R.G : 11/00811
Décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE
Au fond
du 02 décembre 2010
RG : 09.00452
ch n°
SARL SEBAG IMMOBILIER
C/
[P]
[K]
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 30 Mai 2012
APPELANTE :
SARL SEBAG IMMOBILIER
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON,
assistée de Me Olivier MAZOYER, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. [V] [P]
né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 11] (39)
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avocats au barreau de LYON
assisté de la SELARL REBOTIER ROSSI ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON,
Mme [L] [K] épouse [P]
née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 11] (39)
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par a SCP BRONDEL TUDELA, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL REBOTIER ROSSI ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON,
******
Date de clôture de l'instruction : 24 Avril 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Avril 2012
Date de mise à disposition : 30 Mai 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Christian RISS, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Christian RISS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Monsieur et Madame [P] ont signé le 2 novembre 2007 avec la SàRL SEBAG IMMOBILIER un compromis pour la vente d'un terrain dont ils sont propriétaires sur la commune de [Localité 8] au prix de 270 000,00 €, avec versement d'un dépôt de garantie de 13'000 €, prévoyant la réitération de l'acte au plus tard le 1er octobre 2008, ainsi que les conditions suspensives suivantes :
- l'obtention par l'acquéreur au plus tard le 30 juin 2008 d'un permis de construire pour la construction d'une maison d'habitation comprenant deux logements indépendants,
- la justification par acquéreur auprès du vendeur du dépôt de la demande de permis de construire au plus tard le 30 janvier 2008, celle-ci devant impérativement être conforme à la réglementation en vigueur sur la commune de [Localité 8].
La société SEBAG IMMOBILIER a déposé son dossier de demande de permis de construire à la mairie de [Localité 8] le 21 janvier 2008, soit dans le délai requis.
Après que la Direction Départementale de l'Equipement (DDE) ait émis un avis défavorable au projet le 26 février 2008, le maire de [Localité 8] a refusé par arrêté du 3 avril 2008 la délivrance du permis de construire sollicité aux motifs que :
- l'étude de géotechnique n'avait pas été fournie,
- l'architecte des bâtiments de France avait conclu que le projet n'était pas acceptable.
Prenant acte de ce refus, la société SEBAG IMMOBILIER a sollicité le 8 avril 2008 la restitution du dépôt de garantie de 13'000 € préalablement versé. Les époux [P] s'y sont opposés en faisant valoir que si le permis de construire n'avait pas été obtenu, la raison en tenait au non-respect du plan local d'urbanisme applicable et de la réglementation en vigueur sur la commune de [Localité 8], contrairement aux engagements pris dans le compromis.
Après avoir été mis en demeure de restituer l'acompte versé, Monsieur et Madame [P] ont saisi le tribunal de Bourg-en-Bresse aux fins de voir la société SEBAG IMMOBILIER condamnée à leur payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 26'000 € à titre de clause pénale prévue par le compromis et celle de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en faisant valoir que les conditions suspensives avaient défailli par la faute de la société SEBAG IMMOBILIER de sorte qu'elles étaient réputées accomplies et que la vente était parfaite.
La société SEBAG IMMOBILIER s'est opposée à cette demande et a sollicité reconventionnellement la condamnation des époux [P] à lui restituer la somme de 13'000 € ainsi qu'à lui payer celle de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement rendu le 2 décembre 2010, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a débouté les parties tant de leur demande principale que reconventionnelle, et a rejeté leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré tout d'abord qu'il ne pouvait être reproché à la société SEBAG IMMOBILIER de ne pas avoir joint à sa demande de permis de construire l'étude géotechnique, alors que ce document avait finalement été produit au dossier et qu'en tout état de cause il n'était pas nécessaire pour permettre au maire de statuer sur la demande de permis de construire.
En outre, la société SEBAG IMMOBILIER avait bien joint à sa demande de permis de construire l'attestation de l'architecte du projet certifiant la réalisation d'une étude préalable et constatant que le projet prenait bien en compte les conditions imposées par le plan prévention des risques naturels ou celui de prévention des risques technologiques, conformément aux exigences de l'article R. 431 ' 16 c du code de l'urbanisme.
Le tribunal a toutefois relevé que l'architecte des bâtiments de France avait indiqué que, pour être acceptable, le projet présenté par la société SEBAG IMMOBILIER devait être modifié par :
- la mise en place de tuiles romanes de couleur rouge,
- la modification de la forme des couvertures « à deux pentes, sans forme de sifflet ou de pointe»,
- la modification de la teinte des tuiles,
- la modification de la teinte des menuiseries extérieures,
et que la société SEBAG IMMOBILIER n'avait pas effectué la moindre modification de son projet ou démarche pour s'y conformer, condamnant fatalement celui-ci à un refus de l'administration, alors qu'elle disposait encore du temps nécessaire pour intégrer à son projet ces modifications minimes, commettant de la sorte une faute permettant de considérer que la condition suspensive était réputée accomplie et la vente parfaite. Dans ces conditions, elle ne pouvait obtenir le remboursement de la somme de 13'000 € correspondant au dépôt de garantie.
Le tribunal a rejeté par ailleurs la demande présentée par les époux [P] en application de la clause pénale, en estimant que celle-ci n'avait vocation à s'appliquer que dans le seul cas où l'une des parties poursuivait la réitération de la vente et son exécution, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
La société SEBAG IMMOBILIER a relevé appel de cette décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande reconventionnelle, et sollicite la condamnation des consorts [P] à lui payer la somme de 13'000 € outre intérêt à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2008, ou subsidiairement à compter de l'assignation.
Elle soutient que si le tribunal a justement apprécié que le refus du permis de construire relativement à la question de l'étude géotechnique ne lui était pas imputable, il n'en a pas tiré la conséquence en lui permettant de recouvrer le dépôt de garantie, alors qu'il aurait dû considérer que la condition suspensive relative à l'obtention du permis de construire était défaillie sans faute de sa part, et que le permis de construire aurait été en tout état de cause rejeté, même si l'avis de l'architecte des bâtiments de France avait été favorable.
Elle prétend en outre que le courrier de l'architecte des bâtiments de France ne comporte aucune mention d'un avis défavorable justifiant le refus de délivrance du permis de construire, mais qu'il déclare au contraire le projet acceptable sous réserve de quatre modifications, de sorte que la DDE et la commune de [Localité 8] en ont fait une lecture erronée et tendancieuse, alors que cette dernière aurait dû solliciter elle-même les adaptations mineures demandées et non refuser purement et simplement le permis de construire.
Elle fait également observer que si le tribunal a considéré qu'elle aurait pu déposer une nouvelle demande de permis de construire, disposant du temps nécessaire pour le faire, la promesse de vente ne l'obligeait en rien à contester les termes de l'arrêté de refus de permis de construire, l'acquéreur disposant alors du droit absolu de se prévaloir du refus sans être contraint de le contester ou de déposer une nouvelle demande.
Monsieur [V] [P] et son épouse concluent pour leur part à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société SEBAG IMMOBILIER de sa demande de restitution de la somme de 13'000 €, en prétendant qu'elle n'a jamais réellement eu l'intention de procéder à l'acquisition du terrain, après avoir abandonné un premier compromis signé en 2007.
En effet, si elle avait contacté la commune pour régler la difficulté et l'erreur matérielle tenant à la présence au dossier de l'étude géotechnique, le permis de construire n'aurait pas été refusé. En outre, celui-ci lui ayant été notifié le 3 avril 2008, elle aurait pu apporter les modifications demandées par l'architecte des bâtiments de France pour en obtenir un nouveau, disposant du temps nécessaire jusqu'au 30 juin 2008 pour ce faire, mais qu'elle s'en est abstenue, préférant abandonner son projet sans obtenir son permis de construire. Dès lors, la condition suspensive doit être réputée accomplie.
Les époux [P] indiquent par ailleurs qu'ils n'entendent pas mettre en oeuvre la procédure de réitération forcée, de sorte qu'ils ne présentent pas devant la cour de demande de condamnation au paiement de la clause pénale, précisant toutefois subir un préjudice tenant à la perte de valeur de leur parcelle depuis sa vente à la société SEBAG IMMOBILIER.
Ils sollicitent enfin l'octroi d'une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures en réplique, la société SEBAG IMMOBILIER relève que les époux [P] renoncent à présenter une demande de condamnation au paiement de la clause pénale. Or le compromis stipule expressément que la somme de 13'000 € ne constitue rien d'autre qu'une clause pénale, de sorte qu'en renonçant à solliciter le paiement de la clause pénale, ils ne s'opposent pas à sa demande tendant à obtenir la restitution de ladite somme de 13'000 €.
À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait à considérer que la défaillance de la condition suspensive dans ses deux branches lui est imputable, elle demande la réduction de la clause pénale de 13'000 € à l'euro symbolique.
DISCUSSION :
Aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
Il apparaît en l'espèce que l'arrêté du maire de [Localité 8] refusant à la société SEBAG IMMOBILIER le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la construction d'une maison individuelle a été motivé par le fait que l'étude géotechnique n'avait pas été fournie et que l'architecte des bâtiments de France avait indiqué que le projet n'était pas acceptable dans la Z.P.P.A.U.P.
Dès qu'elle a eu connaissance de cet arrêté, la société SEBAG IMMOBILIER s'est empressée, par lettre de son notaire du 8 avril 2008, de solliciter le remboursement du dépôt de garantie de 13 000 € qu'elle avait versé.
Elle n'ignorait toutefois pas que cette décision de refus résultait d'une méprise tenant d'une part au fait que l'étude géotechnique n'avait pas à être jointe au dossier, seule l'attestation de l'architecte du projet certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prenait en compte ces conditions au stade de la réalisation, qui avait été communiquée, était nécessaire, ainsi que le chef d'antenne de la Direction Départementale de l'Equipement l'a reconnu dans une lettre du 6 juin 2008 versée aux débats, et d'autre part que l'architecte des bâtiments de France ne s'était pas véritablement opposé au projet, mais avait seulement demandé, pour le rendre acceptable dans la Z.P.P.A.U.P. , des modifications considérées comme mineures par toutes les parties, et qu'elle aurait pu aisément accepter.
La société SEBAG IMMOBILIER avait au demeurant l'obligation, aux termes du compromis de vente du 2 novembre 2007, de formuler une demande de permis de construire conforme à la réglementation en vigueur sur la commune de [Localité 8].
Son projet n'étant pas acceptable en l'état dans la Z.P.P.A.U.P. selon l'avis de l'architecte des bâtiment de France, il lui appartenait en conséquence d'en formuler un nouveau tenant compte des modifications qu'il proposait pour être conforme à la réglementation en vigueur.
Il lui revenait également d'intervenir auprès de la mairie de [Localité 8] pour attirer son attention sur le fait qu'il existait bien une étude géotechnique et que celle-ci avait été attestée par l'architecte du projet, de sorte que l'erreur aurait pu être corrigée et le permis de construire accordé.
Aussi, en s'abstenant de procéder à ces démarches , la société SEBAG IMMOBILIER n'a pas exécuté de bonne foi les obligations mises à sa charge par le compromis de vente, et alors même qu'elle disposait d'un délai expirant le 30 juin 2008 pour l'obtention du permis de construire.
Il importe dès lors de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE en ce qu'il a considéré que le permis de construire n'avait pu être accordé à la société SEBAG IMMOBILIER en raison de sa faute, et que la condition suspensive était dès lors réputée accomplie et la vente parfaite.
Il a également estimé à bon droit que la sanction de l'inexécution de la condition suspensive par la faute de l'acquéreur résidait dans la non restitution du dépôt de garantie qui restait acquis au vendeur en application des dispositions énoncées en page 8 du compromis, et a débouté la société SEBAG IMMOBILIER de sa demande en restitution de la somme de 13.000 €.
Cette dernière est au demeurant mal fondée à soutenir que les époux [P] y auraient renoncé en s'abstenant de renouveler devant la cour leur demande de condamnation au paiement de la clause pénale, dans la mesure où les dispositions contractuelles énoncent que, dans cette hypothèse le dépôt de garantie restera acquis de plein droit au vendeur à titre précisément de clause pénale, alors qu'ils n'ont en réalité entendu renoncer qu'au paiement tout différent de la clause pénale de 10 % du prix convenu en cas de défaut de régularisation de la vente par acte authentique et ont sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société SEBAG IMMOBILIER de sa demande en restitution de la somme de 13000 €.
Par ailleurs, l'article 700 du code de procédure civile commande que soit allouée à la Monsieur et Madame [P] une indemnité au titre des frais et débours irrépétibles et non compris dans les dépens qu'ils se sont vus contraints d'exposer du fait de la présente procédure. L'équité commande toutefois d'en limiter le montant à 1.200,00 €.
Enfin, la société SEBAG IMMOBILIER, qui ne voit pas aboutir ses prétentions, ne peut obtenir l'indemnité qu'elle sollicite sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 décembre 2010 par le tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL SEBAG IMMOBILIER à payer à Monsieur [V] [P] et à Madame [L] [K] épouse [P] la somme de 1 200,00 € (MILLE DEUX CENTS EUROS) en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE LA SARL SEBAG IMMOBILIER de ses prétentions sur le fondement du même article et
LA CONDAMNE aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP BRONDEL & TUDELA sur son affirmation de droit.
Le greffierLe président