R. G : 09/ 03681
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Référé
du 25 mai 2009
RG : 09/ 00681
ch no
X...
C/
Y...
SARL L'ORGANE
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 11 Janvier 2011
APPELANT :
Monsieur Paul X...
né le 22 avril 1947 à LYON (69006)
...
1233 COLOGNY (SUISSE)
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Jean-Pierre FORESTIER, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Monsieur Thierry Y...
né le 13 Mars 1962 à AVIGNON (84000)
Domaine de la Source
...
69270 SAINT ROMAIN AU MONT D'OR
représenté par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assisté de Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON
La société MUSÉE L'ORGANE SARL
représentée par son gérant
Domaine de la Source
69270 SAINT ROMAIN AU MONT D'OR
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 19 Février 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Novembre 2010
Date de mise à disposition : 11 Janvier 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Pascal VENCENT, président
-Dominique DEFRASNE, conseiller
-Agnès CHAUVE, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l'audience, Agnès CHAUVE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Faisant valoir que Thierry Y... avec lequel il est en litige, envisage de publier aux éditions " le musée de l'organe " un livre dont le titre sera " le fugitif : la saga de Paul X... ", Paul X... a saisi le président du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de :
- leur faire interdiction d'utiliser son nom et celui d'un membre quelconque de sa famille dans le titre et le contenu de la publication à paraître,
- faire interdiction dans le corps du livre, d'y intégrer des éléments quelconques de nature à permettre une confusion dans l'esprit du public entre les membres du roman et lui-même ou un membre quelconque de sa famille,
- leur faire interdiction de continuer à entretenir par tout autre moyen, blog, courrier, déclarations, etc..., une confusion entre le personnage de son livre et lui-même,
- leur faire interdiction de lui adresser ainsi qu'Ã ses proches et collaborateurs des courriers, mails en lien avec la parution de l'ouvrage,
- dire que la diffusion publique de l'ouvrage, quel que soit le mode de diffusion, ne pourra intervenir, en tout ou partie, que huit jours après sa mise en possession du manuscrit, pour lui permettre le moment venu et, le cas échéant, de faire valoir ses droits s'il estimait que le livre contient des atteintes à ceux-ci,
- dire que les mesures d'interdiction seront assorties d'une astreinte de 2. 000 euros par infraction constatée,
- condamner Thierry Y... à lui payer la somme de 20. 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice et une indemnité de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 25 mai 2009, le président du tribunal de grande instance de Lyon, statuant en référé, a :
- rejeté les exceptions de nullité,
- débouté Paul X... de ses demandes,
- condamné Paul X... à payer à Thierry Y... et à la société MUSÉE DE L'ORGANE la somme de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
Par déclaration en date du 10 juin 2009, Paul X... a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses conclusions en réponse no2, il demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité soulevées par la partie adverse,
- déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'assignation soulevée par monsieur Y... pour la première fois en cause d'appel sur le fondement des articles 467 al 3 du code civil et 117 et suivants du code de procédure civile,
- faire interdiction à Thierry Y... et à la société MUSÉE DE L'ORGANE d'utiliser l'image sur quelque support que ce soit et son nom et celui d'un membre quelconque de sa famille dans le titre et le contenu de la publication à paraître, quel que soit son mode de parution,
- faire interdiction dans le corps du livre, d'y intégrer des éléments quelconques de nature à permettre une confusion dans l'esprit du public entre les membres du roman et lui-même,
- leur faire interdiction de continuer à entretenir par tout autre moyen, blog, courrier, déclarations, etc..., une confusion entre le personnage de son livre et lui-même,
- leur faire interdiction de lui adresser ainsi qu'Ã ses proches et collaborateurs des courriers, mails en lien avec la parution de l'ouvrage,
- dire que la diffusion publique de l'ouvrage, quel que soit le mode de diffusion, ne pourra intervenir, en tout ou partie, que huit jours après sa mise en possession du manuscrit, pour lui permettre le moment venu et, le cas échéant, de faire valoir ses droits s'il estimait que le livre contient des atteintes à ceux-ci,
- dire que les mesures d'interdiction seront assorties d'une astreinte de 2. 000 euros par infraction constatée, la cour se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte,
- condamner Thierry Y... à lui payer la somme de 20. 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice et une indemnité de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction de ceux d'appel au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET.
Il indique apporter la preuve de ce que son domicile se situe en Suisse à l'adresse indiquée dans les actes de procédure.
Il fait valoir que la nullité prescrite par l'article 467 du code civil est une nullité de forme et non de fond et que dès lors, elle est limitée à la preuve d'un grief et ne peut être valablement soulevée pour la première fois en cause d'appel et après développement des moyens de défense au fond.
Il relève que l'intimé adopte un comportement contraire à ses dires antérieurs et violerait ainsi le principe de la confiance légitime qui interdirait de changer brusquement de politique juridique en prenant son adversaire à contre-pied.
Il soulève une atteinte à son nom, et prétend que monsieur Thierry Y... l'utilise sans son autorisation et dans des conditions à lui porter un grave préjudice.
En outre, il invoque une violation de sa vie privée par l'intimé qui envisage sa biographie sans avoir obtenu d'autorisation préalable. Il prétend que l'oeuvre en question bien que présentée comme une fiction, s'inspirerait largement de sa vie privée et lui causerait préjudice.
Enfin, il met en exergue des faits de harcèlement commis par monsieur Thierry Y... sur sa personne et son entourage afin de recueillir des informations sur sa vie privée.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives no3, monsieur Thierry Y... et la société MUSÉE L'ORGANE demandent à la cour de :
- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation,
- annuler l'assignation en date du 6 mars 2009,
- confirmer la décision entreprise pour le surplus,
- débouter monsieur X... de ses demandes,
- le condamner à leur payer la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 4. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance, avec distraction de ceux d'appel au profit de la SCP LAFFLY-WICKY.
Ils soutiennent que monsieur X... ne justifie pas d'un domicile réel et personnel, ce qui leur cause des difficultés dans le cadre de leurs échanges et dans la future exécution de l'arrêt. Ils prétendent que son domicile ne se trouverait pas en Suisse mais à Ecully. Ils mettent en doute la véracité de l'adresse communiquée.
Ils indiquent n'avoir rien caché de la situation de curatelle de monsieur Y... puisque monsieur X... en aurait été informé par le biais de son conseil et qu'au surplus, la mesure a fait l'objet d'une publication.
Ils soulèvent la nullité de l'assignation pour défaut de signification à la personne du curateur et affirment qu'il s'agit d'une nullité de fond.
Ils font valoir que monsieur X... se fonde sur une diffamation hypothétique et aurait dû respecter les règles processuelles d'ordre public de la loi du 29 juillet 1881 applicable en pareille matière, l'atteinte au droit du nom et à l'intimité de la vie privée n'étant invoquée que pour se soustraire aux exigences de cette loi.
Ils prétendent que monsieur X... a entrepris de nombreuses procédures à l'égard de monsieur Y... dans l'intention de lui nuire.
Ils analysent la demande telle qu'elle est présentée comme visant à exercer un droit de contrôle sur l'oeuvre de monsieur Y... et comme une censure préalable incompatible avec le principe constitutionnel de la liberté d'expression.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur la nullité de l'assignation
L'assignation, aux termes des dispositions de l'article 648 du code de procédure civile, doit comporter à peine de nullité, les nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du requérant personne physique.
La nullité prévue par ce texte n'est encourue que si elle cause grief au destinataire de l'acte.
En l'espèce, il est reproché à l'assignation d'avoir indiqué comme adresse du requérant une adresse en Suisse qui ne serait pas celle de son domicile réel. Il n'est cependant produit par les intimés aucune pièce de nature à démontrer l'allégation de domicile erroné.
Monsieur X... verse par contre aux débats des correspondances reçues à cette adresse en provenance, en particulier, de la cour d'appel de Lyon et de monsieur Y..., documents de nature à établir la réalité du domicile de monsieur X... et la possibilité de l'exécution d'une mesure à son encontre. Il produit également des factures de consommation d'électricité et de gaz de nature à établir qu'il est effectivement domicilié en Suisse. Les nombreuses procédures ayant opposé les parties mentionnent d'ailleurs toujours la même adresse en Suisse, à Coligny.
C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté ce moyen.
Il est encore reproché l'absence de signification de l'assignation à la curatrice de monsieur Y....
Aux termes des dispositions de l'article 510-2 du code civil, toute signification faite au majeur en curatelle doit l'être aussi à son curateur, à peine de nullité.
Monsieur Thierry Y... a été placé sous le régime de la curatelle à compter du 22 octobre 2003, madame Nadège Y... étant nommée curatrice, suivant jugement du tribunal d'instance de Lyon du 22 octobre 2003, jugement ayant été retranscrit sur l'extrait d'acte de naissance de monsieur Y... et faisant l'objet d'un certificat d'inscription au répertoire civil en date du 30 juillet 2004.
La mesure de protection dont fait l'objet monsieur Thierry Y... ayant été régulièrement publiée, est opposable à monsieur Paul X... qui aurait donc dû signifier l'assignation à la curatrice de monsieur Y....
Contrairement à ce que soutient l'appelant, le défaut de signification à la curatrice de l'acte introductif d'instance constitue une irrégularité de fond au sens des articles 117 et 118 du code de procédure civile et non un simple vice de forme, nullité de fond qui peut être soulevée en tout état de cause et sans qu'il y ait à justifier d'un grief.
La règle jurisprudentielle de l'Estoppel ne saurait trouver application en l'espèce, rien ne permettant d'établir que monsieur Y... aurait sciemment dissimulé sa mesure de curatelle alors qu'au contraire il justifie que dès 2004, sa curatrice reprochait aux conseils suisses de l'appelant de n'avoir pas été attraite dans la procédure d'arbitrage alors en cours entre les parties.
L'assignation délivrée à monsieur Thierry Y... doit donc être déclarée nulle à son égard mais reste valable à l'égard de la SARL MUSÉE L'ORGANE. Cette nullité entraîne la nullité de l'ordonnance rendue à l'égard de monsieur Thierry Y..., le premier juge n'étant pas valablement saisi à son égard.
Il est encore soutenu que l'assignation était soumise aux dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881. Cependant, comme l'a justement relevé le premier juge, les demandes présentées par monsieur X... sont fondées sur les dispositions de l'article 9 du code civil et non sur la loi du 29 juillet 1881. Le détournement de procédure allégué n'est pas démontré.
Sur les demandes présentées par Paul X...
L'article 809 du code de procédure civile permet au juge des référés de prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ces mesures peuvent être prises en cas d'atteinte à l'intimité de la vie privée si celles-ci apparaissent établies et reposent sur des éléments propres à accréditer la réalité du trouble ou l'imminence du dommage évoqué.
Les droits au respect de la vie privée et à la liberté d'expression sont deux droits d'identique valeur au regard des articles 8 et 10 de la convention européenne des droits de l'homme. Il appartient dès lors au juge de rechercher leur équilibre en privilégiant la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.
L'article 809 du code de procédure civile doit donc s'appliquer dans la limite de ce qui est strictement indispensable à la cessation du trouble constaté ou à la prévention du dommage allégué, s'il existe un abus de la liberté d'expression ou un risque avéré d'atteintes graves aux droits de la personne non susceptibles d'être réparées par l'octroi de dommages et intérêts.
En l'espèce, le trouble allégué est purement éventuel puisqu'aucun ouvrage n'a été publié et le dommage hypothétique.
L'usage du nom de monsieur X... dans un ouvrage que la SARL MUSÉE DE L'ORGANE s'apprêterait à publier n'apparaît pas en soi abusif, sauf à prohiber les biographies sans autorisation préalable et ce d'autant qu'en l'état des pièces qui sont soumises à la cour, il n'apparaît pas qu'il soit dans l'intention de l'auteur de l'ouvrage de créer une confusion entre le personnage de son livre dont il entend raconter la saga et le parcours atypique d'un homme caractérisant le " patronat inhibé et discret dont seule Lyon a le secret " et monsieur Paul X....
S'agissant de l'évocation des membres de la famille de monsieur X... ou de collaborateurs, il convient de rappeler que ceux-ci disposent comme l'a souligné le premier juge, de droits propres auxquels l'appelant n'a pas à se substituer.
La simple évocation de naissances et d'un comportement séducteur voire nuisible de monsieur X... à l'égard des femmes, à défaut de précisions sur celles-ci, ne caractérise pas un risque avéré.
C'est donc à juste titre que le premier juge après avoir relevé qu'il n'existait pas en l'état d'atteintes graves et avérées aux droits de la personnalité de monsieur X..., a rejeté les demandes d'interdiction présentées ainsi que la demande de provision laquelle ne repose sur aucun dommage présent.
La cour estime devoir faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des intimés à hauteur de 2. 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Annule l'ordonnance rendue le 25 mai 2009 par le président du tribunal de grande instance de LYON à l'égard de monsieur Thierry Y....
La confirme à l'égard de la SARL MUSEE L'ORGANE.
Y ajoutant,
Condamne monsieur Paul X... à payer à Thierry Y... et à la société MUSÉE DE L'ORGANE la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne monsieur Paul X... aux dépens avec distraction au profit de l'avoué de ses adversaires, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président