R. G : 07/ 01475
COUR D'APPEL DE LYON 8ème Chambre Civile
ARRÊT du 17 Novembre 2009
Jugement du Tribunal d'Instance de BOURG EN BRESSE Au fond 2003/ 457 du 27 août 2004
Arrêt 1ère chambre cour d'appel de LYON du 24 novembre 2005 RG 04/ 6106
Arrêt cour de Cassation du 20 février 2007 no 170 F-D
APPELANTS :
Monsieur Pierre X...... 01250 MONTAGNAT
représenté par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
Madame Mireille Y... épouse X...... 01250 MONTAGNAT
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour assistée de Me CHEVALIER, avocat
INTIMES :
Monsieur Maurice Z...... 01190 PONT DE VAUX
représenté par Me Christian MOREL, avoué à la Cour assisté de Me PERIC, avocat aide juridictionnelle Totale numéro 2007/ 10905 du 21/ 05/ 2007
L'ASSOCIATION TUTÉLAIRE DES MAJEURS PROTEGES ès qualités de curatrice de Monsieur Maurice Z...... 01000 BOURG EN BRESSE
représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour assistée de Me PERIC, avocat aide juridictionnelle Totale numéro 2007/ 10905 du 21/ 05/ 2007
RG 07/ 1475
Instruction clôturée le 01 Décembre 2008 Audience de plaidoiries du 22 Septembre 2009 L'affaire a été mise en délibéré au 20 Octobre 2009 prorogé au 17 Novembre 2009 (avis a été donné aux avoués conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile)
La huitième chambre de la COUR D'APPEL de LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :- Madame Jeanne STUTZMANN, Présidente de la huitième chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries,- Madame Martine BAYLE, Conseillère,- Madame Agnès CHAUVE, Conseillère, assistées lors des débats tenus en audience publique de Madame Nicole MONTAGNE, Greffière,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant :
FAITS-PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Maurice Z... est propriétaire sur la commune de St BENIGNE... d'une parcelle cadastrée section ZH no 338. Cette parcelle est contigüe côté Ouest avec les parcelles ZH no 339 et 335 appartenant à Mireille Y... épouse X....
Reprochant aux époux X... d'avoir coulé une semelle en béton sur sa parcelle 339 lui interdisant tout accès à sa propriété côté Ouest à partir du chemin rural no 14, Maurice Z... assisté de son curateur l'ATMP a alors engagé devant le tribunal d'instance de BOURG EN BRESSE une action en dénonciation de nouvel oeuvre.
Par jugement en date du 27 août 2004 le tribunal d'instance de BOURG EN BRESSE a :- déclaré irrecevable l'action engagée à l'encontre de Monsieur Pierre X...,- constaté l'existence d'une servitude de droit de passage au profit de Maurice Z... sur la propriété de Madame Mireille Y... épouse X...,
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- dit que la semelle en béton coulée sur l'assiette du droit de passage constituait un trouble,- fait interdiction à Mireille Y... épouse X... d'édifier toute construction sur la semelle de béton coulée,- débouté les parties de tous autres chefs de demande et/ ou prétentions,- condamné Mireille Y... épouse X... aux entiers dépens.
Par arrêt en date du 24 novembre 2005 la Cour de céans a déclaré irrecevable l'appel interjeté par Monsieur Pierre X... et statuant sur l'appel de Madame X... a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré et a condamné Madame X... aux dépens d'appel.
Sur pourvoi des époux X... la Cour de cassation a par arrêt du 20 février 2007 cassé au visa de l'article 1265 du code de procédure civile l'arrêt dans toutes ses dispositions, renvoyé la cause et les parties devant la Cour de LYON autrement composée et condamné l'ATMP ès qualités et Monsieur Z... aux dépens.
Après avoir rappelé que la protection possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés, la Cour de cassation reproche à la Cour d'appel d'avoir en confirmant le jugement, constaté dans son dispositif l'existence d'une servitude de droit de passage au profit de Monsieur Z... sur la propriété de Madame X....
Les époux X... ont saisi la Cour de céans par déclaration 5 mars 2007.
Madame X... conclut à la réformation du jugement en toutes ses dispositions et en premier lieu au débouté de Maurice Z... et de l'ATMP de leurs prétentions ; elle entend voir constater par la Cour l'absence de servitude de passage par destination du père de famille, conventionnelle ou résultant de l'état d'enclave en faveur de Maurice Z... et l'absence de trouble possessoire.
En second lieu elle entend voir constater l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales à son profit et l'existence d'un trouble possessoire dans l'exercice de la servitude continue d'écoulement des eaux lui bénéficiant dû à l'entretien irrégulier du canal d'écoulement résultant de cette servitude et sollicite en conséquence la condamnation solidaire de Monsieur Z... et de l'ATMP à la remise en état des conduits d'écoulement des eaux pluviales sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du mois suivant la signification du " jugement " à intervenir et sollicite la condamnation solidaire de Monsieur Z... et de l'ATMP à lui payer la somme de 1. 500 € en réparation du préjudice moral et financier et la somme de 6. 000 € pour ses frais irrépétibles pour l'ensemble des instances.
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Elle fait valoir :- que le tribunal en ne se bornant pas à examiner les titres des parties pour établir le trouble à la possession s'est prononcé sur le fond du droit invoqué sans même examiner les conditions de la possession précisées aux articles 688 du code civil et 1264 du code de procédure civile,- qu'en l'absence d'enclave les conditions de l'article 682 du code civil ne sont pas réunies,- qu'aucun acte authentique de partage n'a été produit par les intimés aux fins d'établir la destination du père de famille sur laquelle était fondée leur action,- que le document du 26 juillet 1945 a été considéré à tort par le tribunal comme titre récognitif au sens de l'article 695 du code civil alors que le seul document produit n'émanait pas du propriétaire du fonds asservi et qu'aucun titre primordial n'avait été produit à l'instance,- que la validité de ce document était formellement contestée, alors qu'une simple photocopie sans aucune mention écrite ne constitue pas un acte écrit, que la photocopie d'un acte sous-seing privé ne pouvait avoir au mieux que valeur d'un simple renseignement et non celle d'un commencement de preuve par écrit, qu'aucun original n'avait été produit à l'instance et que le nombre de documents originaux n'était pas mentionné dans l'acte reproduit ni dans sa reproduction,- que le tribunal aurait dû ordonner la production de l'original de l'acte contesté conformément aux articles 1324 et 1334 du code civil et aux articles 287 et suivants du code de procédure civile,- que le tribunal aurait dû vérifier les conditions de la possession précisées aux articles 688 et 691 du code civil à savoir l'existence d'un titre en bonne et due forme puis dans l'hypothèse d'un titre valide l'exercice d'un fait de l'homme actuel (article 688) en l'occurrence une possession ou détention matérielle paisible et annale (article 1264 du code de procédure civile), circonstances non remplies en l'espèce,- qu'à supposer la possession établie et le document valide, aucune aggravation de la servitude n'a été constatée en l'espèce, la semelle en béton étant édifiée à plus de 3, 90 mètres du point B mentionné dans ledit document,- et que ses troubles sont réels.
Maurice Z... et son curateur l'ATMP concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a fait interdiction à Madame X... d'édifier toute construction sur la semelle en béton coulée sauf à supprimer de son dispositif la mention malheureuse " constater l'existence d'une servitude de droit de passage au profit de Monsieur Z... sur la propriété de Madame X... " en la remplaçant par " déclarer recevable la demande de Monsieur Z... et de l'ATMP ès qualités " ; y ajoutant ils réclament une indemnité de 6. 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
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Ils entendent voir :- constater l'existence d'un état d'enclave,- constater l'existence non sérieusement non contestable de l'acte récognitif du 26 juillet 1945 parfaitement opposable à Madame X...,- constater que la semelle en béton coulée par Madame X... constitue un trouble qui menace le droit de passage dont bénéfice Maurice Z...,- déclarer recevable et bien fondée la dénonciation de nouvel oeuvre,- constater que Madame X... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un trouble d'écoulement des eaux pluviales.
Les intimés invoquent également la destination du père de famille et le bornage amiable en exécution de l'acte du 26 juillet 1945. Sur le défaut d'usage des lieux, ils répondent que les servitudes ne peuvent pas s'éteindre uniquement par un non usage pendant plus de 30 ans en application de l'article 706 du code civil
MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu que bien que sollicitant et ayant obtenu sa mise hors de cause, Monsieur X... a formalisé aux côtés de son épouse la déclaration de saisie de la Cour ; que cette déclaration est irrecevable ;
Sur l'action de Maurice Z... et de l'ATMP ès qualités de curatrice :
Attendu qu'aux termes de l'article 1264 du code civil, "... les actions possessoires sont ouvertes dans l'année du trouble à ceux qui paisiblement, possèdent ou détiennent depuis au moins un an " ;
Attendu que les juges du fond sont souverains pour apprécier si les actes de possession invoqués ont le caractère d'une possession véritable ;
Attendu que Monsieur Z... résidait déjà en maison de retraite lors de son placement sous le régime de la curatelle par jugement du 23 février 1993 ; qu'il y réside toujours ;
Attendu qu'aucun acte précis de possession n'est invoqué ; que l'attestation du maire en date du 16 septembre 2002 certifiant que " de mémoire d'hommes l'entrée principale de la maison de Monsieur Maurice Z... au... à Saint-Bénigne était réalisée à partir de la cour donnant accès au chemin à l'ouest de la propriété ", attestation co-signée par d'anciens élus, d'anciens conducteurs d'engins agricoles et un ancien locataire, est insuffisante pour démontrer une possession paisible et continue pas plus que les factures de débroussaillage de 2002 et 2003 ;
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Attendu dans ces conditions Maurice Z... ne peut pas prétendre à la protection possessoire et sera débouté de sa demande de dénonciation de nouvel oeuvre ;
Sur la demande reconventionnelle de Mireille X... :
Attendu que Mireille X... tout en dénonçant le cumul du possessoire et du pétitoire, conclut à ce que la Cour " constate l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales au profit d'elle-même " ; qu'elle entend obtenir la protection possessoire de cette servitude par la remise en état des conduits d'écoulement ;
Attendu que l'appelante explique que l'écoulement des eaux pluviales tombant du côté des cours à l'Ouest se faisait au moyen d'une rigole puis d'un canal passant sous la maison Z... et qu'il s'agirait d'une servitude par destination de père de famille (voir ses conclusions page 33) ;
Mais attendu qu'aucun élément de preuve ne permet de confirmer l'existence d'une telle servitude ; que le procès-verbal de conciliation du 18 juillet 1944 invoqué par elle, aux termes duquel Monsieur Z... " s'engage à ne pas changer l'écoulement des eaux existant dans la cour mitoyenne Z...- A... " est beaucoup trop imprécis pour constituer une reconnaissance d'une telle servitude et le titre permettant la protection possessoire ;
Attendu que Mireille X... sera déboutée de sa demande ;
Attendu que l'équité commande de laisser à la charge des parties leurs frais non répétibles ;
Attendu que chacune des parties succombant à l'instance supportera ses propres dépens, de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare irrecevable la déclaration de saisine formée par Monsieur Pierre X... ;
Infirmant partiellement le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'existence d'une servitude de droit de passage au profit de Maurice Z... sur la propriété de Madame Mireille Y... épouse X..., dit que la semelle en béton coulée sur l'assiette du droit de passage constituait un trouble et fait interdiction à Mireille Y... épouse X... d'édifier toute construction sur la semelle de béton coulée ; RG 07/ 1475
Statuant à nouveau déboute Maurice Z... et l'ATMP ès qualités de curatrice de leur action en dénonciation de nouvel oeuvre ;
Confirme le jugement mais par substitution de motifs en ce qu'il a débouté Mireille X... de sa demande reconventionnelle ;
Pour le surplus :
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel ;
Dit que chaque partie supportera ses propres dépens, de première instance et d'appel.
Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Madame Jeanne STUTZMANN, présidente de la huitième chambre et par Madame Nicole MONTAGNE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.
Nicole MONTAGNE, Jeanne STUTZMANN.