R.G : 11/04951
Décision du tribunal de commerce de Saint-Etienne
Au fond du 08 juin 2011
2ème chambre
RG : 2006/02503
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 20 Juin 2013
APPELANTS :
[T] [P] épouse [O]
née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 4] (SOMME)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assistée de la SELARL ACCESS AVOCATS, avocats au barreau de LYON
[W] [O]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5] (RHONE)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assisté de la SELARL ACCESS AVOCATS, avocats au barreau de LYON
INTIMEES :
SA BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS (BPLL)
[Adresse 1]
B. P. 3152
[Localité 2]
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
SA NATIXIS
venant aux droits de la Société NATEXIS BLEICHROEDER après fusion-absorption
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL STC, avocats au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 13 Novembre 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Avril 2013
Date de mise à disposition : 20 Juin 2013
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement du 08 juin 2011 du tribunal de commerce de Saint-Etienne qui déboute les époux [O] de leurs demandes formées envers la Banque Populaire Loire et Lyonnais et la société Natexis Bleichroeder et qui les condamne à payer à chacune la somme de 20 000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive outre 10 000 euros à la banque et 20 000 euros à la société Natexis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu la déclaration d'appel faite le 11 juillet 2011 par les époux [O] ;
Vu leurs conclusions n° 4 du 22 juin 2012 dans lesquelles ils réclament la réformation du jugement attaqué et le paiement des sommes suivantes :
1. 237 323 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier subi du fait des dysfonctionnements et anomalies intervenus lors de la passation des ordres, des appels de couverture, dans la cadre du fonctionnement du service Monep ;
2. 700 000 euros en remboursement des frais indûment facturés en l'absence de convention ou celle de 150000 euros correspondant à la surfacturation de 15 euros par ordre appliquée arbitrairement sur chaque opération ;
3. 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
4. 37 408,30 euros indûment imputée par la Banque Populaire sur le compte contentieux de la Société B.F.P. Immobilier ;
5.100 795,24 euros indûment imputée sur le compte contentieux 00205882031 de la B.F.P. Immobilier ;
6. Les intérêts à compter du 27 septembre 2006 sur ces deux sommes ;
7. 20 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
le tout au motif que la banque et la Sa Natexis ont commis de graves manquements dans l'exécution de leurs prestations de service au préjudice des époux [O] ;
Vu les mêmes conclusions dans lesquelles les époux [O] demandent la communication du contrat liant la banque et la société Natexis pour la passation des ordres des clients de la banque, l'organisation d'une expertise pour vérifier la cohérence des imprimés fiscaux édités par la banque au cours des cinq dernières années avec les opérations réalisées sur le compte [O], et la communication de l'acte de délégation signé par Mme [T] [O] le 10 juillet 1995, en original et sous astreinte ;
Vu les conclusions n° 3 en date du 16 juillet 2012 de la Banque Populaire qui conclut à la confirmation du jugement entrepris et qui réclame, en appel, la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions n° 2 en date du 29 juin 2012 de la Sa Natexis venant aux droits de la société Natexis Bleichroeder, après fusion absorption qui conclut aussi à la confirmation de la décision attaquée et qui réclame, en appel, la somme de 20 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs d'une part, que les époux [O] et elle ne sont pas liés par une convention quelconque de sorte que toutes les prétentions formées à son encontre sont irrecevables sur le plan contractuel, et d'autre part que ces prétentions n'ont aucun fondement factuel et juridique de sorte qu'elles sont mal fondées et abusives, alors que [W] [O] est un spécialiste en matière de marchés boursiers et en matière des marchés d'option comme le Monep, qui ne peut ignorer ni son fonctionnement ni les informations nécessaires aux opérations, comme dirigeant social de la société Perfextrem dont l'objet social était de réaliser des opérations sur les marchés financiers, pour lesquelles il était un opérateur très averti, en particulier du Monep ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 novembre 2012.
A l'audience du 3 avril 2013 les conseils des parties ont donné leurs explications orales après le rapport de Monsieur le Président Michel Gaget.
DECISION
La Cour ne saurait faire droit aux demandes de communication de pièces et d'expertise contenues dans les dernières conclusions des époux [O] qui interviennent plus de six ans après l'assignation du 07 novembre 2006, dans la mesure même où il appartient aux époux [O] d'apporter la preuve des faits et des manquements qu'ils reprochent aux deux intimées, et où ces mesures d'instruction seraient de nature à les aider dans l'administration de la preuve qui leur incombe.
A l'égard de la Banque Populaire Loire et Lyonnais
1 - Il est certain que les relations entre la BPLL et les époux [O] qui étaient ses clients ont été rompues à l'initiative de la banque qui a dénoncé toutes les conventions dans la mesure où celle-ci a perdu toute confiance en son client [W] [O] qui était dirigeant de la société Perfextrem qui était aussi un client de la BPLL.
2 - La Cour n'entend pas entrer dans le détail des arguments concernant le contexte du litige créé entre la société Perfextrem et la banque.
3 - La Cour remarque que la 19 juin 2006 la banque a dénoncé les conventions de comptes courants des époux [O] et les concours et services qui y étaient associés.
4 - Contrairement à ce que soutiennent les époux [O], la banque était fondée à procéder ainsi parce qu'elle avait perdu confiance dans son client [W] [O] qui était aussi dirigeant de la société Perfectrem avec laquelle la banque était en conflit, et qui mettait en cause la qualité des prestations et leur coût offertes par la banque dans le cadre de son compte personnel Monep.
5 - Au visa des articles L.111-1 du code de la consommation, les époux [O] se plaignent de graves dysfonctionnements afférents au service Monep, notamment de ne pas avoir signé de convention de services Monep et de ne pas avoir été informé quant à la couverture des ordres.
6 - Mais s'il est exact qu'il n'existe aucune convention écrite comme le reconnaît la banque, ce fait ne constitue pas un manquement grave ayant causé un préjudice aux époux [O] dont le mari [W] [O] se présente et est un spécialiste averti des marchés boursiers et du Monep qui n'aurait pas manqué de faire observer au fur et à mesure des opérations le préjudice subi si cela avait été le cas.
7 - Les époux [O] ne prouvent pas l'existence d'un préjudice en rapport avec l'absence de convention écrite.
8 - Contrairement à ce qu'ils font valoir, ils ont bien reçu la note d'information relative à la couverture des ordres sur le Monep le 20 octobre 2005, et ils ne prouvent pas en quoi la banque a été défaillante dans son obligation d'information.
9 - Il résulte du débat et des pièces que la banque n'a pas été défaillante dans son information et dans les appels de couverture, comme elle le soutient à bon droit, dans ses dernières conclusions en réponse aux allégations des époux [O] qui ne démontrent pas l'existence d'un préjudice.
10 - Sur la facturation des prestations de service, il n'est pas démontré que la banque ait surfacturé les tarifs, alors que la Cour retient que les époux [O] avaient pris soin de négocier un tarif préférentiel et accepté les conditions tarifaires de la banque en régularisant les ordres sur le marché Monep.
11 - [W] [O], spécialiste averti ne peut pas soutenir qu'il ne connaissait pas le tarif et qu'il ne l'a pas accepté.
12 - En l'état des pièces, la Cour ne peut que retenir que le coût de passation était connu parfaitement des époux [O].
13 - Les époux [O] ne peuvent pas, non plus, se plaindre d'un manquement à l'obligation générale de loyauté et d'information de la banque à leur égard. Et en tout cas, les pièces données au débat ne caractérisent pas ce manquement comme le soutient à bon droit la banque dans les pages 24 à 26 des dernières conclusions.
14 - Ils ne peuvent pas non plus de faire de reproches à la banque quant aux nantissements qu'elle a pris et quant aux délégations de créances consenties en garantie des concours octroyés à la société B.F.P. Immobilier.
15 - Sur les actes de délégation, comme la banque le soutient, il n'existe aucune irrégularité permettant de dire que la banque a causé un préjudice en procédant comme elle l'explique en pages 28 et 29 de ses conclusions, alors que chacun des époux avait consenti à la délégation qui a été exécutée.
16 - En conséquence le jugement attaqué doit être confirmé en son entier y compris en ce qu'il retient l'abus à l'égard de la banque qui a été, avec malice et sans droit, et avec intention de nuire, mise en cause dans la gestion des services qu'elle a offerts aux époux [O] pris personnellement, observation faite de surcroît que [W] [O] était un professionnel, spécialiste averti, sur les marchés boursiers.
17 - Et il est bien évident que les époux [O] n'ont subi aucun préjudice moral en rapport avec l'attitude de la banque qui n'a ni manqué à ses obligations contractuelles, ni manqué à la loyauté qui doit présider dans l'exécution des services qu'elle offre à un spécialiste averti.
18 - L'équité commande d'allouer en appel la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile à la banque.
A l'égard de Natexis
1 - Cette société assure des services de négociation, de compensation et de tenue de compte, sur les marchés comptant actions et obligations et sur les marchés à terme ou optionnels, pour le compte d'une clientèle institutionnelle.
2 - En l'espèce, elle est intervenue pour le compte de la BPLL et elle n'a jamais eu de lien juridique direct avec les époux [O].
3 - Et elle n'a pas non plus eu de lien juridique avec la société Perfextrem dont il est fait état dans les conclusions des époux [O].
4 - Contrairement à ce qui est retenu à l'égard de la société Natexis par les époux [O], cette société qui n'a jamais conclu de contrat ou de convention directe avec eux ne peut pas être recherchée, sur le plan de la responsabilité contractuelle, pour un quelconque manquement contractuel qu'elle aurait commis dans l'exécution d'un contrat, soit en application de l'article 1134 du code civil, soit en application de l'article 1147 du même code.
5 - Il est évident que la convention liant la société Natexis et la BPLL ne doit pas être communiquée aux époux [O] auxquels le secret des affaires peut être opposé, alors qu'elle n'a jamais contracté, à leur égard, aucune obligation contractuelle.
6 - Elle a exécuté les ordres donnés par la BPLL qui était son seul mandant en l'espèce et dans le litige né entre la banque et les époux appelants.
7 - La société Natexis ne peut pas non plus être recherchée sur le plan de sa responsabilité délictuelle pour avoir commis une faute au sens de l'article 1382 du code civil à l'égard des époux [O], soit par des faits propres et indépendants du contrat la liant à la Banque, soit en exécutant mal ses engagements à l'égard de la BPLL.
8 - En effet les époux [O] qui ont la charge de la preuve en application de l'article 1315 du code civil depuis l'assignation qu'ils ont fait délivrée le 07 novembre 2006 et qui ne peuvent pas se fonder sur le rapport [X] qui est inopposable à la société Natexis qui n'était pas partie à cette expertise, ne démontrent aucun fait de nature à caractériser une faute civile leur ayant causé un dommage, leur permettant de réclamer un préjudice financier ou moral.
9 - Il ressort avec netteté du débat et des pièces que les époux [O] n'étaient pas les donneurs d'ordres de la société Natexis et que cette dernière n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses engagements à l'égard de la Banque, observation faite qu'aucune obligation d'information quelconque n'existait à leur égard, notamment pour le Monep à l'égard de [W] [O] qui était un spécialiste en matière de marchés boursiers et de marchés d'options comme le Monep qui, de surcroît, avait bien reçu une notice d'information de la part de l'intermédiaire avec lequel il traitait, notice dont il ne peut pas soutenir qu'il n'en avait pas connaissance.
10 - Il ressort enfin des pièces et du débat comme le fait observer la société Natexis que sa mie en cause depuis le 07 novembre 2006 dans le litige né entre les époux [O] et la banque BPLL alors qu'elle n'a commis à l'évidence aucune faute, par un spécialiste, averti des marchés boursiers qui ne pouvait ignorer ni la réalité de la situation ni les conséquences du litige, a bien un caractère abusif et malicieux en ce que la procédure et les actes qui la jalonnent jusqu'à ce jour créent un véritable préjudice à la société Natexis qui est attaquée, de manière infondée et malicieuse, caractérisant ainsi une vraie intention de nuire.
11 - Le jugement entrepris doit donc être confirmé y compris en ce qu'il retient l'abus du droit d'ester en justice de l'article 32 -1 du code de procédure civile.
12 - L'équité commande d'allouer en appel à la société Natexis la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, représentant une partie des frais non compris dans les dépens et engagés devant la Cour pour se défendre dans une instance abusive.
13 - Les époux [O] qui succombent en appel supportent tous les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
- confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du 08 juin 2011 ;
- y ajoutant ;
- condamne solidairement les époux [O] à verser à la Banque Populaire Loire et Lyonnais et à la société Natexis, à chacune, la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne solidairement les époux [O] aux dépens d'appel ;
- autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET