R. G : 08/ 03928
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre
ARRET DU 21 Mars 2011
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON ch 1 sect B du 07 mai 2008
RG : 2006/ 1517
ch no1
X...
C/
LE PROCUREUR GENERAL
APPELANT :
M. Omar X... né le 11 Juin 1954 à LYON... 69200 VENISSIEUX
représenté par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assisté de Me LAVILLE-FERRIER, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/ 033819 du 18/ 12/ 2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIME :
M. LE PROCUREUR GENERAL Prés la Cour d'Appel Place Paul Duquaire 69005 LYON 05
représenté par Madame ESCOLANO, substitut général
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Date de clôture de l'instruction : 29 Octobre 2010
Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 03 Novembre 2010
Date de mise à disposition : 24 Janvier prorogée jusqu'au 21 Mars 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Jean-Charles GOUILHERS, président-Marie LACROIX, conseiller-Françoise CONTAT, conseiller
assistée pendant les débats de Anne-Marie BENOIT, greffier
A l'audience, Françoise CONTAT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Monsieur Omar X... est né le 11 juin 1954 à LYON (69)
Le 18 octobre 2005, le Greffier en Chef du Tribunal d'Instance de Villeurbanne lui a notifié un refus de délivrance d'un certificat de nationalité française.
Par acte d'huissier en date du 10 janvier 2006, il a fait assigner Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de LYON ainsi que l'Etat Français afin de voir dire qu'il est français par filiation.
Par jugement en date du 7 mai 2008, le Tribunal de Grande Instance de LYON a rejeté sa demande et constaté son extranéité.
Monsieur Omar X... a fait appel de ce jugement le 12 juin 2008.
Par conclusions no 4 déposées le 10 juin 2010 auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions, il demande à la Cour de :
- dire qu'il est de nationalité française comme étant né de parents français, en application de l'article 32-1 du Code Civil,
- dire qu'il a bénéficié d'une possession d'état constante de français,
- condamner le Trésor Public à lui payer la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991,
- condamner le Trésor Public aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 11 octobre 2010 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur le Procureur Général prie la Cour de :
- constater que le récépissé prévue par l'article 1043 du Code de Procédure Civile a été délivré le 6 février 2009,
- confirmer le jugement de première instance,
- constater l'extranéité de Monsieur Omar X...
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code Civil.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 octobre 2010.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que le récépissé prévu par l'article 1043 du Code de Procédure Civile a été délivré le 6 février 2009 ;
Attendu qu'en application de l'article 32-1 du Code Civil, les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ;
Attendu qu'en l'espèce, l'appelant est né le 11 juin 1954 à LYON 6ème de Hamida X... né le 13 juin 1912 à Marnia en Algérie, et de Hasna Z... née le 7 mars 1941 à Marnia, en Algérie, son épouse ;
Attendu qu'à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, il était mineur et ses parents étaient domiciliés en France ; que seule sa mère a souscrit le 2 juin 1966 une déclaration en vue de la reconnaissance de la nationalité française ; que cette déclaration ne peut toutefois avoir aucun effet sur la nationalité de l'appelant puisqu'en vertu de l'article 2 de l'Ordonnance du 21 juillet 1962, les enfants mineurs ne bénéficient de l'effet collectif attaché à la déclaration de la mère qu'en cas de pré-décès du père, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, Hamida X... étant décédé le 3 septembre 2007 à Toulon ;
Attendu que l'appelant soutient que son père n'avait pas à effectuer de déclaration en vue de se voir reconnaître la nationalité française parce qu'il était français de statut civil droit commun ;
Attendu qu'il lui appartient d'en apporter la preuve ;
Attendu qu'il prétend en premier lieu que son grand-père paternel, Si Ali X... né à Tidilli au Maroc en 1977, était marocain, qu'il n'était donc pas assujetti à la déclaration de renonciation au statut personnel applicable aux Algériens mais qu'il avait néanmoins procédé à cette renonciation dans le cadre de la loi du 4 mars 1919 ;
Attendu qu'à l'appui, il produit :
- la déclaration d'option effectuée le 6 juillet 1928 devant le Juge de Paix du Canton de Marnia en Algérie (pièce no19) de laquelle il résulte que son grand père, Si Ali X..., coiffeur indigène, demeurant à Marnia, né à Tidilli au Maroc en 1877 a déclaré renoncer pour ses enfants mineurs issus de son mariage avec la nommée Y... (dont Hamida X..., père de l'appelant) à décliner la qualité de français et ce, pour leur assurer définitivement la qualité de français qu'ils tiraient de leur naissance, a justifié de son état-civil par la remise d'un acte de notoriété suppléant son acte de naissance, lequel a été annexé à la déclaration, et que la déclaration a été transmise au Ministère de la justice pour y être enregistrée le 24 mars 1930 sous le numéro ...par application de l'article ... de la loi du 10 août 1927 ;
- un courrier adressé par le Ministère de la Justice, services des naturalisations, au Procureur de la République à Tlemcem indiquant qu'après examen, cette déclaration est apparue régulière et de nature à assurer aux enfants mineurs la qualité de français, que sa transcription sur les registres de la Chancellerie a été ordonnée et qu'un exemplaire de cette déclaration ainsi que les pièces communiquées ont été conservées au Ministère ;
Que toutefois, ces documents sont insuffisants pour établir que Si Ali X... était de nationalité marocaine, qu'il a renoncé à son statut de droit local dans le cadre de la loi du 4 février 1919 ou qu'il a conféré à ses enfants et notamment à Hamida X... le statut de français de droit commun ;
Attendu qu'à titre subsidiaire, l'appelant invoque les dispositions de l'article 1 alinéa 3 de la loi du 20 décembre 1966 aux termes duquel " les personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie conservent de plein droit la nationalité française si une autre nationalité ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962 " date d'indépendance de l'Algérie " ;
Que toutefois, il échoue à apporter la démonstration que son père ne s'est jamais vu attribuer la nationalité algérienne ;
Qu'enfin, il invoque le bénéfice de la possession d'état de français de son père et de lui-même ;
Qu'aux termes de l'article 32-2 du Code Civil, " la nationalité française des personnes de statut de droit commun nées en Algérie avant le 3 juillet 1962 sera tenue pour établie dans les conditions de l'article 30-2 du Code Civil si ces personnes ont joui d'une façon constante de la possession d'état de français " ; qu'en effet, le statut civil de droit local ayant cessé d'exister en tant que statut français, la poursuite constante de la possession d'état de français après l'indépendance d'Algérie fait présumer la qualité de français de statut civil de droit commun d'où résulte de plein droit la conservation de la nationalité française ;
Attendu que l'appelant, né en France, ne peut bénéficier de ces dispositions, même s'il produit un certain nombre de documents établissant qu'il a une possession d'état de français au moins depuis 1975, date à compter de laquelle il a été inscrit sur les listes électorales de la commune de Sainte-Foye Les Lyon ;
Qu'il en est autrement pour son père Hamida X... qui est né en Algérie, s'y est marié mais s'est installé en France avec son épouse dans les années cinquante, bien avant l'indépendance de l'Algérie et dont six de ses enfants sont nés en France, dont l'appelant, pendant la période de 1954 à 1965 ;
Qu'il résulte des pièces produites que jusqu'à son décès en France en 2007, ce dernier a joui de façon constante de la possession d'état de français et a été considéré comme tel par les autorités françaises, non seulement avant l'indépendance de l'Algérie (courrier adressé le 30 décembre 1960 par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice pour indiquer au Juge d'Instance de Saint-Genis Laval qu'il y avait " lieu de lui délivrer une CNF sous l'état-civil qui résulte de l'extrait du registre matrice et de la transcription de son acte de naissance ") mais aussi postérieurement puisque le 16 mai 1964, le Juge d'Instance de LYON lui a délivré un certificat de nationalité française ; que la délivrance de ce certificat, qui n'a jamais été contesté de son vivant, explique qu'à la différence de son épouse, il n'a pas jugé utile d'effectuer une déclaration en vue de la reconnaissance de la nationalité française ; que dans son courrier du 25 septembre 2008, le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes estime qu'il a conservé la nationalité française lors de l'indépendance de l'Algérie sans avoir à souscrire de déclaration d'option ;
Qu'en conséquence, la nationalité française de statut de droit commun d'Hamida X... doit être tenue pour établie ;
Attendu qu'au moment de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 21 juillet 1962, Omar X... était mineur de 18 ans et a en conséquence suivi le sort de son père ;
Qu'il convient en conséquence de dire qu'il est français comme étant né d'un père français ;
SUR LES FRAIS ET DÉPENS :
Attendu que Omar X... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de condamner le Trésor Public sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Que seuls les dépens de la procédure d'instance et d'appel seront mis à la charge du Trésor Public ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après débats en chambre du conseil,
Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du Code de Procédure Civile a été délivré le 6 février 2009 ;
Infirme le jugement rendu le 7 mai 2008 par le Tribunal de Grande Instance de LYON ;
Dit que Omar X... né 11 juin 1954 à LYON 6ème est français comme étant né d'un père français ;
Ordonne la transcription du présent arrêt en marge de son acte de naissance en application de l'article 28 alinéa 2 du Code Civil ;
Rejette la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge du trésor Public et recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Accorde à Maître de Fourcroy, avoué, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GreffierLe Président