Instruction clôturée le 19 Décembre 2003 Audience publique du 26 Mars 2004 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, Monsieur SIMON, Conseiller le plus ancien de la Chambre, faisant fonction de Président en vertu de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 7 Juillet 2OO3, Monsieur SANTELLI, Conseiller Monsieur KERRAUDREN, Conseiller DÉBATS : à l'audience publique du 26 mars 2004 GREFFIER : La Cour était assistée de Mademoiselle X..., Greffier lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 27 mai 2004 par Monsieur SIMON, Conseiller, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier en Chef.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S.A.R.L. EMINENCE GRISE, société "d'événementiel et de publicité", organisant une soirée-exposition "Les Flacons d'Or", le 11 mai 2000, à l'espace Eiffel Branly à PARIS, a approuvé un devis établi, le 3 mai 2000, par la S.A. GL Espace etamp; Décor, concernant l'aménagement de cette manifestation, le devis d'un montant de 443.538 francs HT comportant une répartition budgétaire en sept postes selon la nature des travaux d'aménagement effectués par divers sociétés de service intervenant au lieu de la manifestation.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 27 juin 2001, le Tribunal de Commerce de LYON a condamné la S.A.R.L. EMINENCE GRISE à payer à la société VACHON Antiquités, la somme de 170.000 francs, à la société Polygone Vert, celle de 45.830,72 francs, à la société la S.A. GL Espace etamp; Décor, celle de 113.914,12 francs, à la société La Boîte à Sons, celle de 42.515,41 francs, à la société Espace Eiffel Branly, celle de 18.442,32 francs et enfin à la société GL Lumière etamp; Son, celle de 97.378,32 francs, outre la somme globale de 6.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La S.A.R.L. EMINENCE GRISE a formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la S.A.R.L. EMINENCE GRISE dans ses conclusions récapitulatives N° 4 en date du 4 novembre 2003 tendant à faire juger :
- que l'acte introductif d'instance est nul et que, par conséquent, toute la procédure subséquente l'est également, en raison de l'irrégularité de la signification de l'assignation délivrée à une mairie d'un arrondissement de la Ville de PARIS qui n'est pas celle de l'adresse de la domiciliation de la société destinataire de l'acte,
- que cette exception de procédure peut être soulevée sans porter atteinte aux dispositions de l'article 112 du nouveau code de procédure civile imposant de la soulever "in limine litis" dès lors que l'irrecevabilité de l'appel lui a été opposée après le dépôt de ses conclusions au fond,
- que, subsidiairement, son appel est recevable dans la mesure où la signification du jugement était irrégulière pour le même motif que celui présidant à l'irrégularité de l'acte introductif d'instance et que le délai d'appel n'a pas commencé à courir,
- que, subsidiairement, les actions de la société VACHON Antiquités, de la société Polygone Vert, de la société La Boîte à Sons et de la société GL Lumière etamp; Son sont irrecevables à son encontre, à défaut de liens contractuels existant entre les parties au procès,
- que la S.A. GL Espace etamp; Décor a engagé sa responsabilité en fournissant une prestation défectueuse nécessitant le recours en
urgence à d'autres prestataires de services pour assurer la bonne tenue de la manifestation,
- qu'à titre subsidiaire, un accord était intervenu avec le représentant de la société VACHON Antiquités pour mettre fin au litige et que les termes de cet accord doivent être entérinés,
- qu'enfin elle a subi un préjudice découlant de la carence de la S.A. GL Espace etamp; Décor et trouvant sa cause dans l'obligation de faire appel à d'autres prestataires de services, ce qui a généré un surcoût de 115.354,20 francs ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société VACHON Antiquités, la société Polygone Vert, la S.A. GL Espace etamp; Décor, la société Espace Eiffel Branly, la société La Boîte à Sons et la société GL Lumière etamp; Son dans leurs conclusions récapitulatives N° 3 en date du 14 octobre 2003 tendant à faire juger :
- que l'appel de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE est irrecevable comme tardif, la signification du jugement étant parfaitement régulière et surtout l'exception de nullité de procédure étant soulevée tardivement par la S.A.R.L. EMINENCE GRISE,
- que subsidiairement, l'argumentation de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE est mal fondée, d'une part, les actions des différentes sociétés dépendant du Groupe Générale Location sont recevables et d'autre part, les obligations contractuelles ont été exécutées parfaitement, sans que la preuve de la carence de l'une ou l'autre des sociétés intervenantes ne soit rapportée,
- qu'enfin le prix de la location des locaux pour 2.200 m n'a pas été réglé à la société Espace Eiffel Branly ;
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que l'extrait k-bis de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE mentionne comme adresse du siège social : 49, rue de Ponthieu 8ème arrondissement de la Ville de PARIS, comme seul établissement : celui
situé 122, Avenue des Champs Elysées 8ème arrondissement et comme adresse domiciliataire : les locaux de la société ABC LIV 2, bis rue Dupont de l'Eure 20ème arrondissement ; que toutes les sociétés du Groupe Location ont adressé de nombreuses correspondances à la S.A.R.L. EMINENCE GRISE exclusivement à son adresse Avenue des Champs Elysées 8ème arrondissement ; que le devis du 3 mai 2000, base contractuelle, mentionne également cette adresse ;
Attendu que la signification de l'assignation devant le Tribunal de Commerce de LYON, comme la signification du jugement frappé d'appel, ont été délivrées, dans les mêmes formes, respectivement les 7 juin 2001 et 20 juillet 2001, dans les locaux de la société domiciliataire située dans le 20ème arrondissement (encore que l'huissier s'abstient de préciser l'adresse où il a tenté de signifier lesdits actes) et devant le refus de recevoir les actes opposé par la secrétaire de la société domiciliataire ABC LIV qui avait pourtant "certifié la domiciliation" de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE, l'huissier a remis copie des actes en Mairie du 8ème arrondissement dont dépendent le siège social et l'établissement de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE ;
Attendu qu'il appartenait à l'huissier instrumentaire, en application de l'article 656 du nouveau code de procédure civile, s'il choisissait de signifier les actes au lieu où S.A.R.L. EMINENCE GRISE s'était domiciliée dans le 20 ème arrondissement, de remettre les copies des actes en mairie de cet arrondissement ; que s'il choisissait, comme il l'a fait, de les remettre en mairie du 8ème arrondissement dans lequel sont situés et le siège social et l'établissement de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE avec lequel son mandataire (les sociétés du Groupe Location) avait exclusivement correspondu, il lui appartenait de tenter au lieu du siège social ou, de préférence, au lieu de l'établissement de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE, les significations à elle destinées et d'effectuer des
recherches auprès de l'établissement dont il connaissait nécessairement la localisation pour avoir remis les copies des actes en mairie du 8ème arrondissement et qui, quelques semaines auparavant, était destinataire d'une abondante correspondance de son mandataire ; que la signification irrégulière du jugement a causé à la S.A.R.L. EMINENCE GRISE un préjudice en l'empêchant de faire appel dans le délai légal ; que si l'huissier avait accompli les recherches auprès de l'établissement de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE, recherches que la remise de la copie de la signification du jugement en mairie du 8 ème arrondissement impliquait légalement, la S.A.R.L. EMINENCE GRISE aurait été en mesure d'exercer son recours dans le délai requis ;
Attendu qu'il convient donc, sur le fondement de l'article 114 du nouveau code de procédure civile, de prononcer, pour vice de forme, la nullité de la signification du jugement frappé d'appel, irrégularité qui a causé un grief à l'appelante ; que le délai de recours n'a pas commencé à courir ; que l'appel de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE, non tardif, est parfaitement recevable ;
Attendu que l'exception de nullité de procédure a été soulevée conformément à l'article 122 du nouveau code de procédure civile dès lors que les conclusions déposées au fond par la S.A.R.L. EMINENCE GRISE l'ont été avant que l'acte de signification litigieux lui ait été opposé par les sociétés intimées ; que la communication de cet acte de procédure lui révélant l'irrégularité dont il était vicié a été effectuée, par bordereau de communication de pièces en date du 9 septembre 2002 ; qu'ensuite de cette communication la S.A.R.L. EMINENCE GRISE a soulevé, par conclusions déposées le 15 octobre 2002, la nullité de l'acte introductif d'instance à titre principal ; Attendu que la signification de l'acte introductif d'instance
délivrée le 7 juin 2001, est entachée du même vice que la signification du jugement ; que sa nullité pour vice de forme faisant grief à la S.A.R.L. EMINENCE GRISE en l'empêchant d'assurer sa défense (un jugement étant rendu sur le siège le 27 juin 2001 sur une assignation du 7 juin 2001!), devra donc être prononcée ; que le jugement rendu sur une assignation nulle doit être également annulé ; Attendu qu'en application de l'article 562 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, la dévolution ne s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement que si l'appelant qui n'a pas comparu et donc n'a pas conclu devant les premiers juges, a conclu au fond à titre principal devant la juridiction du second degré ; qu'en l'espèce la S.A.R.L. EMINENCE GRISE a pris des conclusions récapitulatives et initiales au fond, à titre subsidiaire ; que ses conclusions sont sans portée sur l'effet dévolutif pour le tout de l'appel ;
Attendu qu'il appartient à l'une ou l'autre des sociétés intimées, la S.A. GL Espace etamp; Décor ou la société Espace Eiffel Branly, plus particulièrement ou d'autres, comme la société VACHON Antiquités qui aurait consenti à un "rabais" sur sa facture d'intenter toute action de leur choix ;
Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande présentée à ce titre ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel de la S.A.R.L. EMINENCE GRISE comme régulier en la forme,
Au fond, prononce la nullité de l'acte introductif d'instance du 7
juin 2001 entaché d'irrégularité et celle de la procédure subséquente, dont principalement le jugement rendu le 27 juin 2001 par le Tribunal de Commerce de LYON.
Dit que l'effet dévolutif de l'appel prévu à l'article 562 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile ne joue pas.
Renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles l'aviseront.
Déboute la S.A.R.L. EMINENCE GRISE de ses demandes sur le fondement de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile.