COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 24 Mars 2005
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de ROANNE du 28 janvier 2004 - N° R.G. :
04/00768
Nature du recours : Appel
APPELANTE : La BNP PARIBAS, S.A. (anciennement dénommée BANQUE NATIONALE DE PARIS) représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de la SCP GRAFEYMER-BAUDRIER, avocats au barreau de LYON
INTIME : Maître Philippe CHARRIERE, mandataire judiciaire, agissant comme liquidateur de la Société DESSERTS DE FRANCE S.A.R.L. représenté par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour assisté de la SCP BOUFFERET-PIBAROT, avocats au barreau de ROANNE EN PRÉSENCE DE :
Monsieur LE PROCUREUR X... près la Cour d'Appel Instruction clôturée le 28 Janvier 2005 Audience publique du 16 Février 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 16 février 2005 tenue par Madame MARTIN, Président, et par Madame MIRET, Conseiller, chargées de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Madame MARTIN, Président Monsieur SANTELLI, Conseiller, Madame MIRET, Conseiller, GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle Y..., Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 24 mars 2005 Par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle
Y..., Greffier. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société EMETH LLC s'est engagée le 31 mai 2001, par deux actes distincts, à garantir à première demande de la BNP PARIBAS le solde débiteur du compte courant de la société DESSERTS DE FRANCE à concurrence de 152 449, 01 ä en principal outre intérêts au taux de base bancaire majoré de 1, 70 %, ainsi que le prêt de refinancement accordé par la BNP PARIBAS à la société DESSERTS DE FRANCE à hauteur de la somme de 426 857, 24 ä en principal outre intérêts au taux de 6, 25 %.
La société DESSERTS DE FRANCE a été mise en redressement judiciaire le 7 novembre 2001 et en liquidation judiciaire le 6 février 2002. Dans le cadre de cette procédure collective, la société BNP PARIBAS ( anciennement BANQUE NATIONALE DE PARIS ) a déclaré à titre chirographaire la somme de 466 359, 57 ä et au titre de deux nantissements, une somme de 370 244, 64 ä ainsi qu'une somme de 66 712, 46 ä.
Un protocole d'accord est intervenu entre la BNP PARIBAS et la société EMETH LLC le 7 mars 2003, aux termes duquel cette dernière offre de régler à la BNP PARIBAS la somme de 130 000 ä à titre transactionnel, ce qui a été accepté par la BNP PARIBAS.
Par lettre du 25 juin 2003, maître CHARRIERE, ès qualités de liquidateur de la société DESSERTS DE FRANCE, contestait les déclarations de créances de la BNP PARIBAS au motif qu'elle avait été partiellement réglée dans le cadre d'un protocole transactionnel rédigé avec la partie caution. La BNP PARIBAS a maintenu sa déclaration de créances.
Par ordonnance du 28 janvier 2004, le juge-commissaire du tribunal de commerce de ROANNE a constaté que la BNP PARIBAS avait abandonné son recours contre la société EMETH LLC, a dit que les créances de la BNP
PARIBAS devaient être admises sous déduction des sommes abandonnées aux termes du protocole d'accord, à hauteur de 165 699, 80 ä en ce qui concerne le compte courant, de 66 712, 46 ä en ce qui concerne le CODEVI, a dit que le prêt de refinancement a été soldé, et a dit que la société EMETH LLC se trouvait subrogée dans les droits de la BNP PARIBAS à hauteur de 130 000 ä.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 3 février 2004, la BNP PARIBAS a interjeté appel de cette ordonnance.
Par ordonnance du 29 avril 2004, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel de la BNP PARIBAS recevable.
Par conclusions récapitulatives reçues au greffe de la Cour le 14 janvier 2005, la BNP PARIBAS demande la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle admis la créance à hauteur de 66 712, 46 ä pour le CODEVI, et sa réformation en ce qui concerne les créances de 466 359, 57 ä et de 370 244, 64 ä, et leur admission pour ce montant.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir notamment qu'elle a bien qualité pour agir; qu'elle n'a pas à déduire des montants dont elle sollicite l'admission, le règlement reçu de la société garante depuis l'ouverture de la procédure collective; que le juge-commissaire n'est pas habilité à actualiser les créances produites au passif et encore moins de constater leur abandon; que le juge-commissaire a outrepassé ses droits dans le cadre de la vérification du passif; que les discussions relatives aux créances de la société EMETH LLC sont étrangères aux débats; que les engagements souscrits par cette dernière constituent des garanties à première demande.
Par conclusions récapitulatives reçues au greffe de la Cour le 7 janvier 2005, maître CHARRIERE, ès qualités de liquidateur de la société DESSERTS DE FRANCE, demande que l'appel soit déclaré irrecevable, la confirmation de l'ordonnance entreprise, outre 3 000 ä de dommages-intérêts pour appel abusif et 3 000 ä en application de
l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir notamment que la BNP PARIBAS ne justifie pas de sa qualité; qu'elle entretient une confusion entre l'admission des créances et la vérification des créances; que le juge-commissaire a arrêté et fixé le montant actualisé de la créance de la BNP PARIBAS conformément aux articles 71 à 85 du décret du 27 décembre 1985; que la quittance subrogative délivrée à la société EMETH LLC emporte extinction partielle de la créance de la BNP PARIBAS; que le juge-commissaire ne peut admettre deux créanciers pour la même créance; subsidiairement, que les actes du 31 mai 2001 constituent un simple cautionnement par la société EMETH LLC de la société DESSERTS DE FRANCE au profit de la BNP PARIBAS.
Le Ministère Public, régulièrement informé de la procédure, n'a pas fait valoir d'observations. MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de l'appel
L'ordonnance du juge-commissaire entreprise fait apparaître BNP PARIBAS BDDF comme dénomination de la banque. Le même jour, il a rendu deux autres ordonnances dans le cadre de la même procédure collective, l'une concernant BNP PARIBAS LEASE et l'autre BNP PARIBAS FACTOR. La déclaration d'appel dans la présente affaire a été faite au nom de BNP PARIBAS, qui est la dénomination sociale exacte du créancier concerné par l'ordonnance attaquée. Cette mention permet à maître CHARRIERE, ès qualités, d'identifier la décision attaquée sans erreur possible comme l'exige l'article 901- 4° du nouveau code de procédure civile, l'ajout du sigle d'un service interne de la BNP PARIBAS, en l'espèce BDDF, ne laissant pas de place au doute ou à l'interprétation. Il est en effet suffisamment démontré par les pièces versées aux débats que BNP PARIBAS BDDF n'est pas une entité juridique et que la SA BNP PARIBAS est une personne morale différente
de la SA BNP PARIBAS LEASE et de la SA BNP PARIBAS FACTOR, ses filiales. Il est en outre constant que l'intimé a été à même de savoir quelle était la décision attaquée, puisqu'il a pu conclure sur l'affaire considérée, reconnaissant par là-même l'avoir identifiée.
L'appel doit dès lors être considéré comme recevable.
Sur l'admission des créances
Aux termes de l'article L 621- 44 alinéa 1 du code de commerce, la déclaration de créances porte le montant de la créance due au jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Aux termes de l'article L 621-104 du code de commerce, le juge-commissaire décide de l'admission d'une créance ou de son rejet ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation en relève pas de sa compétence. Cela signifie qu'est exclue l'admission d'une créance autre que pure et simple et que le juge-commissaire admet les créances ou les rejettent pour le montant existant au jour d'ouverture de la procédure collective. Seul le créancier dispose d'une simple faculté de modifier sa déclaration de créance initiale pour tenir compte des paiements intervenus postérieurement, sans que ce soit une obligation. Les articles 71 à 85 du décret du 27 décembre 1985 relatifs au rôle des administrateurs judiciaires et du juge-commissaire dans la vérification des créances n'ont pas pour objet d'élargir les pouvoirs de ce dernier en matière de fixation des créances et notamment d'actualisation de celles-ci.
La société EMETH LLC, qui n'est pas partie à l'action, a signé le 31 mai 2001 deux actes distincts intitulés " Remboursement de concours- Garantie à première demande"au profit de la BNP PARIBAS: le premier concerne le remboursement du découvert accordé à DESSERTS DE FRANCE pour un montant de 1 MF ( 152 449, 02 ä ) outre intérêts conventionnels au taux de 8, 80 %, commissions, frais et accessoires étant observé que la nullité de la garantie est prévue
automatiquement au plus tard le 31 décembre 2001; le second concerne le remboursement d'un crédit à moyen terme accordé à DESSERTS DE FRANCE pour un montant de 2, 8 MF ( 426 857, 24 ä ) outre intérêts au taux de 6, 25 %, commissions, frais et accessoires étant précisé que la nullité de la garantie est prévue automatiquement au plus tard le 30 juin 2008.
Il n'est pas contesté que la BNP PARIBAS a fait trois déclarations de créances le 7 novembre 2001 dans la présente procédure collective:
- à titre chirographaire pour 466 359, 57 ä (3 059 118, 24 F)- bordereau 1- s'agissant du compte courant détenu par la société DESSERTS DE FRANCE;
- à titre de créancier nanti pour 370 244, 64 ä (2 428 645, 63 F) - bordereau 2- s'agissant du crédit à moyen terme accordé à la société DESSERTS DE FRANCE;
- à titre de créancier nanti pour 66 712, 46 ä ( 437 605, 05 F) - bordereau 3- s'agissant d'un prêt sur ressources CODEVI.
La contestation actuelle porte uniquement sur les deux premières. Elle fait suite au protocole d'accord intervenu le 7 mars 2003 entre la société BNP PARIBAS et la société EMETH LLC, garante de la société DESSERTS DE FRANCE et à la quittance subrogative du même jour. Ces deux actes ne sont pas contestés par la société BNP PARIBAS, mais ils sont postérieurs à la liquidation judiciaire et partant à la déclaration de créances. Peu importe par conséquent que la BNP PARIBAS ait expressément renoncé dans le cadre du protocole d'accord, à toutes actions du chef des créances précitées tant à l'encontre de la société DESSERTS DE FRANCE en liquidation judiciaire qu'à l'encontre de la société EMETH LLC.
La décision entreprise doit par conséquent être réformée sauf en ce qui concerne le CODEVI qui a été admis par le juge-commissaire pour
la totalité du montant, étant précisé qu'une erreur matérielle affecte le montant de l'engagement de la société EMETH LLC qui était de 1 MF ( 152 449, 02 ä ) et non de 100 000 F comme indiqué dans les motifs.
Maître CHARRIERE forme une demande de dommages-intérêts sans la justifier, alors qu'il ne démontre pas subir un préjudice. Elle sera par conséquent rejetée.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il convient de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens. PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Réforme la décision entreprise sauf en ce qui concerne le CODEVI pour une créance de 66 712, 46 ä (437 605, 05 F) étant précisé que la BNP PARIBAS est créancier nanti pour ce montant;
Et statuant à nouveau des autres chefs,
Dit que les créances de la BNP PARIBAS doivent être admises:
- à titre chirographaire pour 466 359, 57 ä ( 3 059 118, 24 F )- bordereau 1- s'agissant du compte courant détenu par la société DESSERTS DE FRANCE;
- à titre de créancier nanti pour 370 244, 64 ä ( 2 428 645, 63 F ) - bordereau 2- s'agissant du crédit à moyen terme accordé à la société DESSERTS DE FRANCE;
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par maître CHARRIERE ès qualités de liquidateur de la société DESSERTS DE FRANCE;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,
Marie-Pierre Y...
Bernadette MARTIN