R. G : 11/ 00760
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 24 Avril 2012
Décision du Tribunal d'Instance de LYON Référé du 17 décembre 2010
ch no RG : 12. 10. 2244
X...
C/
Y... A...
APPELANTE :
Madame Zina X... née le 14 Septembre 1955 à TUNIS (Tunisie)...... 42323 ROANNE CEDEX
représentée par a SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assistée de Me Sylvain FLICOTEAUX, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 006767 du 21/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMES :
Monsieur Aimé Y...... 69160 TASSIN LA DEMI LUNE
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
Madame Simone A... épouse Y...... 69160 TASSIN LA DEMI LUNE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 07 Novembre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Février 2012
Date de mise à disposition : 24 Avril 2012
Audience présidée par Pascal VENCENT, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Françoise CLEMENT, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte sous seing privé du 1er août 2003, monsieur Y... Aimé et madame A... Simone épouse Y... donnaient à bail d'habitation à madame X... Zina un logement sis... 69160 Tassin La Demi Lune. Le bail était consenti pour une période de trois ans renouvelable, avec prise d'effet le jour de sa signature et contre paiement d'un loyer mensuel initial de 590 euros hors charges et taxes récupérables.
Par procès-verbal de saisie conservatoire du 23 novembre 2010, il a été constaté que les lieux loués étaient manifestement inoccupés.
Par acte d'huissier du 2 décembre 2010, les époux Y... assignaient madame X... devant le juge des référés du tribunal d'instance de Lyon aux fins de la voir condamner au paiement d'un arriéré de loyer à hauteur de 16. 557, 05 euros, de faire constater l'abandon des lieux et d'obtenir une résiliation-expulsion du bail avec indemnités d'occupation.
Monsieur et madame Y... soutenaient que madame X... avait quitté les lieux sans faire état de ce départ. Madame X... ne comparaissait pas.
Par ordonnance du 17 décembre 2010, le juge des référés du tribunal d'instance de Lyon a condamné madame X... à verser aux époux Y... la somme provisionnelle de 16. 557, 05 euros correspondant à l'arriéré de loyer et charges dus au 31 décembre 2010 ; constaté la résiliation du bail entre les parties par l'abandon des lieux de madame X... ; autorisé son expulsion ; fixé le montant de l'indemnité d'occupation à hauteur du loyer et rejeté la demande de suppression des délais prévus par l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991.
Par procès-verbal du 18 janvier 2011, l'ordonnance de référé ainsi que le commandement de quitter les lieux ont été signifiés à madame X....
Selon procès-verbal du 10 juin 2011, il a été procédé à son expulsion. Ce procès-verbal lui a été signifié par acte d'huissier le jour même.
Madame X... Zina a relevé appel de la décision selon déclaration du 2 février 2011, elle demande à la cour de constater que l'assignation devant le tribunal d'instance de Lyon ne lui a pas été délivrée à personne. Elle fait valoir que les époux Y... se sont abstenus de dire qu'elle était incarcérée et ont fait preuve de mauvaise foi dans la conduite de la procédure et des actes effectués à son encontre.
Il est encore demandé à la cour de constater que l'abandon des lieux invoqué par les époux Y... n'est pas caractérisé puisque selon madame X... il ne s'agit que d'une absence et qu'elle a d'ailleurs confié la gestion du bien à une personne de confiance. Elle demande donc à la cour que soit ordonnée la main levée de la saisie conservatoire effectuée par les époux Y... par acte du 23 novembre 2010.
Enfin madame X... demande à la cour de constater que le décompte et le montant de sa créance locative souffrent d'une contestation sérieuse, à tout le moins de lui accorder les plus larges délais de paiement par un échelonnement sur 24 mois.
Il conviendrait en tout état de cause pour la cour de dire qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner les époux Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A l'opposé, monsieur et madame Y... sollicitent de la cour, selon les conclusions signifiées le 21 septembre 2011, la confirmation en tous points de l'ordonnance de référé du 17 décembre 2010. Ils soutiennent que la résiliation du bail a été justement prononcée en application de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1985, les lieux étant manifestement inoccupés au moment de l'établissement du procès-verbal de saisie conservatoire.
Ils demandent également à la cour de constater que le solde débiteur dû par madame X... arrêté au mois de septembre 2011 est de 23. 955, 14 euros outre intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2010.
Les époux Y... sollicitent enfin la condamnation de madame X... au paiement de la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2011.
MOTIFS ET DECISION
Sur les modalités de délivrance de l'assignation
L'article 655 du code de procédure civile dispose que : « Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise ».
La lecture du procès-verbal d'huissier du 2 décembre 2010 permet à la cour de constater que l'assignation a été délivrée au domicile de madame X... ; aucun autre élément ne prouve que les époux Y... étaient au courant de son incarcération ; les diligences nécessaires ont bien été accomplies.
Il résulte de ces éléments que madame X... a été assigné régulièrement. Il convient donc de dire l'ordonnance de référé du 17 décembre 2010 réputée contradictoire par application de l'article 473 du code de procédure civile.
Sur les sommes dues au titre des loyers impayés
-Sur le décompte et le montant de la créance Aux termes de l'article 849 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision de créance ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le contrat de bail convenu entre les parties le 1 août 2003 permet à la cour de constater que madame X... est bien débitrice d'une obligation de paiement des loyers.
Les époux Y... produisent aux débats l'historique des décomptes manuscrits faisant état des paiements effectués par madame X... au titre de sa créance locative. Il n'est pas contesté que ces décomptes ont été réalisés de façon unilatérale et ne sont pas authentiques.
Mais il s'avère par ailleurs, selon la page 6 des conclusions de madame X..., qu'elle reprend elle-même pour partie ce décompte dans ses développements.
Selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; l'article 954 alinéa 1 du même code dispose que : « les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée ».
En l'espèce, la lecture des conclusions produites par madame X... permet à la cour de constater que seule la somme correspondant à la différence entre 11. 017, 42 euros et 16. 557, 05 euros est expressément et sérieusement contesté par l'appelante, la somme de 11. 017, 42 euros elle ne l'est pas.
Il résulte de l'ensemble des ces éléments que la créance locative de madame X... à hauteur de 11. 017, 42 euros ne souffre d'aucune contestation sérieuse ; madame X... ne justifiant pas du paiement de cette somme, elle en est toujours débitrice.
Il convient donc de condamner Madame X... au paiement de la somme de 11. 017, 42 euros au profit des époux Y....
- Sur le délai de paiement
L'article 24 alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que : « Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement, dans les conditions prévues aux article 1244-1 (premier alinéa) et 1244-2 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative ».
L'article 1244-1 alinéa 1 du code civil dispose que « Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. » et aux termes de l'article 1244-2 dudit code, l'octroi d'un délai par le juge en application de l'article 1244-1 a pour conséquence de suspendre les procédures d'exécution engagées par le créancier ainsi que de faire cesser les majorations dues pendant le délai fixé.
En l'espèce, les conclusions des deux parties permettent à la cour de constater que Madame X... perçoit une indemnité de 200 à 300 euros par mois dans le cadre du travail effectué aux ateliers du centre de détention ; aucun autre élément versé aux débats ne permet de justifier d'un moyen permettant à madame X... de régler sa dette locative. Quant aux époux Y..., il n'est pas sérieusement constable qu'ils sont créanciers d'une somme de 11. 017, 42 euros.
Il résulte de ces éléments que la situation de madame X... ne lui permet pas de régler sa dette ; que ni la situation de cette dernière ni celle des époux Y... ne justifie l'octroi d'un délai de paiement au profit de madame X....
Il convient donc de rejeter la demande de délai de paiement. L'ordonnance de référé sera donc réformée de ce chef.
Sur la résiliation du bail
-Sur la résiliation par abandon
Aux termes de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1989 l'abandon du domicile par le locataire provoque la résiliation de plein droit du bail.
La notion d'abandon s'entend de façon stricte et suppose un départ brusque et imprévisible du domicile par le locataire.
En l'espèce, le procès verbal de saisie conservatoire du 23 novembre 2010 permet à la cour de constater que : « les lieux loués étaient inhabités, l'électricité coupée et le réfrigérateur vide » ; aux termes du procès-verbal d'expulsion en date du 10 juin 2011, il est cette fois précisé que : « les lieux sont manifestement inoccupés ».
Selon le certificat de présence en centre de détention produit par madame X..., elle est incarcérée depuis le 27 mai 2010. L'incarcération est par nature brusque et imprévisible.
L'ensemble de ces éléments permet de caractériser l'abandon des lieux par madame X.... Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a ordonné la résiliation du bail entre les parties par abandon des lieux et d'autoriser l'expulsion de madame X... par application de la loi du 9 juillet 1991.
- Sur la régularité de la procédure
Aux termes de l'article 2 du code civil la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif.
La loi no2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit un article 14-1 à la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. La loi susvisée est entrée en vigueur le 23 décembre 2010.
En l'espèce, l'assignation a été délivrée le 2 décembre 2010 par acte d'huissier produit aux débats et non contesté. Il résulte donc de ces éléments que l'assignation est antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, ledit article n'est donc pas applicable au présent litige. Il convient donc de dire la procédure exercée à l'égard de madame X... régulière.
- Sur l'indemnité d'occupation
L'indemnité d'occupation vise à réparer le préjudice de non disposition des lieux par le bailleur. Elle peut être octroyée jusqu'au départ effectif du locataire ayant fait l'objet d'un commandement de quitter les lieux.
En l'espèce, il a été régulièrement commandé à madame X... de quitter les lieux par acte du 27 janvier 2011.
Aux termes du « procès-verbal d'expulsion (meubles laissés sur place) » du 10 juin 2011, la cour constate que les époux Y... ne peuvent pas disposer des lieux. L'ensemble de ces éléments permet de constater que monsieur et madame Y... connaissent un préjudice justifiant le versement d'une indemnité d'occupation par madame X.... Il convient donc de confirmer l'ordonnance de référé sur ce chef.
Sur la procédure d'expulsion
L'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que : « Si l'expulsion porte sur un local affecté à l'habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu, sans préjudice des dispositions des articles L. 613-1 à L. 613-5 du code de la construction et de l'habitation, qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement. Toutefois, par décision spéciale et motivée, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai. Lorsque l'expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d'une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l'année considérée ou des circonstances atmosphériques, le délai peut être prorogé par le juge pour une durée n'excédant pas trois mois. »
En l'espèce, il a été commandé à Madame X... de quitter les lieux par procès-verbal du 27 janvier 2011 ; aucun délai n'a été accordé ; la trêve hivernale s'étend du 1er novembre au 15 mars ; selon procès-verbal d'huissier il a été procédé à l'expulsion de madame X... le 10 juin 2011 soit 4 mois et 15 jours après ledit commandement et en tout état de cause dans le respect des dispositions de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991.
Il convient donc de constater que la procédure d'expulsion de madame X... est régulière.
Sur la mauvaise foi des époux dans la conduite de la procédure et les actes effectués Aux termes de l'article 2274 du code civile la bonne foi est toujours présumée, c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver.
En l'espèce, selon les conclusions d'appel de madame X... page 3 : « La cour ne pourra donc, et en premier lieu, que relever la particulière mauvaise foi avec laquelle les époux Y... ont entendu mener la présente procédure et s'abstenir de faire délivrer à personne l'assignation en référé introductrice, privant ainsi madame X... de son droit à bénéficier d'un premier degré de juridiction. ». Cet élément à lui seul ne permet en aucun cas de caractériser la mauvaise foi des époux Y... ; aucun autre élément versé aux débats ne rapporte la preuve de la mauvaise foi de monsieur et madame Y....
La réalité de la mauvaise foi des époux Y... n'est pas caractérisée, il convient donc de retenir la bonne foi des époux Y... dans la conduite de la procédure et des actes effectués.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il n'y a pas lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'une quelconque des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR Réforme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal d'instance de Lyon le 17 décembre 2010 en ce qu'elle a condamné madame X... Zina au paiement d'une somme de 16. 557, 05 euros à titre provisionnel et débouté monsieur Y... Aimé et madame A... Simone épouse Y... de leur demande visant à la suppression des délais prévus à l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991,
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que l'assignation de madame X... Zina devant le juge des référés du tribunal d'instance de Lyon est régulière,
Dit la procédure prévue à l'article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 inapplicable au litige,
Dit la procédure d'expulsion de madame X... Zina régulière,
Dit monsieur Y... Aimé et madame A... Simone épouse Y... de bonne foi dans la conduite de la procédure et des actes effectués,
Constate que la créance de madame X... Zina n'est pas sérieusement contestable à hauteur de 11. 017, 42 euros,
Condamne madame X... Zina à payer à monsieur Y... Aimé et madame A... Simone épouse Y... la somme de 11. 017, 42 euros à titre provisionnel,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne madame X... Zina aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires qui en ont fait la demande.
Le greffierLe président