AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 04/04397 SA CIBA SPECIALITES CHIMIQUES C/ X... APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 04 Juin 2004 RG : 02/02415 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 14 FEVRIER 2006 APPELANTE : SA CIBA SPECIALITES CHIMIQUES Quai Louis Aulagne BP 47 69191 SAINT-FONS CEDEX représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christian BROCHARD, avocat au barreau de LYON INTIME : Monsieur Ismail X... Chez Mme Y... 29 Quai Paul Sedaillant 69009 LYON comparant en personne, assisté de Me Florence NEPLE, avocat au barreau de LYON PARTIES CONVOQUEES LE : 19 avril 2005 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Novembre 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame Yolène Z..., Greffier. ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 14 Février 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par M. Didier JOLY, Président, et par Madame Yolène Z..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. [*************]
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 17 juin 2004 par la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES d'un jugement rendu le 4 juin 2004 par la formation de départage du Conseil de Prud'hommes de LYON (section industrie) qui a : 1o) dit que le reclassement provisoire d'Ismail X... a eu lieu dans le délai d'un mois à compter du certificat de reprise délivré par le médecin du travail, 2o) débouté Ismail
YENILMEZ de ses demandes de : - rappel de salaire et de congés payés y afférents, - rappel de treizième mois, - rappel d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, - rappel d'indemnité de licenciement, 3o) dit que le licenciement d'Ismail X... par la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES est prononcé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L 122-32-5 du code du travail, 4o) condamné la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES à payer à Ismail X... la somme de 16 965, 00 ç à titre de dommages-intérêts, 5o) débouté la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Ismail X... a été engagé par la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES en qualité de magasinier cariste (coefficient 175) au département logistique suivant contrat écrit à durée indéterminée du 23 décembre 1999 à effet du 4 janvier 2000, soumis aux dispositions de la convention collective nationale de la chimie.
Sa rémunération comprenait un salaire mensuel brut de base fixé initialement à 8 879, 00 F, un treizième mois, une prime de Noùl et une prime de transport.
Ismail X... a été victime d'un accident du travail le 23 mai 2000.
Les pièces communiquées ne permettent pas de reconstituer avec certitude les périodes pendant lesquelles le salarié a interrompu son travail.
Selon ses dires, il a repris une première fois son travail le 21 juin 2000, s'est de nouveau arrêté huit jours plus tard jusqu'au 17 novembre. A cette date, il a repris à temps partiel.
Une nouvelle rechute est intervenue trois jours plus tard et Ismail X... a bénéficié de nouveaux avis d'arrêt de travail jusqu'au 27 mars.
Le 28 mars 2001, le salarié a été victime d'un accident de la circulation. Il s'est trouvé en congé de maladie jusqu'au 5 mai 2001. La Caisse primaire d'assurance maladie a déclaré Ismail X... consolidé le 17 novembre 2000 et a refusé de prendre en charge la rechute du 23 novembre au titre de la législation professionnelle.
Le 20 juin 2000, à l'issue d'une visite qualifiée "autres" et non "reprise", le médecin du travail a émis l'avis suivant :
Apte à une reprise du travail à un poste aménagé.
Pas de port charges lourdes.
Pas de Fenwick.
A revoir dans trois semaines.
Par lettre du 24 octobre 2000, la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES a proposé à Ismail X... un "nouveau poste aménagé temporaire" : un poste de coursier interne au sein des services communs administratifs.
Le 10 novembre 2000, au terme d'une visite qualifiée "reprise AT", le médecin du travail a émis l'avis suivant :
Poste occupé : magasinier
Changement de poste souhaité :
- poste sans port de charges
- poste alternant station debout, station assise, déplacements
- 1/2 temps thérapeutique.
Puis le 20 novembre 2000 ("reprise AT") :
Inapte magasinier cariste temporaire
Apte à un poste sans port de charges (poste pouvant alterner station assise et station debout)
1/2 temps thérapeutique (4H maximum) par jour.
Ismail X... a repris à temps partiel au service de distribution du courrier, et ce pendant trois jours seulement.
Le 24 avril 2001, le médecin du travail a examiné Ismail X... dans le cadre d'une visite qualifiée de "reprise après AT". Il a émis l'avis suivant :
Apte à un poste sans charges $gt; 5kg sans utilisation Fenwick. A revoir dans un mois.
Puis le 21 mai 2001 (visite "autres") :
Apte à un poste sans chariot.
Pas de charge supérieure à 10kg
Apte poste Labo 16.
En effet, le 11 mai 2001, Ismail X... avait signé un avenant à son contrat de travail aux termes duquel il était affecté jusqu'à la fin de la validité du certificat médical d'aptitude au service contrôle qualité du département technique, en qualité d'ouvrier de laboratoire à temps partiel (20 heures hebdomadaires).
Le 19 juin 2001, à l'issue d'une visite "autre", le médecin du travail a émis l'avis suivant :
Pas de chariot
Pas de charge supérieure à 10kg
Apte poste Labo 16
Alterner poste assis et debout.
Le 4 juillet 2001, Ismail X... a signé un deuxième avenant à son contrat de travail, correspondant à un poste au service courrier du 4 au 21 juillet 2001 à raison de 35 heures hebdomadaires de travail.
A l'issue de cette période, le salarié a repris son poste au laboratoire.
Les délégués du personnel ont été consultés le 2 août.
Le 19 septembre 2001, à l'issue d'une visite "autre", le médecin du
travail a émis l'avis suivant :
Apte poste labo
- sans charges supérieures 15kg
- sans chariot.
Par lettre du 1er octobre 2001, la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES a informé l'inspecteur du travail de ce qu'elle envisageait d'engager une procédure de licenciement économique, car elle n'avait plus d'activité dans le poste qu'elle avait créé spécifiquement et temporairement pour lui.
Le 5 novembre 2001, le Comité d'établissement a été informé et consulté, dans le cadre du Livre IV, sur le projet de suppression du poste d'Ismail X....
Par lettre remise en main propre le 6 décembre 2001, la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES a confirmé à Ismail X... de la suppression de son poste d'ouvrier de laboratoire à compter du 5 décembre 2001. Elle l'a informé de ce qu'il bénéficierait jusqu'en mars 2002 de l'ensemble des dispositions du plan social alors applicable.
Par lettre recommandée du 28 mars 2002, la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES a notifié à Ismail X... son licenciement pour motif économique.
Le 17 juin 2002, Ismail X... a saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris. *
* *
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 16 novembre 2005 par la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES qui demande à la Cour de : - infirmer la décision du 4 juin 2004 en ce qu'elle l'a condamnée à servir à Ismail X... des dommages-intérêts, - débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Ismail X... qui demande à la Cour de : 1o) confirmer le jugement entrepris concernant la rupture du contrat de travail et les dommages-intérêts alloués, 2o) y ajoutant, constater que Ismail X... n'a pas été reclassé définitivement dans le délai d'un mois comme l'impose l'article L 122-32-5 du code du travail, 3o) condamner la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES à payer à Ismail X..., outre intérêts de droit à compter du jour de la demande, les sommes suivantes : - rappel de salaire
5 340, 44 ç - congés payés afférents
534, 04 ç - rappel sur la prime de treizième mois
254, 15 ç - rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis
1 219, 85 ç - congés payés afférents
121, 98 ç - rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
141, 13 ç 4o) condamner la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES à lui payer la somme de 1 500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE :
Attendu que le litige a été obscurci par la qualification incertaine donnée par le médecin du travail aux différentes visites médicales subies par Ismail X... dont la situation, il est vrai, est particulièrement complexe ; Sur l'application du statut protecteur des victimes d'accident du travail :
Attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un
accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie ;dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie ;
Qu'aucun élément ne permet de considérer en l'espèce que les restrictions limitant l'aptitude d'Ismail X... après l'accident de circulation du 28 mars 2001 étaient, même partiellement, imputables à l'accident du travail du 23 mai 2000 ; que la mention "reprise après AT" apposée par le médecin du travail sur la fiche établie au terme de la visite de pré-reprise du 24 avril 2001 est insuffisante à cet égard, le médecin ayant coché la case "autres" sur la fiche de visite de reprise du 21 mai 2001 sans viser l'accident du travail antérieur ; que Ismail X... relevait dès lors des dispositions de l'article L 122-24-4 du code du travail relatives au reclassement des salariés victimes d'accidents ou de maladie non professionnels ; Sur la demande de rappel de salaire :
Attendu qu'il résulte de l'article L 122-24-4 (alinéa 2) du code du travail que si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date du second examen médical de reprise prévu par l'article R 241-51-1 du même code ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ;
Qu'aucune disposition légale n'introduit de distinction entre un reclassement définitif qui satisferait seul aux prescriptions de l'article L 122-24-4 et un reclassement provisoire ; qu'au demeurant, cette distinction est incompatible avec le caractère évolutif de la
capacité restante de nombre de victimes et d'Ismail X... en particulier ;
Qu'en l'espèce, Ismail X... a été reclassé dès le 11 mai 2001 dans un poste provisoire conforme aux conclusions formulées par le médecin du travail lors de la visite de pré-reprise ; que le délai d'un mois ayant été respecté, le jugement qui a débouté l'intimé de sa demande de rappel de salaire sera confirmé ; Sur la qualification du licenciement :
Attendu que le 11 mai 2001, Ismail X... a signé un avenant à son contrat de travail aux termes duquel il était affecté à temps partiel, jusqu'à la fin de la validité du certificat médical d'aptitude, au service contrôle qualité du département technique, sur un poste d'ouvrier de laboratoire créé spécialement pour lui ; que dans le silence de l'article L 122-24-4 du code du travail, la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES n'était pas tenue de consulter les délégués du personnel sur les modalités du reclassement du salarié ; que la suppression du poste de reclassement accepté par Ismail X... et le licenciement consécutif de ce dernier pour un motif économique, et non en raison d'une évolution de l'aptitude de l'intéressé constatée par le médecin du travail, n'a pas fait revivre à la charge de la Société CIBA SPECIALITES CHIMIQUES une obligation de reclassement fondée sur l'article L 122-24-4 du code du travail ni même, comme le soutient le salarié, sur l'article L 122-32-5 ; que le licenciement d'Ismail X... devait être envisagé exclusivement au regard des dispositions de l'article L 321-1 du code du travail ; que force est de constater que le salarié s'est abstenu de critiquer le motif économique visé dans la lettre du 28 mars 2002 et de former, fut-ce à titre subsidiaire, une demande fondée sur l'absence de caractère réel et sérieux de la cause économique de la suppression de son poste ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Ismail X... de ses demandes de : - rappel de salaire et de congés payés y afférents, - rappel de treizième mois, - rappel d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, - rappel d'indemnité de licenciement ;
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Déboute Ismail X... de l'intégralité de ses demandes,
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles qui régissent l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
Y. Z...
D. JOLY