COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civile SECTION BARRÊT DU 12 Octobre 2006
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 14 juin 2005 - No rôle : 2003J2193No R.G. : 05/04421
Nature du recours : Appel
APPELANTS :Société LA CASINTA CAP, SARL548 avenue de Cannes06210 MANDELIEU LA NAPOULEreprésentée par Maître Christian MOREL, avoué à la Courassistée de Maître Marie-A...édicte PARA, avocat au barreau de GRENOBLEMonsieur Camille A... X...2 bis chemin de la Pinède06650 OPIOreprésenté par Maître Christian MOREL, avoué à la Courassisté de Maître Marie-A...édicte PARA, avocat au barreau de GRENOBLEMademoiselle Maria DE Y... Z... DOS ARIOS2 bis chemin de la Pinède06650 OPIOreprésentée par Maître Christian MOREL, avoué à la Courassistée de Maître Marie-A...édicte PARA, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :Société AGIP FRANCAISE, SA4 quai des Etroits69321 LYON CEDEX 05représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Courassistée de Maître Geneviève BENMUSSA, avocat au barreau de LYONInstruction clôturée le 26 Mai 2006Audience publique du 14 Septembre 2006LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :Madame Laurence FLISE, PrésidentMadame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DÉBATS : à l'audience publique du 14 Septembre 2006sur le rapport de Madame Laurence FLISE, Président GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joùlle POITOUX, GreffierARRÊT :
CONTRADICTOIREPrononcé publiquement le 12 octobre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Nicole MONTAGNE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.****************Suivant convention signée les 29 mars et 24 mai 2002 la société AGIP FRANCAISE a donné en location-gérance à la société LA CASINTA CAP un fonds de commerce de station-service exploité à Mandelieu (distribution de lubrifiants et exercice d'activités annexes) et a mandaté la société LA CASINTA CAP pour la distribution des produits pétroliers.
Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... se sont portés cautions solidaires des engagements de la société LA CASINTA CAP, à hauteur de 45 000 euros chacun.
Suivant avenant en date du 10 juin 2002 la redevance fixée par la convention de location-gérance a été augmentée en contrepartie d'investissements à réaliser par la société AGIP FRANCAISE pour améliorer les installations en vue d'une meilleure rentabilité du
site.
A la fin de l'année 2002 la société AGIP FRANCAISE s'est plainte de l'absence de reversement par la société LA CASINTA CAP de recettes provenant de la vente de carburants et a finalement manifesté l'intention de mettre un terme à ses relations contractuelles avec la société LA CASINTA CAP et de reprendre possession de la station-service.
Aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties, la société AGIP FRANCAISE a fait assigner la société LA CASINTA CAP et ses cautions devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir paiement des sommes qui lui restaient dues.
Par jugement en date du 14 juin 2005 cette juridiction a :
- écarté l'exception d'incompétence soulevée par les défendeurs au profit de la juridiction prud'homale,
- condamné solidairement la société LA CASINTA CAP, Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... (ces deux derniers dans la limite de 45 000 euros chacun) à payer à la société AGIP FRANCAISE une somme de 177 512,28 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2002,
- ordonné la capitalisation des intérêts de retard,
- condamné la société LA CASINTA CAP à payer à la société AGIP FRANCAISE une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi qu'une somme de 10 000 euros sur le
fondement de l'article 700 Nouveau Code de procédure civile,
- débouté la société LA CASINTA CAP, Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... de leurs demandes reconventionnelles tendant principalement à l'allocation de dommages et intérêts pour pertes d'exploitation et pour préjudice moral.
La société LA CASINTA CAP, Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... ont interjeté appel de cette décision le 24 juin 2005.
Aux termes de leurs dernières écritures, qui ont été déposées le 29 novembre 2005 et qui sont expressément visées par la Cour, ils concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent :
- à titre principal que toutes les prétentions de la société AGIP FRANCAISE soient écartées,
- à titre subsidiaire qu'une compensation soit ordonnée.
Ils sollicitent l'application en leur faveur des dispositions de l'article 700 Nouveau Code de procédure civile.
Pour démontrer le caractère infondé des demandes présentées par la société AGIP FRANCAISE ils soutiennent :
À titre principal :
- que les dispositions de l'article L 781-1 du code du travail sont applicables à l'espèce (la société LA CASINTA CAP, créée pour les besoins de la cause, constituant un écran purement fictif entre d'une
part la société AGIP FRANCAISE et d'autre part Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z...)et que le contrat de mandat conclu entre les parties doit être requalifié en contrat de travail pour les motifs suivants : approvisionnement exclusif par le distributeur, commercialisation dans un local appartenant au distributeur, obligation de rendre compte du mandat et de tenir tous les documents comptables à la disposition du distributeur et fixation des prix et tarifs par le distributeur,
A titre subsidiaire
- que la société AGIP FRANCAISE s'est rendue coupable d'un dol en omettant de signaler, au moment de la conclusion de la convention datée des 29 mars et 24 mai 2002, qu'une permission de voirie (concernant l'un des accès à la station-service) n'avait pas été renouvelée
- que la société AGIP FRANCAISE n'a pas respecté les dispositions de la Loi Doubin relatives à l'information pré-contractuelle du futur exploitant,
- que la société AGIP FRANCAISE s'est rendue coupable d'un abus dans la fixation du prix des carburants et des produits non pétroliers,
- que la renonciation de la société LA CASINTA CAP au bénéfice des dispositions de l'article 2000 du code civil n'est pas valable, son attention n'ayant pas été spécialement attirée sur les conséquences de cette renonciation.
Ils se plaignent reconventionnellement du fait que la société LA CASINTA CAP, n'a pas pu dégager de résultats bénéficiaires et demandent que la société AGIP FRANCAISE soit condamnée au versement d'une somme de 123 696 euros HT correspondant au montant du déficit observé à la date du 30 avril 2003.
Ils estiment que le comportement de la société AGIP FRANCAISE a causé à la société LA CASINTA CAP, un préjudice moral devant être réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 30 décembre 2005 et qui sont expressément visées par la Cour, la société AGIP FRANCAISE conclut à la confirmation du jugement entrepris (sous réserve d'une légère modification du montant en principal de la condamnation prononcée à son profit) et sollicite l'allocation d'une somme supplémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient :
- que, comme l'a jugé le 26 novembre 2004 le conseil des prud'hommes de Cannes saisi par Madame Z..., le locataire-gérant mandataire n'était pas sous la dépendance économique du bailleur, puisqu'il jouissait, pour ses activités les plus lucratives, d'une totale liberté,
- qu'au moment de la conclusion de la convention datée des 29 mars et 24 mai 2002 elle ignorait elle-même qu'elle avait omis de solliciter le renouvellement de l'autorisation de voirie,
- que l'existence d'un préjudice consécutif à la suppression d'un accès jusque là simplement toléré n'est nullement établie et qu'au contraire le chiffre d'affaires de la station-service a augmenté,
- que les difficultés financières rencontrées par la société LA CASINTA CAP lui sont imputables comme trouvant leur origine dans un développement insuffisant des activités de diversification et notamment dans l'arrêt de l'activité de réparation automobile,
- qu'elle n'a pratiqué ni prix arbitraires non conformes aux conditions du marché ni discrimination entre distributeurs,
-que Monsieur A... X..., qui s'est présenté comme le seul représentant de la société LA CASINTA CAP formation a bien reçu, dans le délai fixé par l'article L 330-3 du code de commerce un document d'information pré-contractuelle tout à fait complet, dont l'absence, à la supposer établie, n'aurait d'ailleurs pas été suffisante pour entraîner de plein droit la nullité de la convention,
- que la clause de renonciation au bénéfice des dispositions de l'article 2000 du code civil était clairement insérée dans la convention dont la société LA CASINTA CAP avait reçu un projet bien avant sa signature.
Elle précise avoir effectué, en contrepartie de l'augmentation de redevance, des investissements d'un montant de 68 123 euros.
Elle se prévaut des renseignements fournis dans leurs fiches de candidature par Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... qui se sont eux-même présentés comme possédant une expérience dans le domaine de l'exploitation de station-service.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mai 2006.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que les appelants invoquent à nouveau devant la Cour les dispositions de l'article L 781-1 du code du travail ;
Qu'en réalité ces dispositions ne sont pas applicables à l'espèce compte tenu de la liberté dont jouissaient la locataire-gérante pour la gestion des activités autres que la commercialisation des produits pétroliers ;
Que, d'ailleurs, les appelants, qui ne soulèvent pas à nouveau devant la Cour une exception d'incompétence et qui ne précisent pas la juridiction au profit de laquelle un dessaisissement serait susceptible d'intervenir, ne tirent pas la seule conséquence juridique qu'aurait pu avoir l'applicabilité à l'espèce des dispositions de l'article L 781-1 du code du travail ;
Attendu que la preuve d'un dol dont auraient été victimes les appelants ne se trouve nullement rapportée ;
Qu'il n'est pas établi, en effet, qu'à la date de l'engagement de la
société LA CASINTA CAP (29 mars 2002) la société AGIP (qui n'a formulé une demande de renouvellement de l'autorisation de voirie qu'au mois de mai 2002 ) était consciente d'avoir laissé expirer le délai de renouvellement ;
Qu'il n'est pas établi non plus que la suppression de l'un des accès à la station-service, dont l'incidence négative sur le chiffre d'affaires et les résultats de la station-service ne ressort pas des documents versés aux débats, ait, si elle avait été connue, empêché la société LA CASINTA CAP de s'engager ;
Attendu qu'à la lecture des fiches rédigées par Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... eux-même au moment où ils se sont portés candidats à la gérance d'une station-service AGIP il apparaît bien que, contrairement à ce qu'ils prétendent, ils possédaient tous les deux, dans ce domaine d'activité, une expérience qui ne permet pas de les considérer comme des profanes ;
que la société LA CASINTA CAP, qui a reçu dès le 15 février 2002 (ainsi qu'en atteste la signature de son gérant), outre un projet de convention, des documents contenant les informations prescrites par le décret 337 du 4 avril 1991portant application de l'article L 330-3 du code de commerce, ne rapporte pas la preuve d'une erreur ayant vicié son consentement ;
que cette preuve ne saurait, en effet, résulter du simple retard apporté à la remise du document relatif aux accords interprofessionnels dont le projet de convention mentionnait et respectait les lignes directrices et dont l'intégralité a été communiquée avant la signature de la convention ;
Attendu que les appelants ne précisent pas clairement en quoi la société AGIP FRANCAISE aurait commis un abus dans la fixation du prix des carburants ;
Que le seul document invoqué à l'appui de ce reproche se trouve être les dispositions régissant le contrat de mandat qui ne sauraient en elles-même constituer la preuve d'un abus dans leur exécution ultérieure ;
Attendu que les appelants ne rapportent pas non plus la preuve d'une atteinte portée par la société AGIP FRANCAISE à la liberté dont disposait la société LA CASINTA CAP pour s'approvisionner en produits autres que carburants et lubrifiants et pour fixer les prix de revente des produits autres que les carburants ;
Que les pièces invoquées par la société LA CASINTA CAP à l'appui de ce deuxième reproche (atteinte à la liberté de fixation des prix de revente), outre qu'elles présentent des erreurs de numérotation, concernent l'exécution du contrat de mandat et non l'exécution du contrat de location-gérance et ne sont pas, par conséquent, pertinentes ;
Attendu que la clause de renonciation au bénéfice des dispositions de l'article 2000 du code civil a été rédigée dans des termes dénués d'ambigu'té et insérée au début de la convention ;
Que son existence et sa portée, qui auraient été apparentes même pour un profane, ne pouvaient échapper au professionnels déjà expérimentés qui géraient la société LA CASINTA CAP ;
Attendu que, pour justifier du montant de sa créance, la société AGIP FRANCAISE produit, comme en première instance, un décompte établi le 14 décembre 2004 pour un montant de 183 987,74 (auquel les premiers juges avaient cru devoir ajouter une somme de 404,54 euros qui n'est pas actuellement réclamée) ;
Que, comme en première instance elle déduit de cette somme un soutien financier d'un montant de 6 880 euros ;
Attendu que les appelants ne formulent aucune critique précise contre le décompte produit auquel se trouvent annexés des relevés précis et détaillés ;
Attendu que le jugement entrepris doit, dès lors, être confirmé en ce qu'il a accueilli la demande principale de la société AGIP FRANCAISE (et ce sous réserve d'une légère modification du montant de la condamnation en principal) et débouté les appelants de leurs demandes reconventionnelles ;
Qu'il doit également être confirmé en ce qu'il a condamné la société LA CASINTA CAP, qui n'avait aucun moyen de défense sérieux à faire valoir et qui a contraint la société AGIP FRANCAISE à effectuer de nombreuses démarches et diligences, une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Attendu que les premiers juges ont fait une application équitable des dispositions de l'article 700 Nouveau Code de procédure civile ;
Qu'il convient d'allouer à la société AGIP FRANCAISE, pour la procédure d'appel, une somme supplémentaire de 5 000 euros qui sera, ainsi que les dépens, mise à la charge de tous les appelants ;PAR CES MOTIFS Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris étant simplement précisé que le montant en principal de la condamnation prononcée au profit de la société AGIP FRANCAISE est ramené de 177 512,28 euros est ramené à 177 107,74 euros ;Y ajoutant :Condamne la société LA CASINTA CAP, Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... à payer à la société AGIP FRANCAISE une somme supplémentaire de (5 000 euros) sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société LA CASINTA CAP, Monsieur A... X... et Madame DE Y... Z... aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP JUNILLON -WICKY, avoué.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
N. MONTAGNE
L. FLISE