COUR D'APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2003
Décision déférée : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 29 novembre 1999 - R.G.: 1998/01491 et du 19 février 2001 - RG : 00/3620 N° R.G. Cour : 01/03835
Nature du recours : APPEL Affaire : Demande relative à des contrats divers sans autre indication APPELANTE : SOCIÉTÉ HOERBIGER ORIGA, SA 11 Avenue de Norvège 91978 COURTABOEUF CEDEX représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée par la SCP Joseph AGUERA etamp; Associés, avocats au barreau de LYON, T. 8
INTIME : Maître REVERDY, ès qualités de mandataire liquidateur de la société LYON AUTOMATISMES, SA, sise 59 Avenue du 8 Mai 1945 - 69120 VAULX-EN-VELIN 4 Boulevard Eugène Deruelle 69003 LYON représenté par Me GUILLAUME, avoué à la Cour assisté de Me DAMET, avocat au barreau de LYON, T. 213 Instruction clôturée le 20 Septembre 2002 Audience de plaidoiries du 11 Octobre 2002 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur MOUSSA, Président, Monsieur X..., Conseiller, Madame MIRET, Conseiller, DÉBATS : à l'audience publique du 11
OCTOBRE 2002 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle MATIAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRÊT :
CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 20 FÉVRIER 2003 par Monsieur X..., Conseiller ayant participé au délibéré, et signé par ce magistrat, le Président étant légitimement empêché, et par Mademoiselle MATIAS, Greffier.
EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par déclaration du 27 juin 2001, la société HOERBIGER ORIGA a relevé appel d'un jugement rendu le 29 novembre 1999 par le Tribunal de Commerce de LYON ainsi que d'un jugement rectificatif en date du 19 février 2001, le premier ayant donné acte à Maître SAPIN et à Maître REVERDY, ès qualités, de leur intervention volontaire, ayant confirmé l'ordonnance d'injonction de payer du 17 février 1998 qui avait ordonné à la société LYON AUTOMATISME de payer à la société HOERBIGER ORIGA la somme de 44.285,01 francs outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997, ayant fixé sa créance à la liquidation judiciaire de la société LYON AUTOMATISME à la somme de 44.285,01 francs outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997, ayant accueillie la demande reconventionnelle de la société LYON AUTOMATISME, l'ayant condamnée à payer à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat à la société LYON AUTOMATISME une somme équivalente à la différence entre 583.000 francs et le montant des ventes de matériels HOERBIGER ORIGA réalisées par la société LYON AUTOMATISME entre le 16 octobre 1997 et le 15 octobre 1998, rejetant toutes les autres demandes et le second ayant fixé sa créance à la liquidation judiciaire de la société LYON AUTOMATISME à la somme de 44.285,01 francs outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997, ayant accueilli la demande reconventionnelle de la société LYON AUTOMATISME, l'ayant condamnée à payer à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat à la société LYON
AUTOMATISME la somme de 462.766,19 francs, le reste du jugement du 29 novembre 1999 demeurant sans changement ;
Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société HOERBIGER ORIGA dans ses conclusions récapitulatives du 20 septembre 2002, auxquelles il convient de se référer, tendant à la confirmation des jugements déférés pour ce qui est de la condamnation de la société LYON AUTOMATISME résultant de l'ordonnance d'injonction de payer du 17 février 1998, à la confirmation des jugements déférés en ce qu'ils ont retenu que les parties étaient liées par un contrat de distribution et, en conséquence, à la fixation de la créance de la société HOERBIGER ORIGA à la liquidation judiciaire de la société LYON AUTOMATISME à la somme de 6.751,21 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997, mais à la réformation des jugements déférés pour voir dire que les parties étaient liées par un contrat de distribution non exclusif, que la rupture de ce contrat de distribution non exclusif est imputable à la société LYON AUTOMATISME ; que la société HOERBIGER ORIGA a respecté le délai de préavis d'un an stipulé à l'accord de distribution non exclusive ; en conséquence que la créance de la société HOERBIGER ORIGA soit fixée à la liquidation judiciaire de la société LYON AUTOMATISME pour la somme de 152.449,02 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et que Maître REVERDY, ès qualités, soit débouté de sa demande reconventionnelle ;
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Vu les prétentions et les moyens développés par Maître REVERDY, ès qualités de mandataire liquidateur de la société LYON AUTOMATISME, dans ses conclusions du 12 juin 2002 auxquelles il convient de se référer tendant à dire mal fondée la société HOERBIGER ORIGA dans son appel ; tendant à faire droit à l'appel incident de la société LYON AUTOMATISME représentée par Maître REVERDY ; tendant à voir fixer la créance de la société HOERBIGER ORIGA à la liquidation judiciaire à la somme de 10288,64 euros (8.45291 F) ; tendant à voir confirmer pour le surplus les jugements déférés ; tendant à la condamnation de la société HOERBIGER ORIGA à payer à la liquidation judiciaire la somme de 70.548,25 euros (462.766,19 F) ;
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L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2002.
MOTIFS ET DÉCISION :
I/ Sur la nature du contrat et son caractère d'exclusivité :
Attendu qu'il résulte d'un courrier daté du 3 octobre 1995 que la société HOERBIGER ORIGA a confié la distribution des produits qu'elle fabrique et commercialise, à savoir des composants pneumatiques et des systèmes d'automatisation des mouvements dans le domaine de la construction de machines, à la société LYON AUTOMATISME sur les départements de l'AIN, de l'ARDÈCHE, de la DROME, de l'ISÈRE, de la LOIRE, du RHÈNE, de la SAONE ET LOIRE, de la SAVOIE et de la HAUTE-SAVOIE ;
Attendu que la société LYON AUTOMATISME ayant signé ce document, les
accords qui y figurent constituent la convention des parties ;
Attendu qu'il ne peut s'agir, comme le soutient la société LYON AUTOMATISME, d'un contrat d'agent commercial, tel que défini au visa de l'article L 134-1 du Code de Commerce (ancien article 1 de la loi du 25 juin 1991) lequel postule que l'agent est un mandataire qui contracte exclusivement au nom de son mandant, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, puisqu'en vertu du contrat, la société LYON AUTOMATISME agissait comme un distributeur qui achète les produits auprès de son fournisseur, la société HOERBIGER ORIGA, qu'elle revendait ensuite pour son propre compte ;
Attendu que l'exclusivité ne peut en aucun cas se présumer, à défaut qu'il y soit fait expressément référence dans le contrat ;
Attendu que l'exclusivité ne peut être déduite du fait que le distributeur bénéficiait d'un territoire délimité pour exercer son activité, cette délimitation n'ayant pour objet que d'interdire au distributeur de distribuer hors de ce secteur ;
Attendu que, comme le relève pertinemment l'appelante, c'est seulement dans le contrat de concession que le concédant s'engage à ne contracter qu'avec le concessionnaire dans un secteur déterminé et que dans ce cas la clause d'exclusivité territoriale constitue bien un élément fondamental du contrat ;
Attendu que la stipulation du contrat selon laquelle la société HOERBIGER ORIGA se réservait d'entretenir une relation directe avec certains clients désignés sous la qualification "grands comptes" et "constructeurs", dont la liste a été remise à la société LYON AUTOMATISME, ce que cette dernière ne conteste pas, ne signifie pas que la société HOERBIGER ORIGA attribuait à la société LYON AUTOMATISME sur le secteur une exclusivité au profit des clients non désignés, mais seulement que la société HOERBIGER ORIGA s'interdisait de démarcher les autres clients du secteur ;
Attendu que le fait d'avoir prévu dans le contrat que la société LYON AUTOMATISME devait réaliser des objectifs de chiffre d'affaires sur le secteur ne permet pas de prétendre que cette exigence était nécessairement liée à l'octroi d'une exclusivité au profit du distributeur, ces objectifs pouvant être convenus sans qu'une exclusivité soit accordée pour autant au distributeur, et rien ne prouvant, au surplus, qu'à défaut de cette exclusivité il ne lui était pas possible de les atteindre ;
Attendu que la société LYON AUTOMATISME ne peut contester qu'elle commandait des produits concurrents à ceux de la société HOERBIGER ORIGA et qu'elle les distribuait, puisqu'il est établi par des pièces versées aux débats qu'elle était en relation d'affaires avec la société "DELTA EQUIPEMENT" (pièce N° 25) et avec la société "MAC VALVES" (pièces N° 26 et 27) et que des factures ont été émises en faveur de la société LYON AUTOMATISME (pièces N° 29 à 33) par ces sociétés qui étaient des distributeurs des mêmes produits que ceux commercialisés par la société HOERBIGER ORIGA qui, d'ailleurs, les commercialisait elle-même également (pièce N° 28) ;
Attendu que ces éléments excluent qu'une quelconque exclusivité ait pu être accordée à la société LYON AUTOMATISME ;
Attendu que c'est en conséquence à tort que le premier juge a estimé que la société LYON AUTOMATISME bénéficiait d'une exclusivité en vertu du contrat de distribution qui la liait à la société HOERBIGER ORIGA ;
II/ sur la rupture du contrat :
Attendu que le contrat de distribution prévoyait que la société HOERBIGER ORIGA livrerait un stock de produits d'environ 120.000 francs au plus tard le 31 janvier 1996 à la société LYON AUTOMATISME dont la moitié était en dépôt et l'autre à la charge du distributeur et qu'elle avait la possibilité de renvoyer les produits dont la
rotation en stock se révélerait insuffisante, et ce, avant le 15 décembre 1996 ;
Attendu que la société LYON AUTOMATISME a renvoyé le stock qu'elle jugeait invendable le 26 février 1997 à la société HOERBIGER ORIGA, sans qu'elle puisse se prévaloir du fait que la livraison du stock qui n'est intervenue qu'à la fin de mars 1996 l'autorisait, de la sorte, à proroger le délai qui avait été contractuellement convenu, alors même qu'aucun accord n'a été pris entre les parties pour consentir un tel report ;
Attendu que le retour des produits ne peut être considéré comme la preuve que la société LYON AUTOMATISME entendait, en procédant ainsi, rompre le contrat qui la liait à la société HOERBIGER ORIGA, dès lors que cette restitution avait été prévue au contrat, le fait qu'il ait été fait hors du délai ne constituant pas une circonstance ayant pour effet d'interpréter ce retour comme une volonté de la société LYON AUTOMATISME de mettre fin au contrat ;
Attendu qu'il résulte du courrier du 26 février 1997 adressé par la société LYON AUTOMATISME à la société HOERBIGER ORIGA qu'elle envisageait de poursuivre les relations avec son cocontractant en lui passant de nouvelles commandes ;
Attendu que la société HOERBIGER ORIGA proposait d'ailleurs dans un courrier du 3 juin 1997 à la société LYON AUTOMATISME d'augmenter la valorisation de 5,40 francs HT du prix prévu au contrat ;
Attendu qu'il ressort ainsi de l'échange de correspondance entre les parties que des négociations ont bien eu lieu entre elles pour parvenir à un accord jusqu'à l'entretien du 10 octobre 1997, précédant l'envoi du courrier du 16 octobre 1997 par lequel la société HOERBIGER ORIGA mettait fin au contrat ;
Attendu que dans ces conditions la société HOERBIGER ORIGA ne peut soutenir, comme elle le fait, que le retour du stock par la société
LYON AUTOMATISME le 26 février 1997 sans son accord constitue une cause de rupture du contrat, aucun argument utile ne pouvant être tiré par elle du courrier qu'elle adressait le 4 mars 1997 à la société LYON AUTOMATISME pour refuser d'accepter ce retour ;
Attendu que ce retour du stock prévu contractuellement ne peut de quelque façon constituer une faute justifiant la rupture ;
Attendu que la société HOERBIGER ORIGA ne peut non plus invoquer l'absence de résultat atteint par la société LYON AUTOMATISME par rapport aux objectifs qui avaient été contractuellement fixés comme une faute dans l'exécution du contrat, alors qu'à aucun moment elle n'a fait le moindre reproche à la société LYON AUTOMATISME quant à une insuffisance du chiffre d'affaires réalisé et des conséquences qu'elle était susceptible d'en tirer ;
Attendu qu'en conséquence, c'est sans fondement que la société HOERBIGER ORIGA a résilié le contrat conclu le 3 octobre 1995 avec la société LYON AUTOMATISME, les griefs qu'elle allègue dans le courrier de rupture du 16 octobre 1997 étant dépourvus de tout fondement à cet égard ;
Attendu que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré cette rupture comme abusive ;
III/ Sur le préjudice de la société LYON AUTOMATISME :
Attendu que le premier juge a fixé le préjudice de la société LYON AUTOMATISME à la somme de 462.766,19 francs correspondant à la différence entre les ventes réalisées dans l'année ayant précédé la dénonciation du contrat (583.000 F) et celles réalisées dans l'année ayant suivi cette dénonciation (120.233 F), excluant, s'agissant d'une indemnité, d'appliquer la TVA à son montant ;
Attendu que la société LYON AUTOMATISME sollicite la confirmation du jugement entrepris sur l'indemnisation de son préjudice selon l'appréciation du premier juge ;
Attendu que la société HOERBIGER ORIGA ne conteste pas, fût-ce à titre subsidiaire, le montant de l'indemnisation telle qu'elle résulte du jugement querellé ni les modalités retenues pour le fixer ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de maintenir à ce titre à son quantum la somme allouée de 70.548,25 euros (462.766,19 F) ;
Attendu que la société HOERBIGER ORIGA doit être ainsi condamnée à payer à Maître REVERDY, ès qualités de mandataire liquidateur de la société LYON AUTOMATISME, ladite somme, confirmant de ce chef le jugement déféré ;
IV/ Sur la demande de la société HOERBIGER ORIGA :
Attendu que la société HOERBIGER ORIGA réclame la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fixé sa créance au titre du stock cédé à la société LYON AUTOMATISME à la somme de 44.285,01 F (6.751,21 euros) en la majorant des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997 pour être portée au passif de la liquidation judiciaire de la société LYON AUTOMATISME ;
Attendu que la société LYON AUTOMATISME s'oppose à cette demande, estimant que la créance de la société HOERBIGER ORIGA ne peut être retenue qu'à hauteur de 1.288,64 euros (8.452,91 F), la société HOERBIGER ORIGA ayant reconnu dans ces courriers que les produits restitués étaient invendables et que cette situation n'étant pas de son fait ne pouvait, par conséquent, lui être imputable ;
Attendu que le contrat du 3 octobre 1995 prévoyait seulement l'échange du stock au profit de la société LYON AUTOMATISME si la circonstance évoquée dans le contrat se réalisait et en aucun cas son remboursement par la société HOERBIGER ORIGA ;
Attendu que, dans ces conditions, la société HOERBIGER ORIGA n'était pas tenue de payer à Maître REVERDY, ès qualités, le prix des produits restitués par la société LYON AUTOMATISME, de sorte que la
société HOERBIGER ORIGA est bien créancière de la valeur du stock que la société LYON AUTOMATISME ne lui a pas réglé pour le montant de 6.751,21 euros (44.285,01 F) ;
Attendu qu'en conséquence il y a lieu de fixer la créance de la société HOERBIGER ORIGA au passif de la liquidation judiciaire de la société LYON AUTOMATISME à cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997, confirmant de ce chef le jugement déféré ;
V/ Sur les autres demandes :
Attendu qu'il serait inéquitable que Maître REVERDY, ès qualités, supporte la charge des frais irrépétibles d'appel et qu'il convient ainsi de lui allouer une somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui s'ajoutera à celle accordée à la société LYON AUTOMATISME par le premier juge ;
Attendu que la société HOERBIGER ORIGA, qui succombe sur l'essentiel, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme les jugements déférés en toutes leurs dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société HOERBIGER ORIGA à payer à Maître REVERDY, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société LYON AUTOMATISME, la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par Maître Annie GUILLAUME, avouée,
conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER,
LE CONSEILLER,
E. MATIAS
B. X....