COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A
ARRÊT DU 24 Janvier 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 26 septembre 2006-No rôle : 2003j2986
No R. G. : 06 / 07033
Nature du recours : Appel
APPELANTE :
Société CATTIER CLAUDE SARL 8-10, chemin de Saint Gobain 69190 SAINT FONS
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Natacha TRAPARIC, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur Pierre Raymond Bernard Y...... 32230 TRONCENS
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assisté de la SELARL LERICHE, avocats au barreau de LYON
Instruction clôturée le 13 Novembre 2007
Audience publique du 07 Décembre 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 07 Décembre 2007 sur le rapport de Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 Janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE-PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 14 novembre 2000, M. Pierre Y...a conclu avec la société Claude CATTIER un contrat de franchise " DORMILAX " pour développer un réseau de formateurs dans le domaine de l'ameublement et des métiers de la décoration. Le 19 décembre 2002, il a contesté la validité de ce contrat ainsi que de la clause de non concurrence qui y était portée, dont il a demandé la nullité. Le 21 juillet 2003, la société Claude CATTIER a reconnu la nullité de la clause de non concurrence tout en reprochant à M. Pierre Y...des actes de concurrence déloyale. La société Claude CATTIER a estimé que pour le surplus le contrat était parfaitement valable. Par acte du 11 septembre 2003 M. Pierre Y...a assigné la société Claude CATTIER devant le Tribunal de Commerce de LYON aux fins de voir :-dire que la société Claude CATTIER a manqué à son obligation légale d'information pré-contractuelle-dire que ce manquement a vicié son consentement-constater la nullité du contrat de franchise du 14 novembre 2000-condamner la société Claude CATTIER à lui payer la somme de 10 939,74 euros (71 760 francs) correspondant à la restitution du droit d'entrée-condamner la société Claude CATTIER à payer la somme de 13 113,98 euros en réparation des préjudices matériel, financier et moral qu'il a subis-donner acte à la société Claude CATTIER de ce qu'elle reconnaît la nullité de la clause de non concurrence figurant au contrat du 14 novembre 2000-débouter la société Claude CATTIER de toutes ses demandes-condamner la société Claude CATTIER à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile-la condamner aux dépens.
Par jugement du 26 septembre 2006, le Tribunal de Commerce de LYON a :
-prononcé la nullité du contrat de franchise conclu le 14 novembre 2000 entre M. Pierre Y...et la société Claude CATTIER-condamné la société Claude CATTIER à restituer à M. Pierre Y...les droits d'entrée dans cette franchise pour un montant de 10 939,74 euros, mais l'a débouté de ses autres demandes de dommages et intérêts-débouté la société Claude CATTIER de sa demande en condamnation de M. Pierre Y...pour concurrence déloyale-débouté la société Claude CATTIER de sa demande de communication de la liste des formations en comptabilité effectuées par M. Pierre Y...-condamné la société Claude CATTIER à verser à M. Pierre Y...la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile-condamné la société Claude CATTIER aux dépens.
Par déclaration du 8 novembre 2006, la société Claude CATTIER a relevé appel de ce jugement.
Dans ses conclusions du 8 mars 2007, la société Claude CATTIER soutient :-que le contrat signé le 14 novembre 2000 ne comportait pas d'exclusivité au sens de l'article L-330-3 du Code de Commerce ; de sorte que ce texte n'a pas lieu de s'appliquer-que cependant le document fourni comprenait toutes les informations prévues à l'article L 330-3 du Code de commerce-qu'ainsi M. Pierre Y...ne peut prétendre n'avoir pas été en mesure d'apprécier les qualités substantielles de ce sur quoi il s'engageait-que notamment elle a rempli ses obligations de formation à l'égard de M. Pierre Y...mais également toutes celles prévues au contrat-que la demande en nullité du contrat n'est pas fondée et doit être rejetée-que M. Pierre Y...quant à lui s'est servi de sa qualité de franchisé du réseau DORMILAX pour commettre des actes de concurrence déloyale en démarchant des clients de ce réseau pour son propre compte de formateur-que M. Pierre Y...ne justifie pas par les pièces qu'il produit de ses demandes de dommages et intérêts, dont il doit par conséquent être débouté.
Dans ses conclusions en date du 5 juillet 2007, M. Pierre Y...soutient :-que le contrat du 14 novembre 2000 est un contrat de franchise régi par l'article L 330-3 du Code de commerce-que le document pré-contractuel d'information ne répond pas aux exigences du décret du 4 avril 1991 précisant les modalités de cet article-que le défaut d'information l'a induit en erreur sur les qualités substantielles de la franchise-qu'en conséquence le contrat est nul à raison d'un vice du consentement-qu'il doit être indemnisé par la restitution du droit d'entrée et la condamnation de la société Claude CATTIER à lui payer une somme de 12 700 euros pour ses divers préjudices-que la société Claude CATTIER n'a pas rempli ses obligations contractuelles à son égard en n'assurant pas les formations promises-que ses actions n'ont pas été déloyales dés lors qu'aucun artisan de son secteur n'a été approché en dehors du domaine de la franchise DORMILAX, à l'exception de deux clients " DORMILAX " mais qui se situaient en dehors de son secteur et en dehors du champ de la franchise. Il sollicite la confirmation du jugement, sauf à lui accorder les dommages et intérêts que le premier juge lui a refusé.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2007.
MOTIFS ET DÉCISION
I Sur la nature du contrat conclu entre la société Claude CATTIER et M. Pierre Y....
Attendu que le contrat qu'ont conclu le 14 novembre 2000 la société Claude CATTIER et M. Pierre Y...avait pour objet de confier à ce dernier, dont l'activité exercée à titre personnel était celle de formateur, la mission de développer le réseau désigné sous le nom " DORMILAX " que la société la société Claude CATTIER-qui bénéficiait d'exploitation de la marque et d'un savoir faire spécifique afférents aux moyens techniques, aux procédés de fabrication, à la formation aux méthodes commerciales, d'une licence et de la gestion des entreprises dans le secteur d'activité du meuble, de l'ameublement et des métiers de la décoration-a créé et auquel plusieurs sociétés implantées en France avaient adhéré-qu'à cette fin, M. Pierre Y...devait recruter des artisans dans le secteur d'activité concerné et leur assurer en tant que sous-franchisés une formation commerciale ainsi qu'à la gestion et à l'organisation et leur transmettre le savoir faire attaché à la marque " DORMILAX " ;
Attendu que l'on a donc affaire à un contrat qui porte sur l'exploitation d'une marque dans le cadre d'une franchise ;
II Sur la demande en nullité du contrat de franchise du 14 novembre 2000.
Attendu que M. Pierre Y...entend réclamer la nullité du contrat intervenu le 14 novembre 2000 avec la société Claude CATTIER au motif qu'il n'a pu bénéficier de la formation que tout franchisé doit recevoir avant de signer le contrat en violation par le franchiseur des obligations pré-contractuelles d'information mises à sa charge par l'article L 330-3 du Code de commerce (codification de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989) qui dispose notamment que le franchiseur doit remettre au futur franchisé un document précisant l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que la charge des exclusivités et ce, vingt jours au moins avant la signature du contrat ;
Attendu que si les sanctions pénales édictées par l'article 2 du décret du 4 avril 1991 donnent incontestablement à ces dispositions un caractère d'ordre public, le non respect de celles-ci n'entraîne pas pour autant la nullité du contrat, sauf au franchisé à démontrer qu'au moment où il contractait son consentement a été vicié ;
Attendu que M. Pierre Y...invoque l'absence d'une étude préalable de marché réalisée par le franchiseur se rapportant à l'activité de formateur dans le secteur de l'ameublement et des métiers de la décoration qui seule lui aurait permis de vérifier la pertinence du produit et de disposer des éléments nécessaires à un engagement éclairé sur l'existence du savoir faire que la société Claude CATTIER prétendait avoir-que le franchiseur se devait de transmettre au franchisé les conditions de mise en oeuvre de savoir faire en prenant en compte les spécificités propres au secteur d'activité-qu'à cet égard la société Claude CATTIER n'a pas fourni d'éléments sur la consistance exacte du réseau et les lieux de son implantation-qu'elle lui a indiqué faussement que le réseau couvrait la France entière, alors qu'elle n'était implantée que dans les régions Rhone-Alpes-Provence-Auvergne-que l'entrée dans un réseau de franchise nécessitait que le franchiseur dispose d'une notoriété reconnue à un nom, à une enseigne ou à une marque résultant d'une expérience liée à un savoir faire qui a été préalablement testé de la réussite économique d'un concept que le franchiseur entend commercialiser auprès de candidats franchisés-que la société Claude CATTIER se devait à cet égard de communiquer à M. Pierre Y...l'identité des autres franchisés du réseau ainsi que les éléments comptables de leur exploitation ;
Attendu que la franchise consistait à assurer la formation d'un réseau de sous franchisés-que dans ces conditions la formation que devait délivrer la société Claude CATTIER au franchisé sur le concept, objet de la franchise, était primordiale, le franchisé ne pouvant développer ce concept qu'à la condition d'être lui-même formé-que la société Claude CATTIER ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait à cette exigence ; Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le défaut d'information du franchisé sur les conditions de l'exercice de la franchise d'une part, la carence dans la formation du franchisé au concept de la franchise en vue de la transmettre à des sous franchisés, constituent des défaillances imputables au franchiseur qui n'ont mis M. Pierre Y...en mesure d'apprécier les qualités substantielles de ce sur quoi il allait s'engager-que cette erreur a incontestablement vicié le consentement de M. Pierre Y..., la connaissance que lui auraient donnés ces éléments sur l'étendue et l'importance du réseau d'une part et sur la pertinence du concept " DORMILAX " d'autre part étant l'élément déterminant de son engagement-qu'il n'est en effet pas contestable qu'au vu des éléments qui lui ont été ainsi dissimulés, il n'aurait pas souscrit pour l'acquisition du droit de franchise " DORMILAX " auquel la société Claude CATTIER lui demandait d'adhérer ;
Attendu que dés lors il importe peu de savoir si la société Claude CATTIER a satisfait à ses obligations nées du contrat, le contrat ayant été entaché d'un vice au moment de sa formation ;
Attendu qu'il convient en conséquence de prononcer la nullité du contrat de franchise du 14 novembre 2000 et de confirmer de ce chef le jugement déféré ;
III Sur les conséquences de la nullité.
Attendu que la nullité du contrat a pour effet de replacer chacune des parties dans la situation dans laquelle elle se trouvait antérieurement au contrat ;
Attendu qu'en conséquence, la société Claude CATTIER doit être condamnée à payer à M. Pierre Y...la somme de 10 239,74 euros (soit 71 761 francs) représentant le droit qu'a versé le franchisé pour l'entrée dans la franchise, confirmant ainsi de ce chef le jugement déféré ;
Attendu que M. Pierre Y...réclame le paiement de la perte qu'il a subie représentant les sommes qu'il a déboursées lors des journées de formation de deux artisans-qu'il justifie avoir supporté à cette occasion la charge de 2 320,46 euros (15 121,20 francs)-qu'il convient donc de lui allouer cette somme et de condamner ainsi la société Claude CATTIER à la lui payer-qu'il y a lieu en conséquence de réformer de ce chef le jugement déféré ;
Attendu que M. Pierre Y...ne justifie pas avoir subi un préjudice matériel et financier-qu'il doit être ainsi débouté de sa demande de 5 000 euros en dommages et intérêts-qu'il y a lieu en conséquence de confirmer de ce chef le jugement déféré ;
Attendu qu'il n'est pas contestable en revanche que M. Pierre Y...a subi un préjudice moral du fait des tracas et des désagréments que lui a causés l'entrée malencontreuse dans le réseau franchisé " DORMILAX "-qu'il convient de lui allouer en réparation de ce préjudice une somme de 5 000 euros-que la société Claude CATTIER doit être condamnée à payer à M. Pierre Y...cette somme-qu'il y a lieu en conséquence de réformer de ce chef le jugement déféré ;
IV Sur la demande de la société Claude CATTIER pour concurrence déloyale imputée à M. Pierre Y....
Attendu que la société Claude CATTIER fait reproche à M. Pierre Y...d'avoir à l'occasion de l'entrée dans le réseau de franchise DORMILAX parasité ce réseau en mettant en oeuvre des actions de formation qui n'entraient pas dans le champ des prestations de la franchise-que M. Pierre Y...conteste formellement avoir donné une formation en comptabilité à des artisans qu'il aurait contactés par l'intermédiaire de la franchise-que la société Claude CATTIER ne rapportant la preuve ni de la réalité de ses allégations ni du caractère concurrent des actions incriminées n'est donc pas fondée à réclamer des dommages et intérêts de 20 000 euros pour concurrence déloyale à M. Pierre Y...ni à le voir condamner à cesser sous astreinte de poursuivre ses activités concurrentes-qu'elle doit par conséquent être déboutée des demandes qu'elle fait à ces titres ; Attendu que le jugement déféré doit être en conséquence confirmé de ces chefs ;
V Sur la demande de la société Claude CATTIER en dommages et intérêts pour procédure abusive.
Attendu que la société Claude CATTIER ne rapporte pas la preuve que M. Pierre Y..., qui triomphe dans ses demandes, ait agi abusivement à son encontre-qu'il doit être ainsi débouté de sa demande de 5 000 euros qu'il lui fait à titre de dommages et intérêts comme dépourvue de tout fondement ;
VI Sur les autres demandes.
Attendu qu'il serait inéquitable que M. Pierre Y...supporte la charge de ses frais irrépétibles et qu'il y a lieu ainsi de lui allouer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge ;
Attendu que la société Claude CATTIER, qui succombe, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles déboutant M. Pierre Y...de sa demande en remboursement au titre de frais ainsi que de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Le réforme de ces seuls chefs ;
Et statuant à nouveau sur ces points ;
Déclare M. Pierre Y...bien fondé dans sa demande tendant à se voir indemnisé au titre de frais qu'il a exposés ainsi qu'au titre du préjudice moral qu'il a subi ;
Condamne en conséquence la société Claude CATTIER à lui payer la somme de 2 320,46 euros en remboursement de frais et celle de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;
Y ajoutant :
Déclare la société Claude CATTIER mal fondée dans sa demande en dommages intérêts pour procédure abusive et l'en déboute ;
Condamne la société Claude CATTIER à payer à M. Pierre Y...la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP BAUFUME SOURBE, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.