COUR D'APPEL DE LYON
SERVICE DES RETENTIONS ADMINISTRATIVES DES ETRANGERS
Dossier n° : 225 / 08 Nom du ressortissant : X... Fenfrong Préfet de : la SAVOIE
ORDONNANCE
Nous, Alain JICQUEL, Conseiller à la Cour d'Appel de LYON,
Délégué par ordonnance du Premier Président de ladite Cour en date du 05 Décembre 2007 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L. 222-6 et L. 552-9 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assisté de Dominique LAMY BAILLY, Greffier, uniquement lors des débats, et de Yolène BRISSY, Greffier, lors du prononcé,
En présence du Ministère Public, représenté par Christian ROUSSEL, Avocat Général près la Cour d'Appel de LYON ;
En audience publique du 1er juillet 2008
Dans la procédure concernant :
Madame X... Fenfrong né (e) le 06 octobre 1971 à HENAN (RP de CHINE) nationalité : chinoise APPELANTE
Absente à l'audience mais représentée par son conseil Maître Jeffrey SCHINAZI, avocat au barreau de PARIS, régulièrement avisé, et avec le concours de Madame Hua Y..., interprète assermentée en langue chinoise,
ET
Le Préfet de la SAVOIE INTIME
Non représenté bien que régulièrement convoqué,
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions,
Vu les conclusions du préfet, Me Jeffrey SCHINAZI entendu en sa plaidoirie, en présence de Madame Y... assistant aux débats à sa demande afin d'en rendre compte à l'issue par téléphone à Madame Fengrong X..., qui n'a pas pu comparaître, bien que régulièrement avisée ;
Avons mis l'affaire en délibéré au 02 juillet 2008 à 10 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
Attendu que par arrêté du 27 juin 2008, Monsieur le préfet du département de la Savoie a prononcé la reconduite à la frontière de Madame Fengrong X..., de nationalité chinoise, et a décidé de la maintenir en rétention dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 48 heures, prenant effet à compter du 27 juin 2008 à 14 heures ;
Attendu que par ordonnance en date du 29 juin 2008 à 14h35, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de Lyon a ordonné son maintien en rétention pour un délai maximum de 15 jours à compter du 29 juin 2008 à 14 heures ;
Attendu que par déclaration parvenue au greffe de la Cour le 30 juin 2008 à 14h28, Madame Fengrong X... a interjeté appel de l'ordonnance susvisée ;
Attendu que l'appelante soutient que la procédure est irrégulière en ce que :
- son interpellation a été faite en violation des dispositions des articles 78-2 et 78-3 du CPP,
- il n'y avait pas de flagrance d'un délit au moment de son interpellation, au sens des dispositions de l'article 53 du CPP,
- le placement en garde à vue n'étant pas intervenu immédiatement de la part de l'OPJ interpellateur, il y aurait eu violation des dispositions de l'article 63-1 du CPP,
- la prolongation de la garde à vue ne comporte aucune référence à l'identité de son signataire ou à la qualité de ce dernier, en violation des dispositions de l'article 63 du CPP,
- les dispositions de l'article L. 552-2 du CESEDA n'auraient pas été respectées faute de production du registre de rétention permettant le contrôle par le JLD de l'exercice effectif de ses droits par l'intéressé.
Attendu que dans son mémoire adressé avant l'audience et contradictoirement communiqué, Monsieur le Préfet indique que la procédure est parfaitement régulière,
Attendu que le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance entreprise sauf à s'en rapporter quant au dernier moyen invoqué verbalement à l'audience ;
DISCUSSION :
Attendu que l'appel de Madame Fengrong X..., relevé dans les délais légaux, est régulier et recevable ;
Attendu qu'il sera répondu ci- dessous à chacun des moyens d'irrégularité ci- dessus invoqués par l'intéressé.
I - Son interpellation a été faite en violation des dispositions des articles 78-2 et 78-3 du CPP,
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 611-1 du CESEDA :
" En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et... agents de police judiciaire...
A la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-3 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent. "
Attendu que le contrôle d'identité litigieux a été effectué dans une " gare ouverte au trafic international au sens de l'arrêté du 23 avril 2003 et dès lors en conformité avec les dispositions de l'article 78-2, lequel prévoit notamment que ce contrôle peut être opéré " en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi ".
Attendu que les policiers ont constaté que l'intéressée, de nationalité chinoise, venue en France pour " affaire court séjour " disposait d'un visa obtenu, pour 30 jours, du consulat de France à Pékin alors que l'intéressée arrivée le jour même se dirigeait directement vers l'Italie...,
Que les policiers se trouvaient en droit, en application des textes ci- dessus rappelés ainsi que du " code Schengen " s'agissant d'une ressortissante d'un pays tiers, de lui demander de " justifier de l'objet et des conditions de séjour dans l'Etat Schengen devant être visité, y compris la possession de moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour envisagé et pour le retour dans le pays d'origine ",
Attendu qu'en effet il résulte :
- d'une part, des dispositions de l'article L. 511-1- II du CESEDA que :
" L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :
1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité... ",
- d'autre part, des dispositions de l'article L. 511-2 du CESEDA, que :
" Les dispositions du 1er du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne :
S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990... ",
Tandis qu'il résulte des dispositions de l'article 5 de la convention précitée, que :
" Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties Contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci- après :
a) posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le Comité Exécutif ;
b) être en possession d'un visa valable si celui- ci est requis ;
c) présenter le cas échéant les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance... "
Qu'en l'espèce, faute pour l'intéressée d'être en possession de ces derniers documents, les policiers interpellateurs étaient donc en droit de poursuivre plus avant leurs investigations,
Que les policiers ont alors constaté que l'intéressée ne pouvait présenter ni billet d'avion, ni billet pour le retour, aucune réservation d'hôtel ni domicile fixe en France, aucune invitation professionnelle, aucun document justifiant de son activité professionnelle en Chine, le seul document en possession de l'intéressée étant un billet aller simple en TGV PARIS MILAN...
Que l'interpellation et la demande d'information complémentaire critiquées ont donc été faites de façon parfaitement régulière ;
II - Il n'y avait pas de flagrance d'un délit au moment de son interpellation, au sens des dispositions de l'article 53 du CPP,
Attendu que c'est au regard des circonstances précitées que l'OPJ interpellateur a estimé à juste titre que cette situation laissait " penser que l'intéressée a obtenu indûment un visa d'affaires, pour entrer illégalement dans l'espace Schengen... " et a estimé dans ces conditions devoir " ouvrir une procédure de flagrance pour obtention indue de document administratif... "
Que les dispositions de l'article 53 du CPP conditionnant l'état de flagrance étaient donc remplis, et à tout le moins les circonstances autorisant l'ouverture d'une enquête de police avec éventuelle garde à vue, dès lors que l'intéressée, au regard de l'absence de pièces utiles, pouvait être légitimement suspectée de commettre l'infraction de séjour irrégulier, en plus de celle possible de l'obtention frauduleuse de documents administratifs,
Que ce second moyen sera rejeté,
III - Le placement en garde à vue n'étant pas intervenu immédiatement de la part de l'OPJ interpellateur, il y aurait eu violation des dispositions de l'article 63-1 du CPP,
Attendu que l'interpellation des deux personnes de nationalité chinoise, dont l'intéressée, a eu lieu à partir de 17 h30 dans le train à CHAMBERY, alors que, le temps du transfèrement, la garde à vue à été notifiée à 18h05 dans les locaux du commissariat de police,
Que l'immédiateté de l'information de l'intéressée au sens des dispositions de l'article 63-1 du CPP a donc été parfaitement respectée,
IV - La prolongation de la garde à vue ne comporte aucune référence à l'identité de son signataire ou à la qualité de ce dernier, en violation des dispositions de l'article 63 du CPP,
Attendu que cela est parfaitement inexact, puisque le PV de prolongation de garde à vue du 26 juin à 16h30 a été établi par le Brigadier Chef de Police Michel Z..., OPJ à la SPAF de CHAMBERY, tout à fait régulièrement...
Qu'est jointe par ailleurs l'autorisation de prolongation du parquet, portant une signature, certes sans mention du nom, avec le cachet du parquet,
Que n'est pas rapportée la preuve de ce que le signataire de cette autorisation n'émanerait pas d'un membre du parquet, ni que cette pièce n'émanerait pas du parquet lui- même,
V - Les dispositions de l'article L. 552-2 du CESEDA n'auraient pas été respectées faute de production du registre de rétention permettant le contrôle par le JLD de l'exercice effectif de ses droits par l'intéressée.
Attendu que le registre de rétention est produit, ainsi que le PV de notification des droits au moment du placement en rétention, le rappel des droits au moment de l'arrivée au CRA, et la fiche de synthèse.
Que ce dernier moyen qui figure sur l'acte d'appel sera aussi rejeté,
VI- Attendu cependant qu'un dernier moyen a été invoqué non contradictoirement à l'audience et a donné lieu à un contrôle du respect des dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 552-4 du CESEDA,
Que ce texte dispose que :
" Le greffier l'enregistre (la requête) et y appose, ainsi que sur les pièces jointes, un timbre indiquant la date et l'heure de la réception. "
Que force a été de constater que, même sur la requête du préfet, ne figurait pas le timbre du greffe indiquant la date et l'heure de la réception de cette requête et du dossier comportant les pièces jointes,
Que cette requête, pour être recevable, devait être déposée durant les 48 heures suivant le placement en rétention, c'est-a-dire avant le 27 juin 2008 à 13h55, raison pour laquelle elle aurait dû comporter le timbre du greffe indiquant la date et l'heure de la réception,
Que l'ordonnance est en date du 29 juin 2008 à 14h35, de sorte qu'à ce stade du raisonnement, la requête a théoriquement pu arriver entre 13h55 et 14h35, soit après les premières 48 heures de rétention dont dispose le préfet,
Attendu cependant qu'il résulte des pièces produites au dossier que le procès-verbal d'audience et d'audition par le JLD est intervenu le 29 juin 2008 à 10 heures, soit à l'intérieur des 48 heures précitées, c'est à dire avant le 29 juin à 13h55,
Qu'avant cette audience le conseil de l'intéressée a disposé librement du dossier,
Que sur ce PV d'audience et d'audition, il n'apparaît pas que ce moyen d'absence du registre, ou de toute autre pièce utile, et notamment de la requête, ait été soulevé, de sorte qu'il convient d'en conclure que, sauf preuve qui ici n'est pas rapportée, le registre qui est présent aujourd'hui au dossier, et dont l'absence est seulement maintenant invoquée, existait bien dans le dossier du JLD à 10 heures, le 29 juin 2008, même s'il ne comporte pas le tampon du greffe avec la date et l'heure de réception,
Que ce dernier moyen sera dès lors aussi rejeté ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise ;
PAR CES MOTIFS ;
Déclarons recevable l'appel de Madame Fengrong X... ;
Confirmons l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de Lyon, en date du 29 juin 2008,
Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de Madame Fengrong X... pour une durée de 15 jours à compter du 29 juin 2008 à 14 heures.
Disons que la présente ordonnance sera notifiée sans délai par le greffier aux parties présentes qui en accuseront réception, ou sinon, par tous moyens et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accuseront aussi réception
Disons que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique le 1er juillet 2008 à 10 heures.