AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : 10/00755
[L]
C/
Société CARTAIX LOGISTIQUE POUR GESTROPRESS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON
du 20 Janvier 2010
RG : 20072612
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2010
APPELANT :
[C] [L]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Monsieur [Y] [P] (FNATH)
muni d'un pouvoir général
INTIMÉES :
Société CARTAIX LOGISTIQUE POUR GESTROPRESS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Frédéric RENAUD
avocat au barreau de LYON (Toque 504)
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par Madame [Z]
munie d'un pouvoir spécial
PARTIES CONVOQUÉES LE : 25 Février 2010
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Octobre 2010
Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS E DU DÉLIBÉRÉ
Michel GAGET, Président
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 Novembre 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Claude REVOL, Conseiller et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er avril 2004, [C] [L], salarié de la société GESTOPRESS devenue la S.A.R.L. CARTAIX LOGISTIQUE en qualité de cariste magasinier, a été victime d'un accident du travail ; il a été déséquilibré en déchargeant un colis et il est tombé sur le dos, se blessant gravement.
Après échec de la tentative de conciliation, [C] [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON ; il a demandé que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue, que la rente soit fixée au taux maximum, qu'une provision de 15.000 € lui soit versée, qu'une expertise médicale soit organisée et qu'une somme de 3.000 € lui soit allouée au titre des frais irrépétibles.
La F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie, est intervenue volontairement à l'instance et a réclamé la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 20 janvier 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté [C] [L], a déclaré irrecevable l'intervention de la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie, et a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement a été notifié le 22 janvier 2010 à [C] [L] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 2 février 2010.
Par conclusions reçues au greffe le 20 juillet 2010 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [C] [L] :
- expose qu'au moment de l'accident, il assumait les fonctions de chauffeur-livreur qui n'étaient pas prévues dans son contrat de travail,
- reproche à l'employeur de ne pas avoir produit le document sur l'évaluation des risques, de ne pas lui avoir dispensé de formation à la sécurité, de ne pas avoir vérifier ses compétences et son aptitude physique au poste, de ne pas avoir entretenu le camion dont le sol était glissant et de ne pas avoir pris de consigne de sécurité,
- estime donc que l'accident est imputable à la faute inexcusable de l'employeur,
- demande la majoration de la rente au taux maximum et l'organisation d'une expertise destinée à chiffrer l'ensemble de ses préjudices,
- sollicite la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions reçues au greffe le 9 juillet 2010 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie qui interjette appel incident :
- allègue la recevabilité de son intervention volontaire à l'instance eu égard à son objet,
- réclame la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions reçues au greffe le 1er septembre 2010 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.R.L. CARTAIX LOGISTIQUE :
- objecte que l'accident est survenu alors que le salarié accomplissait une tâche de chargement-déchargement banale et conforme à ses fonctions de cariste magasinier et à ses aptitudes,
- précise que le salarié n'a pas glissé mais a trébuché,
- soutient qu'elle n'a pas commis de faute et qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du danger,
- demande donc le rejet des prétentions du salarié,
- soulève l'irrecevabilité de l'intervention de la F.N.A.T.H.,
- subsidiairement, souhaite la réduction des demandes du salarié,
- reconventionnellement, sollicite la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions reçues au greffe le 21 septembre 2010 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE :
- s'en rapporte sur l'existence de la faute inexcusable,
- rappelle qu'en cas de reconnaissance d'une telle faute elle dispose du droit de récupérer contre l'employeur les sommes versées à la victime en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ainsi que les frais d'expertise,
- observe qu'elle n'a pas à faire l'avance des indemnités qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article précité.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la faute inexcusable :
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L'accident du travail est survenu dans les circonstances suivantes : [C] [L] livrait des marchandises chez un client ; en déchargeant un colis, il a été déséquilibré et est tombé ; il se trouvait sur le plateau d'un camion.
Deux témoins attestent que le plateau en bois du camion était en très mauvais état ; les photographies du camion ne permettent pas de constater des irrégularités du sol du plateau susceptibles d'expliquer la chute du salarié ; le salarié ne démontre pas que le jour des faits il avait plu ni que le plateau du camion était mouillé.
[C] [L] a été embauché en qualité de magasinier cariste ; il entrait dans ses fonctions le chargement, le déchargement et le déplacement des marchandises mais non la conduite des véhicules ; par arrêt du 12 décembre 2008, la Cour d'Appel de LYON a jugé que la S.A.R.L. CARTAIX LOGISTIQUE avait exécuté de manière déloyale le contrat de travail ; en effet, elle avait affecté de manière régulière [C] [L] à un poste de chauffeur-livreur alors qu'il avait été engagé en qualité de magasinier cariste et elle ne lui avait pas dispensé une formation à la sécurité pour les fonctions de chauffeur-livreur.
L'inspecteur du travail, après avoir effectué une enquête postérieurement à l'accident, a constaté que l'employeur n'avait pas établi de document unique sur la prévention des risques professionnels et n'avait pas dispensé au salarié une formation à la sécurité.
Cependant, l'accident est intervenu lors du déchargement d'un colis ; il n'est donc pas survenu dans l'exercice des fonctions de chauffeur mais dans l'exécution d'une tâche incombant de manière normale et habituelle à un magasinier cariste, fonction pour laquelle [C] [L] était employé et était apte.
Ainsi, l'accident du travail n'est pas en relation causale même indirecte avec les fautes commises par l'employeur.
D'ailleurs, l'inspecteur du travail a écrit qu'il n'avait pas été établi de lien entre les manquements de l'employeur à ses obligations et l'accident.
Dans ces conditions, l'accident du travail survenu le 1er avril 2004 à [C] [L] n'est pas imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.R.L. CARTAIX LOGISTIQUE.
En conséquence, [C] [L] doit être débouté de ses demandes et le jugement entrepris doit être confirmé.
Sur l'intervention de la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie :
En vertu de l'article R. 142-17 du code de la sécurité sociale, les articles 329 et 330 du code de procédure civile sont applicables devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; aux termes de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention principale dont l'objet est d'élever une prétention au profit de celui qui la forme est recevable si son auteur à le droit d'agir ; aux termes de l'article 330 du code de procédure civile, l'intervention volontaire accessoire dont l'objet est d'appuyer les prétentions d'une partie est recevable si son auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir cette partie ; les dispositions de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale empêchent à toute personne autre que la victime d'un accident du travail occasionné par la faute inexcusable de l'employeur et ses ayants droit d'obtenir une indemnisation complémentaire ; cependant, elles n'interdisent pas l'accès au tribunal des affaires de sécurité sociale d'un intervenant volontaire dès lors qu'il ne vient pas réclamer une indemnisation complémentaire.
En l'espèce, la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie, forme une prétention en présentant une demande de dommages et intérêts ; elle ne soutient pas l'action de [C] [L] puisqu'elle allègue un préjudice moral et un préjudice matériel qui lui sont propre ; son intervention volontaire doit donc être qualifiée de principale.
La F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie, est dotée de la personnalité morale et est reconnue d'utilité publique ; l'article 2 de ses statuts lui donne mission d'obtenir l'amélioration du sort des victimes d'accident du travail et maladie professionnelle ; compte tenu de son objet, elle dispose d'un droit à agir dans un litige en faute inexcusable.
En conséquence, l'intervention volontaire principale de la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie, doit être déclarée recevable et le jugement entrepris doit être infirmé.
La faute inexcusable de l'employeur n'ayant pas été retenue, la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les frais de procédure :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[C] [L] , appelant succombant, doit être dispensé du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.R.L. CARTAIX LOGISTIQUE, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Déclare recevable l'intervention volontaire principale de la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie,
Déboute la F.N.A.T.H., association des accidentés de la vie, de sa demande de dommages et intérêts,
Ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dispense [C] [L] , appelant succombant, du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
La GreffièreLe Président
Evelyne FERRIERMichel GAGET