COUR D'APPEL DE LYON SIXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 03 MAI 2007
Décision déférée : Décision du Tribunal d'Instance de LYON du 30 mai 2005-(R. G. : 2003 / 4859)
No R. G. : 05 / 04944
Nature du recours : APPEL Affaire : Demande relative à d'autres contrats d'assurance
APPELANTE :
Madame Esmeralda X... Demeurant : ...... 38540 GRENAY
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, Avoués assistée par Maître LAVOCAT, Avocat, (TOQUE 388)
INTIMEES :
SA LYONNAISE DE BANQUE Siège social : 8 rue de la République 69001 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, Avoués assistée par Maître ANSLER, Avocat, (TOQUE 781)
SA ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE Siège social : 34 rue du Wacken 67906 STRASBOURG CEDEX 9
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, Avoués assistée par Maître VINCENT, Avocat, (TOQUE 639)
Instruction clôturée le 09 Mars 2007
Audience de plaidoiries du 22 Mars 2007
LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :
. Monsieur LECOMTE, Président
. Madame DUMAS, Conseiller
. Madame de la LANCE, Conseiller, qui a fait le rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame CARRON, Greffier
a rendu le 03 MAI 2007, l'ARRET contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Monsieur LECOMTE, Président, et par Madame CARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Esméralda X... a souscrit, auprès de LA LYONNAISE DE BANQUE, le 7 mai 1997, un prêt immobilier de 380 000 F sur 8 ans, le 16 mai 1997, un prêt personnel à la consommation de 48 000 F sur 36 mois et le 3 juin 1997, un prêt personnel spécifique auto de 60 000 F sur 48 mois. A l'occasion de chacun de ces prêts, Madame X... a également souscrit une assurance, ayant pour objet de la garantir contre les risques de décès, invalidité et incapacité temporaire totale, proposée par LA LYONNAISE DE BANQUE pour le compte de la Compagnie GAN VIE, à laquelle s'est substituée la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE.
Le prêt du 3 juin 1997 a été remboursé par anticipation le 21 avril 2000 et remplacé le même jour par un nouveau prêt de 87 000 F sur 60 mois, lui-même remboursé par anticipation le 6 juillet 2000 et remplacé immédiatement par un prêt de 85 000 F sur 60 mois. Par lettre du 5 mai 2000, la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE a informé Madame X... de l'ajournement de son admission à l'assurance pour le prêt de 87 000 F jusqu'en novembre 2001, puis par lettre du 20 octobre 2000, l'a informée de l'ajournement de son admission à l'assurance pour le prêt de 85 000 F jusqu'au mois de mai 2001.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2000, Madame X... a informé l'assureur qu'elle était en arrêt de travail depuis le 20 octobre 1999 et lui a demandé la prise en charge des mensualités des prêts. L'assureur a refusé toute prise en charge au motif que l'origine de son arrêt de travail faisait partie des risques exclus contractuellement. L'assureur a maintenu sa position, dans un courrier du 3 décembre 2001, après l'expertise médicale confiée au Docteur B...
Par actes des 12 et 14 novembre 2003, Madame X... a fait assigner devant le tribunal d'instance de Lyon la Société LYONNAISE DE BANQUE et la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE pour obtenir l'application de la garantie des contrats de prêt, le remboursement des primes prélevées au titre des contrats des 21 avril et 6 juillet 2000 et l'indemnisation de ses préjudices moral et financier.
Par jugement du 30 mai 2005, le tribunal, retenant que l'extrait du contrat d'assurance avait bien été remis à Madame X..., que le refus d'indemnisation de l'assureur était justifié, que Madame X... avait été informée de l'ajournement d'assurance et qu'aucun manquement au devoir de conseil de la banque ou de l'assureur n'était démontré, a rejeté l'ensemble des demandes de Madame X....
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Madame X... a interjeté appel de ce jugement et soutient que les bulletins individuels d'adhésion produits ne satisfont pas aux exigences de l'article R. 112-3 du Code des assurances, la mention de la remise des documents n'étant pas entièrement manuscrite, que ni l'assureur ni la banque n'apportent la preuve que les notices d'information relatives aux prêts lui ont été remises, que les exclusions que ces notices comportent ne lui sont donc pas opposables, que l'exclusion de garantie visant les « troubles psychiques » n'est pas formelle et limitée, se référant à des maladies non précisées, et ne répond pas aux exigences de l'article L. 113-1 du Code des assurances, que, concernant l'ajournement d'assurance, les prêts souscrits en 2000 se substituant au prêt initial de 60 000 F ayant le même objet, la garantie devait être maintenue, que le refus de garantie est abusif, qu'en outre, les garanties ont été limitées sans diminution de la prime, et que le manquement de la banque à ses obligations de délivrance et de conseil et le refus injustifié de l'assureur d'appliquer la garantie lui ont causé un préjudice moral et financier dont elle demande réparation.
Madame X... demande à la Cour de condamner in solidum les ACM VIE et la Société LYONNAISE DE BANQUE à lui payer au titre du prêt immobilier la somme de 2 286,74 € outre intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2000, au titre du prêt à la consommation la somme de 911,70 € outre intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2000, de déclarer non-conforme à l'article L. 113-1 du Code des assurances l'exclusion de garantie relative aux troubles psychiques, de condamner en conséquence les ACM VIE à lui payer au titre des prêts de juin 1997 et d'avril 2000 la somme de 262,88 € outre intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2000, au titre des primes indûment prélevées la somme de 2 668,60 € conformément à l'article 1376 du Code civil, de condamner in solidum les ACM VIE et la Société LYONNAISE DE BANQUE à lui régler au titre de ses préjudices moral et financier la somme de 5 000 € et celle de 3 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
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La Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE fait valoir que, dans tous les contrats d'assurance attachés aux différents prêts, sous le paragraphe concernant la reconnaissance de la réception d'un extrait du contrat passé entre le GAN VIE et la Lyonnaise de Banque, Madame X... a porté la mention « lu et approuvé » et a signé, qu'elle ne peut prétendre que les notices d'information ne lui auraient pas été remises, que Madame X... a produit elle-même le bulletin individuel d'adhésion d'admission à l'assurance concernant le prêt immobilier signé de sa main, que son refus d'indemnisation est justifié, l'affection dont a souffert Madame X... entrant dans la catégorie des troubles psychiques visés au titre des risques exclus, que cette clause d'exclusion ne peut être considérée comme équivoque, que les conclusions du médecin conseil des ACM VIE et de l'expert désigné, selon les dispositions contractuelles, sont claires et précises, que, concernant l'ajournement d'assurance, Madame X... informée n'a jamais manifesté son refus de maintenir la seule garantie accidentelle pour un même montant de prime, qu'aucun manquement à son devoir de conseil n'est établi, qu'elle n'a pas eu connaissance de la substitution de prêt, et que l'appel de Madame X... était abusif.
La Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Madame X... de toutes ses demandes, de la mettre hors de cause dans le litige opposant Madame X... à la Société LYONNAISE DE BANQUE, à titre infiniment subsidiaire de désigner un expert pour déterminer l'incapacité subie par Madame X..., en tout état de cause de condamner Madame X... à lui verser la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 3 900 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
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La Société LYONNAISE DE BANQUE fait valoir qu'elle est intervenue en qualité de souscripteur, qu'elle a rempli son obligation de remettre à Madame X... les notices d'information rédigées par l'assureur, Madame X... ayant reconnu les avoir reçues sur les bulletins individuels d'adhésion en apposant la mention manuscrite « lu et approuvé » et en signant, que Madame X... n'a jamais contesté que la signature apposée sur les bulletins était la sienne, que l'argumentation de Madame X... est dénuée de toute portée, que les dispositions de ces notices lui sont opposables, qu'elle a également rempli son devoir d'information et de conseil, les notices mentionnant en caractères apparents et en termes non équivoques l'exclusion de garantie, que la décision d'ajournement des assurances, pour raison médicale, des ACM VIE ne peut lui être reprochée, qu'il appartenait à Madame X... de contester ce point et qu'aucune faute de la banque n'est établie.
La Société LYONNAISE DE BANQUE demande à la Cour de débouter Madame X... de toutes ses demandes à son encontre et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la remise des notices d'assurance :
Attendu qu'il est produit au dossier les bulletins individuels d'adhésion à l'assurance tant pour le prêt immobilier que pour le prêt personnel du 16 mai 1997 ; que sur ces bulletins, après l'identification du contrat concerné, l'identification de l'assuré et un questionnaire de santé simplifié, apparaît une formule préimprimée indiquant « Je reconnais avoir reçu un extrait du contrat passé entre le GAN VIE et la Lyonnaise de Banque et en avoir pris connaissance », formule à la suite de laquelle Madame X... a porté la date et la mention « Lu et approuvé » et a signé ;
Que ces bulletins, conformes aux dispositions de l'article R. 112-3 du Code des assurances, justifient de la remise effective des notices d'information à Madame X... pour les différents prêts souscrits ; que celle-ci n'a pas contesté que la signature figurant sur les bulletins produits était bien la sienne ;
Que les dispositions comprises sur cette notice sont donc opposables à Madame X... ;
Que le jugement déféré, qui a rejeté le moyen de Madame X... tiré du défaut de remise de la notice, doit être confirmé sur ce point ;
-Sur l'exclusion de garantie :
Attendu qu'au paragraphe intitulé « RISQUES EXCLUS » de la notice d'information remise à l'assurée, il est indiqué « La garantie du présent titre ne s'applique pas en cas d'incapacité ou d'invalidité résultant de :-troubles psychiques, … » ;
Que le terme de trouble psychique utilisé n'est pas un terme de spécialiste ni un terme technique mais il n'est pas équivoque, et est couramment employé pour désigner toute atteinte au mental par opposition à une atteinte physiologique ; qu'ainsi, l'exclusion est claire et limitée à l'ensemble des troubles du psychisme ; que, comme l'a indiqué le médecin conseil dans son courrier du 7 mars 2001 adressé à Madame X..., l'assurance ne couvre que les affections somatiques selon le contrat souscrit ;
Qu'il résulte du courrier du Docteur C... du 9 février 2001 et du rapport du Docteur B... du 12 septembre 2001 que l'arrêt de travail de Madame X... du 20 octobre 1999 au 6 juillet 2000 a eu pour cause un état dépressif réactionnel à un conflit professionnel ;
Que l'exclusion de la garantie s'appliquant aux troubles psychiques ne peut que s'appliquer à un état dépressif quelque soit son origine ;
Que le jugement déféré, qui a retenu que le refus d'indemnisation de la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE était justifié, doit être confirmé également sur ce point ;
-Sur les conséquences de l'ajournement d'assurance :
Attendu que par courrier du 5 mai 2000, la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE a informé Madame X... que son admission à l'assurance pour le contrat souscrit le 21 avril 2000 pour un prêt de 87 000 F était ajournée jusqu'en novembre 2001 ; que ce courrier indique « les risques d'origine accidentelle moyennant paiement de la cotisation totale vous restent acquis sauf avis contraire de votre part » ; que, de même, par courrier du 20 octobre 2000, comprenant les mêmes indications, la société d'assurance a informé Madame X... que son admission était également ajournée pour le prêt du 11 juillet 2000 de 85 000 F ;
Que, suite à ces courriers, il n'est justifié par Madame X... d'aucune contestation de sa part ;
Qu'en l'absence de manifestation d'un désaccord de Madame X..., le prélèvement des primes pour la seule garantie des risques accidentels ne peut être reproché à l'assureur ;
Que le jugement déféré, qui a rejeté la demande de Madame X... en remboursement des primes d'assurance, doit être confirmé à nouveau de ce chef ;
-Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier :
Attendu qu'il a été retenu que les notices d'information avaient bien été remises à Madame X..., que la clause d'exclusion comprise dans ces notices était claire et que le refus d'indemnisation était justifié ;
Qu'en conséquence, Madame X... ne justifie pas d'un manquement à ses obligations de délivrance et de conseil de la part de la Société LYONNAISE DE BANQUE ni d'une faute commise par la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE ; que sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral et financier non établi ne peut être que rejetée ;
Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
-Sur les autres demandes :
Attendu que la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE ne justifie pas en quoi Madame X... aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir ; que sa demande en dommages et intérêts ne peut dès lors être accueillie ; Attendu qu'il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE et de la Société LYONNAISE DE BANQUE l'ensemble des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il leur sera alloué à chacune une somme de 1 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute Madame Esméralda X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE et de la Société LYONNAISE DE BANQUE,
Donne acte à la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE de ce qu'elle accepte de réévaluer le montant de la prime d'assurance prélevé après les ajournements d'assurance, mais en aucun cas de rembourser la totalité de la prime,
Déboute la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne Madame X... à verser à la Société ASSURANCE CREDIT MUTUEL VIE et à la Société LYONNAISE DE BANQUE la somme de 1 000 € à chacune au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Madame X... aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de la SCP DUTRIEVOZ et de la SCP BRONDEL et TUDELA, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.