R.G : 11/01976
décision du
Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Au fond
du 06 janvier 2011
RG : 09.0045
ch n°
SCI MOKA
C/
SARL HM TRANSACTIONS
SCI DU PORT
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 11 Juillet 2012
APPELANTE :
SCI MOKA
[Adresse 22]
[Localité 1]
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL DELMAS-LAVIROTTE, avocats au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE,
INTIMEES :
SARL HM TRANSACTIONS
[Adresse 3]
[Localité 12]
représentée par Me Eric DUMOULIN, avocat au barreau de LYON
assistée de Me Pascal ULINE, avocat au barreau de LYON,
SCI DU PORT
[Adresse 10]
[Localité 13]
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL PINET BARTHELEMY, avocats au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE,
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Date de clôture de l'instruction : 25 Avril 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Mai 2012
Date de mise à disposition : 11 Juillet 2012
Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président de chambre et Claude MORIN, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Claude MORIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Claude MORIN, conseiller
- Christian RISS, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Par un acte authentique du 3 juin 1987, la SCI du Port a acquis à [Localité 18] un tènement immobilier, situé à l'angle de [Adresse 21] (sur laquelle il porte les numéros 5 et 7) et de la voie communale n° 5, composé d'un grand bâtiment à usage commercial, en façade sur [Adresse 21], figurant au cadastre rénové sous le numéro AI [Cadastre 14], et d'une cour au sud de ce bâtiment sous le numéro AI [Cadastre 11].
Par un acte authentique du 7 mai 1997, la SCI Moka a acquis le fonds voisin, comprenant un grand bâtiment de deux étages, à usage d'habitation, dont la façade Nord correspond aux numéros [Adresse 2] , ainsi qu'un petit bâtiment jouxtant le précédent , côté Ouest, également à usage d'habitation, le tout figurant au cadastre sous le n° AI [Cadastre 15] pour une contenance de 3a9ca.
Les parcelles AI [Cadastre 11] et AI [Cadastre 14] de la SCI du Port ont été divisées par le géomètre-expert [W] . De la division de la parcelle AI [Cadastre 11] sont issues les parcelles AI [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], et de la division de la parcelle AI [Cadastre 14] les parcelles AI [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9]. Le litige concerne la parcelle [Cadastre 9] dont la superficie est de 1a46ca
Le 25 juillet 2006, la SCI du Port a vendu à la société HM Transactions les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 8], puis le 14 décembre 2006, les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 9].
La SCI Moka a revendiqué la propriété d'une partie du bâtiment situé sur la parcelle cadastrée AI [Cadastre 9].
Par un jugement du 6 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône a débouté la SCI Moka de sa demande et l'a condamnée à payer à la société HM Transactions la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à la SCI du Port la somme de 2.000 euros sur ce même fondement.
La SCI Moka a relevé appel.
Dans ses conclusions récapitulatives et en réponse, elle demande à la cour de dire que l'immeuble cadastré AI [Cadastre 9] est sa propriété et qu'il est indûment occupé par la société HM Transactions, dont elle réclame l'expulsion. Elle sollicite la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que son titre, comme les titres antérieurs, décrivent le bien qu'elle a acquis comme comportant un petit bâtiment jouxtant le bâtiment principal côté Ouest, ce qui implique nécessairement que ce petit bâtiment lui appartient ; qu'il suffit de se reporter aux différents actes de ses auteurs, dont Monsieur [I] a fait l'analyse dans le rapport versé aux débats depuis l'acte de vente de 1941 suivi de l'acte d'échange de 1944 ; que si une erreur a pu être commise lors de la révision du cadastre qui a limité la parcelle AI [Cadastre 15] au seul grand bâtiment d'habitation, l'acte de vente du 21 mai 1975 fait toujours état de la remise accolée à l'ouest du grand bâtiment ; que c'est donc aussi par erreur que le géomètre qui a procédé à la division des parcelles de la SCI du Port a inclus dans la parcelle AI [Cadastre 9] la totalité du petit bâtiment situé à l'Ouest de la propriété de la SCI Moka, alors qu'il n'avait jamais été revendiqué, ni même occupé par l'auteur de la société du Port, contrairement à la SCI Moka, qui justifie qu'il a été occupé par le locataire de ses auteurs, puis par son gérant.
Elle soutient avoir avisé en temps utile les parties intimées de sa revendication et que la société HM transactions, qui a cru devoir poursuivre ses travaux, n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité et doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts.
Dans ses écritures notifiées le 11 octobre 2011, la SCI du Port conclut à la confirmation du jugement. Elle maintient que la société HM Transactions est bien propriétaire de la parcelle AI [Cadastre 9] en vertu de son acte du 14 décembre 2006. Elle réclame une indemnité complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, tout d'abord, que son titre de propriété, comme celui de son acquéreur, concordent parfaitement avec celui de la SCI Moka, en sorte qu'il est inutile de se reporter aux actes antérieurs ; qu'elle était propriétaire de bonne foi des parcelles AI [Cadastre 11] et [Cadastre 14] d'une contenance de 65a87ca, pour les avoir acquises de la société Europhane qui elle-même les a acquises sous les mêmes références cadastrales de la société Sofravin et des époux [O] ; que le document d'arpentage de Monsieur [W] a repris les références cadastrales, lesquelles correspondent exactement aux contenances indiquées dans les actes de vente successifs ainsi qu'aux numéros de voieries administratives ; que la seule désignation des immeubles bâtis ne peut servir de fondement à une action en revendication et que la SCI Moka, qui a acquis la parcelle AI [Cadastre 15] d'une superficie de 3a09ca, ne peut prétendre à une contenance supérieure, peu important la composition bâtie ou non de la parcelle acquise. Elle fait observer que la remise attenante dont fait état l'appelante ne peut correspondre à la maison comportant un étage qu'elle revendique.
Disposant, ainsi que la société la société HM Transactions, d'un juste titre et de la qualité de propriétaires de bonne foi depuis le 3 juin 1987, elles affirme qu'elles sont toutes deux fondées à invoquer la prescription acquisitive de 10 ans, ce qui n'est pas le cas de la SCI Moka qui ne dispose pas du juste titre pour la prescription abrégée et ni d'aucun acte de possession effectif depuis trente ans.
Dans ses écritures notifiées le 12 août 2011, la société HM Transactions conclut à la confirmation du jugement sur le rejet des prétentions de la SCI Moka et forme un appel incident sur l'indemnisation de son préjudice.
Elle rappelle que lorsqu'elle est devenue propriétaire de la parcelle litigieuse, la SCI du Port était justement titrée depuis 19 ans et que ses auteurs l'étaient depuis mars 1960. Elle invoque par conséquent la prescription acquisitive de 10 ans et même celle de 30 ans. Elle ajoute que ni les attestations, ni le rapport officieux de Monsieur [I], dont elle demande la nullité, ne peuvent justifier la revendication de l'appelante.
Elle fait observer que depuis son assignation en bornage, la SCI Moka a rendu indisponible son bien qu'elle n'a pu ni louer, ni vendre et que cette immobilisation justifie sa demande en dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros. Elle réclame également la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la mainlevée par la SCI Moka de la publication de sa revendication à la conservation des hypothèques.
Subsidiairement, elle forme un appel en garantie contre la SCI du Port qui en sa qualité de venderesse doit la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et réparer son préjudice consistant dans la perte qu'elle subit du prix d'acquisition de la parcelle litigieuse et du coût des travaux de rénovation qu'elle a engagés (165.315 euros), la SCI Moka devant être condamnée solidairement avec la SCI du Port au remboursement de ces impenses.
DISCUSSION
Le « rapport d'analyse foncière » établi par Monsieur [I] à la requête de la SCI Moka n'a que la valeur d'une pièce communiquée, soumise à l 'appréciation du juge après discussion contradictoire de sa pertinence entre les parties. Il n'existe par conséquent aucune raison d'écarter ce document et encore moins de le déclarer nul.
Selon son titre de propriété, la SCI Moka a acquis un grand bâtiment de deux étages et un petit bâtiment jouxtant le précédent côté Ouest correspondant à la parcelle cadastrée AI [Cadastre 15]. Or, la surface de celle-ci étant entièrement occupée par le grand bâtiment, elle en déduit que le petit bâtiment à l'ouest de son grand bâtiment se trouve sur la parcelle AI [Cadastre 9], issue de la division de la parcelle AI [Cadastre 14], dont est actuellement propriétaire la société HM Transactions.
Il est possible, comme l'indique Monsieur [I] dans son analyse des titres de propriété des auteurs de la SCI Moka, qu'une erreur ait été commise lors de la rénovation du cadastre, ayant consisté à réduire la parcelle AI [Cadastre 15] à la seule implantation du grand bâtiment, et à inclure dans la parcelle AI [Cadastre 14] la petite remise attenante, dont l'existence est mentionnée dans les actes antérieurs de ses auteurs et en tous cas depuis l'acte d'échange des 16 et 19 juin 1944 attribuant à Monsieur [K] un grand corps de bâtiment à usage d'habitation en façade sur [Adresse 21] et le [Adresse 25], et une petite remise attenante à cet immeuble. En tous cas, si une telle erreur a eu lieu, celle-ci est très antérieure à la division de la parcelle de la parcelle AI [Cadastre 14] par la SCI du Port puisqu'elle est déjà entérinée dans l'acte de vente du 26 mars 1960 entre la société Sofravin, les époux [O] et la société SABIR.
Il est donc incontestable que la société HM Transactions dispose d'un juste titre lui ayant transféré le 14 décembre 1966 la totalité de la propriété de la parcelle AI [Cadastre 9] ; qu'elle est fondée à joindre, en application de l'article 2265 du code civil sa possession à celle de son vendeur, la SCI du Port, qui avait elle-même acquis le trois juin 1987 de la société Europhane la parcelle AI [Cadastre 14] dont est issue, après division en 2004, la parcelle AI [Cadastre 9]. La SCI Moka ne démontre pas et n'allègue d'ailleurs même pas la mauvaise foi de la société HM Transactions à la date de son acquisition, ni même celle de la SCI du Port en 1987. En conséquence, c'est à bon droit que la société HM Transactions oppose à l'appelante la prescription abrégée de l'article 2272 du code civil. Toute l'argumentation et les pièces de la SCI Moka tendant à démontrer qu'elle est propriétaire de la maison jouxtant à l'ouest son immeuble sont dès lors inopérantes.
Par sa motivation se substituant à celle du premier juge, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Moka de son action en revendication.
Pendant toute la durée de ce litige, la société HM Transactions, même si elle n'avait n'avait pas interrompu les travaux de rénovation de son bien immobilier, n'a pu ensuite ni le mettre en vente, ni le donner à bail. Mais en l'absence de toute justification sur le montant du loyer qui aurait pu être perçu si le bâtiment, correspondant à la revendication de la SCI Moka avait été mis en location, la cour estime que ce préjudice sera suffisamment réparé par l'allocation d'une indemnité de 18 000 euros.
Il convient de faire droit à sa demande complémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2.000 euros.
Il y a lieu également d'allouer à SCI du Port, dont l'appel en garantie est sans objet, la même indemnité.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement critiqué sauf sur le montant de la condamnation en réparation du préjudice subi par la société HM Transaction prononcée à l'encontre de la SCI Moka,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la SCI Moka à payer à la société HM Transactions la somme de 18.000 euros en réparation de son préjudice consécutif à l'immobilisation de son bien immobilier pendant toute la durée du litige ;
Le complétant,
Ordonne à la SCI Moka de procéder à la mainlevée de la publication de son action en revendication faite à la conservation des Hypothèques,
Condamne la SCI Moka aux dépens d'appel et admet Me [G] et la SCP Aguiraud Nouvellet au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ,
Condamne la SCI Moka à payer à la société HM Transaction et à la SCI du Port la somme de 2.000 euros, chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffierLe président