R. G : 10/ 05284
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 08 Novembre 2011
Décision du Tribunal d'Instance de BELLEY Référé du 29 juin 2010
ch no RG : 2010/ 80
X...
C/
Association ALPHA 3 A
APPELANT :
Monsieur Agron X... né le 20 Juillet 1986 à VUSHTRRI (KOSOVO)...... 01300 BELLEY
représenté par Me Annie GUILLAUME, avoué à la Cour
assisté de Me CHEBBI, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 019917 du 14/ 10/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
Association ALPHA 3 A représentée par ses dirigeants légaux 14 rue Aguetant 01500 AMBERIEU EN BUGEY
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY ET LIGIER, avoués à la Cour
******
Date de clôture de l'instruction : 03 Janvier 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Septembre 2011
Date de mise à disposition : 08 Novembre 2011
Débats en audience publique du 28 Septembre 2011 tenue par Pascal VENCENT, président de la 8ème chambre et Dominique DEFRASNE, conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, sans opposition des parties dûment avisées, qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile. Composition de la Cour lors du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Catherine ZAGALA, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
La structure ALFA 3A est une association agréée à but social et non lucratif qui intervient entre autres, dans le domaine de l'accueil des demandeurs d'asile et réfugiés et gère à ce titre des CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile), un point accueil et une halte de nuit dans le département de l'AIN.
Le point accueil est plus spécialement chargé par la préfecture de l'AIN de gérer un dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile qui ne peuvent par manque de place bénéficier d'une prise en charge au sein du dispositif normal d'accueil des demandeurs d'asile.
Il est plus spécialement actif pendant la période de grands froid et assure jusqu'au 31 mars de chaque année un service minimum sous la forme d'un simple hébergement sans accompagnement social ni aide financière. Le demandeur d'asile dans cette situation d'urgence est logé en chambre individuelle ou studio avec sanitaires, cuisine et salle à manger commune dans la mesure, là encore, des places disponibles.
De son côté, l'appelant est arrivé en France à l'automne 2009. Un contrat de mise à l'abri fut signé par lui et l'association pour une prise en charge jusqu'au 31 mars 2010.
Par courrier en date du 17 mars 2010, l'appelant a été averti de la fin de la prise en charge par le point accueil, sa situation n'étant pas considérée comme prioritaire et comme devant relever d'un hébergement permanent poursuivi en centre d'accueil dit CADA.
Ce demandeur d'asile refusait de quitter sa chambre située ... à BELLEY nonobstant nouveau courrier et report de son départ impératif au 30 avril.
Par acte d'huissier en date du 11 mai 2010, l'association ALFA 3A a assigné cette personne devant le tribunal d'instance de BELLEY, siégeant en matière de référé, aux fins qu'elle soit reconnue occupante sans droit ni titre du logement qu'elle occupe et prononcé son expulsion.
Le juge d'instance par ordonnance du 29 juin 2010 a fait droit aux demandes en ordonnant complémentairement la suppression du délai de deux mois suivant ordinairement le commandement aux fins d'expulsion.
Par déclaration en date du 13 juillet 2010, cette personne a interjeté appel de cette décision et sollicite de la cour d'appel de LYON qu'elle infirme l'ordonnance de référé du tribunal d'instance de BELLEY, qu'elle constate la légalité de l'occupation du logement de l'appelant et dise que le juge des référés devait se déclarer incompétent.
Il est ainsi soutenu que la directive européenne 2003/ 9/ CE du 27 janvier 2003 fait obligation aux Etats de fournir aux personnes sollicitant l'asile sur leur territoire les conditions matérielles d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l ‘ habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière.
En outre, conformément à l'article L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles applicable en matière d'hébergement d'urgence, toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée.
Il est encore précisé par la loi que cette orientation doit être effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adapté à sa situation.
Il est rappelé par l'appelant que le droit constitutionnel de demander l'asile en France implique le droit à un hébergement décent pendant la durée d'examen de la demande, la circonstance de saturation des centres d'hébergements ne pouvant être opposée au demandeur d'asile.
On ne pourrait légalement invoquer le manque de place d'hébergement car il existerait une obligation législative mise à la charge des associations délégataires de service public-en l'espèce ALFA 3A- de réaliser les missions qui leur ont été confiées.
L'intimée ne pourrait se retrancher derrière la défaillance de l'Etat qui ne lui fournit pas les moyens matériels suffisants pour réaliser sa mission ce d'autant que la dite structure ne semblerait pas avoir averti la préfecture comme elle en a le devoir de ce manque de place.
Il ne pourrait encore être tiré aucun argument en droit civil du fait que l'appelant touche une allocation temporaire d'attente, l'association intimée adoptant selon l'appelant une position systématique d'expulsion en fin d'hiver alors que l'arrêt du Conseil d'Etat visé n'autorise de telles expulsions qu'à titre exceptionnel au seul cas d'épuisement temporaire des places disponibles.
Enfin le contrat de mise à l'abri signé ne mentionnerait pas la fin de mise à disposition en cas de perception de l'ATA et de toute manière ne serait pas opposable au demandeur d'asile faute de véritable consentement à sa signature en l'absence d'interprète, celui-ci ne parlant ni ne comprenant le français.
Il serait ainsi démontré que ce contrat ne saurait en aucun cas créer une obligation pour l'appelant, notamment l'obligation d'avoir à quitter les lieux au 31 mars 2010.
A l'opposé, l'association ALFA 3A demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée et de condamner l'intéressé à lui payer la somme de 450 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Il est ainsi soutenu que la convention passée entre elle et l'État était une convention de mise à l'abri pour la période allant du 1er novembre 2009 au 31 mars 2010, qu'elle a respecté la mission qui lui était confiée d'héberger pour une durée déterminée les demandeurs d'asile.
Il est encore affirmé que selon une jurisprudence élaborée par le Conseil d'Etat en son arrêt en date du 7 mai 2010, le fait de percevoir l'ATA ne permettrait plus à cette personne demandeur d'asile de bénéficier d'une mise à l'abri, ne pouvant plus soutenir dès cet instant que l'administration n'aurait accompli aucune diligence permettant de couvrir au moins ses besoins fondamentaux, et aurait ainsi méconnu gravement et de manière manifestement illégale les exigences qu'impose le respect du droit d'asile.
En accordant cette allocation temporaire, l'État ne créerait pas un droit au maintien dans les lieux qui étaient mis à disposition.
Au reste, les demandeurs d'asile seraient très entourés par d'anciens demandeurs d'asile, des conseillers et des avocats qui les aident à comprendre la portée de leurs signatures et il serait inexact d'affirmer qu'ils n'ont pas compris la situation au jour où ils ont contracté avec l'association. L'échange des consentement avec l'association pourvoyeuse de ce logement serait bien réel et l'intéressé ne pourrait pas valablement invoquer un vice de ce chef.
SUR QUOI LA COUR
Le premier juge a fait une parfaite analyse en droit de la nature civile du lien contractuel unissant monsieur Agron X... à l'association ALFA 3A qui s'analyse simplement en un contrat de mise à l'abri par mise à disposition d'une chambre avec communs à titre temporaire pour la durée de la période hivernale 2009/ 2010 avec un terme défini au 30 mars 2010.
Les textes nationaux et internationaux cités par monsieur Agron X... ne s'imposent en aucune façon à l'association ALFA 3A, qui n'est tenue que de l'obligation née de la convention signée avec l'État.
Or, la dite convention en date du 24 novembre 2009 ne fait nulle obligation à l'association ALPHA 3A de maintenir la personne hébergée dans le cadre du plan d'hébergement d'urgence au-delà du 31 mars 2009.
Au contraire, par courrier en date du 3 mai 2010, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) a fait savoir à l'association ALFA 3A qu'il convenait de mettre fin à l'hébergement des demandeurs d'asile dans le cadre du plan froid.
La perception ou non de l'ATA par l'intéressé est indifférente en droit civil quant à la solution judiciaire d'un litige opposant deux contractants qui n'ont aucunement lié cette occupation à titre temporaire à son gain.
Il ne peut être tiré aucun argument sérieux du fait que monsieur Agron X... n'aurait pas compris la nature et la portée de son engagement et spécialement le fait que ce contrat de mise à l'abri devait s'achever au 31 mars 2009.
Outre qu'il n'est pas définitivement démontré que cette personne ne comprend pas le français, le fait que les demandeurs d'asile exactement dans la même situation précaire que l'appelant soient un grand nombre oblige à penser que cette information essentielle émanant soit de celui qui comprenait le mieux notre langue soit des accompagnateurs et membres d'associations caritatives leur venant en aide a immédiatement circulé au moment même de la signature du contrat.
Au reste, on ne peut croire que le responsable du dispositif d'accueil, monsieur Frank Z..., signataire du contrat au nom de l'association, qui n'a strictement aucun intérêt mercantile à défendre faisant preuve au contraire de son dévouement à la cause humanitaire, ait pu laisser planer le moindre doute sur la réalité de la durée de ce contrat.
Il convient bien de constater qu'aucun lien contractuel ne lie les parties depuis le 31 mars 2010, que monsieur Agron X... est occupant sans droit ni titre sur le local qui avait été mis à sa disposition ce qui cause obligatoirement à l'association un trouble manifestement illicite qui ne peut être réparé que par l'expulsion sans délai de l'intéressé.
Il échet de confirmer purement et simplement cette ordonnance avec suppression du délai de deux mois de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991.
Tenant l'extrême précarité de la situation de l'appelant, il n'y a pas lieu en équité à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'association ALFA 3A.
Les dépens doivent être mis à la charge de monsieur Agron X... qui succombe.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée,
Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur Agron X... aux entiers dépens distraits au profit de la SCP d'avoués LIGIER DE MAUROY-LIGIER conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLe président