R. G : 09/ 06216
décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE Au fond du 30 juillet 2009
RG : 08/ 02521 ch no
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre
ARRET DU 21 Mars 2011
APPELANT :
M. Claude X... né le 19 Septembre 1943 à LYON (69003)...... 01660 MEZERIAT
représenté par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assisté de Me Sylvain GRATALOUP, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
Mme Andrée Michèle Y... épouse X... née le 31 Mai 1946 à PARIS (75020)... 01310 POLLIAT
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Danielle HUGONNET CHAPELAND, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 008287 du 06/ 05/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
Date de clôture de l'instruction : 17 Décembre 2010
Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 05 Janvier 2011
Date de mise à disposition : 14 Février prorogée au 21 Mars 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Jean-Charles GOUILHERS, président-Marie LACROIX, conseiller-Françoise CONTAT, conseiller
assistée pendant les débats de Christine SENTIS, greffier
A l'audience, Jean-Charles GOUILHERS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 30 juillet 2009 par le Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE, dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 17 décembre 2010 par Claude X..., appelant ;
Vu les conclusions déposées le 14 décembre 2010 par Andrée Y... épouse X..., intimée ;
La Cour,
Attendu que par arrêt du 21 juin 2005, définitif, la Cour de céans a prononcé la séparation de corps des époux X...- Y... à leurs torts partagés et condamné Claude X... à payer à Andrée Y... une pension alimentaire mensuelle indexée de 500 € ;
Attendu que suivant exploit du 4 septembre 2008 Andrée Y... a fait assigner Claude X... en conversion de la séparation de corps en divorce et en payement d'une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle et viagère de 2000 € ;
que le défendeur s'est opposé à cette prétention et se portant reconventionnellement demandeur, a sollicité l'octroi d'une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle et viagère de 500 € ;
Attendu que c'est à la suite de ces circonstances que par jugement du 30 juillet 2009 le Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE a :- converti la séparation de corps des époux X...- Y... en divorce à leurs torts partagés,- condamné Claude X... à payer à Andrée Y..., à titre de prestation compensatoire, une rente mensuelle, viagère et indexée de 500 €,- débouté les parties de toutes autres prétentions ;
Attendu que Claude X... a régulièrement relevé appel de cette décision suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 6 octobre 2009 ;
Attendu, sur la demande de sursis à statuer formée par l'appelant, que celui-ci expose qu'il a déposé plainte avec constitution de partie civile le 25 novembre 2010 pour établissement de fausses attestations à l'encontre du sieur Jean-Jacques Z... ;
qu'il soutient que les attestations mensongères établies par cette personne ayant un caractère déterminant au regard de la preuve de la relation de concubinage qu'entretiennent l'intimée et ledit sieur Z..., la Cour doit surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été définitivement prononcé sur l'action publique ;
Attendu que l'action civile dont la Cour connaît n'a pas pour objet la réparation d'un dommage causé par les faits délictueux dont se plaint l'appelant ;
que l'article 4 alinéa 3 du Code de Procédure Pénale dispose que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ;
qu'en outre l'appelant qui ne justifie pas de la consignation fixée en application de l'article 88 du Code de Procédure Pénale ou de sa dispense, ne démontre pas que l'action publique a été mise en mouvement à la suite de la plainte avec constitution de partie civile par lui déposée le 25 novembre 2010 à l'encontre du sieur Jean-Jacques Z... ;
que dès lors, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ;
Attendu, sur le divorce, que sans avoir égard aux longs et inutiles développements consacrés par l'une et l'autre parties aux griefs qu'elles ont articulés l'une contre l'autre lors de la procédure de séparation de corps, il échet de confirmer la décision querellée en ce qu'elle a converti en divorce aux torts partagés des époux X...- Y... la séparation de corps qui durait depuis plus de deux ans à la date de l'assignation, ce par application des dispositions des articles 306 et 308 alinéa 1er du Code Civil ;
Attendu, sur la prestation compensatoire, que le mariage, contracté sous le régime légal, a duré quarante-cinq ans ;
que toutefois, il convient de prendre en considération le fait que les époux sont séparés de corps depuis le 21 juin 2005, leur communauté de vie ayant cessé le 12 février 2001 ;
que deux enfants aujourd'hui majeures et autonomes sont issues de cette union ;
Attendu que les époux sont respectivement âgés de soixante-sept ans pour le mari et de soixante-quatre ans pour la femme ;
Attendu qu'Andrée Y... n'a jamais exercé d'activité professionnelle pendant la vie commune mais qu'elle a assisté son mari dans l'exercice de sa profession de médecin vétérinaire sans être déclarée ni percevoir aucune rémunération ainsi que la Cour l'a relevé dans son précédent arrêt du 21 juin 2005, les nombreuses attestations versées aux débats établissant qu'elle assumait des tâches de réception de la clientèle, de secrétariat, de comptabilité, d'aide à la petite chirurgie, d'entretien des locaux et de soins aux animaux confiés à son époux ;
Que n'ayant que brièvement cotisé à l'assurance vieillesse avant son mariage, ses droits à pension de retraite sont extrêmement faibles puisqu'ils ont été liquidés à 96, 40 € par mois au 1er septembre 2008 ;
Qu'elle a placé en assurance vie les fonds provenant de la succession de son père (135000 €), de sorte qu'elle perçoit à présent à ce titre une rente mensuelle de 500 € ;
Attendu que la mère de l'intimée est décédée le 8 avril 2010 la laissant pour unique héritière et qu'elle a ainsi recueilli par succession :- des avoirs bancaires pour 53 467, 35 €,- un appartement avec garage sis à BOURG-EN-BRESSE estimé à 82 000 € pour le tout,- la maison dans laquelle elle demeure sise à POLLIAT (Ain) évaluée à 200 000 €,- des effets mobiliers évalués à 16 786 € ;
Qu'elle est redevable au titre de cette succession de droits pour 36 379 €, somme que les avoirs bancaires sus-mentionnés lui ont permis ou lui permettront de régler sans difficulté ;
Attendu que l'évaluation des immeubles retenue par l'administration fiscale ne correspond pas nécessairement à leur valeur réelle et que sur ce point aucune précision n'est apportée par l'une ou l'autre des parties ;
Attendu qu'en l'état, l'intimée n'a aucune charge de logement autre que celles liées à l'entretien de sa maison et aux taxes locales qui s'y rapportent ;
Que l'appartement dont elle est désormais propriétaire à BOURG-EN-BRESSE est pour elle une source de revenus supplémentaires sur lesquels aucun renseignement n'est fourni ;
Attendu d'ailleurs qu'il est à noter qu'aucune des parties n'a cru devoir verser aux débats sa déclaration de revenus et son avis d'imposition sur les revenus de 2010 relatives aux revenus perçus en 2009 alors pourtant que l'une et l'autre sont nécessairement en possession de ces documents (l'intimée produit d'ailleurs ses avis d'imposition de 2010 relatifs à la taxe foncière et à la taxe d'habitation, et l'appelant la photocopie de la feuille de calculs facultatifs relative aux revenus de l'année 2009 fournie par l'administration fiscale comportant des mentions manuscrites illisibles), ce qui démontre qu'elles ont au moins en commun une volonté farouche de maintenir l'une comme l'autre sur ce point l'opacité la plus hermétique possible ;
Attendu que dans sa déclaration sur l'honneur en date du 1er décembre 2008 l'intimée fait état de revenus constitués par la pension alimentaire que lui verse l'appelant à hauteur de 6 000 € par an ;
Que cette pension cessera toutefois d'être due à compter du présent arrêt ;
Attendu que l'intimée ne fait état, dans ses écritures d'appel, d'aucune charge particulière ;
Que néanmoins les justificatifs de charges qu'elle produit aux débats, épars, incomplets et non récapitulés permettent d'évaluer ses frais fixes à 6 000 € par an au moins hors frais de nourriture, de vêture, de santé et de loisirs ;
Qu'Andrée Y..., propriétaire de la maison qu'elle habite, assure l'entretien de ce bien qui comporte une piscine, et jouit d'un d'un train de vie confortable qui n'est pas en adéquation avec ses revenus déclarés ;
Attendu, à cet égard, que malgré le déni opiniâtre de l'intimée, l'appelant rapporte la preuve de ce qu'elle vit en concubinage avec le sieur Jean-Jacques Z... qui s'est installé chez elle ainsi que cela résulte de l'enquête effectuée par un détective privé et de plusieurs attestations ;
Qu'il est indifférent à cet égard que le sieur Z... conserve la jouissance d'un immeuble dont il est propriétaire et où il lui arrive parfois de séjourner pour des raisons personnelles, l'intéressé reconnaissant, dans son attestation datée du 15 avril 2010 qu'Andrée Y... et lui-même " vivent ensemble la plupart du temps " ;
Attendu qu'il y a donc lieu de considérer que l'intimée et le sieur Z... partagent par moitié tous les frais et charges liés à leur communauté d'existence, et particulièrement ceux relatifs à l'immeuble de POLLIAT (Ain) dans lequel ils résident ensemble habituellement ;
Attendu pour autant que si cette relation de concubinage qui dure depuis plusieurs années paraît présenter un certain caractère de stabilité, elle demeure néanmoins précaire par nature, chacun des partenaires pouvant y mettre un terme à son gré, sans préavis et sans aucune formalité ;
Attendu que l'appelant ne produit pas de déclaration de revenus ni d'avis d'imposition sur le revenu récents, c'est-à-dire portant sur les revenus perçus en 2008 et 2009 ;
Que l'avis d'imposition sur les revenus de l'année 2007 est incomplet et ne mentionne que l'impôt à payer mais ne comporte pas le détail des revenus déclarés et retenus par l'administration fiscale ;
Que cette façon de procéder, démonstrative de la déloyauté procédurale de l'appelant et de son manque de respect envers la Cour, est significative de sa démarche ;
Que ses revenus mensuels constitués de diverses pensions de retraite paraissent atteindre, au vu des pièces que l'intéressé a bien voulu fournir, la somme mensuelle de 2 700 € environ ;
Que s'y ajoutent les revenus fonciers provenant de la location d'un appartement sis à LYON, 3ème arrondissement, ... dont il est propriétaire malgré ses dénégations (cf. demande de renseignements sommaires urgents du 3 mai 2010 communiquée par l'intimée sous le numéro 49), ce pour un montant ignoré ;
Que dans sa déclaration sur l'honneur produite en application de l'article 272 alinéa 1er du Code Civil, l'appelant évalue ce bien à 76 000 € et les revenus qu'il lui procure à 3 900 € par mois ;
Que compte tenu des réticences de l'appelant à produire des justificatifs dont l'absence ne peut qu'être constatée, ces valeurs sont à considérer avec la plus extrême circonspection ;
Attendu qu'en tout état de cause, les ressources mensuelles moyennes de l'appelant sont d'au moins 3 000 € ;
Attendu que l'intimée prétend que l'appelant vivrait, lui aussi, en concubinage ;
Que cependant elle ne produit aux débats strictement aucune pièce établissant la réalité de ses allégations ;
Attendu que le fait que l'appelant soit reconnu invalide ne change strictement rien à sa situation matérielle et financière ainsi que l'a justement retenu le premier juge, dès lors qu'il est retraité et que cet état n'influe en aucune façon sur ses ressources puisque celles-ci ne dépendent plus de sa capacité de travail ;
Attendu que dépend de la communauté une maison sise à MEZERIAT (Ain) dans laquelle habite l'appelant à qui la jouissance en avait été attribuée par l'ordonnance de non-conciliation ;
Que la valeur de ce bien n'est pas connue, étant toutefois observé qu'elle a été estimée à 462 500 € par le notaire chargé d'établir l'état liquidatif de la communauté ;
Que l'appelant sera redevable d'une indemnité d'occupation importante envers la communauté compte tenu du temps pendant lequel il a occupé ce bien sans aucune contrepartie jusqu'à ce jour ;
Que la vente du bien commun paraît inéluctable et que l'appelant devra alors se reloger ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'intimée qui n'a pas exercé d'activité professionnelle propre pendant la durée du mariage afin de se consacrer à l'entretien de son foyer ainsi qu'à l'éducation des enfants et d'aider son mari dans l'exercice de sa profession libérale, ne perçoit qu'une pension de retraite dérisoire ;
Attendu qu'ainsi, le divorce crée, au détriment de la femme, une disparité dans les conditions de vie respectives des époux ;
Que s'il est exact que l'intimée est à la tête d'un patrimoine personnel plus important que celui de son conjoint, cet avantage qui n'a aucun lien avec le mariage ne suffit pas à combler la disparité créée entre eux par la rupture de leur union ;
Attendu que c'est par conséquent à bon droit que le premier juge a retenu le principe d'une prestation compensatoire au profit de l'épouse ;
Que celle-ci, compte tenu de son âge, n'est plus en mesure de travailler et d'exercer une activité professionnelle rémunératrice lui permettant de subvenir à ses besoins, alors surtout qu'elle ne peut se prévaloir d'aucune qualification professionnelle ;
Que c'est donc encore par une juste application de l'article 276 du Code Civil que le juge du premier degré a fixé cette prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle, viagère et indexée de 500 € ;
Attendu, dans ces conditions, que la décision querellée sera intégralement confirmée ;
Attendu que pour assurer la défense de ses intérêts devant la Cour, l'intimée a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'appelant ;
Que celui-ci sera donc condamné à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare l'appel recevable ;
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;
Au fond, dit l'appel injustifié ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne Claude X... à payer à Andrée Y... une indemnité de 2000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Le condamne aux dépens ;
Accorde à la S. C. P. AGUIRAUD-NOUVELLET, Avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.