AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : 08/08300
[T]
C/
SA SOFACO
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SAINT-ETIENNE
LYCEE [11]
Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor Public représentant légal de l'Etat français
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-ETIENNE
du 13 Octobre 2008
RG : 20080325
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 12 JANVIER 2010
APPELANT :
[L] [T]
né le [Date naissance 1] 1980
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Rosine INSALACO, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉES :
SA SOFACO
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 6]
représentée par Maître Alain DUMAS, avocat au barreau de LYON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SAINT-ETIENNE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par [K] [U] en vertu d'un pouvoir spécial
Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor Public représentant légal de l'Etat français
Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi
[Adresse 7]
[Localité 8]
LYCEE [11]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentés par Maître Sophie GUILLAUD, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Catherine TERESZKO, avocat au même barreau
PARTIES CONVOQUÉES LE : 2 mars 2009
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 novembre 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Michel GAGET, Président de Chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Assistés pendant les débats de Radia GRAIRI, Adjoint administratif faisant fonction de Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 janvier 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Michel GAGET, Président de Chambre et par Radia GRAIRI, Adjoint administratif faisant fonction de Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 26 mai 2000, [L] [T], élève du baccalauréat professionnel au Lycée [11], a été victime d'un accident du travail survenu dans les locaux de la SA SOFACO au sein de laquelle il effectuait un stage.
Les cinq doigts de la main droite ont été sectionnés par une cisaille.
La date de consolidation a été fixée au 26 mars 2002 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 60 %.
Par jugement en date du 18 juin 2007, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Saint-Etienne a :
- dit que l'accident du travail dont [L] [T] a été victime le 26 mai 2000 est dû à la faute inexcusable de la SA SOFACO,
- fixé la majoration de la rente servie à [L] [T] au taux maximal,
- condamné le Lycée [11] à payer à [L] [T] la somme de 5.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,
- condamné la SA SOFACO à payer à [L] [T] une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné, avant dire droit sur la réparation des préjudices complémentaires, une expertise médicale confiée au Docteur [C].
Ce dernier a déposé son rapport le 3 octobre 2007.
Par jugement en date du 13 octobre 2008, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a :
- fixé l'indemnisation du préjudice personnel de [L] [T] à la somme de 150.000 € se décomposant comme suit :
* 30.000 € au titre des souffrances endurées,
* 20.000 € au titre du préjudice d'agrément,
* 20.000 € au titre du préjudice esthétique,
* 80.000 € au titre du préjudice résultant d'une diminution ou perte de possibilités de promotion professionnelle,
- dit que ces indemnités, déduction faite de la somme de 5.000 € allouée à titre de provision, seront versées par la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne qui en fera l'avance et pourra en récupérer le montant auprès du Lycée [11],
- débouté [L] [T] du surplus de ses demandes,
- déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie et à l'agent judiciaire du trésor représentant l'Etat français,
- condamné la SA SOFACO à verser à [L] [T] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 novembre 2008, [L] [T] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 6 novembre 2008.
Par jugement du 16 février 2009, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a ordonné la rectification du jugement en ajoutant dans le dispositif que l'exécution provisoire était ordonnée.
Vu les conclusions reçues au greffe le 14 octobre 2009 maintenues et soutenues à l'audience de [L] [T] qui demande à la Cour de :
- réformer partiellement le jugement entrepris,
- porter le montant des dommages et intérêts dus pour les différents préjudices aux sommes suivantes :
* 50.000 € au titre du pretium doloris,
* 45.000 € pour le préjudice esthétique,
* 45.000 € pour le préjudice d'agrément,
* 150.000 € pour la diminution ou la perte de possibilités de promotion professionnelle,
- porter également la somme due au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la SA SOFACO à 4.000 €,
- confirmer pour le surplus la décision déférée,
- statuer ce que de droit sur les dépens ;
Vu les conclusions récapitulatives reçues au greffe le 21 octobre 2009 maintenues et soutenues à l'audience de la SA SOFACO qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [L] [T] de ses demandes complémentaires non comprises dans les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
- réduire au préjudice démontré l'indemnisation au titre du pretium doloris, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément,
- débouter [L] [T] de sa demande au titre du préjudice professionnel et en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner [L] [T] à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne et à l'agent judiciaire du trésor représentant l'Etat français,
- vu le jugement définitif du 18 juin 2007, dire que les sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie seront récupérées auprès du Lycée [11] seul redevable ;
Vu les conclusions déposées maintenues et soutenues à l'audience de l'Etat français représenté par l'agent judiciaire du trésor et du Lycée [11] qui demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris sur le pretium doloris, sur le préjudice esthétique et sur le préjudice d'agrément,
- débouter [L] [T] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice résultant d'une perte ou d'une diminution de possibilité de promotion professionnelle,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté [L] [T] du surplus de ses demandes,
- débouter [L] [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens ;
Vu les conclusions reçues au greffe le 21 août 2009 maintenues et soutenues à l'audience de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne qui demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les souffrances physiques et morales endurées :
[L] [T], âgé de 19 ans au moment de l'accident, a été amputé des cinq doigts de la main droite qui ont été repositionnés à la suite de différentes interventions chirurgicales.
Le rapport d'expertise fait ressortir la violence du traumatisme initial, le caractère très douloureux de la blessure et des soins ultérieurs ainsi qu'une douleur morale intense.
Il évalue ce préjudice à 7 sur une échelle de 7.
[L] [T] ne fait valoir aucun élément pouvant justifier une indemnisation supérieure à 30.000 € telle que retenue par les premiers juges et qui correspondait à l'offre de l'agent judiciaire du trésor. L'importance du préjudice ne justifie pas une évaluation différente comme le demande la SA SOFACO.
Sur le préjudice esthétique :
[L] [T] a subi plusieurs interventions chirurgicales de sa main droite mais celle-ci reste endommagée et le positionnement de ses doigts est anormal.
L'expert a évalué ce préjudice à 6 sur une échelle de 7.
L'indemnisation offerte par l'agent judiciaire du trésor et retenue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale constitue une juste évaluation de l'important préjudice esthétique subi par [L] [T].
Sur le préjudice d'agrément :
Il résulte du rapport d'expertise et des attestations qu'il produit que [L] [T] ne peut plus pratiquer le football, le volley-ball et la natation qu'il pratiquait auparavant, que la conduite d'un véhicule est difficile, qu'il ne peut se livrer à certaines activités ludiques qui étaient les siennes avant l'accident tel que le jeu des fléchettes ou le baby foot, qu'il ne peut boutonner ses vêtements ou lacer les chaussures et doit effectuer la plupart des gestes courant avec la main gauche ou avec l'aide d'un tiers.
Ces éléments caractérisent un préjudice d'agrément correctement évalué par les premiers juges à 20.000 € compte tenu du jeune âge de la victime.
Sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle :
Ce préjudice dont l'indemnisation peut être demandée par la victime d'une faute inexcusable de l'employeur ne se confond pas avec le préjudice résultant du déclassement professionnel ou de la perte d'emploi, réparé par l'attribution d'une rente majorée.
[L] [T] fait valoir qu'il avait pour ambition de poursuivre ses études après l'obtention du BAC PRO et de passer un BTS pour être professeur d'atelier ou pour travailler dans un bureau d'étude dans la chaudronnerie, qu'en raison de l'accident il a été contraint d'abandonner sa formation professionnelle et de se tourner vers un reclassement total, qu'il a effectué un stage comme conseiller de clientèle et travaille dans une banque mais que son absence de diplôme et de qualification ne lui permettent pas d'accéder à des postes à responsabilité, que toute activité manuelle est à exclure.
Ces faits caractérisent le préjudice résultant du déclassement professionnel réparé par l'attribution d'une rente majorée.
Au moment de l'accident, [L] [T] n'avait ni diplôme ni formation professionnelle et il ne travaillait pas. Sa situation ne lui pouvait lui laisser espérer une chance de promotion professionnelle.
Sa demande en réparation d'un préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelles n'est pas justifiée.
La décision déférée doit être infirmée sur ce point.
Sur les dépens et les frais non répétibles :
L'équité commande de confirmer l'indemnité allouée, par les premiers juges, à [L] [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant dans son appel, il n'y a pas lieu d'augmenter le montant de cette indemnité.
L'équité s'oppose à ce qu'il soit condamné à verser à la SA SOFACO une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour constate que, pour le surplus, les dispositions du jugement entrepris ne sont pas critiquées.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
Statuant à nouveau sur ce point,
Déboute [L] [T] de sa demande de réparation d'un préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
Confirme le jugement entrepris sur le surplus des dispositions,
Déboute [L] [T] et la SA SOFACO de leurs demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Dispense [L] [T] du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
La GreffièreLe Président
Radia GRAIRIMichel GAGET