R.G : 11/06205
Décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR- SAONE au fond du 30 juin 2011
RG : 10/00249
[D]
[D]
[D]
C/
le Docteur [O] [M]
CPAM DU RHONE
SA LE LABORATOIRE EXPANSCIENCE
MUTUELLE GFP
Société NOVALIS PREVOYANCE
ONIAM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 12 Février 2013
APPELANTS :
M. [N] [D]
né le [Date naissance 6] 1958 à [Localité 20]
[Adresse 8]
[Localité 12]
représenté par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, assisté de Me CLAPOT, avocat au barreau de LYON
Mme [I] [D] épouse née [Y]
née le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 23]
[Adresse 8]
[Localité 12]
représentée par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, assistée de Me CLAPOT, avocat au barreau de LYON
M. [X] [D]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 21]
[Adresse 8]
[Localité 12]
représenté par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, assisté de Me CLAPOT, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
Mme le Docteur [O] [M]
Médecin Dermatologue
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 11]
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, assistée de Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE
(CPAM DU RHONE)
[Adresse 5]
[Localité 10]
défaillante faute d'avoir constitué avocat
SA LE LABORATOIRE EXPANSCIENCE
[Adresse 2]
[Localité 15]
représentée par la SCP TUDELA & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, assistée de Me Pascale POUPELIN, avocat au barreau de PARIS
MUTUELLE GFP
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 7]
défaillante faute d'avoir constitué avocat
Société NOVALIS PREVOYANCE
[Adresse 13]
[Localité 14]
défaillante faute d'avoir constitué avocat
L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS
MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS
NOSOCOMIALES (ONIAM)
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 16]
représenté par Me ROSE, avocat au barreau de LYON, assisté de Me Sylvie WELSCH avocat au barreau de Paris
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Date de clôture de l'instruction : 20 Juin 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Janvier 2013
Date de mise à disposition : 12 Février 2013
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
En juillet 2003, Monsieur [X] [D] a débuté un traitement pour l'acné par le médicament Procuta Gé, fabriqué par le laboratoire Expanscience, prescrit par le docteur [O] [M]. Il a par la suite présenté une hépatite et des problèmes intestinaux, notamment une rectocolite hémorragique (RCH) qui ont nécessité une colo-protectomie totale pratiquée le 02 janvier 2005.
A la suite d'une expertise ordonnée en référé, Monsieur [X] [D] a fait assigner en responsabilité et indemnisation de son préjudice la société Expanscience, Madame [M] et l'ONIAM. Il a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, la Mutuelle Novalis et la Mutuelle GFP Plansante. Ses parents, Madame [I] [D] et Monsieur [N] [D] sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement du 30 juin 2011, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a :
- déclaré prescrite l'action en responsabilité du fait des produits défectueux intentée à l'encontre du laboratoire Expanscience,
- débouté les consorts [D] de leurs demandes.
Les consorts [D], appelants, concluent à la réformation du jugement et sollicitent la condamnation in solidum de Madame [M] et de la société Laboratoire Expanscience à payer :
- à Monsieur [X] [D], la somme de 20.000 euros au titre du défaut d'information, celle de 91.938,30 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et 151.296,50 euros pour les préjudices extrapatrimoniaux,
- à Monsieur [N] [D], la somme de 3.000 euros au titre de son préjudice d'affection,
- à Madame [D], la même somme au même titre.
A titre subsidiaire, Monsieur [X] [D] sollicite la condamnation de l'ONIAM à lui payer les sommes de 91.938,30 euros et 151.296,50 euros.
Il demande que soient réservées les pertes de gains professionnels futurs et toute demande au titre des troubles hépatiques à venir.
Ils soutiennent :
- que le risque de maladie inflammatoire colique évolutive et grave pouvant survenir à la prise d'osotrétinoïne était connu à l'époque de la prescription du Procuta Gé en 2003, au vu de la littérature médicale de la recherche scientifique et de l'actualité judiciaire aux Etats-Unis,
- que le laboratoire Expanscience ne pouvait ou ne devait pas l'ignorer,
- qu'il lui appartenait de donner cette information par tout moyen, notamment par la notice du dictionnaire Vidal et la notice transmise avec le médicament, quand bien même un doute d'ailleurs inévitable aurait persisté.
A l'encontre du laboratoire Expanscience
- que l'action sur la base des dispositions des articles 1386 et suivants du code civil est recevable comme non prescrite, et bien fondée,
- à titre subsidiaire, et sur la base des dispositions de l'article 1382 du code civil, subsidiairement des dispositions de l'article 1147 du code civil, que le laboratoire a commis une faute en n'informant pas sur les risques du médicament.
A l'encontre du docteur [M], médecin prescripteur
- que sur la base des dispositions des articles 1382 du code civil, 16-3 du même code et de l'article L.1111-2 du code de la santé publique, il appartenait au docteur [M] d'informer son patient sur tous les risques dont elle était nécessairement informée par la notice délivrée par le laboratoire, et notamment les risques d'inflammation du tube digestif, sans attendre que le patient sollicite cette information en posant des questions, l'information en l'espèce ne pouvant être justifiée par la remise d'ailleurs contestée d'une fiche à son patient,
- que le défaut d'information du laboratoire sur les risques de maladie inflammatoire évolutive et grave de l'intestin ne saurait exonérer ce médecin prescripteur, spécialiste en dermatologie, de la connaissance qu'il aurait dû avoir de ces risques évoqués par ailleurs dans la littérature médicale,
- que sur la base des dispositions de l'article 1147 et suivants du code civil le médecin prescripteur est responsable du défaut de sécurité du produit ordonné.
A titre subsidiaire
- que [X] [D] a droit à être indemnisé au titre de la solidarité nationale des conséquences de la maladie colique évolutive et grave qu'il a présentée au titre de la solidarité nationale, sur la base des dispositions de l'article L.1142-1 du code de la santé publique, tel que modifié par le décret n° 20 11-76 du 19 janvier 2011, et dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'ONIAM.
Ils considèrent qu'il existe un lien de causalité entre la prise d'isotrétinoïne et la survenance d'une RCH, dès lors qu'il y a une vraisemblance scientifique, que Monsieur [D], qui n'avait pas d'antécédent, a été victime d'une maladie inflammatoire grave de l'intestin au cours d'un traitement par Procuta Gé, qu'elle s'est aggravée après la cessation du traitement, et jusqu'à l'intervention chirurgicale.
Ils soutiennent que l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux n'est pas prescrite, puisque Monsieur [D] n'a eu connaissance du rôle du médicament dans la survenue de sa maladie le 1er février 2010, date à laquelle il a pris connaissance de la littérature médicale mettant en cause l'isotretinoïne dans l'apparition de RCH.
A titre subsidiaire, ils considèrent que le laboratoire Expanscience a commis une faute distincte du défaut de sécurité du produit car il ne pouvait ignorer les études mettant en cause cette molécule dès 1987.
Ils sollicitent subsidiairement une nouvelle expertise.
Monsieur [X] [D] soutient qu'il remplit les critères de garantie pour bénéficier de la réparation par la solidarité nationale.
Il décompose sa demande indemnitaire comme suit :
I - PREJUDICES PATRIMIONIAUX
- frais médicaux pris en charge par les organismes sociaux......... 29.901,05 euros
- frais médicaux restés à charge.................................................... 11,50 euros
- honoraires de médecins conseils................................................. 1.825,00 euros
- frais de transport........................................................................... 101,80 euros
- préjudice universitaire.................................................................... 20.000,00 euros
- pertes de gains professionnels futurs............................................ à réserver
- incidence professionnelle............................................................... 70.000,00 euros
II - PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX
- déficit fonctionnel temporaire.......................................................... 6.296,50 euros
- souffrances endurées..................................................................... 18.000,00 euros
- préjudice esthétique temporaire...................................................... 5.000,00 euros
- déficit fonctionnel permanent........................................................... 60.000,00 euros
- préjudice d'agrément permanent...................................................... 20.000,00 euros
- préjudice esthétique permanent........................................................ 12.000,00 euros
- préjudice sexuel................................................................................. 20.000,00 euros
- préjudice permanent exceptionnel..................................................... 10.000,00 euros
La société Laboratoire Expanscience conclut à la confirmation du jugement. Elle se prévaut de la prescription de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux, dès lors que la prescription triennale a recommencé à courir à compter de l'ordonnance de référé du 19 octobre 2005.
Elle soutient, en tout état de cause, que Monsieur [D] ne démontre ni la défectuosité du Procuta Gé, ni l'existence d'une faute imputable au laboratoire, ni un lien de causalité entre le traitement suivi et son dommage.
Elle considère, au regard des conclusions de l'expert, qu'il n'existe aucune certitude sur un lien de cause à effet entre la prise d'isotretinoïne et l'apparition d'une colite et que la défectuosité du produit apparaît incertaine.
Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute, notamment au titre de son obligation d'information, que, d'après les pièces adverses, ce n'est semble-t-il qu'en 2007 qu'une analyse de la base française de pharmacovigilance entre 1990 et 2006 a été faite sur les cas de colites hémorragiques sous isotrétinoïne, qu'en tout état de cause, sur demande de la direction générale de la santé, elle fournissait, dès 2003, aux patients via leur dermatologue un document (le dossier personnel de suivi de traitement) pour toute spécialité contenant de l'isotrétinoïne administrée par voie orale, dans lequel figuraient entre autres la notice d'utilisation et des informations complémentaires, la notice du Procuta Gé mentionnant depuis décembre 2001 dans les effets indésirables 'une inflammation de l'intestin pouvant être responsable de saignement rectal'. Elle ajoute que le libellé de la notice, comme la réglementation l'exige, traduisait dans des termes susceptibles d'être compris par le patient, le tableau clinique tel qu'il était connu à l'époque.
Elle soutient qu'il n'existe pas de présomptions graves, précises et concordantes sur l'existence d'un lien de causalité entre les troubles subis par Monsieur [D] et son traitement par du Procuta Gé.
A titre subsidiaire, elle conclut au rejet des demandes indemnitaires de Monsieur [X] [D] au titre de l'incidence professionnelle, du préjudice universitaire, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément et du préjudice permanent exceptionnel, ainsi que des demandes de ses parents, et à la réduction des autres demandes.
L'Office National des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut à la confirmation du jugement. Il rappelle que le demandeur à une réparation au titre de la solidarité nationale doit justifier que les préjudices subis sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, ce qui exclut de se rattacher à des présomptions précises, graves et concordantes, et qu'en l'espèce, au vu du rapport d'expertise, un lien de causalité direct et certain entre la prise d'isotrétinoïne et la RCH présenté par Monsieur [D] n'est pas prouvé.
A titre subsidiaire, il soutient que le rapport d'expertise lui est inopposable, puisque les opérations expertales ne se sont pas déroulées de manière contradictoire à son égard.
A titre plus subsidiaire, il fait valoir :
- que l'article L.1142-17 du code de la santé publique ne prévoit pas de remboursement par l'Office des créances des organismes sociaux, ni l'indemnisation des victimes par ricochet,
- que doivent être rejetées les demandes de Monsieur [D] au titre du préjudice professionnel, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice d'établissement, du préjudice permanent exceptionnel,
- que doivent être réduites à de plus justes proportions toutes les demandes formées par Monsieur [D].
Madame [M] conclut à la confirmation du jugement. Elle considère que la demande de condamnation in solidum avec le laboratoire Expanscience sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil est irrecevable comme préscrite, Monsieur [D] ayant eu à sa disposition tous les éléments médico-légaux nécessaires pour agir à compter du 24 octobre 2006, date du dépôt du rapport d'expertise, et qu'en présence d'un producteur formellement identifié au sens de l'article 3 de la directive du 25 juillet 1985, l'action est également irrecevable à son égard.
Elle soutient qu'elle a parfaitement rempli son obligation d'information, comme l'a relevé l'expert, l'information sur les avantages et les inconvénients de l'isotrétinoïne ayant été délivrée à Monsieur [D], et qu'aucun élément n'est avancé par Monsieur [D] venant démontrer que même mieux informé sur les risques inhérents au traitement par Procuta Gé, il aurait refusé le traitement. Elle fait valoir qu'il ne peut lui être reproché d'avoir fourni au patient un médicament sans l'informer que la molécule contenue dans celui-ci, l'isotrétinoïne, pouvait être à l'origine de la survenance d'une RCH, puisqu'à l'époque où le produit a été fourni, l'information était inconnue des acteurs de santé concernés, notamment les dermatologues et gastro-entérologues. Elle ajoute qu'il existe une incertitude scientifique sur la relation causale entre l'isotrétinoïne et la survenance d'une RCH, que Monsieur [D] ne rapporte pas la preuve de présomptions graves, précises et concordantes pour caractériser un défaut du produit en lien de causalité avec son préjudice, et qu'il a été victime d'un aléa thérapeutique, raison pour laquelle il a également dirigé ses demandes contre l'ONIAM.
A titre subsidiaire, elle soutient que la réparation d'un éventuel préjudice de Monsieur [D] devra prendre la forme d'une simple perte de chance qui ne pourra être que minime compte tenu du fait qu'en juillet 2003, il était demandeur pour bénéficier de la même molécule qui lui avait déjà été prescrite fin 1999, début 2000. Elle sollicite, en tant que de besoin, la garantie du laboratoire Expanscience et conclut à la réduction des demandes indemnitaires.
La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, la Mutuelle GFP et Novalis Prévoyance, assignées à leur siège à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS
Attendu qu'en application de l'article 1386-17 du code civil, l'action en réparation fondée sur l'article 1386-1 se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; qu'à compter du 24 octobre 2006, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, Monsieur [D] disposait des éléments lui permettant d'engager une action en responsabilité du fait d'un produit défectueux, puisqu'il avait connaissance du dommage, du défaut allégué du produit et de l'identité du producteur, le laboratoire Expanscience ; que dès lors qu'il n'a fait délivrer les assignations qu'au mois de février 2010, l'action en responsabilité du fait des produits défectueux dirigé contre la société Le Laboratoire Expanscience et Madame [M] est prescrite et par conséquent irrecevable ;
Attendu que le rapport d'expertise met en lumière les éléments essentiels suivants :
- Monsieur [D] souffrait d'une acné nodulaire en juillet 2003. Cette forme grave d'acné représente l'indication principale de la mise en route d'un traitement par isotrétinoïne (Procuta Gé). Avant juillet 2003, Monsieur [D] n'avait pas eu de manifestation de RCH typique,
- les soins pratiqués par Madame [M], notamment la prescription de Procuta Gé et le suivi du traitement ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale en 2003,
- Monsieur [X] [D] a été informé des risques induits par le Procuta Gé, Madame [M] lui ayant notamment remis des informations écrites,
- l'hépatite médicamenteuse peut être mise directement en relation avec le traitement par Procuta Gé commencé le 05 juillet 2005, car il s'agit d'un effet secondaire connu et non rare de cette molécule,
- on ne peut affirmer avec certitude la responsabilité directe de certaine de ce traitement avec la maladie inflammatoire de l'intestin puis la colectomie totale,
- il n'existait en 2003 aucune certitude scientifique sur un lien de cause à effet entre la prise d'isotrétinoïne et l'apparition d'une colite et ce lien reste toujours à discuter à ce jour,
- Madame [M] n'a pas commis d'erreur, de faute ou de négligence dans le cadre des avertissements aux précautions d'emploi du Procuta Gé. Elle s'est donné les moyens de suivre correctement Monsieur [D], en interrompant notamment le traitement.
Attendu qu'il résulte de l'expertise et du dossier médical que lors de la consultation du 05 juillet 2003, Madame [M] a donné à Monsieur [D] des informations écrites sur les risques du traitement en lui remettant un livret et que cette notice écrite indique le risque d'inflammation de l'intestin pouvant être responsable de saignement rectal ; qu'il importe de souligner que Monsieur [D] était lui-même demandeur de ce traitement, puisqu'il s'agissait de la prescription du même médicament qui lui avait été donné lors des précédentes irruptions d'acné et qui avait été bénéfique, sans provoquer d'effets indésirables;
que la notice du médicament mentionnait, au titre des effets indésirables, une inflammation de l'intestin pouvant être responsable de saignement rectal ;
Attendu qu'il ne peut être reproché à Madame [M] d'avoir prescrit à Monsieur [D] un médicament sans l'informer que la molécule contenue dans ce médicament, l'isotrétinoïne, pouvait être à l'origine de la survenance d'une RCH, alors qu'à l'époque, les dermatologues n'étaient pas informés sur les risques de RCH induits par l'isotrétinoïne, ainsi que l'ont relevé les experts ; que le Vidal 2003 ne fait mention, parmi les effets indésirables, que d'une inflammation intestinale et rectale pouvant exceptionnellement se manifester sous forme de rectorragie mineure ou d'iléo-colite ; que les experts judiciaires indiquent que la deuxième édition du traité de pathologie digestive rédigé sous la direction du Professeur [U] en 2005 précise que l'origine de cette maladie reste inconnue sur le plan physiopathologique, qu'on sait que les lésions intestinales dans cette affection sont la conséquence d'une activité non régulée du système immunitaire muqueux, qu'en amont de cette activation interviennent des facteurs environnementaux et génétiques, mais qu'il n'est pas fait mention dans ce traité de la possibilité de RCH chez les patients prenant de l'isotrétinoïne contenue dans le Procuta Gé ;
Attendu que les consorts [D] invoquent la responsabilité du laboratoire Expanscience sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et subsidiairement de l'article 1147, en soutenant que le laboratoire a commis une faute en n'informant pas sur les risques du médicament, alors que ce risque était connu dès avant 2003 par la littérature médicale et par l'actualité judiciaire aux Etats-Unis ; que cependant, il découle de l'expertise judiciaire qu'il n'existait à l'époque aucune certitude sur un lien de cause à effet entre la prise d'isotrétinoïne et l'apparition d'une RCH, lien qui reste toujours discutable ; que les experts ont estimé que le laboratoire n'avait pas commis de faute ou de négligence en fonction de la législation sur la mise sur le marché des médicaments ; que par ailleurs, les consorts [D] n'établissent pas que la littérature médicale mentionnait le risque dès avant 2003, puisqu'il ne produisent sur ce point qu'un exemplaire de la revue 'Prescrire' datant de 2008 et faisant état d'une analyse de bases de pharmaco-vigilance entre 1990 et 2006 ; que l'étude qu'ils produisent en pièce n° 31, rédigée en langue anglaise, non traduite, doit être écartée des débats ; qu'en tout état de cause, ce document est daté de septembre 2010 ;
Que les consorts [D] ne démontrent pas non plus que l'actualité judiciaire aux Etats-Unis permettait d'identifier le risque en 2003, puisque l'avis de leur médecin conseil qu'ils invoquent à ce titre fait mention de condamnations survenues en 2007 et 2010 ; que si en 2006, la notice du Procuta Gé a mentionné de très rares cas de troubles digestifs sérieux, tels que pancréatite, hémorragie digestive, colite, iléite et maladie inflammatoire digestive, cette évolution des informations données en 2006 par le laboratoire ne démontre pas qu'il connaissait le risque en 2003 ;
Attendu qu'il découle de ce qui précède que la responsabilité de Madame [M] et de la société Le Laboratoire Expanscience ne peut être retenue à aucun titre, notamment pour manquement à leur obligation d'information ;
Attendu que l'ONIAM fait valoir à juste titre que les conditions de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies dans la mesure où le lien de causalité entre le traitement médicamenteux et la survenue de ce RCH n'est pas établi de manière certaine, ainsi qu'il a été rappelé précédemment ; qu'il doit être ajouté qu'il n'est pas sûr que les premiers symptômes digestifs aient été ceux d'une RCH, puisque le traitement par Procuta Gé a été arrêté avant l'apparition des diarrhées sanglantes et que la colo-protectomie totale a été réalisée le 05 janvier 2005, soit quinze mois après l'arrêt du traitement fin septembre 2003 ; que l'action ne peut dès lors prospérer à l'encontre de l'ONIAM ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les consorts [D] aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la Scp Tudela & associés, la Scp Aguiraud-Nouvellet et Maître Rose, avocats.
Le Greffier Le Président