RG : 07 / 01827
décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE Au fond RG : 2005 / 520 du 05 février 2007
Y...
C /
X...
COUR D'APPEL DE LYON
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE Section A
ARRET DU 11 Décembre 2008
APPELANTE :
Madame Fatma Y... épouse X...... 69400 VILLEFRANCHE SUR SAONE
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
assistée de Me CUMIN, avocat au barreau de VILLEFRANCHE SUR SAONE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 007144 du 07 / 06 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIME :
Monsieur Djelloul X... Chez Madame X...-Z...... 69400 LIMAS
représenté par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assisté de Me TREFILEK, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
L'instruction a été clôturée le 03 Octobre 2008
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 23 Octobre 2008
L'affaire a été mise en délibéré au 11 Décembre 2008
La Deuxième Chambre Civile de la Cour d'Appel de Lyon, Section A composée lors des débats et du délibéré de : Jean-Charles GOUILHERS, président de chambre, Michèle RAGUIN-GOUVERNEUR, conseillère Pierre BARDOUX, conseiller, Anne-Marie BENOIT, greffière, pendant les débats en audience non publique uniquement A l'audience, Jean-Charles GOUILHERS a fait le rapport conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Arrêt : contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. Signé par Jean-Charles GOUILHERS président de chambre, et par Anne – Marie BENOIT greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE Les époux X... / Y... se sont mariés le 1er MARS 1973 à SIDI BENALI (Algérie) sans contrat préalable. Ils n'ont pas eu d'enfants.
Une contribution aux charges du mariage de 130 € mensuels a été fixée à la charge de Djelloul X... par un arrêt de cette Cour, statuant sur renvoi de cassation, du 1er février 2000.
En vertu d'une ordonnance de non conciliation du 2 janvier 2006, déboutant Fatma Y... de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours, Djelloul X... a assigné son épouse en divorce en application de l'article 237 du Code Civil.
Par jugement en date du 5 février 2007, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits prétentions et moyens des parties, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE a :- prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal- débouté Fatma Y... de sa demande de prestation compensatoire et de celle en dommages et intérêts. Par déclaration reçue le 19 mars 2007, Fatma Y... a relevé appel de ce jugement.
Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 6 juin 2007, elle demande la réformation partielle et : la condamnation de Djelloul X... à lui verser une prestation compensatoire sous forme de rente viagère mensuelle indexée de 140 € la condamnation de ce dernier à lui verser une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
Signalant tout d'abord que les deux époux ont recueilli l'enfant mineur Fatiha, dans le cadre d'un acte de « kefala », elle fait l'historique des différentes procédures lancées tant par Djelloul X... en Algérie que par ses soins devant les juridictions françaises à la suite de l'abandon commis au cours de l'année 1995.
Elle fait valoir n'avoir jamais eu aucune ressource personnelle et son absence de tout droit à la retraite pour soutenir l'existence d'une disparité résultant du prononcé du divorce, estimant que les termes de l'article 276 du Code civil sont réunis pour lui permettre de réclamer le service d'une rente viagère indexée.
Elle renouvelle sa demande de dommages et intérêts, mettant en avant l'attitude de son époux qui l'a abandonnée et répudiée alors qu'elle n'avait aucune ressource. Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 17 décembre 2007, Djelloul X... conclut à la confirmation, demandant en outre que le dispositif du jugement de divorce soit mentionné en marge de l'acte de mariage du 22 février 1973 et des actes de naissance des époux.
Il indique avoir perdu toute autonomie personnelle, du fait de la dégradation de son état de santé, ses ressources étant limitées à une pension de retraite et une rente d'accident du travail.
Il prétend que Fatma Y... ne subit aucun préjudice matériel du fait du prononcé du divorce, sa vie demeurant inchangée du fait de la dissolution du mariage. Il s'oppose en outre à la demande indemnitaire soulignant que Fatma Y... ne fait en rien la preuve de comportement fautif qu'elle invoque.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que si l'acte d'appel n'est pas limité dans son étendue, les parties ne discutent devant la Cour que des questions de la prestation compensatoire et des dommages et intérêts, les autres éléments tranchés par le premier juge étant confirmés sans autre examen ;
Sur la prestation compensatoire
Attendu que l'article 271 du Code Civil énumère les critères guidant le juge dans son appréciation d'une demande de fixation de prestation compensatoire, et prévoit que « La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :- la durée du mariage ;- l'âge et l'état de santé des époux ;- leur qualification et leur situation professionnelles ;- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;- leurs droits existants et prévisibles ;- leur situation respective en matière de pensions de retraite. » ;
Attendu que la « disparité dans les conditions de vie respectives » (article 270 du même code) constitue par ailleurs un élément déterminant, l'analyse des ressources respectives, comme du patrimoine qui pourrait ressortir de la liquidation de leur régime matrimonial, devant en révéler l'existence ;
Attendu que l'historique réalisée par Fatma Y... dans ses écritures fait nettement ressortir l'existence d'une procédure de divorce lancée au cours de l'année 1996 par Djelloul X... devant les juridictions algériennes, alors même que les deux époux se trouvaient tous deux sur ce territoire à ce moment précis ; Que les différents démêlés judiciaires ont conduit à ce que le mari n'ait pas pu apporter la démonstration du respect des termes de l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, concernant la teneur de la décision et surtout de son caractère définitif ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la séparation d'entre les époux remonte à cette période, alors même que Fatma Y... a pu bénéficier à compter d'une décision rendue par cette Cour, statuant sur renvoi de cassation, d'une contribution aux charges du mariage de 130 € mensuels, montant qui n'a pas été pérennisé par l'ordonnance de non conciliation du 2 janvier 2006, l'épouse n'ayant pas interjeté appel de cette décision qui l'a déboutée de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours ;
Que le recueil temporaire, dit « kefala », d'un enfant par les deux époux ne peut constituer un critère d'attribution ou de refus d'une prestation compensatoire, ce recueil ne pouvant être assimilé à autre chose qu'une délégation d'autorité parentale en droit français ;
Que l'appelante a pu soutenir devant le premier juge que sa situation pouvait motiver l'octroi d'une rente viagère à titre de prestation compensatoire, sans pour autant expliquer la raison pour laquelle elle a pu durant plus d'une année se passer de la somme mensuelle fixée auparavant à titre de contribution aux charges du mariage ;
Attendu que la lecture du jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône le 28 octobre 1998, ayant statué en déboutant Fatma Y... de sa demande de contribution aux charges du mariage, pièce produite par les deux parties, permet sans conteste de considérer que le jugement de divorce algérien (qu'il soit définitif ou non ou même opposable en France ou non) a pu prévoir différentes compensations financières pour l'épouse, sans qu'il soit possible par contre de déterminer si cette décision est ou non entrée en application sur ce point ;
Que cette totale incertitude sur l'effectivité de cette décision algérienne et surtout sur son éventuelle opposabilité en France, ne permet pas de déterminer avec certitude les conditions dans lesquelles les deux époux ont pu aménager ou subir la séparation ;
Attendu que Djelloul X... perçoit une pension de retraite mensuelle de 550 € (outre 34, 42 € de complémentaire CMSA) les termes de l'article 272 du Code civil interdisant qu'il soit fait état de la rente accident du travail qui ne peut être prise en compte pour la détermination d'une prestation compensatoire, son avis d'imposition pour l'année 2006 ne permettant pas d'individualiser les ressources entre la retraite et cette rente ;
Que Fatma Y... pour sa part justifie de ressources mensuelles moyennes pour le mois de janvier 2007 (sa pièce 8) de 435, 30 € (RMI) hors aide personnalisée au logement, son avis d'imposition 2005 révélant l'absence de ressources ;
Que, dans ses écritures, l'appelante soutient l'existence de ressources suffisantes pour Djelloul X... pour qu'il retourne fréquemment en Algérie, la sommation de produire son passeport n'ayant pas été suivie d'effet, cette carence ne pouvant suffire à démontrer une telle disponibilité financière ;
Attendu que si Djelloul X... n'apporte pas de justification médicale de l'état de dépendance qu'il invoque, l'attestation qu'il produit permet par contre de vérifier la prise en charge de ses frais par le témoin à hauteur mensuelle de 250 € ;
Attendu que les deux parties se trouvent actuellement dans une situation financière plus que précaire n'ouvrant à l'un comme à l'autre aucune possibilité de subvenir décemment à leurs besoins courants, Fatma Y... étant destinée, en l'état actuel des prestations servies aux personnes démunies, à bénéficier au moment de son arrivée à l'âge de la retraite du minimum vieillesse qui prendra la suite du RMI ;
Que Djelloul X... est donc dans la plus totale impossibilité de supporter le service d'une rente telle que revendiquée par l'appelante, alors même que s'agissant d'une maison d'habitation vendue en Algérie, l'absence de toute précision sur les modalités de son acquisition (comme d'ailleurs du régime matrimonial applicable aux deux parties, qu'il soit algérien ou français) n'est en rien susceptible de caractériser un disponible pour l'époux, de nature à lui permettre de verser une prestation compensatoire en capital ;
Attendu que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de prestation compensatoire formée par Fatma Y... ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Attendu que Fatma Y... ne donne pas le fondement juridique de la demande indemnitaire qu'elle forme, les termes de l'article 266 du Code civil lui imposant de caractériser les conséquences d'une particulière gravité qu'elle subit du fait de la dissolution du mariage ;
Attendu qu'en dehors de la vente d'un immeuble, dont il n'est pas possible de vérifier le caractère indivis entre les époux, elle ne fournit aucun élément concret de conviction de nature à étayer une demande d'indemnisation basée sur la faute (et sur les termes de l'article 1382 du Code civil) ;
Que la décision entreprise doit être confirmée également sur ce point ;
Sur la transcription du jugement de divorce :
Attendu que le premier juge a statué de manière pertinente sur ce point en ordonnant que sa décision soit transcrite sur les registres d'État civil tenus à Nantes, une décision ne pouvant avoir d'effet obligatoire sur un État civil établi dans un pays tiers, alors surtout qu'en l'espèce Djelloul X... verse aux débats un extrait d'acte de naissance algérien pourtant mention du divorce d'avec Fatma Y... prononcé en 1996 ;
Que la confirmation s'impose ;
Attendu que compte tenu des données économiques recueillies concernant chacune des parties, et du résultat obtenu en cause d'appel, les deux parties doivent garder la charge de leur propres dépens ;
Que les termes de l'article 699 du Code de Procédure Civile ne peuvent dès lors recevoir application ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de l'appel, telles que déterminées dans l'acte d'appel et dans le dernier état des écritures des parties, Confirme le jugement entrepris. Dit que chaque partie garde la charge de ses propres dépens.