COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 24 Mars 2005
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 21 octobre 2004 - N° rôle: 2003/2354 N° R.G. :
04/06904
Nature du recours : Contredit
DEMANDEURS AU CONTREDIT: SARL LE SAINT AIGNAN assisté de la SCP BONIFACE- HORDOT, avocats au barreau de SAINT ETIENNE, postulants, de Me Bernard RINEAU, avocat au barreau de NANTES, plaidant, Maître Armel DOLLEY, ès qualités d'administrateur judiciaire puis de Commissaire à l'exécution du plan au redressement judiciaire de la SARL LE SAINT AIGNAN, assisté de la SCP BONIFACE- HORDOT, avocats au barreau de SAINT ETIENNE, postulants, de Me Bernard RINEAU, avocat au barreau de NANTES, plaidant, La SCP Philippe DELAERE, mandataire liquidateur, ès qualités de représentant des créanciers de la Société Le SAINT AIGNAN assistée de la SCP BONIFACE- HORDOT, avocats au barreau de SAINT ETIENNE, postulants, de Me Bernard RINEAU, avocat au barreau de NANTES, plaidant, DÉFENDERESSE AU CONTREDIT: Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, SAS assistée de Me Anne COVILLARD, avocat au barreau de LYON Audience publique du 09 Février 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 9 février 2005 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle X..., Greffier, présent lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience
publique du 24 mars 2005 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle X..., Greffier.
EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes d'une déclaration en date du 26 octobre 2004, la société LE SAINT AIGNAN ainsi que Maître DOLLEY ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de cette société et la SCP DELAERE ès qualités de représentant des créanciers de cette société, ont formé un contredit à l'encontre du jugement rendu le 21 octobre 2004 par le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE qui s'est déclaré compétent sur la demande formée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à l'encontre de la société LE SAINT AIGNAN en recouvrement des sommes dues par cette dernière dans le cadre de l'exécution de la Convention de franchise en résiliation du contrat de franchises signifié par courrier du 6 novembre 2003 à la société LE SAINT AIGNAN.
Ils soutiennent qu'en vertu de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 modifié par le décret du 21 octobre 1994 le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires, de sorte que cette compétence est exclusive et qu'il ne peut y être dérogé - que c'est donc au Tribunal de Commerce de Nantes, qui a ouvert le 10 décembre 2003 une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société LE SAINT AIGNAN, de statuer sur la demande de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE tendant à voir fixer sa créance à la procédure collective conformément aux termes de son assignation du 20 novembre 2003 - que cette juridiction est également compétente pour se prononcer sur la validité des sûretés inscrites au cours de la période, sur les actions en responsabilité du liquidateur à l'encontre d'un partenaire commercial et sur les actions en restitution de matériel - qu'en conséquence le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE n'est pas compétent puisqu'il n'est pas le tribunal
de la procédure collective - qu'il convient préalablement de trancher cette question de compétence - que l'article L.621-41 du Code de Commerce, prévoyant que les instances en cours sont suspendues pour être reprises, après que la déclaration de créances est intervenue, en vue de fixer la créance, n'est ainsi pas applicable, dès lors qu'une contestation existe dont la nature est d'être tranchée par le tribunal de la faillite - que c'est le juge-commissaire du Tribunal de Commerce de Nantes qui devra être donc saisi de ces contestations - qu'il y a lieu de faire droit au contredit et de réformer le jugement déféré.
Dans ses conclusions sur contredit, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE soutient que l'article 174 du décret qu'invoquent les demandeurs au contredit ne conduit pas à mettre un terme aux actions qui sont nées indépendamment de la procédure collective, ce qui est le cas de celle qu'elle a engagée devant le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE le 20 novembre 2003, soit avant que ne s'ouvrela procédure de redressement judiciaire de la société LE SAINT AIGNAN devant le Tribunal de Commerce de Nantes le 10 décembre 2003 et dont l'objet est de faire constater, après qu'elle a été déclarée, sa créance et d'en fixer le montant - que les demandes reconventionnelles ou incidentes des mandataires judiciaires ne mettent pas en échec cette règle, ces demandes n'ayant aucune incidence sur la compétence de la juridiction initialement saisie - qu'il ne s'agit que de fixer sa créance - que dès lors qu'elle n'a été discutée ni par le débiteur ni par ses mandataires de justice, il est opportun que l'affaire soit évoquée sur le fond - que le contredit doit donc être rejeté.
MOTIFS ET DÉCISION :
I/ Sur la compétence à connaître de la demande principale de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE :
Attendu que les demandeurs au contredit invoquent, pour fonder leur recours et réclamer que ce soit le Tribunal de Commerce de Nantes, qui a prononcé le redressement judiciaire de la société LE SAINT AIGNAN, qui soit déclaré compétent pour connaître de la demande de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE tendant à ce qu'elle soit reconnue créancière de la société LE SAINT AIGNAN, les dispositions de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 modifié par le décret du 21 octobre 1994 qui prévoient que le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires - qu'il résulte de cet article que le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire n'est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique - que l'action principale introduite par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE dont l'objet est de faire constater sa créance sur la société LE SAINT AIGNAN à raison de factures dont cette société était redevable envers elle au jour où la procédure collective a été ouverte à l'encontre de la société LE SAINT AIGNAN et d'en fixer le montant est radicalement indépendante de cette procédure - qu'à supposer que cette demande, qui a été engagée avant que la procédure collective ne soit ouverte, donne lieu à des contestations, celle-ci seront manifestement étrangères à la procédure collective - qu'elles ne trouveront donc pas à l'évidence leur cause dans cette procédure et n'auront pas davantage une
quelconque répercussion sur elle - qu'il s'en déduit que l'instance en cours à la requête de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au jour où le redressement judiciaire de la société LE SAINT AIGNAN a été prononcé, et qui a été suspendue en vertu de l'article L. 621-41 du Code de Commerce jusqu'à ce que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, créancier poursuivant, ait procédé à la déclaration de sa créance, a été reprise de plein droit le 15 décembre 2003, date à laquelle elle y a satisfait ;
Attendu que dans ces conditions c'est bien le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE, régulièrement saisi le 20 novembre 2003 par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE d'une demande en recouvrement des sommes dues par la société LE SAINT AIGNAN au titre de l'exécution d'une convention de franchise qui les liait, et en indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture de cette convention, qui est compétent pour en connaître et non le tribunal qui a ouvert à l'encontre de la société LE SAINT AIGNAN une procédure de redressement judiciaire le 10 décembre 2003 ;
II/ Sur les autres moyens soulevés par les demandeurs au contredit :
Attendu que les demandeurs au contredit entendent encore voir prononcer l'incompétence du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE au profit du Tribunal de Commerce de Nantes et particulièrement au profit du juge-commissaire au redressement judiciaire de la société LE SAINT AIGNAN en invoquant d'une part la nullité du nantissement pris par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sur son fonds de commerce, pendant la période antérieure à l'ouverture de la procédure, et d'autre part la nature de l'action en responsabilité du liquidateur à l'encontre des partenaires commerciaux, qui relèvent toutes deux de la juridiction de la procédure collective ;
Attendu qu'il résulte des écritures de la société LE SAINT AIGNAN et
de ses mandataires de justice devant le premier juge, qu'ils n'ont formé, contrairement à ce qu'ils prétendent, aucune demande en ce sens devant le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE à titre reconventionnel - qu'en tout état de cause une telle demande, si elle avait été faîte, ne pouvait mettre en échec la compétence de la juridiction initialement saisie, ces prétentions n'ayant aucun lien avec la demande principale - que ces moyens sont donc inopérants et doivent être écartés ;
Attendu que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, aux termes de ses écritures devant le premier juge (page 8) s'est désistée de sa demande en restitution du matériel informatique qu'elle avait formée dans son assignation du 20 novembre 2003 - que la Cour n'est donc pas saisie à ce titre ;
En conclusion :
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les demandeurs au contredit ne sont pas fondés dans leur recours du 26 octobre 2004 - qu'il convient en conséquence de rejeter le contredit qu'ils ont formé à l'encontre du jugement rendu le 21 octobre 2004 par le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE, lequel s'est déclaré compétent pour connaître de la demande de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, confirmant le jugement déféré ;
III/ Sur la demande de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE d'évoquer le fond:
Attendu que le débat au fond étant circonscrit à la seule fixation d'une créance correspondant à des livraisons de marchandises impayées et à la réparation d'un préjudice résultant de la rupture du contrat de franchise, le renvoi devant le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE retarderait inutilement le règlement de l'affaire - qu'il apparaît dans ces conditions de bonne justice d'en donner une solution définitive - qu'il convient donc d'évoquer le fond,
d'inviter les parties à constituer avoué et de renvoyer l'affaire devant le Conseiller de la Mise en Etat ;
Attendu que les demandes accessoires seront réservées jusqu'à la décision statuant au fond - que les frais du contredit resteront à la charge des demandeurs au contredit ; PAR CES MOTIFS LA COUR,
Confirme le jugement déféré sur la compétence,
Rejette le contredit comme non fondé,
Evoque le fond,
Invite les parties à constituer avoué dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt,
Réserve les demandes en constatation de créances et en fixation de leur montant ainsi qu'en remboursement de frais irrépétibles,
Laisse les frais du contredit à la charge de la société LE SAINT AIGNAN ainsi que de ses mandataires de justice Maître DOLLEY, commissaire à l'exécution du plan de cession et la SCP DELAERE, représentants des créanciers, succombant au contredit.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. X...
B. MARTIN