

Attendu cependant et en toute hypothèse que le bordereau de livraison comporte bien l'identité de Monsieur Y... en tant que destinataire alors que, dans une lettre du 22 mai 1992 adressée à 23 EXPRESS, la société 69 EXPRESS a expressément reconnu que le chauffeur avait remis le colis à une dame de la société sans autre précision quant à l'identité de celle-ci ou à son habilitation par le destinataire ; que la faute du transporteur est donc caractérisée et se trouve à l'origine de la cessation des remboursements par Monsieur Y... et, par suite, du préjudice en résultant pour le prêteur ;

Attendu que l'action formée à l'encontre de la société ROBERT FOUR est fondée sur l'article 1377 du Code Civil et non sur l'article 1376, contrairement à ce qu'indique cette société ;

Attendu que la société SOFINCO a versé les fonds entre les mains du vendeur dans la mesure où celui-ci avait attesté de la livraison le 22 juillet 1991 ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède et notamment de l'arrêt de la Cour du 20 mars 1998 que la livraison n'a pas eu lieu ; qu'il s'ensuit que c'est seulement par erreur que la société SOFINCO a payé le vendeur ;

Attendu que l'action en répétition de l'indu ne présente pas un caractère subsidiaire et peut être exercée même si celui qui a reçu

le paiement était vraiment créancier lorsque le paiement a été effectué par une personne autre que le débiteur et que cette personne a payé par suite d'une erreur, ainsi que le soutient à bon droit l'appelante ; qu'il en découle qu'est sans portée l'argumentation de la société R. FOUR selon laquelle la société SOFINCO n'était pas sa débitrice, ce que celle-ci admet d'ailleurs ;

Attendu que la société R. FOUR excipe des dispositions de l'article 1377 al. 2 du Code Civil ;

Mais attendu que ce texte est inapplicable en la cause en ce qu'il vise la suppression matérielle du titre qui fonde la créance, ce qui ne peut à l'évidence être le cas de la marchandise vendue elle-même, contrairement à ce que soutient la société R. FOUR ; que celle-ci est dépourvue d'action à l'encontre de l'acquéreur non pas par suite de la perte de son titre mais du fait du défaut de délivrance de la marchandise vendue ;

Attendu en conséquence qu'est également fondée en son principe l'action de la société SOFINCO à l'encontre de R. FOUR ;

Attendu, sur le préjudice, que la société SOFINCO ne peut réclamer à la société R. FOUR que la somme qu'elle lui a versée, soit 100.000 francs (15.244,90 euros), outre intérêts au taux légal à compter de sa demande, soit le 11 juin 1998, dès lors qu'il n'est pas prétendu que la société R. FOUR ait été de mauvaise foi ; que la capitalisation des intérêts échus sera également accordée mais ne prendra effet qu'à partir du 11 juin 1999, puisque la demande était antérieure à cette date ;

Attendu que la société SOFINCO peut réclamer au transporteur la réparation de son préjudice, à savoir, outre le versement du capital précité, soit 100.000 francs, les intérêts dont elle a été privée pour l'ensemble de l'opération de prêt, soit la somme de 33.441,44 francs, telle qu'elle figure sur le tableau d'amortissement

correspondant au contrat de prêt, soit au total 133.441,44 francs (20.343,02 euros) ; qu'il n'y a pas lieu de retenir la somme de 103.476,18 francs, contrairement à ce que prétend la société 69 EXPRESS, puisque cette somme ne correspondait qu'à celle due au moment de la mise en demeure du 31 août 1992, avec calcul d'intérêts à cette date ; qu'en outre, la somme allouée portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée à 69 EXPRESS, soit le 17 juin 1998 ;98 ;

Attendu en revanche que la société SOFINCO ne doit être indemnisée qu'une seule fois de son entier préjudice, ainsi que le soutient exactement la société 69 EXPRESS ; qu'elle ne pourra donc recouvrer la totalité de sa créance de la même manière à l'encontre de chacun de ses débiteurs ; qu'en effet, ceux-ci ne seront tenus qu'à concurrence des sommes pour lesquelles ils seront condamnés par la Cour ;

Attendu que le capital de 100.000 francs (15.244,90 euros) ne pourra être recouvré qu'une seule fois, soit à l'encontre d'un seul débiteur, soit à l'encontre des deux, mais à due concurrence de son montant total ; que, de même, la société SOFINCO ne pourra percevoir qu'une seule fois les intérêts au taux légal calculés à compter du 11 juin 1998 sur 100.000 francs à compter du 17 juin 1998, soit 133.441,44 F, et les intérêts capitalisés afférents au seul capital de 100.000 francs à compter du 11 juin 1999 (la capitalisation n'étant d'ailleurs demandée qu'à l'encontre de la société R. FOUR) ; Attendu enfin qu'il est équitable d'indemniser la société SOFINCO pour ses frais irrépétibles de procédure en lui allouant la somme de 1.200 euros, qui ne sera mise qu'à la charge de la société 69 EXPRESS, et d'indemniser la société des TRANSPORTS BERNIS en lui allouant la somme de 1.200 euros qui sera à la charge de la société

SOFINCO ; qu'au contraire les autres parties seront déboutées de leur demande de ce chef ; PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement entrepris,

Déclare la société SOFINCO recevable et partiellement fondée en ses demandes,

En conséquence,

Condamne la société ROBERT FOUR à payer à la société SOFINCO la somme de 15.244,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 1998 et dit que les intérêts échus se capitaliseront année par année avec effet à compter du 11 juin 1999,

Condamne la société 69 EXPRESS à payer à la société SOFINCO la somme de 20.343,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 1998,

Dit que la société SOFINCO ne pourra recouvrer qu'une seule fois la totalité de sa créance à l'encontre de ses débiteurs ou de l'un deux, et ce dans la limite des sommes dues par chacun,

Condamne la société 69 EXPRESS à payer à la société SOFINCO la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile,

Condamne la société SOFINCO à payer à la société des TRANSPORTS BERNIS la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute les parties de toutes demandes contraires ou plus amples,

Condamne in solidum les sociétés ROBERT FOUR et 69 EXPRESS aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître MOREL et de la SCP JUNILLON-WICKY, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/03870
Date de la décision : 19/09/2002

Analyses

QUASI-CONTRAT

Le texte de l'article 1377 du Code civil visant la suppression matérielle du titre qui fonde la créance et non la marchandise vendue elle-même, et ne saurait donc par conséquent concerner le défaut de délivrance du bien vendu et fait obstacle à l'exercice de l'action en répétition de l'indu..


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-09-19;2000.03870 ?
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