COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 30 juin 2005
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 17 septembre 2003 - No rôle : 2002j1357 No R.G. : 03/05906
Nature du recours : Appel
APPELANTE : La Société KBC LEASE FRANCE, SA, anciennement dénommée SOCREA LOCATION 55 Avenue Maréchal Foch 69006 LYON représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour assistée de Me Michel MOREAU, avocat au barreau de LYON
INTIMEES : La Société EUROLOCATIQUE, SA 107 rue de Réaumur 75002 PARIS représentée par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de la SCP THIERRY LEFEBVRE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS La Société EFI.COM INTERNATIONAL 72 A boulevard Brunswick DOLLARD DES ORMEAUX H982C5 QUEBEC (CANADA) défaillante Instruction clôturée le 29 Avril 2005 Audience publique du 26 Mai 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 26 mai 2005 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle X..., Greffier ARRET REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 juin 2005, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle X..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE :
Mme de COTTREAU, pharmacienne, a souscrit par acte sous seing privé du 11 mai 2000, un contrat de bail auprès de la société EUROLOCATIQUE, portant sur un matériel d'affichage électronique programmable, permettant la diffusion de messages d'information ou publicitaires, d'une valeur de 86
516,99 F. Ce contrat, prévoyant des échéances mensuelles de 1780 F hors taxes à la charge du locataire a été cédé par la société EUROLOCATIQUE à la société KBC LEASE FRANCE en application d'un protocole d'accord intervenu entre elles le 7 janvier 2000.
Parallèlement, Mme de COTTREAU avait souscrit auprès de la société Concept Électronic Canadien (CEC), le 4 mai 2000, un contrat d'achat d'espace publicitaire aux termes duquel cette société s'engageait à lui verser un loyer annuel de 7
500 F hors taxes, outre une prime complémentaire de 6
000 F hors taxes, en contrepartie de la diffusion de certains messages publicitaires en provenance de laboratoires annonceurs.
Estimant la société CEC défaillante dans l'exécution de ses obligations, Mme de COTTREAU a assigné le 12 avril 2002 devant le tribunal de commerce le mandataire judiciaire, liquidateur de cette société ainsi que la société KBC LEASE FRANCE, qui a elle-même appelé en garantie les sociétés EUROLOCATIQUE et EFI COM INTERNATIONAL.
Un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 17 septembre 2003 a alors, pour principales dispositions : - dit que le contrat de crédit-bail et le contrat de prestation de services qualifié d'achat d'espace publicitaire sont indivisibles, - prononcé la résolution du contrat d'achat d'espace publicitaire et par voie de conséquence la résiliation du contrat de crédit-bail à la date du 31 décembre 2000, - condamné la société EFI COM INTERNATIONAL solidairement avec la société CEC à relever et garantir la société KBC LEASE FRANCE de toutes demandes et condamnations prononcées contre elle à la demande de la société Pharmacie Centrale, - débouté la société KBC LEASE FRANCE de toute demande à l'encontre de la société EUROLOCATIQUE, - condamné solidairement le liquidateur de la société CEC et la société KBC LEASE FRANCE à payer une indemnité de procédure de 1500 ç à la société Pharmacie Centrale, le tout avec bénéfice de l'exécution provisoire.
Pour débouter la société KBC LEASE FRANCE de son recours en garantie contre la société EUROLOCATIQUE, le tribunal a considéré que les dispositions de l'article 1693 du Code civil n'étaient pas applicables, le cédant n'étant pas responsable des conséquences découlant de circonstances postérieures à la cession.
Par déclaration remise au greffe le 10 octobre 2003, la société KBC LEASE FRANCE a relevé appel de cette décision mais seulement à l'encontre de la société EUROLOCATIQUE et de la société EFI COM INTERNATIONAL.
Par conclusions déposées le 29 janvier 2004, la société KBC LEASE FRANCE s'est désistée de son appel mais uniquement à l'égard de cette dernière société. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières écritures, en date du 18 avril 2005, la société KBC LEASE FRANCE sollicite la réformation du jugement et la
condamnation de la société EUROLOCATIQUE à lui payer la somme de 7
193,46 ç, montant des loyers qui lui sont dus, majorée des intérêts à compter de l'assignation ainsi qu'une somme de 1524,49 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Faisant valoir que la société EUROLOCATIQUE lui a cédé un contrat de bail, et non pas seulement un matériel, elle soutient que l'article 1693 du Code civil est applicable, et lui permet de rechercher la garantie de la société cédante, tenue de garantir l'existence du contrat. Or elle considère qu'en raison de l'effet rétroactif de la résolution du contrat d'achat d'espace publicitaire, censé n'avoir jamais existé, la société EUROLOCATIQUE lui a cédé un contrat de location dont la cause n'existait pas.
Elle en déduit que dans ce cas, différent de l'hypothèse d'une insolvabilité du locataire, le cédant doit sa garantie puisque la créance est anéantie ensuite de l'annulation du contrat qui l'avait fait naître.
Pour conclure, le 11 octobre 2004, à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société KBC LEASE FRANCE au paiement d'une indemnité de procédure de 3000 ç, la société EUROLOCATIQUE soutient qu'en réalité, est intervenue entre elles la vente d'un matériel et non la cession d'un droit incorporel. Elle estime que le contrat de location n'a été transmis que par l'effet de la cession du matériel qui constitue l'élément principal de l'opération juridique ; elle se réfère à cet égard aux stipulations de sa facture du 25 avril 2000 et à une jurisprudence de la Cour de cassation.
L'intimée fait en outre valoir qu'en toute hypothèse, l'article 1693 du Code civil ne saurait s'appliquer dès lors qu'elle -même ne s'est pas engagée à garantir la solvabilité du locataire, ni à l'origine ni aux dates d'exigibilité des loyers, ainsi qu'il ressortirait de l'article 2 du protocole d'accord signé entre les parties le 7
janvier 2000.
Elle considère que la même manière, le cessionnaire ne peut exercer son recours lorsque la créance cédée vient à être anéantie pour des causes postérieures à la cession, ce qui est le cas en l'espèce en l'état de la résiliation du contrat de location. SUR CE, LA COUR :
Attendu, en premier lieu, que par l'acte sous seing privé du 22 mai 2000, intitulé Acte de vente de matériel et de transfert de contrat de location avec mandat de gestion , la société EUROLOCATIQUE a cédé la société KBC LEASE FRANCE les matériels donnés en location à Mme de COTTREAU ainsi que le contrat de location conclu avec la locataire et, selon les stipulations de l'acte, lui a transféré simultanément le bénéfice de tous les droits et garanties attachés aux biens cédés et au contrat ;
Que cette formulation non équivoque révèle l'intention commune des parties d'opérer ainsi une cession de la créance détenue par la société EUROLOCATIQUE sur le locataire, qui avait préalablement donné son accord sur un tel transfert, prévu à l'article 8 du contrat de location ; que la même intention résulte du protocole d'accord signé le 7 janvier 2000 entre la société EUROLOCATIQUE et l'appelante où il est stipulé que les contrats de location placés par la première doivent être refinancés auprès de la seconde ;
Qu'ainsi, les dispositions des articles 1689 et suivants du Code civil relatifs au transport des créances et droits incorporels sont applicables aux relations entre la société EUROLOCATIQUE et la société KBC LEASE FRANCE ;
Attendu, en second lieu, que l'article 1693 dispose que celui qui vend une créance doit en garantir l'existence au temps du transport, quoiqu'il soit fait sans garantie; qu'en l'espèce, au jour de sa cession, le 22 mai 2000, le contrat de bail souscrit le 11 mai existait bien et que la société KBC LEASE FRANCE n'établit pas qu'il
ait alors été atteint d'une cause de nullité ; que le tribunal en a seulement prononcé la résiliation à la date du 31 décembre 2000, pour une cause postérieure, tenant à l'inexécution contractuelle constatée au dernier trimestre 2000, du contrat d'achat d'espace publicitaire dont il a été estimé indivisible ; que cette résiliation, qui a conduit le tribunal à laisser à la charge du locataire les loyers échus jusqu'au 31 décembre 2000, n'a pas eu d'effet rétroactif au jour de la formation du contrat ; que dès lors la garantie instituée par l'article 1693 du Code civil n'est pas due par la société EUROLOCATIQUE ;
Et attendu que la question de la solvabilité du locataire, débiteur cédé, ne se pose pas en la cause, étant au surplus observé à ce sujet que la société KBC LEASE FRANCE s'était contractuellement engagée envers la société EUROLOCATIQUE à supporter le risque d'une éventuelle insolvabilité ;
Attendu en conséquence que les prétentions de la société KBC LEASE FRANCE seront rejetées ; PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Donne acte à la société KBC LEASE FRANCE de son désistement d'appel à l'égard de la société EFI.COM ;
Déclare recevable mais mal fondée l'appel de la société KBC LEASE FRANCE ;
Confirme le jugement rendu entre les parties le 17 septembre 2003 en ses dispositions dont appel ;
Y ajoutant, vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société KBC LEASE FRANCE à payer à la société EUROLOCATIQUE une somme de 1500 ç ;
Dit que la société KBC LEASE FRANCE supportera les dépens et accorde contre elle à Me BARRIQUAND, avoué, le droit de recouvrement direct
prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. X...
H. ROBERT