AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R. G : 07 / 07557
SAS MILLON
C /
X...
APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 25 Octobre 2007 RG : F 06 / 00845
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 14 JANVIER 2009
APPELANTE :
SAS MILLON prise en la personne de son représentant légal en exercice 9 rue Eugène Hénaff BP 534 69636 VENISSIEUX
représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON, Mme Y... (Directrice)
INTIMÉ :
Marc X...... 69007 LYON
comparant en personne, assisté de Me Thierry BRAILLARD, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 11 Avril 2008
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Octobre 2008
Délibéré au 08 Décembre 2008 prorogé au 14 Janvier 2009.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller Françoise CONTAT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Janvier 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Société MILLON exploite une entreprise de transport routier qui affrète, notamment, des camions avec chauffeur pour le levage et la manutention.
Elle compte plus de dix salariés et applique la convention collective des transports routiers.
Monsieur Marc X... est entré au service de cette société à compter du 16 mai 2005 en qualité de chauffeur routier levageur dans le cadre d'un contrat à durée déterminée expirant le 30 septembre 2005.
Ce contrat a été renouvelé pour une période de trois mois jusqu'au 31 décembre 2005.
A compter du 1er janvier 2006, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Au dernier état de la relation contractuelle entre les parties, Monsieur X... percevait un salaire mensuel brut de base de 1. 400 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 janvier 2006, il a été convoqué par son employeur à un entretien préalable fixé au 10 février 2006.
L'entretien a eu lieu à cette date.
Le 13 février 2006, Monsieur X... a été victime d'un accident du travail.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 15 février 2005, la Société MILLON a notifié à Monsieur X... son licenciement pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :
" Suite à notre entretien préalable du 10 février 2006, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Les raisons qui nous amènent à prendre cette décision ont été évoquées lors de cet entretien à savoir votre comportement :- chez notre client SODELY-à l'exécution les ordres donnés et transmis par le service exploitation le 31 janvier lors du déchargement d'un chariot élévateur.
De plus depuis la date de convocation à votre entretien préalable, nous avons eu à déplorer une rixe avec le chef d'atelier.
Votre préavis d'un mois prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre. "
Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de LYON le 8 mars 2006 afin de faire constater la nullité du licenciement et obtenir le paiement de différentes indemnités.
Par courrier du 13 mars 2006, la Société MILLON s'est étonnée de recevoir une convocation devant le Conseil de Prud'hommes en rappelant à Monsieur X... qu'elle lui avait indiqué oralement dès le 15 février 2006, alors que la lettre de licenciement était déjà partie, que du fait de l'accident du travail, la procédure de licenciement n'était pas régulière et qu'elle était donc suspendue.
Par lettre du 14 mars 2006, Monsieur X... a contesté avoir reçu cette information.
Le 16 mars 2006, après avoir été déclaré apte à la reprise du travail, il a signé avec la Société MILLON un document intitulé " transaction " aux termes duquel " d'un commun accord entre les parties : Monsieur Marc X... quitte l'entreprise ce jour ".
Par lettre recommandée adressée le même jour à son employeur, il a précisé : " la transaction signée ce jour est uniquement liée au dernier jour de préavis que je devais effectuer " et a réclamé son solde de tout compte, l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail.
Par jugement en date du 25 octobre 2007, le Juge Départiteur du Conseil de Prud'hommes de LYON, Section Commerce, a :- déclaré nul le licenciement de Monsieur X...,- condamné la Société MILLON à lui verser les sommes suivantes, outre intérêts légaux à compter de la décision : * 10. 800 euros à titre de dommages et intérêts, * 700 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,- rejeté la demande de la Société MILLON au titre des frais irrépétibles,- condamné la Société MILLON aux dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 novembre 2007, la Société MILLON a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens et prétentions, la Société MILLON demande à la Cour de :- réformer le jugement entrepris,- à titre principal, dire que la rupture du contrat de travail est intervenue d'un commun accord suite à la renonciation par l'employeur au licenciement,- à titre subsidiaire, dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,- en toute hypothèse, ordonner la répétition des sommes versées au titre de l'exécution provisoire et condamner Monsieur X... au paiement d'une somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens et prétentions, Monsieur X... demande à la Cour de :- à titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé nul le licenciement et en ce qu'il a condamné la Société MILLON à lui payer la somme de 10. 800 euros au titre du préjudice subi,- subsidiairement, dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,- condamner la Société MILLON à lui payer la somme de 10. 800 euros en application de l'article L 1235-5 du Code du Travail,- en toute hypothèse, assortir ces condamnations des intérêts légaux, condamner la Société MILLON au paiement de la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
DISCUSSION
SUR LA NULLITÉ DU LICENCIEMENT
Attendu qu'en application des articles L 1226-9 et L 1226-13 du code du travail est nulle la résiliation d'un contrat de travail à durée indéterminée prononcée au cours d'une suspension résultant d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou une maladie professionnelle, sauf dans les cas où l'employeur justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie de maintenir le contrat ;
Attendu qu'un licenciement ne peut être rétracté qu'avec l'accord non équivoque du salarié ;
Attendu qu'en l'espèce, la Société MILLION a adressé à Monsieur X... une lettre de licenciement le 15 février 2006 soit deux jours après l'accident du travail dont il a été victime le 13 février 2006 et donc pendant la période de suspension du contrat de travail ;
Attendu que la Société MILLON, ainsi qu'elle le reconnaît, a été informée de cet accident par téléphone le jour même et a pu constater l'absence de Monsieur X... le lendemain et le surlendemain ; que même si le certificat médical faisant état d'un arrêt de travail jusqu'au 17 février 2006 ne lui a été remis que le 15 février 2006 vers 17 heures, après l'envoi de la lettre de licenciement, elle ne peut prétendre qu'elle n'avait pas connaissance de la suspension du contrat de travail au moment où elle a envoyé la lettre de licenciement ;
Attendu qu'elle soutient avoir rétracté oralement sa décision de licencier Monsieur X... lorsque ce dernier s'est présenté le 15 février à 17 heures pour remettre son arrêt de travail et affirme que ce dernier aurait fait part de son accord ;
Que toutefois, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, elle n'a confirmé par écrit la suspension de la procédure de licenciement que le 13 mars 2006, après avoir été convoquée devant le Conseil de Prud'hommes et Monsieur X... a immédiatement contesté par courrier du 14 mars avoir été informé que la procédure de licenciement n'était pas valable ;
Attendu que dans sa première attestation du 10 janvier 2007, Madame B..., secrétaire de direction au service de la Société MILLON, indique : " Lors de la remise de cet arrêt, Madame Annie Y... a précisé à Monsieur X... que la procédure était arrêtée, ce qu'il a approuvé " ; qu'elle ne précise pas en quels termes cette approbation aurait été formulée ; que dans sa seconde attestation du 1er octobre 2008, elle affirme que Monsieur X... avait parfaitement compris que son contrat de travail n'était pas rompu ;
Que toutefois, aucun élément objectif ne vient corroborer cette opinion et apporter la preuve d'une acceptation claire et non équivoque de la part de Monsieur X... qui a saisi le Conseil de Prud'hommes dès le 8 mars 2006 et a manifesté par lettre du 14 mars son intention de poursuivre la procédure ;
Qu'aucune conséquence ne peut être tirée du fait qu'entre le 17 février 2006 et le 16 mars 2006, Monsieur X... se soit rendu à l'entreprise pour apporter les prolongations de son arrêt de travail et remettre une fiche d'analyse d'accident du travail ni du fait qu'il se soit rendu à la médecine du travail le 16 mars 2006 pour se soumettre à la visite de reprise dès lors que du fait de l'exécution du préavis, il était encore le salarié de la société MILLON jusqu'au 16 mars 2006 et avait, à ce titre, l'obligation d'effectuer ces démarches ;
Attendu que le document intitulé " transaction " signé le 16 mars 2006 ne peut être interprété comme une rupture d'un commun accord puisque le licenciement avait déjà été prononcé et que la preuve de l'acceptation de la décision de rétractation par le salarié n'est pas établie ; qu'il ne constitue pas davantage une transaction en l'absence de concessions réciproques ;
Que de plus, les termes de cet accord sont succincts et ambigus " D'un commun accord entre les parties, Monsieur Marc X... quitte l'entreprise ce jour " au point que ce dernier a jugé nécessaire d'adresser le jour même à son employeur une lettre pour confirmer que l'accord portait uniquement sur le dernier jour de préavis ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement était nul ;
SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS
Attendu que le salarié, victime d'un licenciement nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 devenu L 1235-3 du Code du travail, même si son ancienneté est inférieure à deux ans ;
Attendu qu'il convient de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qui a alloué à Monsieur X... la somme de 10. 800 euros à titre de dommages et intérêts ;
SUR LES FRAIS ET DÉPENS
Attendu qu'il convient de confirmer les dispositions du jugement relatives au frais et dépens ;
Attendu que dans le cadre de la procédure d'appel, il convient d'allouer la somme de 1. 500 euros à Monsieur X... sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, de rejeter la demande de la Société MILLON sur le même fondement et de condamner cette dernière aux dépens de la procédure d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de LYON Section Commerce en date du 25 octobre 2007 en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
Condamne la Société MILLON à payer à Monsieur X... la somme de 1. 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Rejette la demande de la Société MILLON sur le même fondement ;
Condamne la Société MILLON aux dépens de la procédure d'appel.