AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/03252
[D]
C/
ASSOCIATION RESTAURANT INTER ADMINISTRATIF DE LYON
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 05 Avril 2012
RG : F 10/03222
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2013
APPELANT :
[T] [D]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Jean-marc HOURSE, avocat au barreau de LYON
substitué par Me Soizic GICQUERE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
ASSOCIATION RESTAURANT INTER ADMINISTRATIF DE LYON
[Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier COCHARD de la SELARL JURI SOCIAL, avocat au barreau de LYON
substituée par Me Audrey GROS, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 11 Octobre 2012
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Mai 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 30 Octobre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS
L'Association Restaurant Interadministratif de Lyon gère un restaurant situé dans la [Adresse 4] ;
Son personnel relève de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités ;
Le 1er juin 2000, elle engageait par un contrat verbal à durée indéterminée [T] [D] en tant que responsable de restauration avec le statut d'agent de maîtrise ;
Le 1er octobre 2001, le salarié était promu cadre ;
En 2007 il devenait gérant du restaurant ;
Les relations entre le salarié et l'association gestionnaire se dégradaient pendant l'année 2009 et les premier mois de 2010 ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 9 avril 2010, l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon convoquait [T] [D] à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 suivant ;
L'entretien avait lieu le jour prévu ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 avril 2010, l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon convoquait [T] [D] à un nouvel entretien préalable au licenciement fixé au 12 mai 2010 ;
L'entretien avait lieu le jour prévu ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 mai 2010, l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon licenciait [T] [D] pour faute grave aux motifs suivants :
- carence dans la gestion des tâches techniques et administratives,
- incapacité à manager le personnel,
- insubordination vis-à-vis des administrateurs,
- anomalies dans les procédures comptables et bancaires ;
PROCÉDURE
Contestant le licenciement, [T] [D] saisissait le conseil de prud'hommes de Lyon le 18 août 2010 en condamnation de l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon à lui payer les sommes suivantes :
- 68.821,25 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 22.940,41 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
- 14.802,69 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.480,27 € au titre des congés payés y afférents,
- 13.381,90 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2.583,90 € au titre du salaire afférent à la mise à pied conservatoire,
- 258,39 € au titre des congés payés y afférents,
- 4.100,86 € au titre de l'indemnité de réduction du temps de travail,
- 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il demandait en outre la condamnation de l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte quotidienne de 50 € ;
Comparaissant, l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon concluait au débouté total de [T] [D] et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par jugement contradictoire du 5 avril 2012, le conseil de prud'hommes de Lyon, section de l'encadrement, disait le licenciement fondé sur une faute grave et rejetait l'ensemble des demandes ;
[T] [D] interjetait appel du jugement le 25 avril 2012 ;
Il conclut à son infirmation en reprenant ses demandes et moyens de première instance ;
L'Association Restaurant Interadministratif de Lyon conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de [T] [D] à lui payer une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Attendu que la faute grave visée par les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, qu'elle soit légale, conventionnelle ou contractuelle ;
Attendu que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;
Attendu que selon l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
Attendu que la lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, contient les motifs suivants :
- carence dans la gestion des tâches techniques et administratives,
- incapacité à manager le personnel,
- insubordination vis-à-vis des administrateurs,
- anomalies dans les procédures comptables et bancaires ;
Attendu que l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon engageait le 1er juin 2000 par un contrat verbal à durée indéterminée [T] [D] en tant que responsable de restauration avec le statut d'agent de maîtrise ;
Attendu que le salarié était promu cadre le 1er octobre 2001 ;
Attendu que l'intitulé de sa fonction changeait en 2007, le salarié devenant gérant en titre ;
Attendu que les relations entre le salarié et l'association gestionnaire se dégradaient pendant l'année 2009 et les premier mois de 2010 après le changement de certains administrateurs et du président de l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon ;
Attendu que par lettre recommandée avec avis de réception du 9 avril 2010, l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon convoquait [T] [D] à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 suivant ;
Attendu que la lettre de licenciement est rédigée en termes généraux ; que les griefs exposés étaient connus de l'employeur avant le 9 février 2010 ;
Attendu que l'engagement de la procédure au-delà du délai de deux mois rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;
Sur la rémunération mensuelle moyenne
Attendu que selon les fiches de paie versées aux débats [T] [D] percevait à la fin du contrat un salaire brut mensuel de 4.463,05 € plus un treizième mois, soit annuellement 58.019,65 €, d'où une moyenne mensuelle de 4.834,97 € ;
Attendu qu'il s'y ajoute la prime d'ancienneté de 401,67 € et l'indemnité de repas de 69,51 € ;
Attendu que la rémunération mensuelle moyenne s'élève ainsi à 5.306,15 € ;
Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Attendu que selon l'article L. 1235-3 du code du travail si le licenciement d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté et travaillant dans une entreprise employant au moins onze salariés survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie à la personne licenciée une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
Attendu que lors du licenciement [T] [D] était âgé de 57 ans et demi, comptait une ancienneté de 9 ans et 11 mois, et percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 5.306,15 € ;
Attendu qu'il restait privé d'emploi deux ans plus tard, en mai 2012, alors qu'il approchait de l'âge de 60 ans ;
Attendu qu'il était indemnisé par le Pôle Emploi selon une moyenne mensuelle de 2.965,38 € ;
Attendu qu'il subissait une perte mensuelle de revenus de 2.340,77 € ;
Attendu que la cour a ainsi les éléments pour fixer les dommages-intérêts à 65.000 € :
Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire
Attendu que l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon engageait brusquement la procédure de licenciement le 9 avril 2010 en prononçant une mise à pied conservatoire ;
Attendu qu'elle impartissait à [T] [D] de rendre aussitôt les clés de son bureau puis en changeait la serrure ;
Attendu qu'elle prolongeait longtemps la mise à pied conservatoire ;
Attendu qu'elle traitait ainsi indignement un cadre qui avait presque dix ans d'ancienneté ;
Attendu que ce comportement vexatoire préjudiciait nécessairement à [T] [D] ;
Attendu que le trouble ainsi causé se réparera par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 10.000 € ;
Attendu que la cour condamnera l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon au paiement de cette somme ;
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents
Attendu que selon l'article 13 de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités le délai-congé est de 3 mois ;
Attendu que sur la base d'un salaire brut mensuel moyen de 4.867,42 € (4.463,05 + 401,67 €) l'indemnité due s'élève 14.594,16 €, somme à augmenter des congés payés y afférents de 1.459,42 € ;
Attendu que la cour condamnera l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon au paiement de cette somme ;
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
Attendu que selon l'article 14 de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités une indemnité distincte du préavis est accordée aux salariés licenciés justifiant au moins de 1 année d'ancienneté.
Attendu que cette indemnité se calcule comme suit :
- moins de 10 ans d'ancienneté : 1 / 5 de mois par année d'ancienneté ;
- à partir de 10 ans d'ancienneté : 1 / 5 de mois par année d'ancienneté + 2 / 15 de mois par année au-delà de 10 ans d'ancienneté ;
Attendu que [T] [D] comptait le 18 août 2010, à l'expiration du préavis, une ancienneté de 10 ans et 2 mois (10,17 années) ;
Attendu que sur la base d'un salaire brut mensuel moyen de 4.867,42 € l'indemnité se calcule comme suit :
(4.867,42 € / 5 X 10,17) + (4.867,42 € X 2 / 15 X 0,17) = 10.010,66 € ;
Attendu que la cour condamnera l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon au paiement de cette somme ;
Sur le salaire afférent à la mise à pied conservatoire et les congés payés correspondants
Attendu qu'en l'absence d'une faute grave [T] [D] est fondé en sa demande ;
Attendu qu'il convient d'y faire droit, la somme demandées correspondant à la soustraction opérée sur la fiche de paie ;
Attendu que la cour condamnera dès lors l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon à payer à [T] [D] les sommes de 2.583,90 € et 258,39 € ;
Sur l'indemnité de congés RTT
Attendu que [T] [D] travaillait 35 heures par semaine, ce qui ne lui donne pas droit à cette indemnité ;
Attendu que la décision des premiers juges, qui ont rejeté la demande, doit être confirmée ;
Sur le remboursement des sommes payées par le Pôle Emploi
Attendu que selon l'article L.1235-4 du code du travail dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ;
Attendu que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'audience ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ;
Attendu que l'employeur relève de l'article L. 1235-3 du code du travail précité ;
Attendu que le salarié avait une ancienneté supérieure à deux ans ;
Attendu qu'au vu des éléments de l'espèce il convient d'ordonner le remboursement dans la limite de six mois ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré sur le débouté de la demande de l'indemnité de congés RTT,
Infirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de [T] [D] est sans cause réelle et sérieuse,
Fixe la rémunération mensuelle à 5.306,15 €,
Condamne l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon à payer à [T] [D] les sommes suivantes :
- 65.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
- 14.594,16 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.459,42 € au titre des congés payés y afférents,
- 10.010,66 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2.583,90 € au titre du salaire afférent à la mise à pied conservatoire,
- 258,39 € au titre des congés payés y afférents,
- 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon de remettre à [T] [D] les documents de fin de contrat rectifiés,
Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,
Ordonne à l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon de rembourser au Pôle Emploi concerné les indemnités de chômage payées à [T] [D] dans la limite de six mois,
Déboute l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon de sa demande d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Association Restaurant Interadministratif de Lyon aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS