AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 08/06438
SAS MONSANTO
C/
[S]
SA RAGT GENETIQUE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes de LYON
du 04 Septembre 2008
RG : F 05/04278
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 27 JANVIER 2010
APPELANTE :
SAS MONSANTO prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Gaëlle DUC ECHAMPART, avocat au barreau de LYON substitué par Me Aurélie BONNET, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
[U] [S]
[Adresse 3]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de par Me Federico COMIGNANI, avocat au barreau de LYON
SA RAGT GENETIQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline ANDRE-HESSE-ROSSI, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 Novembre 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller
Hervé GUILBERT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Janvier 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
[U] [S] a été engagé le 3 décembre 1984 par une société du groupe PAU EURALIS.
Il a été engagé le 1er avril 1996 en qualité de directeur commercial par la S.N.C. HYBRITECH EUROPE, avec reprise de l'ancienneté acquise depuis 1984.
Son poste ayant été supprimé en raison de l'arrêt d'activité de la société qui l'employait, [U] [S] a accepté d'être reclassé au sein de la S.A.S. MONSANTO, dont la majorité du capital était détenu par la S.A.S. MONSANTO AGRICULTURE FRANCE, elle-même filiale de la S.A. MONSANTO EUROPE, appartenant au groupe américain MONSANTO, dont le siège est à [Localité 12] (Etats-Unis).
Par contrat écrit du 30 octobre 2000, [U] [S] a été engagé le 1er novembre 2000 par la S.A.S. MONSANTO en qualité de chef des ventes blé conventionnel (catégorie cadre) au sein de l'établissement de [Localité 7] (Rhône).
En l'absence de convention collective, la S.A.S. MONSANTO applique un accord collectif d'entreprise dénommé 'protocole d'accord MONSANTO', très proche du statut collectif dont relèvent les salariés de la S.A.S. MONSANTO AGRICULTURE FRANCE en application de la convention collective nationale des industries chimiques.
Le 1er octobre 2002, [U] [S] est devenu 'chef marché céréales et soja'.
En novembre 2003, les difficultés rencontrées par le groupe MONSANTO ont imposé la mise en place d'un nouveau modèle d'organisation se traduisant par une restructuration des départements commercial, marketing, technique et support, et un désengagement de l'activité blé. Les sociétés MONSANTO et MONSANTO AGRICULTURE FRANCE ont envisagé le licenciement pour motif économique de 83 salariés et un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi. Le projet prévoyait que si la S.A.S. MONSANTO n'était pas en mesure de céder l'ensemble de son activité céréales (dite activité blé) à un repreneur, et par conséquent de transférer les salariés dédiés à cette activité en application de l'article L 122-12 du code du travail, le désengagement de cette activité aurait pour conséquence la suppression totale ou partielle de 14 postes, dont celui de chef marché céréales.
Le 27 janvier 2004, la S.A.S. MONSANTO a indiqué au comité d'entreprise qu'elle n'avait pas encore d'assurance quant au maintien des conditions du plan de sauvegarde de l'emploi MONSANTO chez le repreneur de l'activité blé.
Le 18 mars 2004, la direction de la S.A.S. MONSANTO a fait savoir au comité d'entreprise que la société était toujours en pourparlers avec quelques acheteurs en vue de la cession de l'activité blé.
Le compte rendu de la réunion du 22 avril 2004 porte mention de ce que l'ensemble du personnel de l'activité blé était transféré à la société RAGT. En accord avec la société MONSANTO, le repreneur s'engageait, pour une période déterminée, à verser l'équivalent du plan de sauvegarde de l'emploi de MONSANTO en cas de licenciement économique d'un salarié transféré chez RAGT,
Le 8 juin 2004, il a été fait mention sur le compte rendu de la réunion du comité d'entreprise de ce que la société RAGT s'était engagée à garder tous les employés et à essayer de conserver tous les avantages MONSANTO dans la mesure du possible.
La réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 14 juin 2004 a été consacrée aux conséquences du transfert. Il a été acté qu'en cas de licenciement économique, la société RAGT s'était engagée, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date du transfert, à faire bénéficier les salariés transférés de conditions équivalentes à celles prévues par le plan de redéploiement et de sauvegarde de l'emploi de MONSANTO S.A.S. de novembre 2003.
La cession de l'activité céréales, dite activité blé, est intervenue le 14 juin 2004.
La S.A. RAGT Génétique, par lettre du 11 juin 2004, puis la S.A.S. MONSANTO, par lettre du 16 juin 2004, ont notifié à [U] [S] que son contrat de travail était transféré au cessionnaire, avec maintien de l'ensemble des droits et obligations en résultant et reprise de l'ancienneté acquise.
Par lettre recommandée du 29 novembre 2004, la société RAGT Génétique a fait savoir à [U] [S] que suite à la reprise du matériel génétique céréales MONSANTO par RAGT en juin 2004, il était apparu indispensable de repenser l'organisation de cette activité au sein du groupe RAGT, du fait de la position dominante désormais prise en blé tendre et en orge de printemps brassicole. De ce fait, une nouvelle organisation céréales était mise en place, dans le cadre de laquelle la France était découpée en quatre régions, chaque responsable de zone conservant une fonction transversale technique au sein de l'équipe céréales.
Le poste que [U] [S] occupait dans l'entreprise MONSANTO n'avait plus de raison d'être sur un plan fonctionnel et économique à RAGT en raison des impératifs de gestion, de suivi et d'efficacité commerciale auprès des clients. La suppression de ce poste était rendue indispensable pour assurer une organisation permettant la structuration, l'équilibre et la pérennisation de l'activité céréale.
La société RAGT Génétique a proposé à [U] [S] de prendre la responsabilité de la zone Nord-Est dans les conditions précisées dans l'avenant à son contrat de travail, joint au courrier du 29 novembre 2004. Le salarié disposait d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation ou son refus, en application de l'article L 321-1-2 du code du travail.
Par lettre recommandée du 22 décembre 2004, [U] [S] a refusé cette offre qui impliquait une diminution de ses responsabilités et de sa rémunération.
Il a été convoqué le 18 janvier 2005 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.
Par lettre recommandée du 18 janvier 2005, la société RAGT Génétique lui a proposé trois nouveaux postes :
délégué commercial gazons à Gazons de France,
technicien de production de semences à RAGT Génétique,
responsable logistique de RAGT Plateau Central.
Le salarié n'a pas donné suite à cette proposition.
Par lettre recommandée du 7 février 2005, la société RAGT Génétique a notifié à [U] [S] son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :
Suite à la reprise du matériel génétique céréales MONSANTO par RAGT en Juin 2004, il était apparu indispensable de repenser l'organisation de cette activité au sein du groupe RAGT du fait de la position dominante désormais prise en blé tendre et en orge de printemps brassicole.
Cette réflexion, menée depuis plusieurs mois, intègre logiquement les principes d'organisation du travail qui ont fait leurs preuves à RAGT : les collaborateurs en charge de la promotion des variétés céréales ont en effet tous la responsabilité de l'expertise technique d'une espèce définie en sus de leur fonction commerciale au sein d'une zone géographique.
La spécificité de cette organisation responsabilise nos collaborateurs tout en valorisant une approche terrain qui leur permet de répondre au mieux aux attentes de nos clients.
Nous vous rappelons que notre société est ainsi devenue en France le premier obtenteur en Triticale et Blé dur et le deuxième obtenteur en orge deux rangs fourragères.
De ce fait, une nouvelle organisation céréales est mise en place dans la continuité du fonctionnement actuel et prévoit le découpage de la France en 4 régions définies en fonction du potentiel de royalties accessibles et de la structure de distribution de la marchandise (Sud, Nord Ouest, Centre, Nord Est), chaque responsable de zone conservant une fonction transversale technique au sein de l'équipe céréales.
Le poste de Chef des Ventes Blé Conventionnel que vous occupiez précédemment au sein de l'entreprise MONSANTO n'a pas de raison d'être sur un plan fonctionnel et économique à RAGT en raison des impératifs de gestion, de suivi et d'efficacité commerciale auprès de nos clients.
La suppression de votre poste est rendue indispensable pour assurer une organisation permettant la structuration, l'équilibre et la pérennisation de l'activité céréales, sauvegardant ainsi la compétitivité de l'entreprise.
La promotion de nos variétés céréales n'est en effet pas liée à une ligne de produits mais à un portefeuille de variétés dont la responsabilité de la vente incombera aux quatre Responsables de zones définies plus haut, sous l'autorité hiérarchique de Monsieur [V] [Z].
Dans ce contexte, nous vous avons proposé [...] nous considérons que vous refusez cette proposition.
Cette situation nous conduit donc à prononcer votre licenciement pour motif économique. [...]
Par lettre recommandée du 12 février 2005, [U] [S] a fait observer à son employeur :
qu'il occupait en dernier lieu dans l'entreprise MONSANTO le poste de chef de marché céréales et soja, et non celui de chef des ventes blé conventionnel,
que les impératifs de gestion allégués avaient conduit la société RAGT non à une suppression de poste, mais à un choix entre deux personnes occupant des responsabilités assez proches,
que la société RAGT s'est engagée à faire bénéficier les salariés licenciés dans les dix-huit mois du transfert des conditions du plan social MONSANTO.
Le directeur général de la SA RAGT Génétique lui a répondu le 23 février 2005 que le maintien de deux postes pour une même fonction mettrait en péril une organisation permettant la structuration, l'équilibre et la pérennisation de l'activité céréales. Il a ajouté que la société RAGT était seulement tenue d'appliquer les indemnités prévues par le protocole d'accord MONSANTO.
Par lettre recommandée du 5 avril 2005, l'employeur a proposé à [U] [S] un poste de chef de produits approvisionnement végétal à la société RAGT Plateau Central.
Le salarié n'a pas donné suite à ce courrier.
Le 6 juillet 2005, le groupe RAGT a présenté au comité d'entreprise un projet de restructuration impliquant la suppression de 3 postes dans la société R2n, de 3 postes dans la S.A. RAGT et de 24 postes dans la société RAGT SEMENCES.
Le 10 novembre 2005, [U] [S] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon de demandes dirigées contre la S.A. RAGT Génétique et contre la S.A.S. MONSANTO.
* * *
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 11 septembre 2008 par la S.A. MONSANTO du jugement rendu le 4 septembre 2008 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a :
- dit et jugé que le licenciement économique de [U] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamné la société RAGT Génétique à lui verser la somme de
36 000, 00 € à titre de dommages-intérêts, outre intérêts de droit,
- condamné la société RAGT Génétique à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à [U] [S] dans la limite de trois mois de salaire,
- mis hors de cause la société RAGT en ce qu'elle devrait assumer les conséquences financières du plan social MONSANTO,
- dit et jugé que la société MONSANTO S.A.S. a engagé sa responsabilité envers [U] [S],
- en conséquence, condamné la société MONSANTO S.A.S. à verser à [U] [S] la somme de 120 379, 42 € à titre de dommages-intérêts pour avoir privé [U] [S] du bénéfice du plan social lors de son licenciement, outre intérêts à compter de la saisine du Conseil,
- condamné solidairement la société RAGT Génétique et la société MONSANTO S.A.S. à payer à [U] [S] la somme de 2 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement par application de l'article 515 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 30 novembre 2009 par la S.A.S. MONSANTO qui demande à la Cour de :
A titre principal :
- ordonner la mise hors de cause de la société MONSANTO S.A.S. , aucune demande n'étant formulée à titre principal contre elle,
- en conséquence, ordonner la restitution par [U] [S] à la société MONSANTO S.A.S. des sommes de 120 379, 42 € et 11 013, 03 €, soit au total 131 392, 45 € perçus à tort au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts légaux à compter du jour du versement par la société MONSANTO S.A.S. de ces sommes à [U] [S],
- condamner celui qui mieux le devra, de [U] [S] ou de la société RAGT, à verser la somme de 2 000 € à la société MONSANTO S.A.S. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire :
- renvoyer [U] [S] à mieux se pourvoir devant le Tribunal de grande instance de Lyon pour faire juger sa demande formulée à l'encontre de la société MONSANTO S.A.S. dans le cadre de la responsabilité de droit commun,
- en conséquence, se déclarer incompétente au profit du Tribunal de grande instance de Lyon,
- ordonner la restitution par [U] [S] à la société MONSANTO S.A.S. des sommes de 120 379, 42 € et 11 013, 03 €, soit au total 131 392, 45 € perçus à tort au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts légaux à compter du jour du versement par la société MONSANTO S.A.S. de ces sommes à [U] [S],
- condamner celui qui mieux le devra, de [U] [S] ou de la société RAGT, à verser la somme de 2 000 € à la société MONSANTO S.A.S. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre infiniment subsidiaire :
- constater que la société MONSANTO S.A.S. n'a commis aucune faute,
- en conséquence, débouter [U] [S] de la totalité de ses demandes dirigées contre la société MONSANTO S.A.S.,
- ordonner la restitution par [U] [S] à la société MONSANTO S.A.S. des sommes de 120 379, 42 € et 11 013, 03 €, soit au total 131 392, 45 € perçus à tort au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts légaux à compter du jour du versement par la société MONSANTO S.A.S. de ces sommes à [U] [S],
- condamner la société RAGT, à verser la somme de 2 000 € à la société MONSANTO S.A.S. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre très infiniment subsidiaire :
- constater que la faute de la société MONSANTO S.A.S. est atténuée par le comportement de [U] [S],
- constater que la société MONSANTO S.A.S. ne s'est jamais engagée à titre personnel sur l'application des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi en cas de licenciement des salariés transférés par la société RAGT,
- en conséquence, réduire la demande de dommages-intérêts de [U] [S] à de plus justes et légitimes proportions,
- ordonner la restitution par [U] [S] à la société MONSANTO S.A.S. de la fraction excédentaire des sommes de 120 379, 42 € et 11 013, 03 €, soit au total 131 392, 45 € perçus à tort au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts légaux à compter du jour du versement par la société MONSANTO S.A.S. de ces sommes à [U] [S] ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par la société RAGT Génétique qui demande à la Cour de :
- constater que la société RAGT Génétique n'avait pas à faire application du 'plan de redéploiement et de sauvegarde de l'emploi Monsanto' au profit de [U] [S],
- constater qu'aucun complément d'indemnité conventionnelle de licenciement n'est dû à [U] [S],
- constater que la société RAGT Génétique a effectivement supprimé - à l'occasion d'une réorganisation portant sur 30 suppressions de poste - le poste de [U] [S] et que cette suppression de poste était justifiée par les importantes difficultés économiques rencontrées par le groupe RAGT dans son ensemble et la société RAGT Génétique en particulier,
- dire et juger que le licenciement de [U] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement de [U] [S] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamner [U] [S] à rembourser à la société RAGT la somme de 37 043, 29 € que celle-ci lui a réglée le 15 septembre 2008 dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement du Conseil de prud'hommes, outre les intérêts légaux courus à compter de cette date,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société RAGT en ce qu'elle devrait assurer les conséquences financières du plan social MONSANTO,
- débouter [U] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- à titre infiniment subsidiaire et conformément aux dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail, limiter à 6 mois de rémunération le montant de l'indemnité consentie à [U] [S] si la Cour venait, par extraordinaire, à estimer que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamner [U] [S] à verser à la société RAGT Génétique la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par [U] [S] qui demande à la Cour de :
- dire et juger que la société RAGT doit le faire bénéficier des dispositions du plan de redéploiement et de sauvegarde de l'emploi de novembre 2003, dit 'plan social MONSANTO S.A.S.',
- condamner en conséquence la société RAGT à lui payer la somme de 128 379, 42 €, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2005, fin du contrat de travail (à tout le moins à compter de la date de saisine du Conseil de prud'hommes),
- à titre subsidiaire, condamner la société RAGT à lui payer la somme de 3 500, 02 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- à titre subsidiaire également, condamner la société MONSANTO S.A.S. à lui régler la somme de 128 379, 42 €, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2005, fin du contrat de travail (à tout le moins à compter de la date de saisine du Conseil de prud'hommes),
- en outre, et en tout état de cause, dire et juger que le licenciement économique de [U] [S] est intervenu sans cause réelle et sérieuse,
- condamner en conséquence la société RAGT à lui payer la somme de 80 000, 00 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes,
- condamner la société RAGT et la société MONSANTO S.A.S. , in solidum, au paiement de la somme de 5 000, 00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur le motif économique du licenciement :
Attendu qu'en application de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ; qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement faisant état d'une suppression d'emploi consécutive à une réorganisation, dont il appartient au juge de vérifier qu'elle est destinée à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou justifiée par des difficultés économiques ;
Qu'en l'espèce, les pièces communiquées par la société RAGT Génétique (procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise des 8 juin, 6 juillet, 9 août et 12 août 2005, extraits du rapport de l'expert-comptable du comité d'entreprise) se rapportent au projet de restructuration et au plan de sauvegarde de l'emploi annoncés le 8 juin et présentés au comité d'entreprise le 6 juillet 2005 ; que selon la société RAGT Génétique, la 'nouvelle organisation céréales' visée dans la lettre de licenciement s'identifie à la restructuration au sujet de laquelle le comité d'entreprise a été consulté cinq mois plus tard ; que cette thèse conduit immédiatement à s'interroger sur les raisons pour lesquelles l'employeur n'a pas intégré la suppression alléguée de l'emploi de [U] [S] dans le licenciement collectif qui a suivi, comme la S.A. RAGT SEMENCES a renoncé au licenciement individuel d'[R] [P] pour motif économique afin de lui permettre de bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en l'absence de production du rapport 'projet de restructuration/raisons économiques et financières', adressé au comité d'entreprise, il est impossible d'avoir une connaissance sérieuse de la réorganisation mise en oeuvre et de vérifier si elle impliquait la suppression de l'emploi de [U] [S] ; que sur ce dernier point, le doute demeure compte tenu de l'imprécision de la lettre de licenciement qui vise la suppression du poste de chef des ventes blé conventionnel, alors que la société RAGT Génétique a délivré au salarié des bulletins de paie portant mention de l'emploi de chef de marché céréales ; que si, comme l'employeur l'a écrit le 23 février 2005, 'les titres n'ont en définitive guère d'importance', du moins lorsqu'ils recouvrent des fonctions similaires, rien ne démontre que l'emploi de chef de marché céréales et soja, et celui de chef des ventes blé conventionnel, étaient superposables ; qu'en outre, la société RAGT Génétique n'a versé aux débats aucun état comptable permettant de vérifier l'élément économique causal de la rupture et renvoie la Cour tant aux extraits insuffisants du rapport du cabinet SYNDEX qu'aux arrêts rendus par les [Localité 8] d'appel de [Localité 11] et [Localité 10], sans autorité dans le présent litige ; que la Cour retire des pièces et des débats la conviction, qui est celle de [U] [S], qu'à la suite de la reprise de l'activité céréales de la S.A. MONSANTO, la société RAGT comptait deux salariés ([U] [S] et [V] [Z]) aux fonctions suffisamment voisines, sans nécessairement être identiques, pour qu'il lui parût possible de faire l'économie d'un des postes ; qu'elle ne communique pas d'élément permettant de considérer que le licenciement de [U] [S] était justifié par un motif économique au sens de l'article L 1233-3 du code du travail ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Attendu que [U] [S] qui a été licencié sans cause réelle et sérieuse, alors qu'il avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'après son licenciement à l'âge de cinquante-quatre ans, [U] [S] dit avoir exercé l'activité d'agent commercial qu'il a dû abandonner pour des raisons économiques ; qu'il justifie de paiements d'allocations par l'ASSEDIC Vallées du Rhône et de la [Localité 9] de novembre 2006 à octobre 2007 ainsi qu'en janvier 2008 ; qu'il a retrouvé un emploi salarié courant 2008 ; qu'il y a lieu cependant de tenir compte de la somme que le présent arrêt alloue par ailleurs à [U] [S] et qui participe à la réparation du préjudice consécutif au licenciement ; que pour ces motifs, le jugement qui a alloué à [U] [S] la somme de 36 000, 00 € à titre de dommages-intérêts sera confirmé ;
Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société RAGT Génétique à POLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [U] [S] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;
Sur la demande dirigée contre la société RAGT Génétique sur le fondement du plan de redéploiement et de sauvegarde de l'emploi, dit 'plan social MONSANTO S.A.S.' :
Attendu que la cession de l'activité blé de MONSANTO a été négociée entre la S.A. MONSANTO EUROPE et la société RAGT et a donné lieu à la signature, à une date que la S.A.S. MONSANTO et [U] [S] fixent au 27 mars 2004, d'un acte de cession intitulé 'Master sale and purchase agreement' qui concernaient l'ensemble des filiales européennes du groupe ; que ce contrat général est accompagné de documents intitulés lettre de divulgation (disclosure letter) et documents de divulgation (disclosure documents) ; que pour des raisons de confidentialité, les parties n'ont livré que des bribes de ces diverses pièces, ce qui rend malaisée l'appréhension de l'économie générale de l'ensemble ; qu'il ressort cependant de l'examen des éléments versés aux débats que la lettre de divulgation a pour objet de communiquer à la société RAGT les contrats de travail, les données du statut collectif, les résultats des élections professionnelles, etc, des salariés des différentes filiales, entrant dans le champ de la cession ; que le protocole d'accord MONSANTO et le plan de redéploiement et de sauvegarde de l'emploi, dit 'plan social MONSANTO S.A.S.', sont au nombre des documents divulgués ; que [D] [C], qui a signé la lettre de divulgation au nom de la société MONSANTO, a cependant précisé à la page 2 de celle-ci :
La divulgation de tout élément ou document n'impliquera aucune déclaration, garantie ou engagement non expressément conféré dans l'accord, pas plus qu'elle ne supposera l'extension de la portée d'une garantie ou d'un engagement ;
Que l'annexe 11 de l'acte de cession dénommé 'master sale ans purchase agreement', conclu entre la société MONSANTO et la société RAGT, stipule en son article 7, intitulé 'engagements de l'acheteur' :
L'acheteur prend par les présentes l'engagement envers le vendeur pour son bénéfice propre et celui de tout autre membre du groupe du vendeur, outre toutes réglementations pertinentes, lois, normes et règlements en vigueur [...] de France [...] et toutes conventions collectives applicables :
a) à ce que les conditions générales d'emploi et autres avantages dont bénéficient les employés transférés (les éléments des conditions générales et prestations principales sont exposés dans la lettre de divulgation) pendant toute la période jusqu'au 31 décembre 2005, ne soient pas moins favorables que celles dont ils bénéficiaient avant la date de la vente (sans préjudice des paragraphes 3.2 et 3.3 ci-dessus et sans préjudice de toutes obligations pouvant lui incomber en vertu de la réglementation, sauf au titre des options d'achat d'actions Monsanto conformément à leurs modalités, et sauf en rapport avec les accords de prestations sociales et les prestations applicables ;
b) à ce que sans restreindre l'application du paragraphe 7a) ci-dessus, quelle que soit la situation dans l'éventualité où l'entité commerciale (ou financière) acheteuse effectue une réduction de personnel (licenciement 'économique') qui touche un salarié transféré ou résilie le contrat de travail sans raison valable avant le 31 décembre 2005, procure au salarié un 'package' équivalent à ce qu'il aurait perçu s'il avait été un employé du vendeur à la date du licenciement ou de la résiliation du contrat ;
Que la société RAGT Génétique a fait bénéficier [U] [S] des clauses du protocole d'accord MONSANTO, qui tenait lieu de convention collective, et qu'elle a mentionné sur les bulletins de paie délivrés au salarié ; qu'elle lui a versé une indemnité de licenciement de 69 930, 72 €, très supérieure à celle prévue par la convention collective nationale de la meunerie dont elle fait application ; qu'en revanche, elle a soutenu qu'elle n'avait pas pris l'engagement d'appliquer le plan de redéploiement et de sauvegarde de l'emploi de la société MONSANTO ; que si la société RAGT fait justement observer que les déclarations faites par la direction de MONSANTO devant son comité d'entreprise ne créent aucune obligation à sa charge, elle fait un contresens en interprétant la phrase suivante de la lettre de divulgation :
Le plan social français comme le protocole d'accord (documents de divulgation 5b.1.26 et 5b.6) ont été conclus entre la direction et le comité d'entreprise ('accord atypique'). Les deux accords s'appliquent aux salariés français transférés (mais veuillez noter que le plan social français sera uniquement mis en oeuvre à l'égard des salariés français transférés au cas où l'entreprise ne serait pas vendue) ;
Qu'il s'agissait là d'un simple rappel des dispositions du projet de redéploiement et plan de sauvegarde de l'emploi, selon lesquelles, si la société MONSANTO n'était pas en mesure de céder l'ensemble de son activité blé et par conséquent de transférer les salariés dédiés à celle-ci, le désengagement de cette activité aurait pour conséquence la suppression totale ou partielle des postes concernés et le licenciement des salariés en l'absence de solution de reclassement, ces salariés bénéficiant dans ce cas de l'ensemble des mesures prévues dans le plan ; que la société MONSANTO a seulement entendu appeler l'attention de la société RAGT sur le fait que les salariés affectés à l'activité blé entraient dans le champ d'application du plan de sauvegarde de l'emploi, ce qui imposait la précision selon laquelle ce plan ne serait mis en oeuvre à leur égard par la société MONSANTO que dans l'hypothèse où l'activité blé ne serait pas cédée ;
Que le 'package' dont il est question à l'article 7 b de l'annexe 11 ne peut viser seulement le protocole d'accord MONSANTO ; que ce protocole est déjà inclus dans les 'conventions collectives' que l'acheteur s'engage à appliquer dès les premières lignes de l'article 7 ; qu'en effet, l'acte de cession ayant une portée européenne et n'étant pas soumis au droit français, le terme 'convention collective' ne peut être entendu au sens restrictif de l'article L 2221-2 du code français du travail ; que l'alinéa b de l'article 7 a pour objet de placer tout salarié transféré de la S.A.S. MONSANTO à la société RAGT, et licencié pour motif économique par celle-ci avant le 31 décembre 2005, dans la même situation que s'il avait été licencié pour le même motif par la S.A.S. MONSANTO, pour tout ce qui concerne l'ensemble des indemnités et autres contreparties dues dans l'hypothèse d'une telle rupture ; que la société RAGT Génétique est donc tenue de verser à [U] [S] l'indemnité de licenciement prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi de la S.A.S. MONSANTO ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ;
Que le plan de sauvegarde de l'emploi de la société MONSANTO prévoyait une majoration de l'indemnité de licenciement résultant de l'application du protocole d'accord, par l'augmentation du nombre de dixièmes de mois de salaire attribués par tranche d'ancienneté, à laquelle s'ajoutait une majoration en mois de salaire de référence sous conditions d'âge et d'ancienneté ; que compte tenu de son appartenance à la catégorie 'cadres', de son âge et de son ancienneté, [U] [S] pouvait prétendre à une indemnité de licenciement de 170 591, 12 €, dont il faut déduire l'indemnité de 69 930, 72 € déjà perçue ; qu'il subsiste en faveur du salarié un solde de 100 660, 40 € qui porte intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2005, date de réception par la société RAGT Génétique de la convocation devant le bureau de conciliation ; que pour le surplus, [U] [S] ne peut prétendre cumuler des avantages ayant le même objet ; qu'ayant accepté le 12 février 2005 le congé de reclassement proposé par la société RAGT Génétique, il a été rempli de ses droits et ne peut se prévaloir du congé de reclassement prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi de la S.A.S. MONSANTO pour obtenir trois mois de salaire supplémentaires ; que s'agissant de l'aide à la création d'entreprise, le plan de sauvegarde de l'emploi subordonnait le versement de la subvention de 10 000 € qu'il prévoyait à une condition de délai, la création d'entreprise devant intervenir dans les neuf mois de la notification du licenciement ; que cette condition n'est pas remplie, [U] [S] ayant créé son entreprise d'agence commerciale le 9 décembre 2005 alors qu'il avait été licencié le 7 février ; qu'enfin, le salarié ne produit pas le certificat d'adhésion exigé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour pouvoir prétendre à l'indemnité forfaitaire de 600 € destinée à financer une assurance complémentaire à titre individuel ;
Sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire :
Attendu que la S.A.S. MONSANTO demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, avec les intérêts au taux légal à compter de leur versement ;
Attendu, cependant, que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la S.A.S. MONSANTO ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser [U] [S] supporter la totalité des frais qu'il a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 3 000 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que les autres parties seront déboutées de leurs demandes sur le même fondement ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement économique de [U] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamné la société RAGT Génétique à lui verser la somme de
36 000, 00 € à titre de dommages-intérêts, outre intérêts de droit,
- condamné la société RAGT Génétique à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à [U] [S] dans la limite de trois mois de salaire ;
Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,
Dit que la S.A. RAGT Génétique a pris l'engagement de faire bénéficier les salariés de la S.A.S. MONSANTO, transférés en son sein par l'effet de la cession de l'activité blé de la société MONSANTO puis licenciés pour motif économique avant le 31 décembre 2005, des dispositions du plan de redéploiement et de sauvegarde de l'emploi de la société MONSANTO,
En conséquence, condamne la S.A. RAGT Génétique à payer à [U] [S] la somme de cent mille six cent soixante euros et quarante centimes (100 660, 40 €) à titre de solde d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2005,
Déboute [U] [S] du surplus de sa demande principale,
Met hors de cause la S.A.S. MONSANTO,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la S.A.S. MONSANTO tendant à la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la Cour,
Condamne la S.A. RAGT Génétique à verser à [U] [S] la somme de trois mille euros (3 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les autres parties de leurs demandes sur le même fondement,
Condamne la S.A. RAGT Génétique aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY