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24/03/2015 | FRANCE | N°12/09346

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 24 mars 2015, 12/09346


R.G : 12/09346









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 13 novembre 2012



RG : 12/08501

ch des urgences





S.A.R.L. IMMAG



C/



[W]

Société civile DE CONSTRUCTION VENTE [Localité 2]

SCP [W]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 24 Mars 2015







APPELANTE :




S.A.R.L. IMMAG

[Adresse 4]

[Localité 3]





Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON , assistée de la SELAS CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocat au barreau de LYON











INTIMES :



M. [R] [W]

[Adresse 3]

[Localité 3]




...

R.G : 12/09346

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 13 novembre 2012

RG : 12/08501

ch des urgences

S.A.R.L. IMMAG

C/

[W]

Société civile DE CONSTRUCTION VENTE [Localité 2]

SCP [W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 24 Mars 2015

APPELANTE :

S.A.R.L. IMMAG

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON , assistée de la SELAS CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [R] [W]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de LYON

Société civile DE CONSTRUCTION VENTE [Localité 2]

LE MAIL DU POINT DU JOUR -

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON , assistée de la SCP DE MAITRES ARRUE BERTHIAUD DUFLOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

SCP [W]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Juin 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Février 2015

Date de mise à disposition : 24 Mars 2015

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, [V] [C] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte reçu par Maître [W], notaire à [Localité 3], le 15 décembre 2010, la société IMMAG a acquis des consorts [M] deux parcelles mitoyennes, cadastrées BN [Cadastre 1] et BN [Cadastre 1], issues de la division d'une parcelle unique, propriété de l'hoirie [M], et précédemment cadastrée BN [Cadastre 2], au [Adresse 2] à [Localité 2] (Rhône).

Cette parcelle était constituée pour partie d'immeubles anciens situés en bordure de la voie et d'une partie en l'état d'anciens jardins en friche.

Les consorts [M] sont demeurés propriétaires de la parcelle BN n° [Cadastre 1], construite d'immeubles anciens à usage de commerce et d'habitation et occupés.

L'acte dressé par Maître [W] notaire, le 15 décembre 2010 entre les consorts [M] et la société IMMAG comporte en page 11 un chapitre consacré à la constitution de servitudes libellé comme suit :

" 1' servitudes apparentes et continues dite de "destination de père de famille"

L'ensemble immobilier présentement vendu est détaché d'une propriété de plus grande surface dont le surplus reste appartenir aux consorts [M], vendeurs.

Il existera entre les deux propriétés des servitudes apparentes et continues dites "destination de père de famille" qui seront régies par les articles 692 et suivants du Code Civil.

2 ' Servitudes de passage réciproques en tréfonds de canalisations

Toutes les canalisations enterrées de desserte de l'ensemble immobilier existantes avant division : eau, électricité, gaz, égouts et autres services sans limitation...sont conservés et desserviront les deux propriétés présentement créées.

Par les présentes, les consorts [M] et la société IMMAG, acquéreur, créent une servitude perpétuelle et imprescriptible de passages réciproques en tréfonds des canalisations enterrées existantes entre les deux propriétés (partie de la propriété de la société IMMAG).

Elles seront entretenues à frais communs entre les propriétés présentement créées et à créer ultérieurement au prorata des surfaces utiles appartenant à chaque propriétaire... ".

Par acte du même jour, la société IMMAG a cédé à la SCCV [Localité 2] la parcelle BN N° [Cadastre 1], correspondant à d'anciens jardins donnant sur la rue [Adresse 5].

L'acte authentique mentionne, au bénéfice de la société IMMAG venderesse, l'existence de quatre servitudes distinctes :

une servitude de vue au bénéfice des ouvertures existantes,

une servitude de tour d'échelle,

une servitude d'usage des jardins,

une servitude d'adossement à la construction en limite.

Il n'y est pas fait mention d'une servitude de tréfonds.

Un litige est né entre la société IMMAG et la SCCV [Localité 2] en suite de la destruction d'une canalisation enfouie dans le sol dont il est soutenu qu'elle bénéficierait tant à la propriété IMMAG qu'à celle demeurée propriété des consorts [M].

Par acte du 28 juin 2012, la société IMMAG a assigné à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Lyon la SCCV [Localité 2] et la SCP SYLVESTRE titulaire d'un office notarial notaire, en présence des consorts [M], afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 692 du code civil, la reconnaissance d'une servitude de tréfonds dont bénéficié la parcelle [Cadastre 1] appartenant à la société IMMAG sur la parcelle cédée [Cadastre 1] cédée à la SCCV [Localité 2].

La société IMMAG demandait la condamnation de la SCCV [Localité 2] et tous propriétaires de son chef à effectuer le raccordement à l'égoût sur le chemin [Adresse 5] des réseaux en provenance des immeubles des parcelles [Cadastre 1] propriété IMMAG et [Cadastre 1] appartenant aux consorts [M].

Subsidiairement, la société IMMAG demandait la condamnation de Maître [W] à payer la somme de 17 199,44 euros représentant le coût des dits travaux ainsi qu'à supporter les pertes de loyers à chiffrer ultérieurement.

Par acte du 23 août 2012, la SCCV [Localité 2] a assigné à jour fixe en garantie la société TP LOC en qualité d'entreprise chargée de la réalisation des travaux ayant provoqué la rupture de canalisation.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement du 13 novembre 2012, le tribunal de grande Instance de LYON a déclaré recevable l'intervention volontaire de la SCP [W] et a débouté la société IMMAG de ses demandes avec condamnation à payer à la SCCV [Localité 2] la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à la SCP notariale la somme de 1500 euros sur le même fondement.

La société IMMAG a interjeté appel aux fins de réformation du jugement contre la SCCV et les notaires.

La société IMMAG demande à la cour:

à titre principal :

-dire et juger que le propriétaire de la parcelle sise à [Localité 2] [Adresse 2], cadastrée BN [Cadastre 1], bénéficie d'une servitude par destination du père de famille pour le passage des réseaux d'évacuation des eaux pluviales, des eaux usées et des eaux vannes sur la parcelle sise [Adresse 2] à [Localité 2] cadastrée BN [Cadastre 1], vendue à la société SCCV [Localité 2],

-ordonner la publication de la décision à intervenir au Bureau des Hypothèques du lieu de situation de l'immeuble,

-constater que la SCCV [Localité 2] a sectionné le réseau d'évacuation,

-condamner sous astreinte de 1000 euros par jour de retard la SCCV [Localité 2] et tous propriétaires de son chef à raccorder à l'égout sur le Chemin [Adresse 5] le réseau d'évacuation des eaux pluviales des immeubles réhabilités situés sur la parcelle sise [Adresse 2] à [Localité 2]

cadastrée BN [Cadastre 1],

-condamner sous astreinte de 1000 euros par jour de retard la SCCV [Localité 2] et tous propriétaires de son chef, à raccorder à l'égout sur le Chemin [Adresse 5] le réseau d'évacuation des eaux usées et eaux vannes des immeubles réhabilités situés sur la parcelle sise [Adresse 2] à [Localité 2] cadastrée BN [Cadastre 1],

-condamner la SCCV [Localité 2] à verser la somme de 39500,43 euros HT à la société IMMAG au titre du remboursement des frais de raccordement provisoire à l'égout des bâtiments A et B situés le long du Chemin [Adresse 5],

-condamner la SCCV [Localité 2] à payer à la société IMMAG la somme de 25840 euros hors charges (3230 euros par mois de retard) correspondant à la perte de loyers des appartements du bâtiment B jusqu'au mois de décembre 2013,

à titre subsidiaire :

-condamner in solidum Maître [W], notaire, et la S.C.P [W], notaires, à verser la somme de 39.500,43 euros HT à la société IMMAG au titre du coût du raccordement provisoire des bâtiments A et B à l'égout public,

-condamner in solidum Maître [W], notaire, et la S.C.P [W], notaires, à supporter les frais des raccordements des eaux pluviales, usées et vannes du bâtiment B au réseau public d'assainissement,

-condamner in solidum Maître [W] et la S.C.P [W], notaires, à payer à la société IMMAG la somme de 25 840 euros hors charges (3230 euros par mois de retard) correspondant à la perte de loyers des appartements du bâtiment B jusqu'au mois de décembre 2013,

DANS TOUS LES CAS :

condamner la SCCV [Localité 2] ou subsidiairement in solidum Maître [W] et la S.C.P [W], notaires, à payer à la société IMMAG la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société SCCV [Localité 2] ou subsidiairement in solidum Maître [W] et la S.C.P [W], notaires, aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, distraction au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats.

La société IMMAG fait valoir:

-que par les deux ventes reçues le 15 décembre 2010, sont nées des servitudes par destination du père de famille qu'elle est fondée à revendiquer établies par les constats d'huissier relatifs à la présence de regards supposant, contrairement à l'appréciation du premier juge, l'existence d'un réseau de canalisations dans lequel se déversent les eaux pluviales, usées et vannes,

-que selon l'article 694 du code civil, la servitude créée par destination du père de famille existe du moment qu'aucune renonciation à son égard n'est stipulée dans l'acte de vente séparant les fonds,

-que la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien,

-que contrairement aux affirmations de l'intimée, le réseau d'évacuation des eaux usées, vannes de la société IMMAG et Monsieur [M] était bien raccordé en état de fonctionnement à l'égout public du réseau communal situé chemin [Adresse 5] et non côté [Adresse 2] après avoir débouché dans la canalisation ancienne sectionnée présente sur le tènement de la SCCV [Localité 2]

-que la société SCCV [Localité 2], propriétaire du fonds servant, avait l'obligation de maintenir le réseau préexistant et ne pouvait porter atteinte aux servitudes conformément à l'article 701 du code civil, ce qu'elle a fait en sectionnant et en enlevant le tuyau d'évacuation des eaux usées, eaux vannes et pluviales des bâtiments, sous réserve de son recours contre l'entreprise ayant réalisé les travaux,

-qu'en tout état de cause, sa responsabilité est engagée pour avoir ainsi causé un trouble anormal de voisinage,

-que sa demande pour perte de loyers est recevable puisqu'en première instance, elle s'était reservé le droit de chiffrer ultérieurement son préjudice,

-qu'à titre subsidiaire, la responsabilité du notaire est caractérisée pour n'avoir pas étendu dans l'acte de vente à la société SCCV [Localité 2] la servitude réciproque en tréfonds de canalisations imposées à la société IMMAG lors de l'acquisition de Monsieur [M] ni recherché en vertu de son devoir d'investigation, de prudence et de diligence si la servitude de trefonds ne concernait pas aussi la parcelle [Cadastre 1] vendue par acte du même jour à la SCCV [Localité 2] dès lors que selon l'acte de vente [M], il ne pouvait ignorer que l'ensemble immobilier avant division parcelle [Cadastre 2] était raccordé au réseau communal d'assainissement et que les canalisations existantes étaient également stipulées pour desservir les propriétés à créer ultérieurement.

La SCCV [Localité 2] demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société IMMAG au paiement d'une somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique:

-que la société IMMAG ne rapporte pas la preuve de l'existence de la servitude alléguée,

-que la canalisation litigieuse obstruée sur une longueur de quatre mètres et raccordée à un puits perdu totalement asséché n'était pas fonctionnelle ainsi qu'il résulte de l'attestation de Monsieur [O] de la société RC TP LOC, datée du 9 mai 2011,

-que, quand bien même la canalisation litigieuse eût été fonctionnelle, elle eût été totalement illégale, de sorte que la demande de rétablissement de la société IMMAG est totalement irrecevable,

-qu'il ressort de la déclaration de travaux déposée en mairie que dans le cadre de la rénovation des immeubles anciens dont elle avait entrepris la réhabilitation, la société IMMAG a fait réaliser, ou avait prévu de réaliser, le branchement des eaux usées, vannes et pluviales directement à l'égout municipal de [Adresse 2] sur laquelle il est implanté, et non [Adresse 5] au travers de l'ancien jardin devenu parcelle BN [Cadastre 1] comme prétendu par l'appelante,

-que le raccordement d'une canalisation d'eaux usées ou pluviales à un puits perdu est d'ailleurs prohibé par les dispositions d'ordre public de l'article L.1331 du code de la santé publique,

-que la présence de cette canalisation enfouie n'état révélée par aucun ouvrage apparent sur la parcelle [Cadastre 1],

-qu'il n'existe pas sur la parcelle [Cadastre 1] preuve d'un quelconque regard, fût-il réservé aux eaux pluviales et égouts de toiture,

-que, si la société IMMAG qui se présente comme professionnel de la réhabilitation des immeubles anciens et qui a étudié son projet durant de longs mois avant d'acquérir la parcelle, avait éprouvé le besoin d'assurer l'évacuation de ses eaux usées au travers de la parcelle cédée à la SCCV [Localité 2], elle n'eut pas manqué de faire insérer dans l'acte la servitude de tréfonds .

-que les conditions posées par l'article 692 du code civil ne sont pas réunies dès lors qu'une évacuation des eaux usées est par nature une servitude discontinue et n'était pas apparente à défaut d'ouvrage existant sur la parcelle cédée à la SCCV [Localité 2],

-qu'ainsi, le propre constat d'huissier de la société IMMAG de juillet 2011 établi que la canalisation était enfouie dans le terrain sans qu'il soit susceptible de soupçonner son existence,

-que tous les ouvrages invoqués par la société IMMAG relatifs aux égouts de toiture selon constat du 24 mai 2012 sont implantés sur le tènement dont elle est demeurée propriétaire ainsi qu'il ressort du plan dressé préalablement à la vente, par Monsieur [Z], géomètre-expert, pièce adverse 8 faisant apparaître, outre la limite des deux parcelles créées par division, six regards, répartis aux quatre coins de la cour commune aux immeubles A et B, outre trois autres regards situés sur la voie publique au pied des immeubles conservés, à proximité immédiate du réseau municipal d'évacuation et aucun regard, fût-il réservé aux seules eaux pluviales, sur la parcelle BN N° [Cadastre 1].

-qu'elle ne peut en toute hypothèse se voir reprocher une faute pour n'avoir pas respecté la servitude alors que la rupture de canalisation n'est pas de son fait mais résulte de l'intervention de la société RP TP LOC dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage

-que la demande de condamnation sous astreinte de la SCCV [Localité 2] à rétablir la fonctionnalité de la canalisation ancienne déposée en cours de chantier se heurte à une impossibilité légale, puisque cette canalisation était raccordée à un puits perdu en contradiction formelle avec les dispositions de l'article 1331 du Code de la Santé Publique,

-que cette demande fait double emploi avec la demande de remboursement d'un certain nombre de factures réglées à différentes entreprises au titre des travaux de terrassement et de raccordement nécessaires à la réalisation d'une évacuation des eaux pluviales, vannes et usées dont le caractère provisoire n'est pas démontré,

-que la demande relative aux pertes de loyers est irrecevable s'agissant d'une prétention nouvelle en appel et non fondée dès lors que la société IMMAG a acquis l'immeuble litigieux vide de tout occupant, et n'y a jamais installé de locataires avant travaux de réhabilitation.

Maître SYLVESTRE et la SCP notariale demandent à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société IMMAG au paiement d'une indemnité de 3000

euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir:

-que le notaire ayant une mission juridique et non technique, il ne lui appartient pas de se rendre sur les lieux pour vérifier la consistance des biens,

-que le document d'arpentage établi dans le cadre de la division de la parcelle unique propriété de l'hoirie [M] approuvé le 28 juillet 2010 ne fait pas état d'un passage d'égout sur la parcelle [Cadastre 1],

-que la servitude de passage réciproque en tréfonds créée par les parties dans l'acte de vente [M]/IMMAG attachée aux fonds en cause ne concernait pas la parcelle [Cadastre 1] vendue par IMMAG à la SCCV [Localité 2] et n'avait donc pas à être retranscrite dans le second acte,

-que les conditions cumulatives de l'article 692 du code civil ne sont pas réunies s'agissant d'une servitude discontinue ne pouvant être établie que par titre alors que la preuve du caractère apparent de la servitude n'est pas démontrée par la présence d'ouvrages extérieurs apparents sur la parcelle [Cadastre 1],

-que la commune intention des parties n'était pas de faire figurer dans l'acte de vente une clause de servitude réciproque de passage en tréfonds de canalisation de sorte que le notaire n'a commis aucune faute en ne faisant pas figurer dans l'acte de vente une clause non demandée par les parties,

-que la demande subsidiaire contient une contradiction puisque s'il était décidé par la cour qu'il n'existe pas de servitude de père de famille, il serait alors acquis que le notaire n'a pas commis de faute en ne l'a mentionnant pas dans l'acte.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte de l'article 694 du code civil que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

Selon la formulation de la demande de la société IMMAG, la servitude par destination du père de famille concerne le passage en tréfonds des réseaux d'évacuation des eaux pluviales, des eaux usées et des eaux vannes sur la parcelle sise [Adresse 2] à [Localité 2] cadastrée BN [Cadastre 1], vendue à la société SCCV [Localité 2].

Conformément à l'article 1315 alinéa 1er du code civil, il incombe à la venderesse IMMAG d'établir que lors de la division, la situation des lieux révélait l'existence de signes apparents de servitude.

L'acte de vente de la parcelle BN [Cadastre 1] par la société IMMAG à la société SCCV [Localité 2] n'a pas prévu de constitution d'une servitude réciproque des canalisations enterrées existantes à la différence de l'acte de vente des parcelles BN [Cadastre 1] et [Cadastre 1] préalablement conclu le même jour des consorts [M] à la société IMMAG.

Le plan de division de la propriété [M] fait apparaître six regards répartis aux angles de la cour commune des bâtiments de la société IMMAG ainsi que trois regards situés sur la voie publique au pied des immeubles acquis par la société IMMAG à proximité immédiate du réseau municipal d'évacuations situé [Adresse 2] de [Localité 2].

Aucun regard, même réservé aux eaux pluviales, n'est mentionné sur la parcelle BN [Cadastre 1] acquise par la SCCV [Localité 2].

La déclaration de travaux de la société IMMAG du 25 octobre 2010 et les plans annexés font mention de réseaux, y compris eaux vannes et usées, reliés au collecteur public situé [Adresse 2] de [Localité 2]. Ainsi en pièce 27 de l'appelante, l'architecte d'IMMAG confirme que «'la présence des réseaux mentionnés au plan de masse a été constatée sur place comme servant le 46 [Adresse 2] (réseaux présents sur le plan du géomètre [Y] mais non positionnés) adresse du projet, il n'est pas fait état de modification de ceux-ci'».

Par ailleurs, l'existence d'une unique descente d'eaux usées ainsi que de regards desservant des descentes d'eaux de pluie des bâtiments IMMAG ne permet pas de constater que lesdites installations étaient en état de fonctionner et fonctionnaient au moment de la division du fonds [M].

Le courrier du 9 mai 2011 du préposé de la société TP LOC antérieur au litige mentionne d'ailleurs que la canalisation débouchait sur un regard non raccordé en forme de puits perdu complétement asséché car l'évacuation était bouchée sur 4 ml, allégations de fait non contredites par les constats d'huissier produits par la société IMMAG.

La société IMMAG ne bénéficie donc pas de servitude par destination du père de famille d'évacuation des eaux pluviales usées et eaux vannes grevant le fonds acquis par la SCCV FRANCEVILLE et doit être déboutée de sa demande de revendication de servitudes et d'exécution de travaux de ce chef.

La demande de remboursement des travaux de raccordement des eaux usées ne peut donc prospérer de même que la demande accessoire de perte de loyers, faute de fondement justifié résultant d'une servitude par destination du père de famille et du trouble apporté à l'exercice d'une telle servitude.

La preuve n'étant pas rapportée de la réunion des conditions légales d'une servitude d'écoulement des eaux usées et vannes par destination du père de famille entre les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 1], il ne peut être reproché au notaire de n'avoir pas retranscrit dans la seconde vente IMMAG/ SCCV [Localité 2] la servitude conventionnelle de passage réciproque en tréfonds des canalisations enterrées conclue entre les consorts [M] et la société IMMAG.

En effet, l'acte de vente intervenu entre les consorts [M] et la société IMMAG vise uniquement la constitution d'une servitude de passage en tréfonds de canalisations entre les propriétés des consorts [M] parcelle [Cadastre 1] et BN [Cadastre 1] avec la mention (partie de la propriété de la société IMMAG).

L'acte précise ainsi que pour les besoins de la publicité foncière, les parcelles grevées de la servitude réciproque sont les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 1] et non la parcelle [Cadastre 1] ensuite vendue à la SCCV [Localité 2].

Si les parties à la première vente ont déclaré au notaire pour constituer cette servitude que toutes les canalisations enterrées existantes avant division sont conservées et desserviront les deux propriétés créées, ces mentions concernent l'objet de la servitude grevant réciproquement les fonds [Cadastre 1] et [Cadastre 1].

Il ne peut ainsi s'en déduire la connaissance du notaire de canalisations enterrées traversant la parcelle [Cadastre 1] d'autant que selon le document d'arpentage divisant la propriété unique BN69 approuvé le 28 juillet 2010, il s'agissait d'une parcelle à usage de jardins sans mention d'un passage d'égout. Le courrier du notaire du 5 mai 2011 ne peut être considéré comme une reconnaissance de l'existence d'une canalisation sur la parcelle [Cadastre 1] puisque le notaire ne fait que déduire des conséquences juridiques de l'affirmation par la société IMMAG rappelée en début du courrier de l'existence d'un réseau d'assainissement présent sur la parcelle vendue.

N'étant pas renseigné sur le raccordement de la parcelle [Cadastre 1] au réseau d'assainissement qui n'est pas avéré lors de la division du fonds, le notaire n'avait pas à rechercher des informations supplémentaires et n'a pas manqué à ses devoirs d'investigation et d'efficacité de l'acte de vente conclu entre IMMAG et la SCCV [Localité 2].

La société IMMAG sera déboutée de sa demande subsidiaire dirigée contre Maître [W] et la S.C.P [W], notaires.

La société IMMAG qui succombe supporte les dépens d'appel et doit être condamnée à payer à chacun des intimés une indemnité supplémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Condamne la société IMMAG à payer à la SCCV [Localité 2] une indemnité supplémentaire de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société IMMAG à payer à Maître [W] et à la SCP [W], ensemble une indemnité supplémentaire de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société IMMAG aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au bénéfice de la SCP LAFFLY et de la société COLBERT, avocats.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 12/09346
Date de la décision : 24/03/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°12/09346 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-24;12.09346 ?
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