AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/06897
SAS AXE FROID
C/
[P]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE
du 07 Septembre 2012
RG : F 11/00171
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2014
APPELANTE :
SAS AXE FROID
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Eric ANDRES
de la SCP BELIN DE CHANTEMELE- ANDRES & LANEYRIE,
avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[E] [P]
né le [Date naissance 1] 1953 à ALGERIE (19000)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Eric DEZ, avocat au barreau D'AIN
substitué par Me Jean-Claude DESSEIGNE, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 01 Mars 2013
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Octobre 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 03 Septembre 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 07 septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE, dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 30 avril 2013 par la S.A.S. AXE FROID, appelante, incidemment intimée ;
Vu les conclusions déposées le 24 octobre 2013 par [E] [P], intimé, incidemment appelant ;
Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 24 octobre 2013 ;
La Cour,
Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 21 février 2006 soumis à la convention collective nationale des transports routiers, [E] [P] a été embauché en qualité de conducteur poids lourds par la S.A.S. AXE FROID ;
que l'article 12 alinéa 2 dudit contrat stipulait que : '[E] [P] s'engage à prévenir sans délai la société AXE FROID en cas de modification de validité de son permis de conduire (notamment : nombre de points restants, visites médicales, obtention de sa FCOS, etc...). La société AXE FROID considèrera comme une faute la conduite d'un de ses véhicules en cas d'omission ou de fausse déclaration.)';
Attendu que le salarié a été victime d'un accident du travail le 15 février 2011 et placé en arrêt de travail toujours en cours au jour de la rupture du contrat ;
qu'il a été licencié pour faute grave le 18 mars 2011 ;
Attendu que le 10 mai 2011 [E] [P] a saisi la juridiction du Travail en lui demandant de condamner la société AXE FROID à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis ;
Attendu que par jugement du 07 septembre 2012 le Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE a notamment :
- dit le licenciement abusif,
- condamné la S.A.S. AXE FROID à payer à [E] [P] :
1° la somme de 2 236,54 € à titre d'indemnité de licenciement,
2° la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3° la somme de 4 528,18 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- condamné [E] [P] à payer à la S.A.S. AXE FROID la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Attendu que la S.A.S. AXE FROID a régulièrement relevé appel de cette décision le 26 septembre 2012 ;
Attendu, sur la rupture du contrat de travail, que la lettre de licenciement du 18 mars 2011 fixe les limites du litige ;
Attendu que dans cette missive l'employeur reproche au salarié d'avoir conduit un véhicule de l'entreprise entre le 1er février et le 1er mars 2011 alors que son permis de conduire n'était plus valide faute de renouvellement du certificat médical d'aptitude venu à expiration le 24 janvier 2011, faits constatés le 02 mars 2011 à l'occasion de la remise par [E] [P] d'un certificat médical régularisé ;
Attendu que la matérialité des faits n'est aucunement contestée par l'intimé qui se borne à soutenir qu'il appartenait à l'employeur de veiller à la régularité du permis de conduire de son salarié et à prendre toutes dispositions utiles pour le soumettre en temps utile à la visite médicale permettant de vérifier son aptitude à la conduite des véhicules poids lourds;
Attendu qu'il est constant que [E] [P] a sciemment conduit les véhicules de l'entreprise alors qu'il savait que son permis de conduire n'était plus valable depuis le 24 janvier 2011 faute par lui de s'être soumis à la visite médicale indispensable à sa prorogation
que l'initiative de faire réaliser en temps utile la visite médicale nécessaire à la prorogation du permis de conduire poids lourds incombait exclusivement au titulaire du permis litigieux en application des articles R 221-11 du Code de la Route et 3 de l'arrêté ministériel du 08 février 1999, ni l'employeur ni l'administration n'ayant à se substituer à lui;
que l'employeur a rempli ses obligations en demandant aux conducteurs de lui présenter leur permis de conduire à chaque remise d'un bulletin de paie, l'intimé s'étant soustrait à cette vérification en s'abstenant de satisfaire à cette exigence lors de la remise du dernier bulletin de salaire, raison pour laquelle l'employeur a exigé par écrit la présentation de ce document administratif les 1er et 24 février 2011, ce qui a incité le salarié à prendre les dispositions nécessaires pour la régularisation de sa situation administrative ;
Attendu que la lettre de licenciement relève à juste titre que la carence du salarié dans l'une de ses obligations essentielles d'ailleurs rappelée par l'article 12 alinéa 2 du contrat de travail du 21 février 2006 a fait encourir à l'entreprise des risques considérables en raison de la violation des règlements en matière de circulation et d'assurance qu'elle comportait et l'exposant à des poursuites pénales ainsi qu'à l'immobilisation des véhicules conduits par le salarié et de leur chargement ;
Attendu que les agissements ainsi établis à l'encontre du salarié ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail ;
Attendu en conséquence qu'il échet d'infirmer la décision querellée, de dire que le licenciement pour faute grave est pleinement justifié et de débouter [E] [P] de l'ensemble de ses prétentions ;
Attendu qu'en exposant délibérément l'employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d'un véhicule poids lourd de l'entreprise par un conducteur dépourvu d'un permis de conduire valable, [E] [P] a exécuté de façon déloyale le contrat de travail;
que ce faisant il a causé à la société appelante un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, la société appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimé ;
que celui-ci sera donc condamné à lui payer une indemnité de 1 500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Attendu que l'intimé qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;
Au fond, dit le premier seul justifié ;
Infirme le jugement déféré et le met à néant ;
Dit que le licenciement de [E] [P] par la S.A.S. AXE FROID repose sur une faute grave ;
Déboute [E] [P] de l'ensemble de ses prétentions ;
Le condamne à payer à la S.A.S. AXE FROID la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Le condamne à lui payer une indemnité de 1 500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS