La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2012 | FRANCE | N°10/07899

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 06 septembre 2012, 10/07899


R.G : 10/07899















Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 19 octobre 2010



4ème Chambre



RG : 2010/460















COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 06 Septembre 2012







APPELANT :



[R] [D]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6] (SYRIE)

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par la SCP AGUIRAUD N

OUVELLET, avocats au barreau de LYON



assisté de Maître Nicolas SADOURNY, avocat au barreau de LYON









INTIMEE :



SA BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]



représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON...

R.G : 10/07899

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 19 octobre 2010

4ème Chambre

RG : 2010/460

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 06 Septembre 2012

APPELANT :

[R] [D]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6] (SYRIE)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

assisté de Maître Nicolas SADOURNY, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SA BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON

assistée de la SELARL COLBERT LYON, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 13 Avril 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Avril 2012

Date de mise à disposition : 06 Septembre 2012

Audience présidée par Philippe SEMERIVA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Michel GAGET, président

- François MARTIN, conseiller

- Philippe SEMERIVA, conseiller

Arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Christelle MAROT, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire .

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [D] a accepté des offres de prêt présentées par la Banque Populaire Loire et Lyonnais ; les sommes empruntées étant destinées à financer un projet de construction immobilière à Genas, il était convenu, aux termes de l'acte authentique de prêt, que la banque libérerait les fonds 'au fur et à mesure des besoins de l'emprunteur sur présentation des justificatifs par l'emprunteur'.

Faisant grief à la Banque d'avoir contre-passé, de surcroît sans l'en informer, l'écriture correspondant au déblocage de la deuxème fraction du prêt, alors que les conditions de ce paiement étaient réunies, puis de s'être acharnée sur lui et sur les sociétés dont il était l'animateur, M. [D] l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour avoir ainsi engagé sa responsabilité contractuelle à son égard.

Le jugement entrepris, après avoir rejeté une fin de non-recevoir prise de l'autorité de la chose déjà jugée entre les parties à la suite de ces faits, a partiellement accueilli ces demandes, en retenant que la Banque a commis une faute contractuelle en contre-passant l'écriture de 259 116 euros le 1er octobre 2007 ; il l'a en conséquence condamnée à payer une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices et une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, mais rejeté les autres réclamations de M. [D].

Celui-ci est appelant principal.

Il soutient, quant à la recevabilité de son action, qu'il n'existe pas de principe de concentration des demandes et que la présente instance n'a pas la même cause que celle ayant précédemment opposée les parties, qui visait à obtenir le déblocage de la fraction retenue du prêt, alors que le quantum du préjudice n'était pas connu à cette époque et que le travail de sape de la banque a continué ; il ajoute que sa demande n'a pas le même objet que la précédente, puisqu'il n'était pas question à cet instant de rechercher la responsabilité de la banque, mais d'obtenir l'exécution de son obligation de faire.

Sur le fond, elle soutient que les travaux de second oeuvre avait débuté lorsqu'il a demandé la déblocage de la deuxième fraction du prêt et que le justificatif prévu avait été produit, que la banque a commis une faute en contre-passant l'écriture correspondante et qu'en s'abstenant de l'en avertir, elle l'a exposé à émettre, pour les besoins du chantier, des chèques qui ont été rejetés, puis qu'elle a subordonné la régularisation de la situation à la constitution de garanties impossibles à mettre en oeuvre, et que, loin d'exécuter la condamnation prononcée contre elle à ce propos, elle a multiplié les saisies attributions et renouvelé le nantissement des parts sociales dans la seule intention de nuire et ainsi conduit à la faillite un groupe d'entreprise qui connaissait pourtant un essor rapide et important.

M. [D] en déduit que la banque lui a tout fait perdre et que le tribunal a minoré le préjudice, qui consiste, outre le dommage moral, en la perte de ses revenus et de la valeur des parts sociales des entreprises du Groupe ESI Gestion, en l'obligation d'honorer les cautionnements donnés pour ces sociétés et en la perte subie dans le cadre du projet que la banque devait financer.

M. [D] demande en conséquence de confirmer le jugement en ses chefs qui lui sont favorables et, l'infirmant pour le surplus, de condamner la BPLL à lui payer les sommes de :

- 300 000 euros pour perte de chance de percevoir les revenus du groupe ESI,

- 4 500 000 euros pour la perte de valeur des parts sociales,

- 628 233,72 euros, pour avoir été contraint d'honorer ses engagements de caution,

- 1 323 670 euros pour avoir empêché la réalisation du chantier de [Localité 10]

- 30 000 euros pour le préjudice moral.,

A titre subsidiaire, il demande une expertise aux frais avancés de la banque et demande en toute hypothèse de condamner la BPLL à lui payer une indemnité de 7 500 euros au titre des frais irrépétibles.

*

La BP2L objecte que, lors de la précédente instance, M. [D] avait invoqué l'inexécution du contrat de prêt et sollicité la condamnation de la banque ; elle en conclut que, faute d'avoir présenté l'ensemble de ses demandes lors de cette instance précédente, et dans la mesure où il fait valoir à présent les mêmes arguments, il est irrecevable en son action en responsabilité contractuelle.

Elle ajoute que l'action délictuelle est pareillement irrecevable, au regard de l'autorité du précédent arrêt, qui a jugé le dossier dans son intégralité et qu'en toute hypothèse, M. [D] n'a pas qualité agir en réparation du dommage éventuellement subi par les sociétés ESI.

La BP2L conteste, sur le fond, toute faute de sa part, dans la mesure où M. [D] n'a jamais justifié de l'emploi des fonds débloqués et ne justifie d'aucun préjudice ; elle réclame paiement d'une somme de 30 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* *

MOTIFS DE LA DÉCISION

' M. [D] a agi en 2007, à jour fixe, a l'encontre de la BP2L afin d'obtenir le déblocage de le troisième fraction du prêt ; par arrêt du 14 octobre 2008, la cour d'appel a confirmé le jugement condamnant la banque au paiement de cette somme mais, retenant que l'emprunteur n'avait pas repris le service du prêt après déblocage et que le retard avait été compensé par le report des échéances, elle a constaté la déchéance du terme et condamné M. [D] à payer à la BP2L une somme de 1 169 454, 80 euros.

S'il incombe au demandeur de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

Il en résulte que M. [D] est recevable à poursuivre l'indemnisation du dommage résultant du retard de paiement, qui n'était pas l'objet de l'instance précédente et qui, d'ailleurs, ne pouvait être exactement mesuré avant que la déchéance du terme soit constatée et que l'échec de l'opération soit ainsi avéré.

Par ailleurs, M. [D] ne poursuit pas la réparation d'un préjudice qu'aurait subi les sociétés du groupe ESI, mais prétend à celle de son dommage propre, qu'il importe d'examiner poste par poste, au plan de la recevabilité et du bien fondé.

Sauf les limitations pouvant résulter de cet examen, il est recevable en son action.

' La BP2L aurait dû, selon le contrat, libérer les fonds 'au fur et à mesure des besoins de l'emprunteur sur présentation des justificatifs par l'emprunteur'.

Le jugement entrepris retient de manière adéquate que cette stipulation ne peut se comprendre qu'en relation avec le marché de travaux et plus précisément avec les échéances qui y sont prévues et qui correspondent à celles retenues par le contrat de financement ; il convient de conclure, comme l'ont fait les premiers juges que la réclamation de l'acompte constituait le bien le justificatif visé au contrat.

La banque a donc exigé des justificatifs et précisions que le contrat ne prévoyait pas.

Abstraction faite en conséquence des références que fait le jugement aux motifs décisoires comme au dispositif de l'arrêt du 14 octobre 2008, qui n'est pas évoquée par M. [D], la banque a commis une faute en s'abstenant de libérer les fonds à la date prévue.

Pour autant, si elle avait été fondée à soupçonner quelque malversation par détournement des fonds prêtés et opérations de cavalerie, d'où il pouvait suivre que l'emprunteur aurait manqué à la loyauté du contrat en utilisant à d'autres fins les sommes déjà prêtées afin de financer l'opération de construction, rien ne permet d'étayer sa thèse, même rétrospectivement.

Le seul fait que le gros-oeuvre ne soit pas terminé le 5 juin 2008 ne suffit pas à démontrer qu'il s'agit d'une opération factice ; le compte rendu de l'architecte relate en effet que le terrassement était terminé à cette date, de même que la dalle du rez-de-chaussée ; le maître d'oeuvre a encore certifié la réalisation du gros-oeuvre à 75 % en septembre 2008.

Il ne résulte d'aucun élément probant du dossier qu'en septembre 2007, le chantier était inexistant, si même il avait pu prendre un certain retard, ni moins encore qu'en réalité, l'ensemble de l'opération n'était qu'un paravent destiné à masquer la dissipation des fonds prêts.

Il ressort même d'un courrier adressé à M. [D] par l'administrateur judiciaire de la société ESI Bâtiment, entreprise générale chargée de la construction de Genas, que cette opération était 'essentielle pour le redressement judiciaire, sous réserve que cette dernière puisse bénéficier d'un apport de trésorerie afin de faire face à l'insuffisance d'actif'.

Le projet était réel et concret et, en annulant sa décision de libérer la fraction convenue, la banque a commis une faute, même en admettant qu'elle ait pu subordonner cette libération à l'emploi effectif des fonds à la construction prévue.

Les demandes formées par la BP2L tendant à obtenir les justificatifs d'emploi des acomptes sont tardives, et d'ailleurs sans intérêts pratique au regard de l'évolution de la situation depuis 2008, notamment la déchéance du terme de remboursement.

La banque a commis une autre faute en procédant à l'annulation du paiement sans même en prévenir M. [D].

Sa responsabilité est engagée à ces deux titres.

Au contraire, en poursuivant le recouvrement des sommes dues sur le fondement d'actes authentiques consacrant ses créances, la banque n'a pas commis de faute et le grief pris d'un acharnement à l'encontre de M. [D] est dépourvu de fondement.

' S'agissant des préjudices, M. [D] répondait à l'administrateur judiciaire, par courrier du 9 septembre 2008, qu'il confirmait avoir appréhendé la somme de 259 133 euros pour le second acompte de la Banque populaire, 'objet du litige' et qu'en fonction de la décision de la cour d'appel (qui allait intervenir le 14 octobre), il prendrait sa décision définitive pour l'intégration de ce chantier dans ESI.

Il résulte du courrier précité de cet administrateur et de cette lettre du 9 septembre que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'opération de Geans était bien essentielle pour le groupe ESI, dont l'activité ne supposait pas nécessairement une diversité d'opération propre à le soustraire aux aléas d'une seule d'entre elles et que c'est bien l'abstention de M. [D], auquel il revenait, en tant que maître de l'ouvrage, de régler les sommes permettant aux sociétés dont il était par ailleurs actionnaire de poursuivre ce chantier essentiel pour leur équilibre financier, qui a aggravé le retard dans des proportions insupportables et déclenché les difficultés dont il se plaint à présent.

En conséquence, le retard pris par la banque à débloquer l'acompte prévu est fautif, mais ne peut être mis en relation certaine et directe avec l'échec de l'opération de Genas, ni avec la perte des revenus personnellement escomptés, moins encore avec la déconfiture des entreprises ESI et l'appel par les divers créanciers de ces dernières des cautionnements consentis par M. [D].

Outre que la perte de valeur des parts sociales consécutive à l'amoindrissement du patrimoine social ne constitue pas pour les associés un préjudice personnel réparable, les réclamations indemnitaires concernant les préjudices financiers ne sont pas fondées.

Il reste, comme l'ont retenu les premiers juges, que les fautes de la banque ont désorganisé la réalisation de l'opération, retardé le projet de six mois environ, ce qui n'a cependant pu porter préjudice qu'à l'entreprise chargée des travaux, mais aussi entraîné pour M. [D], personnellement, des préjudices résultant notamment du rejet des chèques émis dans l'ignorance de l'annulation du déblocage des fonds.

Sa réclamation au titre du préjudice moral est fondée à hauteur de sa demande.

Chacune des partie succombant partiellement ; il y a lieu de laisser à chacune d'elles la charge de ses dépens et, de ce fait, d'écarter en équité l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la Banque Populaire Loire et Lyonnais à payer à M. [D] une somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices et celle de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la Banque Populaire Loire et Lyonnais aux dépens de première instance,

- Statuant à nouveau de ces chefs,

- Condamne la Banque Populaire Loire et Lyonnais à payer à M. [D] une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER EN CHEFLE PRESIDENT

Christelle MAROTMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 10/07899
Date de la décision : 06/09/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°10/07899 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-06;10.07899 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award