R.G : 12/03547
Décision du tribunal de grande instance de Saint-Etienne
Au fond du 04 avril 2012
1ère chambre civile
RG : 11/03356
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 24 Avril 2014
APPELANTE :
SA SOCIETE GENERALE
siège social :
[Adresse 2]
[Adresse 2]
avec direction de la gestion immobilière :
Tour Société Générale
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP DJ VERNE LG BORDET J ORSI Y TETREAU, avocat au barreau de LYON
assistée de la SCP GUILLEMAIN SAINTURAT PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SCI DU PASSAGE, ayant pour administrateur le cabinet Marcel HUMBERT [Adresse 3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
assistée de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 22 Mars 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Octobre 2013
Date de mise à disposition :12 décembre 2013, prorogée au 30 janvier 2014, au 27 mars 2014, puis au 24 avril 2014, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier aliéna du code de procédure
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, François MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La SCI du PASSAGE est propriétaire d'un tènement immobilier situé [Adresse 4].
Elle a donné à bail une partie de ses locaux en 1971 à la SOCIETE GENERALE puis, au fil du développement de l'activité de sa locataire, lui a progressivement loué des locaux supplémentaires allant du sous-sol au cinquième étage de cet ensemble immobilier.
Ces locations ont fait l'objet de baux séparés pour chaque local concerné et il avait été convenu que la SOCIETE GENERALE, pour les besoins et commodités de son activité, pourrait effectuer des travaux de transformation et d'adaptation, notamment pour relier entre eux les locaux loués séparément.
La SOCIETE GENERALE a mis fin à deux baux portant les numéros 6 et 7, offrant de les restituer en l'état.
La SCI DU PASSAGE a estimé que sa locataire devait remettre les locaux restitués dans leur état initial, avec suppression de tous les aménagements apportés par celle-ci, notamment de l'ascenseur privatif et de sa cage, afin d'assurer l'indépendance des locaux restitués par rapport à ceux restant loués à la SOCIETE GENERALE en vertu des autres baux.
Les clefs ont été remises au propriétaire le 13 janvier 2010 après quelques travaux qui ne l'ont pas satisfait.
Une expertise a été ordonnée en référé afin notamment d'apprécier les travaux de remise en état nécessaires.
Monsieur [B], expert, a déposé son rapport le 28 mars 2011.
Par jugement en date du 4 avril 2012, le tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE, saisi par une assignation en date du 17 août 2011 a :
- condamné la SOCIETE GENERALE à payer à la SCI DU PASSAGE la somme de 132315,09 euros au titre des travaux de remise en état des lieux dans leur consistance d'origine, valeur des travaux au 28 mars 2011, cette somme étant à revaloriser en fonction de l'indice du coût de la construction jusqu'au complet paiement,
- condamné la SOCIETE GENERALE à payer à la SCI DU PASSAGE la somme de 203 223,76 euros arrêtée à la date du jugement,
- ordonné l'execéution provisoire,
- condamné la SOCIETE GENERALE à payer à la SCI DU PASSAGE la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, comprenant les dépens de référé et d'expertise et le coût de deux procès verbaux, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP CORNILLON-CHALENDAR, avocat.
Appel de ce jugement a été interjeté le 11 mai 2012 par la SOCIETE GENERALE.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 juillet 2012, la SA SOCIETE GENERALE (la SG) demande à la cour, infirmant le jugement déféré de :
- dire que la clause d'accession contenue dans les baux liant les parties exclut toute application des dispositions de l'article 555 du code civil, les installations fixes effectuées par la Société Générale ayant fait accession au bailleur à l'issue du bail au cours duquel elles ont été réalisées,
- débouter en conséquence la Sci du Passage de ses demandes tendant au paiement des travaux de remise des lieux loués en leur état initial, et à l'indemnisation de pertes locatives,
- dire que les locaux loués ont été restitués en bon état de réparations conformément aux termes des baux consentis,
- débouter la Sci du Passage de ses demandes tendant à voir 'dire la Société Générale tenue de remettre les locaux loués en bon état de réparations locatives' et à lui donner acte de ses réserves sur le coût définitif des travaux,
Subsidiairement,
- débouter en toute hypothèse la Sci du Passage de sa demande au titre des pertes locatives, faute de preuve d'un lien entre l'absence de remise en état d'origine et la prétendue impossibilité de relouer les locaux,
Très subsidiairement,
- dire que le préjudice pour pertes locatives ne saurait excéder deux mois et demi de loyers,
- condamner par ailleurs la Sci du Passage au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat soussigné.
La SCI Du PASSAGE (la SCI) a conclu le 5 novembre 2012 mais ses conclusions ont été déclarées irrecevables comme tardives par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 22 janvier 2013.
La clôture de l'instruction est intervenue le 22 mars 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les travaux de remise en état
Se fondant sur les dispositions des articles 1730, 555 alinéa 1 et 555 du Code civil, le jugement déféré, après avoir rappelé les termes de la clause contractuelle applicable aux deux baux en cause, savoir'à la fin du bail, les locaux devront être rendus en bon état de réparations au propriétaire; toutes les installations fixes effectuées par le locataire dans les lieux loués telles: installation électrique, sanitaire qui ne pourraient être enlevées sans causer de dégradations aux locaux devront être abandonnées par les locataires et deviendront propriété du bailleur en vertu du droit d'accession', a retenu que :
- l'autorisation concédée au locataire, par les deux baux ayant pris fin, d'effectuer des aménagements et changements de distribution des locaux loués n'entraînait pas renonciation du bailleur à la faculté de demander à son locataire de remettre les locaux en l'état à la fin du bail,
- de la même manière, la clause prévoyant la restitution des locaux en fin de bail 'en bon état d'entretien' ne constitue pas une renonciation expresse des parties aux règles d'accession et au droit d'option du vendeur.
Relevant que le bailleur avait expressément sollicité la remise en état des lieux, il en a déduit qu'il avait nécessairement fait le choix de ne pas conserver la propriété des aménagements effectués par la SG et que, peu important que ces modifications avaient été autorisées, elles devaient disparaître pour qu'il y ait exécution de l'obligation de restitution conformément aux dispositions de l'article 1730 du Code civil.
Concrètement, cette obligation s'est traduite par la prise en considération, par le premier juge, dans le coût des travaux de remise en état des lieux, des travaux de suppression :
- des faux-plafonds, faux planchers et cloisonnements,
- au delà du deuxième étage de la cage d'un ascenseur intérieur réalisé par la SG pour desservir antérieurement les locaux restitués à la SCI du PASSAGE.
La SG le conteste et soutient que, par l'effet de cette clause, le bailleur est devenu propriétaire par accession de ces travaux, dès la fin du premier bail au cours duquel les travaux d'aménagement correspondant avaient été réalisés, sans avoir conservé le bénéfice de l'option prévue par l'article 555 du Code civil de ne pas en devenir propriétaire.
Et elle en veut pour preuve, si nécessaire, le fait que c'est en vertu d'une disposition particulière du bail n°6 qu'elle a procédé à la suppression d'un escalier intérieur qu'elle avait fait réaliser avec l'autorisation du bailleur, s'étant expressément engagée à remettre les lieux en l'état primitif à son départ.
Mais il n'en est rien: la clause litigieuse ne contient aucune renonciation, par le propriétaire, au droit qu'il tient des dispositions de l'article 555 du Code civil d'exiger la suppression d'un ouvrage réalisé par le preneur ou d'en conserver la propriété et le renouvellement du bail, sans exiger la suppression d'un tel ouvrage, n'emporte pas plus renonciation à ce droit qui subsiste tant que l'option n'a pas été exercée.
Tout au plus, cette clause règle-t-elle par avance, lorsque le propriétaire entend exercer l'option qui lui est offerte par les dispositions légales précitées en conservant des installations fixes qui ne pourraient être enlevées sans causer de dégradations aux locaux, les conditions financières en découlant, à savoir que le preneur les lui abandonnera .
Et la circonstance que les parties avaient cru bon, dans un autre bail portant sur d'autres locaux, de régler spécialement le cas d'un escalier intérieur est indifférente, ne pouvant se déduire du seul fait qu'il avait été convenu dès l'origine qu'il serait supprimé par le preneur, qu'aucune clause générale susceptible de régler les conséquences de cette situation ne les liait pas déjà.
Le coût des travaux de démolition de la cage d'ascenseur au delà du deuxième étage et de suppression des faux-plafonds, faux planchers et cloisonnements sont à la charge de la SG.
Les travaux de remise en état des lieux dans leur configuration d'origine, à laquelle est tenue la SG par application des clauses des baux régissant les locaux restitués, ont été justement évalués par l'expert, sans notamment faire supporter au preneur les travaux de remise en état liés à la vétusté auxquels il n'est pas tenu.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur les pertes locatives
Le jugement déféré a condamné la SG à supporter les pertes locatives subies par la SCI du PASSAGE du fait de l'impossibilité de relouer les locaux, à compter du 31 octobre 2009, retenant qu'il ne pouvait être reproché une quelconque inertie à la SCI du PASSAGE qui, dès réception des congés, s'était positionnée par un courrier de son conseil en date du 28 mai 2009 sur l'option dont elle disposait et avait demandé la remise en état des lieux dans leur état primitif, étant précisé que la SG disposait, à cette date, du temps nécessaire pour exécuter ces travaux avant l'expiration du bail, leur durée étant évaluée par l'expert à 2 mois et demi.
La SG conteste cette condamnation et objecte que :
- les aménagements qu'elle avait réalisés n'empêchaient pas la relocation des locaux en tant que locaux à usage de bureaux, sauf pour la bailleresse à réaliser les travaux nécessaires pour pallier leur vétusté,
- la SCI du PASSAGE ne rapporte pas la preuve qu'elle se soit heurtée à des refus de candidats locataires en raison de la présence de faux-plafonds, faux planchers et cloisonnements,
- la SCI du passage n'a pas justifié ne pouvoir elle-même faire l'avance des travaux chiffrés par l'expert.
Mais ces moyens sont inopérants.
Les travaux que la SG avait l'obligation de réaliser étaient destinés à remettre les locaux dans leur état primitif, comme la bailleresse en avait fait le choix et la SG s'y est refusée.
Elle ne saurait prétendre qu'il appartenait à la SCI du PASSAGE de s'incliner devant ce refus ou de pallier ses carences dans l'exécution de son obligation de restituer les locaux après en avoir supprimé les ouvrages qu'elle y avait réalisés, étant relevé si nécessaire qu'il n'est pas prétendu que la SCI du PASSAGE aurait commis un quelconque fait positif ayant aggravé son préjudice.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur les dépens
La SG qui succombe en toutes ses prétentions les supporte.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SA SOCIETE GENERALE aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET