SERVICE DES RETENTIONS ADMINISTRATIVES DES ETRANGERS
Dossier no : 76 / 08 Ministère Public T. G. I de LYON c / X... Akli
ORDONNANCE sur APPEL AU FOND
Nous, Alain JICQUEL, Conseiller à la Cour d'Appel de LYON,
Délégué par ordonnance du Premier Président de ladite Cour en date du 05 décembre 2007 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L. 222-6 et L. 552-9 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assisté de Dominique LAMY BAILLY, Greffier,
En présence du Ministère Public, représenté par Eric MAZAUD, Substitut de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de LYON ;
En audience publique du 11 février 2008
Dans la procédure concernant :
Monsieur le Procureur de la République Près le Tribunal de Grande Instance de LYON
APPELANT
ET
Monsieur X... Akli né (e) le 26 / 02 / 1967 à BENI DJELLILH (Algérie) nationalité : algérienne
INTIME
Présent à l'audience, assisté de son conseil Maître SCHINAZI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me ROBERT
ET EN PRÉSENCE DE :
Monsieur Le Préfet du RHÔNE, représenté par Monsieur Y...
Après avoir entendu le Ministère Public en ses réquisitions, le représentant du préfet en ses observations, Monsieur X... Akli en ses explications, Me ROBERT en sa plaidoirie, l'étranger et son conseil ayant la parole en dernier ;
Avons mis l'affaire en délibéré au 11 février 2008 à 12 heures 15, et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Attendu qu'en suite d'un arrêté de refus de séjour avec Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) dans le délai d'un mois, du 10 août 2007, notifié le 22 août 2007, Monsieur le préfet de Région, préfet du département du Rhône a décidé de placer Monsieur Akli X..., de nationalité algérienne, en rétention dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 48 heures, prenant effet à compter du 6 février 2007 à 15 heures ;
Attendu que par ordonnance en date du 8 février 2008 à 12h30, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de Lyon a dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur Akli X... en raison de l'irrégularité de la procédure,
Attendu que par déclaration parvenue au greffe de la Cour le 8 février 2008 à 15h20, Monsieur le Procureur de la République a interjeté appel de l'ordonnance susvisée ;
Attendu que l'appelant soutient que la procédure est régulière dès lors que l'intéressé a pu effectivement rencontrer un avocat durant sa garde à vue,
Attendu que Monsieur le préfet de Région, par l'intermédiaire de son représentant, demande l'infirmation de l'ordonnance entreprise,
Attendu que le ministère public requiert l'infirmation de l'ordonnance entreprise ;
Attendu que Monsieur Akli X... fait savoir par l'intermédiaire de son conseil qu'outre le fait qu'il n'a pas eu la visite d'un avocat, il invoquait encore deux autres moyens d'irrégularité, lesquels seront repris dans le corps des motifs ci-dessous ;
DISCUSSION
Attendu que l'appel de Monsieur le procureur de la République, relevé dans les délais légaux, est régulier et recevable ;
I-Sur l'assistance d'un avocat durant la garde à vue.
Attendu que c'est sur ce seul fondement que le premier juge a estimé que la procédure était irrégulière, au motif de ce qu'au regard des éléments de la procédure il devait être considéré que le droit de Monsieur Akli X... à rencontrer immédiatement un avocat commis d'office ainsi qu'il l'avait souhaité, n'a pas été respecté,
Attendu qu'il n'est pas contestable que la procédure policière recèle quelques anomalies,
Que le procès-verbal d'interpellation fait état d'une interpellation, le 6 février 2008, à 8h30,
Que le procès-verbal de placement en garde à vue a commencé à 9h10 et s'est terminé à 9h20,
Qu'à cette occasion, Monsieur Akli X... a indiqué vouloir s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue,
Qu'à la page 2 du procès-verbal commencé à 9h10 et terminé à 9h20, il est fait état de ce qu'à 9h15, il a été pris attache auprès de la permanence avocat de barreau de Lyon selon les voeux de l'intéressé,
Qu'il n'y a rien d'anormal à ce que la permanence des avocats ait été contactée à 9h15 durant la rédaction du procès-verbal de garde à vue entre 9h10 et 9h20,
Qu'en revanche rien dans la procédure ne permet de constater qu'un avocat s'est présenté,
Attendu qu'un gardé à vue doit pouvoir s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue comme le prévoit les dispositions de l'article 63-4 du CPP,
Que l'alinéa 1er de l'article 64 du même code précise in fine qu'il doit être fait mention au procès verbal des demandes faites par le gardé à vue en application notamment de l'article 63-4, " et de la suite qui leur a été donnée. "
Que tel a bien été le cas par l'appel à la permanence des avocats à 9h15 comme indiqué sur le procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve contraire,
Que ce n'est donc pas la faute du service de police si aucun avocat ne s'est présenté pour rencontrer Monsieur Akli X......
Attendu que fait en revanche désordre... la mention sur le procès-verbal de levée de la garde à vue du 6 février 2008 commencé à 14h40 et terminé à 15 heures de ce que :
" Il a rencontré son avocat :-le six février deux mille huit, de neuf heures quinze à neuf heures trente... "
c'est à dire à cheval avec la rédaction du procès-verbal de placement en garde à vue de 9h10 à 9h20, sans que pour autant il soit fait mention à la procédure de cette " rencontre ", alors qu'on a du mal à comprendre comment, la permanence du barreau ayant été informé du désir de Monsieur Akli X... de voir un avocat à 9h15, cela se serait effectivement fait de 9h15 à 9h30...
Que dès lors qu'en outre Monsieur Akli X... indique qu'il n'a vu aucun avocat durant sa garde à vue il convient d'en déduire que la mention précitée du procès-verbal de levée de la garde à vue est erronée, la preuve contraire paraissant ici rapportée de son inexactitude,
Attendu que c'est cependant à tort que le premier juge en a déduit que la procédure était irrégulière, dès lors qu'en tenant pour inexact le fait que Monsieur Akli X... avait pu voir un avocat de 9h15 à 9h30, il reste que si comme ce dernier le soutient il n'a pas vu d'avocat, cette circonstance n'est pas imputable au service de police qui indique avoir informé la permanence des avocats à 9h15, affirmation dont la preuve de l'inexactitude n'est pas ici rapportée, de sorte que ces malheureuses circonstances ne peuvent être imputées qu'à l'ordre des avocats qui n'a pas dépêché un avocat dans la matinée du 6 février 2008 auprès de Monsieur Akli X... qui était en garde à vue sans qu'il puisse en être tirée la conséquence que la procédure policière serait de ce fait, irrégulière,
Que ce premier moyen retenu par le premier juge pour décider que la procédure est irrégulière ne le sera pas devant la juridiction du second degré,
II-Sur l'exercice effectif des droits au moment de la notification des droits de retenu.
Attendu qu'en application des dispositions cumulées de l'alinéa 2 de l'article L. 551-2 et L. 552-2 du CESEDA, il appartient au juge de s'assurer que le retenu a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, mis en mesure d'exercer effectivement les droits qui lui sont reconnus,
Que s'agissant de ce qui doit se passer au moment de la notification (c'est à dire concrètement et généralement immédiatement après la levée de la garde à vue dans les locaux de la police ou de la gendarmerie), ces textes imposent que le juge s'assure de l'effectivité de deux types d'obligations au profit du retenu, de la part de l'administration :
-celles relatives à l'information de ses droits (notification)-celles relatives aux mesures le mettant en état de les faire valoir (mise en oeuvre),
Que cependant si en droit positif il est constant que le juge judiciaire doit s'assurer non seulement de l'effectivité de la notification des droits mais en encore de ce que " l'intéressé a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, mis en mesure d'exercer effectivement les droits qui lui sont reconnus ", c'est toutefois à la condition que l'étranger n'ait pas renoncé par exemple jusqu'à son arrivée au CRA au bénéfice de la mise en oeuvre de ses droits,
Attendu que l'imprimé de " notification " et de " mise en oeuvre " des droits de retenu de Monsieur Akli X... a été signé par ce dernier,
Que s'agissant de la notification de ses droits les règles légales ont été respectées,
Que s'agissant de leur mise en oeuvre, il résulte de l'imprimé :
Que Monsieur Akli X... a coché la phrase suivante : " Je déclare vouloir mettre en oeuvre mes droits dès mon arrivée au Centre de Rétention Administrative. "
Qu'il n'a pas coché la mention : " Je désire mettre en oeuvre immédiatement les droits liés à la mesure de rétention dont je fais l'objet ",
Qu'en outre, dans l'hypothèse où il aurait répondu positivement à cette dernière possibilité, il pouvait alors répondre aux propositions suivantes :
"-Je prends acte que vous mettez à ma disposition un téléphone pour mettre en oeuvre mes droits.
-Je prend acte que j'ai la possibilité d'utiliser mon téléphone portable pour mettre en oeuvre mes droits :-pour bénéficier du concours d'un médecin,-pour joindre mon avocat,-pour saisir mon consulat et une personne de mon choix. "
Qu'il résulte de cette constatation que les dispositions des articles précités ont été respectées ;
III-Sur l'assistance d'un médecin après son arrivée au CRA.
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article R. 551-4 alinéa 2 que :
" Quel que soit le lieu de rétention dans lequel l'étranger est placé, un procès verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi... "
Qu'en application des dispositions de l'article L. 551-2 alinéa 2 :
" L'étranger est informé dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais que, pendant toute la période de la rétention, il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin. " ;
Que cette obligation n'aurait pas de portée si le juge, gardien de la liberté individuelle et donc du sort de l'étranger durant toute sa détention, lorsque l'étranger demande à voir par exemple comme en l'espèce un médecin, il n'était pas fait mention de ce qu'il a été donné effectivement satisfaction à cette demande ou les raisons pour lesquelles il n'en a pas été ainsi (par exemple en cas d'abus de demande : " pendant toute la période de rétention... " ne signifiant pas " toutes les cinq minutes ".)
Qu'en l'espèce, il résulte de la fiche de desiderata remplie par Monsieur Akli X... à son arrivée au CRA qu'il a demandé l'assistance d'un médecin et d'un conseil,
Que si son conseil l'assiste bien, il indique n'avoir pas pu voir un médecin,
Que la charge de la preuve incombant ici au CRA, il ne résulte pas des pièces de la procédure que le nécessaire ait été fait pour que Monsieur Akli X... rencontre effectivement un médecin (au sens de docteur en médecine), ni qu'une circonstance notamment insurmontable ait empêché le CRA de lui permettre d'avoir une consultation,
Que pour cet unique motif la procédure apparaît irrégulière, le CRA devant toujours indiquer quand et comment un retenu qui réclamait le bénéfice d'un droit (interprête, avocat et médecin au sens de l'article L. 551-2 alinéa 2), a pu l'exercer ou bien la raison pour laquelle il n'a pas été donné satisfaction à cette demande,
Attendu qu'il convient en conséquence, par substitution de motif, de confirmer l'ordonnance entreprise ;
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel de Monsieur le Procureur de la République ;
Par substitution de motif,
Confirmons l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de Lyon, en date du 8 février 2008,
Disons en conséquence n'y avoir pas lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur Akli X... en raison de l'irrégularité de la procédure de rétention,
Vu les dispositions de l'article L. 554-3 du CESEDA,
Rappelons à Monsieur Akli X... qu'il a l'obligation de quitter le territoire français dans les plus bref délais,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée sans délai par le greffier aux parties présentes qui en accuseront réception, ou sinon, par tous moyens et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accuseront aussi réception,
Disons que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique le 11 février 2008 à 12h15.