AFFAIRE BAUX RURAUX
RAPPORTEUR
R.G : 10/00987
[I]
C/
[I]
[M]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal paritaire des baux ruraux de MONTBRISON
du 08 Janvier 2010
RG : 5108000014
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2010
APPELANT :
[G] [I]
né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 2] ([Localité 2])
[Adresse 3]
[Localité 2]
ayant pour avocat Me Jean Michel PERRIER, avocat au barreau de MONTBRISON
non comparant
INTIMÉES :
[L] [I] épouse [F]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me André BOUCHET, avocat au barreau de MONTBRISON
[B] [M]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me André BOUCHET, avocat au barreau de MONTBRISON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Octobre 2010
Présidée par Louis GAYAT DE WECKER, Président et Françoise CLEMENT, Conseiller tous deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Anita RATION, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Louis GAYAT DE WECKER, Président
Françoise CLEMENT, Conseiller
Catherine ZAGALA, Conseiller
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Novembre 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
Mme [L] [I], veuve en premières noces de M. [M] [D] [C] et veuve en secondes noces de M. [F] [V], était propriétaire de diverses parcelles sises à [Localité 2], d'une surface de 4 ha 9 ca 62 a, données à bail rural verbal à M. [I] [G] ; ces parcelles ont fait l'objet selon acte notarié du 18 mars 2010, d'une donation de sa propriétaire à sa fille [M] [B].
Par acte du 2 décembre 2008, Mme [I] [L] veuve [F] a saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Montbrison d'une demande en résiliation de bail pour agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.
Par jugement en date du 8 janvier 2010, le Tribunal, après transport sur les lieux, a prononcé la résiliation du bail au 1er novembre 2010, déboutant les parties du surplus de leurs demandes.
Vu les conclusions écrites déposées par M. [I] [G], appelant selon déclaration du 10 février 2010, lequel conclut à la réformation de la décision des premiers juges, au débouté du bailleur et à sa condamnation à lui payer la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par Mme [I] veuve [F] [L] et Mlle [M] [B] qui concluent à la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail au 1er novembre 2010 et à sa réformation pour le surplus, sollicitant l'expulsion de M. [I] [G], au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 100, 00 € par mois, au cas où il n'aurait pas laissé libres les parcelles dont s'agit au 31 octobre 2010 et sa condamnation à leur payer les sommes de :
- 2.000, 00 € à Mme [I] veuve [F] [L] et 1.000, 00 € à Mlle [M] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 258, 00 € au titre de la période de ferme du 1er octobre 2009 au 31 octobre 2010.
MOTIFS ET DECISION
L'article 1728 du code civil dispose que le preneur est tenu de deux obligations principales : user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail ou suivant celle présumée d'après les circonstances à défaut de convention et payer le prix du bail aux termes convenus.
L'article 1766 du même code ajoute que si le preneur d'un héritage rural ne le garnit pas des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s'il abandonne la culture, s'il ne cultive pas en bon père de famille, s'il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée ou en général, s'il n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.
L'article L 411-31 du code rural précise que le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie, notamment, d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, sauf force majeure et raisons sérieuses et légitimes.
Il ressort en l'espèce de la mesure d'instruction diligentée le 18 septembre 2009 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Montbrison qui s'est rendu sur les parcelles faisant l'objet du bail en cause, dans l'intégralité de sa composition, Président, assesseurs et greffier, en présence des parties et notamment de M. [I] [G] qui a pu alors faire valoir ses explications ainsi qu'il ressort du procès-verbal dressé par le juge, que l'intéressé exploitait diverses parcelles de terre cultivable ou de prairie ; que des terres cultivables n'étaient ni exploitées ou ni semées, parfois depuis plusieurs années, certaines d'entre elles ayant fait l'objet d'une coupe ou d'un broyage la semaine précédent le transport sur les lieux ; que des pneus s'y trouvaient entreposés, la présence de joncs démontrant l'existence de zones marécageuses non drainées par défaut d'entretien des rigoles et celle d'orties et de chardons établissant l'absence d'entretien des terrains sur lesquels se trouvaient par ailleurs tombés des bois morts non évacués.
L'ensemble de ces éléments suffit à établir comme l'a retenu à juste titre le premier juge, que M. [I] [G] n'exploitait pas les terrains donnés à bail en bon père de famille et n'assurait pas une bonne exploitation des fonds, causant nécessairement en cela un préjudice au propriétaire.
Les constatations faites par les premiers juges ne faisaient d'ailleurs que confirmer celles résultant d'un constat d'huissier dressé dès le 13 mai 2008 à l'initiative de Mme [I] veuve [F] [L], document produit par cette dernière à l'appui de sa saisine, l'ancienneté de la situation qui était reprochée au preneur n'ayant jamais fait l'objet d'une amélioration de sa part.
M. [I] [G] ne justifie en rien un tel comportement ; il n'a jamais sollicité aucune expertise au cours de la procédure et ce n'est que le 6 octobre 2010, soit la veille de l'audience prévue devant la Cour d'Appel, qu'il adresse à son adversaire, au soutien d'une demande de renvoi rejetée, un rapport d'expertise amiable réalisé de façon non contradictoire le 28 septembre précédent.
L'expert [Y] choisi par M. [I] [G], indique de façon erronée que M. [I] [G] exploite une surface de 14 ha ; il donne un avis particulièrement peu objectif sur la décision rendue par les premiers juges, qualifiant M. [I] [G] d'agriculteur 'à l'ancienne', se rapprochant dans sa pratique des méthodes de culture biologique et affirme qu'aucun préjudice n'en est résulté pour les bailleurs.
M. [I] [G] se borne dans ses écritures à prétendre que :
- il n'a jamais arraché ni détérioré d'éventuelles clôtures,
- l'article L411-29 du code rural autorise le fermier à effectuer une exploitation en herbage même si la parcelle a été donnée à bail en nature de terre,
- la présence de pneus, d'orties, de genêts ou de ronces sur la périphérie des parcelles ne justifie pas une demande de résiliation de bail,
- un preneur est dans l'impossibilité de faire, sauf accord de son bailleur, des travaux de drainage, les travaux d'assèchement étant également interdits dans le cadre de la loi sur l'eau,
- aucun calendrier ne saurait être imposé au preneur pour réaliser ses moissons.
De telles explications qui ne contredisent pas la réalité des constatations faites lors de la mesure d'instruction, ne constituent pas des raisons sérieuses et légitimes ayant pu exonérer le preneur de son obligation d'exploitation en bon père de famille.
Il convient en conséquence de prononcer la résiliation du bail aux torts de M. [I] [G], au 1er novembre 2010, confirmant en cela le jugement susvisé, et d'ordonner en tant que de besoin, avec l'éventuel concours de la force publique, l'expulsion de celui-ci ou de tout occupant de son chef, sous astreinte de 100, 00 € par mois de retard.
Il convient encore d'allouer à Mme [I] veuve [F] [L] et Mlle [M] [B], ancienne et nouvelle propriétaire de l'ensemble des parcelles données à bail, une somme de 258, 00 € pour la période de ferme du 1er octobre 2009 au 31 octobre 2010, somme d'ailleurs non discutée ni dans son principe ni dans son quantum, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire par M. [I] [G].
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi des sommes respectives de 2.000, 00 € et 1.000, 00 € à Mme [I] veuve [F] [L] et Mlle [M] [B] en remboursement des frais irrépétibles engagés à l'occasion de la présente instance, M. [I] [G] qui succombe devant être débouté en sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
- Déclare l'appel recevable,
- Reçoit Mlle [M] [B] en son intervention volontaire,
- Confirme le jugement rendu par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Montbrison en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail rural convenu entre les parties au 1er novembre 2010,
- Réformant pour le surplus et y ajoutant,
- Ordonne en tant que de besoin, avec l'éventuel concours de la force publique, l'expulsion de M.[I] [G] ou de tout occupant de son chef, sous astreinte de 100, 00 € par mois de retard,
- Condamne M. [I] [G] à payer à Mme [I] veuve [F] [L] et Mlle [M] [B] une somme de 258, 00 € au titre de la période de ferme du 1er octobre 2009 au 31 octobre 2010,
- Condamne M. [I] [G] à payer à Mme [I] veuve [F] [L] une somme de 2.000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [I] [G] à payer à Mlle [M] [B] une somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute M. [I] [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [I] [G] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT