R. G : 09/ 03930
Décision du tribunal de grande instance de Roanne Au fond du 12 mai 2009
RG : 06/ 00314
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 16 Décembre 2010
APPELANT :
Maître Martine X... prise en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Maître Luigi Y...... 69400 LIMAS
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de l'Association FABRE GUEUGNOT SAVARY, avocats au barreau de PARIS
Maître Luigi Y... ancien administrateur judiciaire, pris en son nom personnel né le 10 Octobre 1939... 42300 ROANNE
représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assisté de l'Association FABRE GUEUGNOT SAVARY, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
Société FININ LIMITED, société de droit anglais C/ o Reed Smith Corporate Services Limited The Broadgate Tower, Third Floor 20 Primrose Street GB LONDON EC2A 2RS- GREAT BRITAIN
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP LEFEVRE PELLETIER et Associés, avocats au barreau de PARIS
* * * * * * Date de communication au Procureur Général : 3 Juin 2010
Date de clôture de l'instruction : 30 Septembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Novembre 2010
Date de mise à disposition : 16 Décembre 2010
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Bernadette MARTIN, président-Christine DEVALETTE, conseiller-Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Bernadette MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bernadette MARTIN, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 28 décembre 1994, Me Y... a été désigné comme administrateur judiciaire de la société DUARIG en redressement judiciaire. Il a été autorisé à ouvrir un compte courant auprès de la banque FININDUS et une ligne de mobilisation de créances professionnelles de trois millions de francs avec une retenue de garantie de 25 % sur chaque remise.
Diverses créances professionnelles ont ainsi été cédées par la société DUARIG à la banque FININDUS mais la société Carrefour a refusé de payer les créances cédées en invoquant une exception de compensation avec des créances antérieures à la procédure collective de la société DUARIG.
Par acte du 22 janvier 1998, la banque FININDUS a cédé à la société FININ LIMITED un portefeuille de créances dont les créances détenues à l'encontre de la société DUARIG ayant fait l'objet de cessions Dailly à l'encontre de la société Carrefour.
La procédure en paiement engagée par la banque FININDUS et poursuivie par la société FININ LIMITED contre la société Carrefour s'est achevée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 décembre 2004 statuant sur renvoi de cassation qui a définitivement décidé que les créances réciproques de Carrefour sur DUARIG et de la banque FININDUS sur Carrefour devaient donner lieu à compensation comme connexes.
Par acte du 16 mars 2006, la société FININ LIMITED a fait assigner en responsabilité Me Y... devant le tribunal de grande instance de Roanne.
Me Y... ayant été placé en redressement judiciaire par jugement du 21 mai 2007, la société FININ LIMITED a déclaré sa créance ente les mains de Me X... désignée comme représentant des créanciers à hauteur de 289. 596, 08 euros. Le redressement judiciaire de Me Y... a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 18 avril 2008 et Me X... a été désignée comme liquidateur.
Par jugement du 12 mai 2009, le tribunal a fixé à la somme de 271. 739, 60 euros le montant de la créance de la société FININ LIMITED sur la liquidation judiciaire de M. Y..., outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation et 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Me Y... et Me X... en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Me Y... ont relevé appel du jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions, les appelants soulèvent la prescription de l'action exercée contre Me Y... au visa de l'article 2270-1 du code civil, subsidiairement l'irrecevabilité des demandes de la société FININ LIMITED, encore plus subsidiairement leur mal fondé.
Sur la prescription, ils font valoir que dès les 11 mai et 17 juillet 1995, la société Carrefour s'est opposée au paiement des créances dont elle avait reçu notification de cession et que c'est à ce moment-là que la manifestation du dommage est intervenue, que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le dommage subi par la société FININ LIMITED n'est devenu certain que par l'effet de l'arrêt de la cour d ‘ appel de Versailles du 14 décembre 2004, qu'ils ont ainsi ajouté aux stipulations légales en prenant en considération le caractère certain du dommage.
Sur le droit à agir, ils soutiennent que la société FININ LIMITED ne rapporte pas la preuve du fait qu'elle a régulièrement acquis de la banque FININDUS la créance que l'établissement bancaire alléguait détenir à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société DUARIG, que la société FININ LIMITED n'a jamais produit l'état complet des créances cédées par la société DUARIG à la banque FININDUS.
Sur l'intérêt à agir, ils observent que la société FININ LIMITED réclame une somme de 271. 739, 60 euros qui resterait due par la société DUARIG mais qu'il est nécessaire de faire les comptes entre les parties, notamment parce que la banque FININDUS a conservé entre ses mains un retenue contractuelle de 25 % sur l'ensemble des créances cédées, que le principe et le quantum de l'éventuelle créance qu'aurait pu encore détenir la banque à l'encontre de la société DUARIG n'ayant pas été déterminé par le tribunal de commerce compétent l'action de la société FININ LIMITED est irrecevable, que la société FININ LIMITED ne justifie pas d'un préjudice indemnisable puisqu'elle ne fait pas la preuve de ce qu'elle serait recevable à revendiquer la prétendue créance commerciale qu'elle a pu détenir à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société DUARIG.
Sur le fond, ils contestent toute faute commise par Me Y.... Ils indiquent que celui-ci n'était investi que d'une simple mission d'assistance, que s'il a signé chacun des bordereaux de cession de créances, il lui appartenait simplement de vérifier que les créances destinées à être cédées à la banque étaient effectivement causées, ce qui était le cas, mais qu'il ne s'est nullement porté garant de l'existence des créances cédées, que dès que Me Y... a constaté l'insuffisance du chiffre d'affaire, il a dans les jours qui ont suivi sollicité du tribunal la conversion immédiate du redressement en liquidation judiciaire, seul le tribunal ayant souverainement estimé nécessaire de prolonger la poursuite d'activité de quelques jours.
Sur le préjudice, ils font valoir que l'éventuel préjudice subi par la société FININ LIMITED ne peut qu'être équivalent au montant auquel elle a acquis la créance de la banque FININDUS, que faute de justifier du prix de cette acquisition, la société FININ LIMITED ne rapporte pas la preuve d'une perte de chance indemnisable, qu'en tout état de cause les premiers juges n'ont pas tenu compte de la retenue de garantie de 25 % restée entre les mains de la banque.
Ils demandent la condamnation de l'intimée à payer la somme de 3. 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et la même somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société FININ LIMITED, qui conclut à la confirmation du jugement, maintient que Me Y... a manqué à son obligation de diligence et de vigilance en cédant à la banque FININDUS des créances inexistantes du fait de la compensation et en n'informant pas même la banque des risques encourus de compensation. Sur son préjudice elle indique que du fait de ces fautes elle a mobilisé des créances professionnelles à hauteur de 271. 739, 60 euros à l'encontre de la société Carrefour qu'elle ne peut recouvrer mais qu'outre le montant nominal des créances cédées le préjudice qu'elle subit est composé également des intérêts au taux légal depuis les cessions de créances fictives intervenues. Elle sollicite, en conséquence, la condamnation de Me Y... tant ès qualités qu'à titre personnel à lui payer une somme de 271. 739, 60 euros de dommages intérêts outre les intérêts courus et à courir à compter du 21 avril 1995 en réparation du préjudice subi, la décision à intervenir devant être déclarée opposable à Me X... ès qualités.
Elle répond aux appelants que la prescription applicable en l'espèce, celle de l'article 2270-1 du code civil, n'est pas acquise car le dommage ne s'est manifesté que lors du prononcé de l'arrêt rendu le 17 décembre 1999 par la cour d'appel de Paris qui a ordonné la compensation des créances respectives, qu'il a disparu à la suite de l'arrêt de la cour de cassation du 27 mars 2003 qui a cassé cet arrêt, qu'il n'est réapparu que lors du prononcé de l'arrêt rendu par la cour de renvoi le 14 décembre 2004 et s'est aggravé avec le prononcé de l'arrêt de rejet rendu par la cour de cassation le 6 mars 2006.
Elle ajoute que versant aux débats un extrait notarié de l'acte de cession de créances en date du 22 janvier 1998 elle justifie de sa qualité à agir, ainsi que de son intérêt à agir puisqu'en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 décembre 2004 elle s'est vue contrainte de payer à la société Carrefour une somme de 322. 572 euros, ce paiement justifiant parfaitement le préjudice subi du fait de la cession de créances inexistantes et son intérêt à en obtenir réparation.
Elle sollicite la condamnation solidaire de Me Y... et de Me X... à lui payer une somme de 8. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
oooooooooooo
Le Procureur Général à qui la procédure a été communiquée s'en rapporte à justice.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
La prescription applicable est celle de l'article 2270-1 du code civil en vertu duquel les actions en responsabilité extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. En l'espèce, la responsabilité de Me Y... est recherchée pour avoir cédé à la banque FININDUS des créances inexistantes du fait de la compensation et/ ou n'avoir pas informé la banque des risques encourus de compensation. Le dommage dont la société FININ LIMITED poursuit la réparation résulte non pas de la cession proprement dite des créances de DUARIG après l'ouverture de la procédure collective de cette société mais de la compensation revendiquée et obtenue entre ces créances et des créances antérieures détenues par la société Carrefour.
Sans qu'il soit besoin de revenir sur le détail de la procédure antérieure, il convient de retenir que le dommage, soit l'inexistence des créances cédées en raison de la compensation judiciairement appliquée, ne s'est manifesté qu'à la suite de l'arrêt rendu le 17 décembre 1999 par la cour d'appel de Paris qui a jugé que les créances réciproques détenues par la société Carrefour et par la société FININ LIMITED étaient connexes et devaient se compenser. Certes, la société Carrefour s'était opposée au paiement des créances litigieuses dès 1995 mais la société FININ LIMITED fait valoir à juste titre que le refus de la société Carrefour n'était pas un acte juridique produisant des effets de droit dès lors que postérieurement au jugement de liquidation judiciaire la compensation de créance suppose, d'une part, qu'il soit procédé à la vérification et l'admission par le juge commissaire des créances alléguées et, d'autre part, que la compensation soit judiciairement constatée. Il ne pouvait donc être justifié d'un dommage tant qu'une décision n'était pas rendue sur la question de l'existence des créances cédées au regard de la compensation invoquée, laquelle était contestée et n'avait d'ailleurs pas été retenue par le tribunal de commerce de Corbeil appelé à statuer initialement.
L'assignation de la société FININ LIMITED à Me Y... ayant été délivrée moins de dix ans plus tard, soit le 3 mars 2006, la prescription n'est pas acquise.
Le jugement doit être, en conséquence, confirmé en ce qu'il dit l'action de la société FININ LIMITED recevable.
Sur le droit et l'intérêt à agir de la société FININ LIMITED
La société FININ LIMITED a versé aux débats un extrait notarié de l'acte de cession de créances reçu le 22 janvier 1998 par Me Z... notaire à Meudon dont il résulte que la banque FININDUS a cédé à la société FININ LIMITED " toutes les Créances du Vendeur sur les Débiteurs Cédés apparaissant sur les Annexes A et B, incluant le principal, les intérêts, les frais et les sûretés, garanties et privilèges, tant réels que personnels, attachés à celles-ci, tout droit relatif à toute Créance, ainsi que toute obligation autonome (telles que garanties à première demande et délégations) garantissant toute Créance. " L'annexe A de l'acte de cession stipule que sont cédées les créances à l'encontre de la société DUARIG.
Si la société FININ LIMITED n'a versé aux débats concernant l'acte de Me Z... et ses annexes que ce qui concerne directement l'action engagée contre les appelants, ces éléments établissent complètement et parfaitement sa qualité à agir aux lieu et place de la banque FININDUS. D'ailleurs, cette qualité n'avait pas été contestée et avait en toute hypothèse été reconnue par les précédents arrêts de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 1999, de la cour d'appel de Versailles du 15 décembre 2004 et de la cour de cassation du 7 mars 2006.
Quant à l'intérêt à agir en responsabilité contre Me Y... sur le fondement d'une faute prétendue commise pendant la durée de son mandat judiciaire, il ne peut être sérieusement contesté, étant observé que sont versées aux débats la totalité des pièces relatives à l'ensemble des créances cédées par la société DUARIG et que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action.
Sur le fond
Selon la société FININ LIMITED la faute commise par Me Y... réside principalement dans la cession de factures correspondant à des créances inexistantes sous sa signature au cours de la procédure de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire et dans un manquement à ses obligations de diligences. Elle estime que compte tenu de la déclaration de créance effectuée le 13 mars 1995 par la société Carrefour à hauteur de 4. 280. 747, 97 F soit 652. 595, 82 euros, et de l'accord intervenu le 12 janvier 1995 entre la société Carrefour et la société DUARIG représentée par Me Y..., ce dernier ne pouvait ignorer le caractère inexistant des créances cédées compte tenu de la compensation et en tout état de cause le risque très élevé de compensation.
En fait, suite à la mise en redressement judiciaire de la société DUARIG par jugement du 28 décembre 1994, Me Y... a été désigné administrateur judiciaire avec mission d'assister cette société dans ses actes de gestion et de disposition. Dans le cadre de la poursuite d'exploitation, la société DUARIG représentée par son président directeur général a par lettre du 12 janvier 1995 proposé à la société Carrefour de poursuivre normalement les relations commerciales et de payer la totalité des RFA et participations publicitaires dues sur CA 94 en quatre versements étalés de juin 1995 à décembre 1996. Cette lettre a été contresignée par Me Y....
Me Y... a demandé à la banque FININDUS l'ouverture d'un compte RJ et l'octroi d'une ligne Dailly de 3 MF avec prélèvement d'une retenue de garantie de 25 % plafonnée au montant de l'encours. Une convention de compte courant a été signée le 11 février 1995 et une convention de cession de créances à titre de garantie de l'ensemble des engagements du cédant le 15 février 1995. C'est dans ce cadre que la banque FININDUS a notifié à Carrefour la cession d'un certain nombre de créances. Par ailleurs, la société Carrefour a déclaré le 13 mars 1995 au passif de la société DUARIG une créance de ristournes de 4. 280. 747, 97 F (652. 595, 82 euros) admise au passif pour ce montant.
Il résulte du jugement du tribunal de commerce de Roanne du 12 avril 1995, prononcé à la suite du dépôt le 5 avril par Me Y... d'un rapport urgent sur la situation financière de la société DUARIG, que le chiffre d'affaires réalisé de décembre 1994 à février 1995 a été très sensiblement conforme aux prévisions mais a chuté en mars 1995, mettant à néant les espoirs de présentation d'un plan de cession, ce qui a conduit le tribunal à mettre fin à la période d'observation et à prononcer la liquidation judiciaire de la société DUARIG tout en autorisant la poursuite de l'activité jusqu'au 21 avril pour que soit examiné un éventuel projet de reprise. Par lettre du 11 mai 1995, la société Carrefour indiquait à la banque FININDUS que la société DUARIG devait plusieurs millions de francs sur l'ensemble des magasins Carrefour au titre d'avoirs et ristournes et qu'elle bloquait le règlement des factures dues à ce fournisseur, ce à quoi la banque FININDUS répliquait que les éventuelles créances de Carrefour étaient nées avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire et ne pouvaient être remboursées par des sommes dues par la société DUARIG en redressement judiciaire. La banque FININDUS ayant engagé une instance en paiement, par jugement du 6 février 1997 le tribunal de commerce de Corbeil a écarté la compensation opposée par la société Carrefour et a prononcé condamnation à paiement contre cette dernière, ce jugement ayant été infirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 1999, puis, après cassation de cet arrêt, par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 décembre 2004.
Il convient pour apprécier la responsabilité de Me Y..., administrateur judiciaire chargé d'assister la société DUARIG en redressement judiciaire, de se référer à la situation factuelle telle qu'elle s'est présentée pendant la période d'observation. Pour assurer la poursuite d'exploitation et donner à l'entreprise en redressement judiciaire les moyens financiers nécessaires, il a été conclu entre la banque FININDUS et la société DUARIG une convention de cession de créances professionnelles. Par ailleurs, il existait entre DUARIG et Carrefour des relations d'affaires suivies au moins depuis 1993 et dans le cadre de ces relations il était convenu qu'en contrepartie des fournitures que les sociétés du groupe Carrefour lui commandaient, la société DUARIG était tenue de reverser en fin de chaque année des ristournes correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires annuel réalisé auprès de Carrefour. La société DUARIG était donc débitrice des ristournes de l'année 1994 lors de l'ouverture de sa procédure collective et dans la perspective de la poursuite de ses relations avec la société Carrefour, assistée de son administrateur judiciaire elle a par lettre du 12 janvier 1995 pris l'engagement de payer les ristournes de l'année 1994 en quatre versements échelonnés de juin 1995 à décembre 1996.
Le fait pour Me Y... d'avoir en apposant son visa cédé les créances détenues par la société DUARIG sur la société Carrefour ne saurait être qualifié de fautif. En effet, si Me Y... devait vérifier que les créances destinées à être cédées à la banque FININDUS étaient effectivement causées, il n'est pas discuté que les factures cédées correspondaient à des livraisons de marchandises effectives. Ensuite, si à l'époque Me Y...- qui avait contresigné la lettre de la société DUARIG en date du 12 janvier 1995- n'ignorait pas l'existence de la dette antérieure de son administrée au titre des ristournes de l'année 1994, il avait également pris acte de l'engagement de la société DUARIG de régler cette dette par versements échelonnés au cours des deux années à venir, le premier versement ne devant pas intervenir avant le mois de juin 1995. Cet état de fait ne pouvait d'emblée justifier de la part de l'administrateur un refus de procéder à la cession des créances nées de l'activité du premier trimestre 1995, alors qu'un tel refus eût été de nature à gravement obérer la poursuite d'exploitation et l'espoir de parvenir à une solution de redressement, fût-ce par voie de cession. Et la société FININ LIMITED ne peut tout à la fois prétendre que les créances cédées étaient inexistantes compte tenu de la compensation (alors qu'à l'époque des faits aucune compensation-laquelle ne pouvait qu'être judiciaire-n'était encore effective) et qu'il existait un risque important de compensation..
Au regard du déroulement des faits et des longues et complexes procédures qui s'en sont suivies, il ne peut davantage être retenu que Me Y... a manqué à son obligation de prudence et de vigilance en n'informant pas la banque FININDUS cessionnaire de l'existence d'un risque de compensation (qualifié d'important par l'intimée). En effet, d'une part eu égard à l'engagement de règlement échelonné pris par la débitrice, la réalisation du risque passait par la déconfiture de la société DUARIG dont les premiers mois de continuation d'exploitation étaient satisfaisants ; d'autre part et surtout la question de la compensation-et de la connexité des créances la sous-tendant-était très litigieuse et l'allégation de la société FININ LIMITED selon laquelle Me Y... ne pouvait ignorer que les créances cédées se compenseraient avec celles détenues par Carrefour manque de fondement et ne saurait au regard des circonstances de l'espèce caractériser un comportement fautif susceptible de justifier sa condamnation à indemniser le préjudice invoqué.
Il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de Me Y... et en ce qu'il a fixé la créance de la société FININ LIMITED sur la liquidation judiciaire de celui-ci.
Le caractère abusif de la procédure menée par la société FININ LIMITED n'étant pas démontré, la demande de dommages intérêts des appelants doit être rejetée.
En revanche, il leur sera alloué ensemble une somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevables l'action et les demandes de la société FININ LIMITED.
Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Rejette comme mal fondée la demande d'indemnisation dirigée par la société FININ LIMITED contre Me Y....
Condamne la société FININ LIMITED à payer à Me Y... et Me X... ès qualités une somme globale de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toutes autres demandes des parties.
Condamne la société FININ LIMITED aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BRONDEL TUDELA avoués.