COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A
ARRÊT DU 07 Février 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 23 octobre 2006-No rôle : 2005j369
No R. G. : 06 / 08178
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Maître Bernard X... mandataire judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société TRIPERIE BARGEL TORRET et Cie SA.... 69427 LYON CEDEX 03
représenté par Me MOREL, avoué à la Cour
assisté de la SELARL MONOD-TALLENT, avocats au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur Jean-Luc Y... né le 8 juillet 1958 à AMPLEPUIS (69) ... 69870 ST BONNET LE TRONCY
représenté par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assisté de la SELARL SEIGLE PATRICIA AVOCAT ET ASSOCIE, avocats au barreau de LYON
EN PRESENCE DE : Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL Près la Cour d'Appel de LYON Place Paul Duquaire 69005 LYON
représenté par Monsieur GIRARD, avocat général
Instruction clôturée le 16 Octobre 2007
Audience publique du 09 Janvier 2008
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 09 Janvier 2008 sur le rapport de Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Février 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LES FAITS LA PROCÉDURE ET LE JUGEMENT ENTREPRIS
La société TRIPERIE BARGEL-TORRET créée en 1957 pour exercer une activité de fabrication et de négoce de produits tripiers est passée en 1999 sous le contrôle de la société MAGELLAN DEVELOPPEMENT et a depuis lors été dirigée par Jean-Luc Y....
Sur déclaration de cessation des paiements du 25 février 2002 le Tribunal de Commerce de LYON a ouvert le 28 février 2002 la procédure de redressement judiciaire de la société TRIPERIE BARGEL-TORRET en désignant Maître A... en qualité d'administrateur et Maître X... en qualité de représentant des créanciers. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 28 mars 2002 et Maître X... désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par exploit en date du 26 janvier 2005 Maître X..., es qualités de mandataire liquidateur de la société TRIPERIE BARGEL TORRET, a donné " assignation au fond " à Jean-Luc Y... " d'avoir à comparaître le 25 février 2005 à 14 heures devant le Tribunal de Commerce de LYON préalablement entendu en Chambre du Conseil ainsi qu'à toutes audiences ultérieures s'il y avait lieu " au visa de l'article L 624-3 du Code de Commerce pour voir :-dire et juger que les agissements fautifs commis par le dirigeant de la société TRIPERIE BARGEL TORRET caractérisaient des fautes de gestion d'une gravité toute particulière ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société-condamner Jean-Luc Y... à lui payer la somme de 1. 876. 110,40 euros représentant l'insuffisance d'actif constatée et une indemnité de procédure de 5. 000 euros.
Dans des écritures déposées le 27 avril 2005 Jean Luc Y... a notamment soutenu qu'il n'avait pas été convoqué pour être entendu en Chambre du Conseil et que l'inaccomplissement de cette formalité substantielle ne pouvait plus être couverte par une nouvelle assignation la prescription triennale étant désormais acquise.
Par courrier du 23 mai 2006 Maître X... a sollicité du Président du Tribunal de Commerce la convocation par le greffe de Jean-Luc Y... à une audience en Chambre du Conseil préalablement à l'audience de plaidoiries.
Par courrier du 30 mai 2006 adressé au Président du Tribunal de Commerce Jean-Luc Y... a observé qu'une partie ne pouvait se faire substituer par la présidence ou par le greffe pour assigner ou convoquer une autre partie et qu'il appartenait donc à Maître X... de le faire citer l'audience.
Par jugement en date du 23 octobre 2006 le Tribunal a :-constaté l'irrégularité de l'assignation délivrée à Jean-Luc Y... et de l'acte introduit par Maître X... es qualités-déclaré nulle et non avenue la procédure diligentée par Maître X... es qualités-dit que l'inaccomplissement des formalités substantielles prévues par l'article 164 (du décret du 27 décembre 1985) ne sauraient être couverte par une nouvelle assignation, la prescription triennale étant acquise depuis le 28 mars 2005-débouté Maître X... es qualités de toutes ses demandes-condamné Maître X... es qualités à payer une indemnité de procédure de 1. 500 euros à Jean-Luc Y... et à supporter les dépens.
Par déclaration remise au greffe le 22 décembre 2006 Maître X... es qualités a interjeté appel de ce jugement dans toutes ses dispositions.
LES PRÉTENTIONS ET LES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions signifiées le 22 mars 2007 Maître X... demande à la Cour au visa de l'article L 624-3 du Code de Commerce :-d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris-de dire et juger que les agissements fautifs commis par le dirigeant de la société TRIPERIE BARGEL TORRET caractérisent des fautes de gestion d'une gravité toute particulière ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société-condamner Jean-Luc Y... à lui payer la somme de 1. 876. 110,40 euros représentant l'insuffisance d'actif constatée et une indemnité de procédure de 5. 000 euros.
D'abord sur la régularité de la procédure, Maître X... soutient que :-l'acte interruptif d'une éventuelle prescription triennale est l'assignation délivrée et non une éventuelle convocation préalable en Chambre du Conseil-l'audition en Chambre du Conseil constitue une mesure d'information que le Tribunal peut organiser s'il le souhaite et pour sa pleine information, préalablement aux plaidoiries, le Tribunal disposant à cet égard de toute liberté pour en assurer l'organisation et les modalités-Jean-Luc Y... a été entendu le 4 juillet 2005 en présence du juge-commissaire-il a lui-même demandé au greffe de convoquer Jean-Luc Y... en Chambre du Conseil. Il en conclut que son action est recevable et régulière.
Ensuite au fond, l'appelant conteste que la liquidation judiciaire ait pour origine la seconde crise de L'ESB de 2000 et la crise de la fièvre aphteuse de février 2001.
Il soutient que Jean-Luc Y... a entendu privilégier une autre société du groupe qu'il dirigeait, la société PROVOL au détriment de la société BARGEL TORRET, en lui transférant des activités et des outils rentables sans contrepartie. Il ajoute que les agissements de ce dirigeant ont conduit à une insuffisance d'actif de plus d'un million huit cent mille euros.
Par conclusions responsives signifiées le 25 juillet 2007 Jean-Luc Y... demande à la Cour :-à titre principal de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris-à titre subsidiaire de dire que Maître X... ne rapporte pas la preuve d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société TRIPERIE BARGEL TORRET-dans tous les cas de condamner Maître X... à lui payer une indemnité de procédure de 10. 000 euros.
D'abord l'intimé soutient que la convocation du dirigeant pour son audition en Chambre du Conseil constitue une formalité préalable ou concomitante substantielle qui conditionne la régularité de la procédure en comblement de passif. Il expose que si la convocation du dirigeant n'a pas nécessairement à être faite dans l'acte introductif d'instance, et si le Tribunal est libre d'organiser l'audition des dirigeants comme il l'entend, l'absence de convocation d'un dirigeant pour son audition à la diligence du demandeur doit entraîner l'annulation de la procédure, aucune régularisation n'étant plus possible alors qu'une assignation nulle ne peut interrompre la prescription.
Subsidiairement au fond Jean-Luc Y... fait valoir que la procédure collective de la société TRIPERIE BARGEL TORRET trouve sa cause exclusive dans une conjoncture économique dramatique pour les entreprises du secteur de la triperie liée à la seconde crise de L'ESB survenue en octobre 2000 suivie par la crise de la fièvre aphteuse en février 2001. Il ajoute qu'il a tout tenté pour redresser la situation économique de la société en mettant en place un plan social et un plan de redéploiement industriel ; qu'il a renforcé les fonds propres de la société en procédant en novembre 2001 à une augmentation de capital de 98. 331 euros en apportant 61. 467 euros d'argent frais. Il conteste avoir commis des détournements d'actifs et privilégié la société PROVOL au détriment de la société TRIPERIE BARGEL TORRET et souligne que les derniers matériels lui ont été cédés avec l'autorisation de Maître A....
La procédure a été communiquée au Ministère Public qui conclut le 18 juin 2007 à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle l'assignation délivrée le 26 janvier 2005 et au renvoi de la cause et des parties devant le Tribunal de Commerce de LYON afin que soit suivie la procédure d'audition de Jean-Luc Y... en Chambre du Conseil. Le Ministère Public estime que l'assignation délivrée par Maître X... ne tenait pas pour acquise une audition du dirigeant qui n'avait pas eu lieu, et qu'il incombait au Tribunal de procéder à la formalité de la convocation du dirigeant en Chambre du Conseil. Il ajoute que l'assignation délivrée était de nature à interrompre la prescription de l'action. Toutefois, les formalités substantielles de l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 n'ayant pas été remplies, et la Cour ne pouvant y suppléer, le Ministère Public est d'avis de renvoyer l'examen du fond de l'affaire devant les premiers juges qui ne l'ont pas abordé.
Une ordonnance en date du 16 octobre 2007 clôture la procédure.
SUR CE LA COUR
Attendu que l'instance en comblement du passif engagée par le mandataire liquidateur est ouverte par voie d'assignation délivrée au dirigeant ; Que si en application des dispositions de l'article 164 du décret du 27 décembre 1985, applicables à l'espèce il doit être procédé à l'audition du dirigeant en chambre du conseil, la convocation du dirigeant aux fins de son audition ne doit pas être nécessairement faite dans l'acte introductif d'instance, cette convocation pouvant intervenir par acte séparé avant la décision sur le fond ; Que par exploit du 25 janvier 2005 Maître X... a fait citer Jean-Luc Y... à comparaître le 25 février 2005 à 14 heures devant le Tribunal de Commerce de LYON préalablement entendu en Chambre du Conseil ainsi qu'à toutes audiences ultérieures s'il y avait lieu ; Qu'ainsi le Tribunal a à tort constaté l'irrégularité de la citation délivrée le 26 janvier 2005 au seul motif qu'il y était mentionné que le dirigeant avait été préalablement entendu en chambre du conseil ;
Attendu que la convocation du dirigeant doit être réalisée par acte d'huissier ou dans les formes prévues aux articles 8 et 9 du décret du 27 décembre 1985 ; Que les articles 8 et 9 du décret susvisés qui prévoient la délivrance d'une assignation aux fins d'audition à l'initiative du Président du Tribunal par les soins du greffier concernent les cas de la saisine d'office et de la saisine par le Procureur de la République ; Qu'il s'ensuit que dans l'instance en sanction engagée par le mandataire judiciaire la convocation aux fins d'audition doit être réalisée par ce mandataire judiciaire, l'audition n'étant pas une simple mesure d'information à laquelle le Tribunal peut ou non décider de procéder ; Qu'en l'espèce le mandataire judiciaire n'a pas fait délivrer d'assignation aux fins d'audition de Jean-Luc Y... ; Qu'il n'a pas été procédé à l'audition de Jean-Luc Y... le 4 juillet 2005, les mentions apposées sur le dossier du Tribunal consignant seulement l'organisation d'une réunion avec les parties en présence du juge-commissaire, le Tribunal observant expressément dans son jugement du 23 octobre 2006 que Jean-Luc Y... n'avait pas été convoqué en chambre du conseil avant la mise en délibéré ; Que dans ces conditions le Tribunal a bon droit déclaré nulle et non avenue la procédure diligentée par Maître X... es qualités, alors qu'il n'avait pas été satisfait à une formalité substantielle, et débouté Maître X... de toutes ses demandes ;
Attendu que l'article 2247 du Code Civil dispose que si la demande est rejetée l'interruption de l'instance résultant de la délivrance de la citation en justice est regardée comme non avenue ; Que les premiers juges qui ont débouté Maître X... de toutes ses demandes ont donc à juste titre constaté l'acquisition de la prescription triennale depuis le 28 mars 2005 et alloué une indemnité de procédure à Jean-Luc Y... ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code Procédure Civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 23 octobre 2006 mais seulement en ce qu'il a constaté l'irrégularité de l'assignation délivrée à Jean-Luc Y... et de l'acte introduit par Maître X... es qualités ;
Statuant à nouveau sur ce point constate que le Tribunal a été saisi par le mandataire judiciaire par la citation en comblement de passif délivrée le 26 janvier 2005 à la requête de Maître X... es qualités de mandataire liquidateur de la société BARGEL-TORRET ;
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses autres dispositions ;
Condamne Maître X... es qualités de mandataire liquidateur de la société BARGEL-TORRET aux dépens et accorde contre lui à Maître BARRIQUAND, Avoué, le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.