AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : 11/02513
URSSAF DE LA DROME
C/
SAS PATUREL
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Valence
du 26 Juin 2008
RG20070550
Cour d'appel de GRENOBLE
du 23 Avril 2009
RG 08/03374
Cour de Cassation de PARIS
du 01 Juillet 2010
RG : 09/15314
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2011
APPELANTE :
URSSAF DE LA DROME
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par M. [D] [S]
en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉE :
SAS PATUREL
Dont le siège est
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jacques SABATIER,
avocat au barreau de VALENCE
substitué par Me Ludovic DALOZ
avocat au barreau de VALENCE
PARTIES CONVOQUÉES LE : 05 Mai 2011
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Novembre 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Assistées pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Décembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Suzanne TRAN, Adjoint assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la DROME a procédé à un contrôle des comptes de la S.A.S. PATUREL au sein du cabinet de l'expert comptable sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; à l'issue du contrôle, elle a opéré un redressement sur trois chefs : en premier lieu, au titre de la participation patronale à la prévoyance et à la retraite supplémentaire des salariés, en deuxième lieu au titre de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels et en troisième lieu au titre de la réduction des cotisations prévue par la loi FILLON.
Le 3 octobre 2007, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la DROME a fait signifier à la S.A.S. PATUREL une contrainte décernée le 1er octobre 2007 pour obtenir le paiement de la somme de 13.354 euros au titre des cotisations et majorations de retard.
La S.A.S. PATUREL a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de VALENCE.
Seuls sont en litige les chefs de redressement concernant la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels et la réduction des cotisations prévue par la loi FILLON ; est uniquement en cause le salarié, [O] [B].
Par jugement du 26 juin 2008, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :
- validé la contrainte pour son entier montant de 13.354 euros,
- mis à la charge de la S.A.S. PATUREL les frais de signification de la contrainte et des actes de procédure nécessaires à son exécution,
- débouté l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de sa demande fondée sur les frais irrépétibles.
La S.A.S. PATUREL a interjeté appel.
Par arrêt du 23 avril 2009, la Cour d'Appel de GRENOBLE a :
- infirmé le jugement,
- annulé la contrainte,
- condamné l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales à verser à la S.A.S. PATUREL la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la DROME a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 1er juillet 2010, la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de GRENOBLE, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la Cour d'Appel de LYON.
L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la DROME a régulièrement saisi la Cour de renvoi.
Par conclusions visées au greffe le 15 novembre 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. PATUREL :
- affirme qu'elle a respecté le formalisme exigé pour bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels puisque le salarié visé, [O] [B], a signé un coupon-réponse le 7 juillet 2003 lequel a été transmis à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales le 18 juin 2007,
- soutient que le coupon-réponse n'a pas été anti-daté et établi pour les besoins du redressement et en veut pour preuve une attestation du salarié,
- explique que ce coupon-réponse se trouvait aux archives du siège de la société et non au cabinet de l'expert-comptable où s'est déroulé le contrôle,
- précise que [O] [B], voyageur-représentant-placier, est le seul salarié concerné par le dispositif,
- fait valoir que l'admission de la déduction forfaitaire spécifique a pour effet de ramener les salaires de [O] [B] à un montant qui ouvre droit à la réduction prévue par la loi FILLON,
- demande donc l'annulation de la contrainte sur ces deux points,
- reproche à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales une légèreté qui lui a été préjudiciable et réclame la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- sollicite la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales aux dépens.
Par conclusions visées au greffe le 15 novembre 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la DROME :
- expose que la déduction forfaitaire spécifique obéissait jusqu'au 7 août 2005 aux conditions fixées par la lettre circulaire n 2005-077 du 3 mai 2005 qui a introduit une tolérance administrative et a obéi postérieurement au 7 août 2005 à l'arrêté du 25 juillet 2005,
- précise que les deux régimes sont identiques en ce qu'ils exigent, à défaut de convention ou d'accord collectif, un accord du salarié concerné pour la déduction forfaitaire spécifique,
- objecte que la S.A.S. PATUREL a fourni après le contrôle une attestation que ne suit pas le formalisme impératif de l'accusé de réception,
- ajoute que le contrôle a été effectué au sein du cabinet de l'expert-comptable à la demande de la société,
- considère que le refus de la déduction forfaitaire fait passer le montant du salaire brut de [O] [B] au dessus du plafond permettant la réduction prévue par la loi FILLON,
- demande la validation de la contrainte pour son entier montant de 13.354 euros et la condamnation de la S.A.S. PATUREL à lui verser la somme de 13.354 euros, outre 71,45 euros de frais de signification.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 qui détermine les conditions dans lesquelles les employeurs peuvent pratiquer, sur l'assiette des cotisations sociales, une déduction forfaitaire spécifique a été annulé par le Conseil d'Etat le 29 décembre 2004 ; cette pratique a donc été privée de fondement jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 25 juillet 2005, soit le 7 août 2005, lequel n'a pas rétabli rétroactivement l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002.
La période concernée par le contrôle a couru du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; du 1er janvier 2004 au 7 août 2005 la déduction résultait d'une simple tolérance administrative dont les conditions d'application relevaient de l'appréciation exclusive de l'organisme de recouvrement ; du 7 août 2005 au 31 décembre 2006 s'est appliqué l'arrêté du 25 juillet 2005.
L'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 tel qu'issu de l'arrêté du 25 juillet 2005 dispose:
' L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. A défaut, il appartiendra à chaque salarié d'accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l'objet d'une procédure mise en 'uvre par l'employeur consistant à informer chaque salarié individuellement, par lettre recommandée avec accusé de réception, de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagné d'un coupon-réponse d'accord ou de refus à retourner par le salarié. Lorsque le travailleur salarié ou assimilé ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord définitif.'
La tolérance administrative posait des conditions identiques.
Ainsi, pour la période concernée par le contrôle, il appartient à la S.A.S. PATUREL, en l'absence d'accord collectif, en l'absence d'accord du comité d'entreprise ou des délégués du personnel et en l'absence de mention dans le contrat de travail ou un avenant, de prouver qu'elle a informé [O] [B] par lettre recommandée avec accusé de réception des conséquences du dispositif sur la validation de ses droits.
La société produit un coupon-réponse daté du 7 juillet 2003 qui montre que le salarié a accepté la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels ; toutefois, le nom du salarié ne figure pas ; [O] [B] a attesté que, le 7 juillet 2003, il avait été informé de l'application de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels de 30 % et avait donné son accord.
Toutefois, la S.A.S. PATUREL ne prouve pas qu'elle ait informé [O] [B] des conséquences du dispositif sur la validation de ses droits par lettre recommandée avec accusé de réception ; il s'ensuit que le formalisme exigé pour bénéficier de la déduction spécifique forfaitaire pour frais professionnels n'a pas été respecté ; dès lors, la S.A.S. PATUREL ne peut pas bénéficier de cette déduction.
Dans ces conditions, le redressement au titre de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est bien fondé ; son montant n'est pas discuté.
Du fait du rejet de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, le montant du salaire de [O] [B] excède le plafond au dessus duquel l'entreprise ne peut plus bénéficier de la réduction des cotisations prévue par la loi FILLON.
Dans ces conditions, le redressement au titre de la réduction des cotisations prévue par la loi FILLON est bien fondé ; son montant n'est pas discuté.
Le redressement au titre de la participation patronale à la prévoyance et à la retraite supplémentaire des salariés n'est pas en litige, ni dans son principe ni dans son montant.
En conséquence, la contrainte doit être validée pour son entier montant de 13.354 euros et le jugement entrepris doit être confirmé.
La S.A.S. PATUREL doit être condamnée à verser à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la DROME la somme de 13.354 euros, outre 71,45 euros de frais de signification de contrainte.
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a étendu la condamnation aux frais des actes de procédure nécessaires à l'exécution de la contrainte, aucune demande n'étant présentée en ce sens devant la Cour.
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La S.A.S. PATUREL succombe ; en conséquence sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.
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L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter la S.A.S. PATUREL de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure devant les juridictions de sécurité sociale étant gratuite et sans frais, la demande de la S.A.S. PATUREL relative aux dépens est dénuée d'objet.
La S.A.S. PATUREL, appelant succombant, doit être dispensée du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a validé la contrainte signifiée le 3 octobre 2007 pour son entier montant de 13.354 euros et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a étendu la condamnation aux frais des actes de procédure nécessaires à l'exécution de la contrainte,
Statuant à nouveau,
Condamne la S.A.S. PATUREL à verser à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la DROME la somme de 13.354 euros, outre 71,45 euros de frais de signification de contrainte,
Ajoutant,
Déboute la S.A.S. PATUREL de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute la S.A.S. PATUREL de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Juge dénuée d'objet la demande de la S.A.S. PATUREL relative aux dépens,
Dispense la S.A.S. PATUREL, appelant succombant, du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
Le GreffierLe Président
Suzanne TRANNicole BURKEL