R.G : 11/08656
Décision de la Cour d'Appel de LYON au fond du 13 septembre 2011
RG : 2010/03623
ch n°1
[D]
C/
[L]
LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE- ALPES (CERA anciennement CERAL)
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 19 Juin 2012
APPELANT :
M. [M] [D]
né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 10] (Egypte)
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par la SCP Elisabeth LIGIER de MAUROY & Laurent LIGIER, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Malik NEKAA, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. [J] [L]
né le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 15] (Algérie)
[Adresse 1]
[Localité 8]
représenté par Me Annick de FOURCROY, avocat au barreau de LYON,
LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE-ALPES
(CERA anciennement CERAL)
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avocats au barreau de LYON, assistée de la la SELARL CROSET--BROQUET ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 14 Mai 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mai 2012
Date de mise à disposition : 19 Juin 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Christian RISS, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
Dans le cadre d'une promesse de vente d'un bien immobilier du 26 novembre 2001, dont la validité est contestée, Monsieur [M] [D] a établi deux chèques sans provision de 100.000 francs (30.489,80 euros au total) à l'ordre de Monsieur [L], tirés sur son compte à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes. Quelques jours plus tard, il a fait opposition au paiement des chèques au motif de 'perte'. La Caisse d'Epargne a procédé au paiement des deux chèques remis à l'encaissement le 31 décembre 2001.
La Caisse d'Epargne a assigné Monsieur [D] en paiement de la somme de 30.489,80 euros, en application de l'article 1377 du code civil. Monsieur [D] a appelé en cause Monsieur [L]. La Caisse d'Epargne a sollicité la condamnation in solidum de Monsieur [D] et de Monsieur [L] au paiement de la somme de 30.489,30 euros
et de dommages intérêts, Monsieur [D] a recherché la responsabilité de la Caisse d'Epargne pour faute de gestion et réclamé des dommages intérêts à Monsieur [L].
Par jugement du 08 avril 2010, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné Monsieur [L] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 30.489,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, et capitalisation de ceux-ci et a rejeté les demandes de la Caisse d'Epargne à l'encontre de Monsieur [D] et les demandes de Monsieur [D] dirigées contre la Caisse d'Epargne et contre Monsieur [L].
Par arrêt du 13 septembre 2011, rendu par défaut, la cour a réformé le jugement, condamné in solidum Monsieur [D] et Monsieur [L] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes la somme de 30.489,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2002, ordonné la capitalisation des intérêts et débouté Monsieur [L] de sa demande en garantie contre Monsieur [D].
Ce dernier a formé opposition à l'arrêt. Il sollicite la condamnation de la Caisse d'Epargne à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages intérêts, celle de Monsieur [L] à lui payer au même titre la somme de 10.000 euros, la mainlevée d'une saisie conservatoire sur la somme de 14.000 euros, la condamnation de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance à lui verser les intérêts légaux sur cette somme depuis la saisie conservatoire, et à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et téméraire.
Il soutient que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance a commis une faute contractuelle dans la gestion de son compte bancaire, et que Monsieur [L] a commis une faute en tentant d'encaisser les chèques en violation de la loi SRU.
Il fait valoir que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance ne peut agir à son encontre en répétition de l'indu, puisqu'il n'a pas reçu de paiement et que c'est au contraire son compte qui a été débité, et qu'elle ne peut non plus exercer une action fondée sur l'enrichissement sans cause dès lors que son patrimoine ne s'est pas trouvé enrichi.
Il considère qu'elle a commis une faute en honorant des chèques alors qu'il ne disposait ni des fonds suffisants sur son compte bancaire ni d'une autorisation de découvert suffisante.
Il expose qu'elle a obtenu du juge de l'exécution l'autorisation d'effectuer une saisie conservatoire sur une somme de 14.000 euros destinée à l'acquisition d'un autre bien immobilier et déposée entre les mains d'un notaire.
Il fait valoir que Monsieur [L] ne pouvait exiger le versement d'une somme d'argent avant l'expiration du délai de rétractation dont il disposait en application de l'article L 271-1 du code de la construction.
La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes conclut à la confirmation du jugement sur la condamnation de Monsieur [L] et à sa réformation sur l'absence de condamnation de Monsieur [D]. Elle sollicite la condamnation in solidum de Monsieur [D] et de Monsieur [L] à lui payer la somme de 30.489,80 euros, ainsi que les intérêts à compter de l'assignation, outre la capitalisation de ceux-ci, et la condamnation de Monsieur [D] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts en raison de sa résistance abusive et de son 'action sur opposition' injustifiée et également abusive.
Elle soutient que l'opposition de Monsieur [D] n'est pas recevable dès lors qu'il ne justifie pas des raisons pour lesquelles il n'a pu comparaître dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 13 septembre 2011;
Elle fait valoir que l'opposition formée par Monsieur [D] au paiement des chèques était illicite, que son compte ne pouvait être débité du montant des chèques en raison d'un solde insuffisant, que la situation débitrice de ce compte est à l'origine de son appauvrissement et, en corrélation, de l'enrichissement de Monsieur [D] et que l'erreur qu'elle a commise ne lui interdit pas de solliciter le remboursement sur le fondement de la répétition de l'indu ou de l'enrichissement sans cause.
A l'égard de Monsieur [L], elle considère qu'elle lui a payé, en lieu et place de Monsieur [D], de manière indue la somme de 30.489,80 euros, et qu'elle est fondée à exercer l'action prévue par l'article 1166 du code civil.
Monsieur [L] a constitué avocat, mais n'a pas conclu.
MOTIFS
Attendu que dès lors que Monsieur [D] a conclu au soutien de son opposition, celle-ci est recevable ;
Attendu que Monsieur [D], qui a effectué une opposition illicite sur les deux chèques au motif erroné de perte de ces effets, était débiteur de Monsieur [L], bénéficiaire des chèques ; que la Caisse d'Epargne a procédé au paiement en ses lieu et place et s'est appauvrie, alors que Monsieur [D] s'est enrichi sans cause au préjudice de la banque qui n'a pu procéder à un débit sur son compte en raison d'un défaut de provision ; que l'erreur commise par la banque ne lui interdit pas de solliciter le remboursement du paiement ainsi opéré ;
Attendu que Monsieur [D] soutient que la Caisse d'Epargne a commis une faute en ne respectant pas l'opposition qu'il avait formée et en honorant les chèques alors qu'il ne disposait ni des fonds suffisants sur son compte bancaire ni d'une autorisation de découvert; que cependant, il ne conteste pas que l'opposition qu'il avait formée au paiement des chèques pour le motif fallacieux de 'perte' était irrégulière ; qu'il ne justifie pas non plus d'un préjudice particulier, alors qu'en établissant ces chèques, il était devenu débiteur de Monsieur [L] ;
Attendu qu'il découle de ce qui précède que la Caisse d'Epargne n'a pas engagé à l'encontre de Monsieur [D] une procédure injustifiée au téméraire ; que ce dernier doit être débouté de ses demandes de dommages intérêts et de mainlevée d'une saisie conservatoire ;
Attendu que Monsieur [L] a commis une faute en exigeant de Monsieur [D] un paiement avant l'issue du délai de rétractation en violation de l'article L 271-2 du code de la construction ; que bien qu'ayant constitué avocat, il n'a pas conclu pour s'opposer à la demande de dommages intérêts formée à son encontre ; qu'il doit en conséquence être condamnée à ce titre à payer à Monsieur [D] la somme de 10.000 euros ;
Attendu que la Caisse d'Epargne n 'établit pas que Monsieur [D] a fait preuve d'un abus dans sa résistance à ses prétentions, d'autant que les prétentions de celui-ci ont été reconnues fondées par le premier juge en ce qui concerne la demande en paiement formée à son encontre ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette l'opposition formée par Monsieur [D],
Dit que l'arrêt rendu le 13 septembre 2011 produira son plein et entier effet,
Déboute Monsieur [D] de ses demandes formées contre la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes,
Déboute la Caisse d'Epargne de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive,
Condamne Monsieur [L] à payer à Monsieur [D] la somme de DIX MILLE EUROS (10.000 EUROS) à titre de dommages intérêts,
Condamne Monsieur [D] à payer à la Caisse d'Epargne la somme supplémentaire de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Monsieur [D] présentée sur ce fondement,
Condamne Monsieur [D] aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par la société Laffly et associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président