COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 29 Mars 2011
R. G : 09/08073
Décision du Tribunal de Grande Instance de ROANNE Au fond du 25 novembre 2009
RG : 09/ 00675 ch no
SARL JRD STRATEGIE
C/
X... X... X...
APPELANTE :
SARL JRD STRATEGIE 100 rue des Fougères Immeuble Lyon Ouest 69009 LYON
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Anne-Sophie UCCELLO-JAMMES, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. Thierry X...... 69470 COURS-LA-VILLE
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté Me Rousseau de la SELARL B2R et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
M. Jean Jacques X...... 42460 LA GRESLE
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me Rousseau de la SELARL B2R et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
M. Patrick X... ... 42460 LE CERGNE
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me Rousseau de la SELARL B2R et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 25 Février 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 1er Mars 2011
Date de mise à disposition : 29 Mars 2011 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président-Claude MORIN, conseiller-Agnès CHAUVE, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Claude MORIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Les consorts X... sont les dirigeants d'entreprises d'équipement électrique situées à Cours La Ville. Souhaitant vendre celles-ci, ils ont eu recours à la société JRD Stratégie.
Selon trois protocoles conclus le 30 octobre 2006, la société JRD Stratégie a recu un mandat exclusif de 9 mois pour rechercher et sélectionner des acheteurs de la société La Chiron, société holding des entreprises X..., et des SCI de Vindry et de l'Isle, pour négocier et suivre les opérations de cession. Le rémunération de la société JRD Stratégie a été fixée à 3 % HT du prix de cession supérieur à 4 millions d'euros.
Le mandat ayant une durée indéterminée, prévoyait une faculté de résiliation moyennant un préavis de trois mois ainsi qu'une clause pénale ainsi rédigée : " en cas de manquement ou de défaillance flagrant et volontaire (signifié par lettre recommandée avec accusé de réception) de la part du cédant qui ne permettrait manifestement pas à l'intermédiaire d'accomplir la présente mission, le préjudice subi de ces faits, fera l'objet d'une indemnisation en faveur de l'intermédiaire à hauteur de 100 % des honoraires prévus ".
Le 12 janvier 2007, la société JRD Stratégie a transmis aux consorts X... son dossier de présentation des entreprises et des immeubles avec leurs évaluation chiffrée. Elle leur a réclamé le plan d'occupation des sols et les certificats d'urbanisme des biens immobiliers. Les vendeurs l'ont informée le 29 janvier que les estimations effectuées leur paraissaient insuffisantes.
Le 10 avril 2007, la société JRD Stratégie s'est plainte de ne pas avoir obtenu les documents réclamés, a rappelé la clause pénale, a maintenu que le prix de cession compris entre 10 et 12 millions d'euros réclamé par les cédants lui paraissait élevé, et a demandé la signature d'un avenant de prolongation de 6 mois du mandat exclusif.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30/ 4/ 2007, les consorts X... ont notifié à la société JRD Stratégie la rupture de son mandat, sans indemnité, en faisant état de diligences insuffisantes depuis sa signature. Celle-ci a pris acte de la rupture et a réclamé le paiement de sa facture s'élevant à 175 696. 47 €.
Par acte du 17/ 12/ 2007, la société JRD Stratégie a saisi le tribunal de grande instance de Roanne, qui, dans son jugement rendu le 25 novembre 2009, l'a déboutée de sa demande en paiement et l'a condamnée à verser à chacun des défendeurs la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Le premier juge a considéré que les consorts X... avaient fait usage de la faculté de résiliation conformément au contrat liant les parties et que la société JRD Stratégie ne démontrait pas que les conditions d'application de la clause pénale étaient réunies.
La société JRD Stratégie a relevé appel.
Dans ses conclusions reçues par le greffe le 14/ 2/ 2011, elle demande l'infirmation du jugement et la condamnation solidaire des consorts X..., associés de la société holding La Chiron, à lui payer la somme de 146 903. 40 € HT correspondant aux honoraires dus sur la base de la valorisation du dossier de présentation en application du protocole d'accord de mandat de vente, outre intérêts au taux légal majoré de 4 points à compter du 21 mai 2007, la somme de 2 000 € à titre de pénalités forfaitaires, ainsi que celle de 7500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement que les consorts X... ont refusé d'engager toute négociation sur la base de son évaluation initiale, que toute nouvelle évaluation imposait la production de documents d'urbanisme qui n'ont été communiqués que le 11 juin 2007, alors que les mandats étaient résiliés depuis le 26 avril ; qu'elle a été ainsi mise dans l'impossibilité de remplir sa mission par le fait exclusif des intimés qui ont agi sciemment en refusant unilatéralement le renouvellement de l'exclusivité initialement concédée.
Dans leurs écritures reçues le 18/ 2/ 2011, les consorts X... concluent au rejet des demandes de la société JRD Stratégie. Chacun d'eux lui réclame la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du mandat, la somme de 500 € pour procédure abusive, outre la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils invoquent la nullité des mandats portant sur la cession des parts des SCI, non limités dans le temps, en application de l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970.
Ils font observer que les documents d'urbanisme, objet du litige, ne faisaient pas partie de la liste des pièces nécessaires à la constitution du dossier remise le 3 novembre 2006 ; qu'ils ont entrepris aussitôt après la réclamation de la société JRD Stratégie de janvier 2007 les démarches nécessaires pour les obtenir ; que ceux-ci ne leur ont été délivrés par l'administration que le 8 mars 2007 et qu'ils les ont remis le lendemain à la société JRD Stratégie qui prétend ne pas les avoir reçus ; que la preuve de leur manquement flagrant et volontaire ayant empêché l'accomplissement du mandat n'est pas rapportée. Ils relèvent notamment que la société JRD Stratégie n'avait aucun acquéreur potentiel et qu'elle a créé de toute pièce cet incident pour réclamer des honoraires ; que s'ils ont manifesté leur déception ensuite des évaluations qu'elle leur a présentées, ils n'ont notifié la résiliation du mandat que le 26 avril 2007 avec effet au 26 juillet 2007, respectant ainsi la clause d'exclusivité ; qu'ils sont restés dans l'attente de la présentation d'éventuels repreneurs, ce qui n'a pas été le cas ; qu'ils n'étaient nullement tenus de proroger la clause d'exclusivité.
DISCUSSION
Les consorts X... ont invoqué la nullité des mandats de cession qui ne respectent pas les dispositions d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970. Le premier juge a exactement relevé que le mandat de vente concernant la société holding La Chiron, qui est une société par actions simplifiées, n'entre pas dans le champ d'application de la loi. Il y a lieu de considérer que les mandats concernant les SCI doivent suivre le même sort dès lors qu'ils sont les éléments d'une opération indivisible de cession d'un patrimoine industriel portant à la fois sur le capital de la société holding et sur les bâtiments industriels occupés par les entreprises appartenant à la société holding. Le jugement, qui a retenu la validité des mandats, doit par conséquent être confirmé sur ce point.
Le mandat confié à la société JRD Stratégie a débuté par la réalisation du dossier de présentation et d'évaluation des sociétés mises en vente. L'appelante reconnaît avoir sollicité et obtenu de ses mandants tous les documents renseignements, informations comptables, financières, et commerciales nécessaires. Elle a pu ainsi présenter un dossier qu'elle estimait complet.
La correspondance échangée entre les parties montre que leur désaccord porte sur un élément essentiel qui est l'estimation de la valeur des sociétés mises en vente (5 710 000 €) et notamment sur celle des locaux industriels. La société JRD Stratégie a réclamé aussitôt des documents d'urbanisme lui paraissant nécessaires pour revoir à la hausse son évaluation considérée comme inacceptable par ses mandants. Leur absence de diligence pour lui transmettre ces documents, à la supposer établie, ne présente pas le caractère de gravité nécessaire pour constituer " le manquement ou la défaillance flagrante et volontaire " des cédants qui l'aurait empêchée d'accomplir sa mission et justifierait l'application de la clause pénale.
La détérioration des relations entre les parties a pour cause la différence trop importante entre leur évaluation respective du prix de cession (du simple au double). Aucune clause du contrat ne prévoyant le règlement d'une telle divergence, il ne peut être reproché aux consorts X... d'avoir refusé de prolonger la durée du mandat exclusif et d'avoir fait usage de leur faculté de résiliation du mandat. Le premier juge a donc rejeté à bon droit la demande en paiement de la clause pénale, comme il a rejeté à bon droit la demande reconventionnelle en dommages-intérêts des consorts X..., qui ne sont pas fondés à reprocher à la société JRD Stratégie de ne pas lui avoir présenté des acquéreurs alors qu'ils n'acceptaient pas le prix qui devait leur être proposé. La mauvaise foi de l'appelante n'étant pas démontrée, la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive doit également être rejetée.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement critiqué,
Condamne la société JRD Stratégie aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, société d'avoués ; la condamne à verser aux consorts X... la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.