R.G : 12/05117
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
du 05 juillet 2012
RG : 12.6789
ch n°1
[S]
C/
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LYON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 25 Septembre 2012
APPELANTE :
Mme [V] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparante
assistée de Me Debbah de la SELARL JURIS LAW & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMES :
M. LE PROCUREUR GENERAL
PRES LA COUR D'APPEL DE LYON
[Adresse 3]
[Localité 9]
représenté par Mme DUFOURNET, avocat général
En présence de :
CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DU RHONE
[Adresse 7]
[Localité 8]
non représentée à l'audience
CHAMBRE REGIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par Me QUIBLIER-SARBACH, président de la chambre
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Mme [L] [B], huissier de Justice
[Adresse 5]
[Localité 1]
comparante
assistée de Me ROZET de la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET SUETY FOREST, avocats au barreau de BOURG-EN-BRESSE, et Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
Me [W] [G] es-qualtié de liquidateur de la Selarl [S]
[Adresse 6]
[Localité 10]
représenté par Me BLANC de la SELARL SEIGLE ET ASSOCIES - PRIMALEX, avocats au barreau de LYON
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Date des plaidoiries tenues en audience non publique le 04 Septembre 2012
Date de mise à disposition : 25 Septembre 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience,
-Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile,
- Mme [S] a eu la parole
- Me Debbah a été entendu en sa plaidoirie
- Me Quiblier a eu la parole
- Me Rozet et Me Blanc ont eu la parole pour les intervenants volontaires,
- Mme Dufournet a fait ses réquisitions pour le parquet général
- Me Debbah et Mme [S] ont eu la parole en dernier.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
Le Procureur de la République de Lyon a fait citer Mme [V] [S], huissier de justice exerçant dans le cadre d'une Selarl, devant le tribunal de grand instance de Lyon statuant disciplinairement afin que soit prononcée à son encontre la peine de destitution et que soit ordonnée la dissolution de la Selarl, en raison de détournement de fonds, en exposant notamment qu'elle avait reconnu n'avoir pas représenté une somme de 154 000 euros confiée pour le compte de la Banque populaire des Alpes et avoir commis des détournements de fonds depuis le début de l'année 2010 en raison d'une baisse d'activité due à des problèmes de santé, que par jugement du 4 mai 2011, confirmé par la cour d'appel, Mme [S] a fait l'objet d'une suspension provisoire et que les investigations effectuées dans le cadre de la procédure pénale ont permis d'identifier des détournements à hauteur de 354 000 euros, l'encaissement sur son compte personnel de sommes provenant de la Selarl pour un montant de 155 000 euros, outre un compte courant débiteur de 200 000 euros.
Par jugement du 5 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé à l'encontre de Mme [S] la peine disciplinaire de destitution, ainsi que la liquidation de la Selarl [V] [S], désigné Maître [G] en qualité de liquidateur, et maintenu Maître [Y] en qualité d'administrateur.
Mme [S] a interjeté appel de cette décision dont elle sollicite la réformation. Elle conclut à titre principal à un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, et demande subsidiairement le prononcé d'une interdiction temporaire. Elle rappelle qu'il appartient au juge du fond de rechercher l'équilibre entre les principes de proportionnalité et d'individualisation de la sanction disciplinaire. Précisant qu'elle ne souhaite pas minimiser les faits qui lui sont reprochés, elle invoque les graves perturbations de sa vie personnelle et professionnelle résultant d'une pathologie découverte en 2009.
Mme [L] [B], intervient volontairement à l'instance et demande à être maintenue en qualité d'administrateur provisoire avec M [Y] avec les pouvoirs prévus aux articles 20 et suivants de l'ordonnance du 28 juin 1945. Elle soutient que son intervention est recevable dès lors qu'ayant signé un acte de cession de l'étude sous conditions suspensives, elle a intérêt à être maintenue en qualité d'administrateur. Elle expose qu'elle s'est particulièrement investie dans son projet de reprise de l'étude [S] après la signature de l' acte de cession sous conditions suspensives et qu'elle souhaite obtenir l'agrément du Ministre de la Justice afin de régulariser un acte de cession définitif.
Maître [G], liquidateur de la Selarl [S], intervient volontairement et demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'appel.
Le président de la Chambre régionale des huissiers de justice estime que la destitution doit être confirmée compte tenu de la gravité des manquements commis.
Le Procureur Général s'en rapporte à justice sur la recevabilité des interventions volontaires et estime que celles-ci ne sont pas justifiées. Il s'oppose au sursis à statuer, l'action disciplinaire étant indépendante de l'action pénale, et conclut à la confirmation du jugement. Il souligne la gravité des manquements aux devoirs de probité et d'honneur commis par l'officier ministériel.
Mme [S] a eu la parole en dernier.
MOTIFS
Attendu que l'article 10 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 prévoit que peuvent intervenir à l'instance disciplinaire le président de la chambre ou la personne qui se prétend lésée lorsqu'ils n'ont pas exercé eux-mêmes l'action disciplinaire;
Attendu que Mme [B], qui ne se prétend pas lésée au sens de ce texte, ne dispose d'aucune qualité pour intervenir à l'instance disciplinaire, même si elle a été désignée en qualité d'administrateur provisoire par une précédente décision ayant prononcé la suspension provisoire de Mme [S] et si elle a signé un acte de cession de l'étude sous conditions suspensives; qu'elle n'a pas obtenu l'agrément du Ministre de la Justice; qu'en cas de dissolution de la Selarl, elle pourra présenter sa candidature au liquidateur; que son intervention volontaire doit être déclarée irrecevable;
Attendu que Maitre [G], désigné par le tribunal en qualité de liquidateur de la Selarl, est également irrecevable en son intervention volontaire;
Attendu que l'instance disciplinaire est indépendante de l'instance pénale, de sorte qu'il n'y pas lieu de surseoir à statuer;
Attendu que Mme [S] a reconnu avoir commis des détournements, notamment depuis l'année 1990;qu'elle admet au cours des débats devant la cour avoir détourné une somme de 160 000 euros; qu'il résulte des pièces de la procédure qu'il a été relevé, entre les mois de janvier 2010 et juin 2011, l'encaissement sur ses comptes personnels de sommes provenant de la Selarl pour un montant de 155 000 euros; qu'elle explique son comportement par les graves perturbations subies en raison d'une pathologie découverte au cours de l'année 2009, dont elle justifie;
Attendu que l'importance des fonds détournés et la répétition des détournements traduisent la volonté délibérée de l'huissier de justice de disposer des fonds et de se soustraire à ses obligations professionnelles et déontologiques les plus élémentaires; que les faits constituent de graves manquements aux devoirs d'un officier ministériel et portent atteinte à l'honorabilité de la fonction exercée; que tout en tenant compte les principes de proportionnalité de la sanction et d'individualisation de la peine, les éléments qui précèdent justifient la peine de destitution prononcée;
Attendu qu'à la suite de la destitution du seul associé, la dissolution de la Selarl [S] est de droit; que le premier juge a désigné à bon droit Maitre [G] en qualité de liquidateur et maintenu Maitre [Y] en qualité d'administrateur;
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les interventions volontaires de Mme [B] et de Maître [G], ès qualité de liquidateur de la Selarl [S],
Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,
Confirme le jugement entrepris,
Laisse à la charge de Mme [B] et de Maître [G] ès qualités les dépens de leur intervention,
Condamne Mme [S] au surplus des dépens.
Le greffierLe président