AFFAIRE PRUD'HOMALE
DOUBLE RAPPORTEUR
R.G : 12/04561
SAS SPEED FRANCE
C/
[S]
décision du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
Au fond
du 14 mai 2012
RG : F 10/00278
ch n°
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRET DU 02 Avril 2015
APPELANTE :
SAS SPEED FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
assistée de Me Gérard DELDON de la SELARL DELDON-LARMANDE & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIME :
M. [K] [S]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (69)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
assisté de Me Pascal PETREL de la SELARL PETREL ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Maitre Joséphine GUERCI-Michel, avocat au barreau de Lyon
Date de mise à disposition : 02 Avril 2015
Débats tenus en audience publique le 09 Avril 2014, par Jean-Charles GOUILHERS, président et Christian RISS, conseiller, qui ont ainsi siégé sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, greffier
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Jean-Charles GOUILHERS, président
- Christian RISS, conseiller
- Catherine PAOLI conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Michèle GULLON, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 14 mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE, dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 8 avril 2014 par la S.A.S SPEED FRANCE, appelante, incidemment intimée ;
Vu les conclusions déposées le 9 avril 2014 par [K] [S], intimé, incidemment appelant ;
Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 9 avril 2014 ;
La Cour,
Attendu que pour l'exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, la Cour s'en réfère expressément au jugement critiqué et aux écritures déposées par les parties en cause d'appel reprenant leurs observations orales ;
Attendu, sur l'existence d'un contrat de travail liant les parties et la compétence de la juridiction prud'homale, que les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Attendu en particulier que les juges du premier degré ont fort justement relevé que par lettre du 30 janvier 2008 la société SPEED FRANCE a adressé à [K] [S] une promesse d'embauche valant contrat de travail dès lors qu'elle définissait avec précision l'emploi proposé, savoir celui de directeur général salarié, la date d'entrée en fonction, soit le 1er mai 2008, la rémunération (11 000 € par mois outre primes à définir), et qu'elle prévoyait en outre une période d'essai de six mois, une clause de non-concurrence ainsi qu'une délégation de responsabilité ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats par l'une et l'autre parties que si les attributions du directeur général étaient extrêmement larges comme très précisément détaillées et définies, il n'en demeure pas moins qu'il devait rendre compte de sa gestion au président de la société et au comité de surveillance dont il devait aussi recueillir l'autorisation préalable pour certains actes et qu'il était placé sous le contrôle étroit de la société TECOMEC, de droit italien, associée unique de la S.A.S. SPEED FRANCE ;
que la qualité de mandataire social n'est pas exclusive de celle de salarié ;
qu'en l'espèce, la réalité du lien de subordination dans lequel se trouvait l'intimé par rapport à l'associée unique, au président et au comité de surveillance est parfaitement démontrée, la société appelante ayant d'ailleurs appliqué les règles propres au contrat de travail dans les relations des parties, notamment en réglant des indemnités de congés payés ainsi que cela ressort des bulletins de paye ;
Attendu que la société appelante qui prétend que les parties auraient entendu substituer à la qualité de directeur général salarié d'[K] [S] celle seule de mandataire social n'en rapporte aucunement la preuve ;
qu'une telle substitution ne pourrait résulter que de la manifestation de la volonté claire et non équivoque d'[K] [S] de renoncer à son statut de salarié, ce qui ne ressort d'aucune des pièces que l'appelante verse aux débats ;
que c'est donc à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a retenu l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée liant les parties et rejeté en conséquence l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la S.A.S. SPEED FRANCE ;
Attendu que la juridiction du premier degré a justement fixé le salaire mensuel moyen d'[K] [S] à la somme de 15 017 € ;
Attendu, sur la rupture du contrat de travail, qu'un courrier portant notification de la révocation du mandat social de directeur général ne saurait équivaloir à une lettre de licenciement ;
qu'à défaut de lettre de licenciement motivée, la rupture du contrat de travail à durée indéterminée liant les parties est nécessairement dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
que la Cour n'a donc pas à examiner les griefs que la société appelante prétend articuler contre l'intimé en cause d'appel ;
Attendu qu'il suit de là que la décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis de 45 051 € outre la somme de 4 505 € pour les congés payés y afférents ;
Attendu que l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à 6 487,35 € ;
qu'il échet de réformer sur ce point et de condamner la société appelante au payement de ladite somme ;
Attendu que le licenciement étant reconnu comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'intimé ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, ce par application de l'article L 1235-2 du Code du Travail ;
que le jugement attaqué ne pourra donc qu'être confirmé en ce qu'il a débouté [K] [S] de ce chef de prétention ;
Attendu qu'il sera alloué à l'intimé la somme de 6 006,80 € au titre des congés payés acquis et non pris ;
Attendu, sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que si l'intimé a été indemnisé à hauteur de 3 000 € par mois pendant un an à la suite de la rupture du contrat de travail, il n'en demeure pas moins qu'il a subi du fait de celle-ci un préjudice financier considérable, ses revenus ayant été divisés par cinq ;
que pour retrouver un emploi comparable, il a dû quitter la région lyonnaise pour s'installer en Normandie, vendre sa maison et faire venir sa famille ;
que le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dont il a fait l'objet lui a donc causé un préjudice matériel et moral qui sera réparé par l'allocation de la somme de 150 000 € toutes causes confondues ;
Attendu, sur la clause de non-concurrence, qu'il est constant que celle-ci n'était assortie d'aucune contrepartie financière ;
que l'intimé fait justement observer que la société appelante lui a rappelé les 5 mai 2008 et 22 septembre 2010 que cette clause de non-concurrence trouvait à s'appliquer pendant deux années et sur trois continents ;
que le contrat de travail n'ayant point fixé le montant de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, il convient de se référer à la convention collective applicable pour le déterminer, étant précisé que les bulletins de paye mentionnent expressément ladite convention collective ;
que compte tenu du montant du salaire mensuel moyen de l'intimé tel que justement fixé par le Conseil de Prud'hommes, il sera alloué à [K] [S] la somme de 180 204 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Attendu, sur la part variable de la rémunération, qu'aucune des parties ne produit aux débats des pièces de nature à rapporter la preuve de ses allégations ;
que la confirmation s'impose sur ce point ;
Attendu que pour assurer la défense de ses intérêts devant la Cour, l'intimé a été contraint d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société appelante ;
que celle-ci sera condamnée à lui payer une indemnité de 2 500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;
Au fond, dit le second seul et partiellement justifié ;
Réformant, condamne la S.A.S. SPEED FRANCE à payer à [K] [S] la somme de
6 487,35 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
La condamne à lui payer la somme de 6 006,80 € au titre des congés payés acquis et non pris ;
La condamne à lui payer la somme de 150 000 € au titre du préjudice matériel et moral causé par un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
La condamne à lui payer la somme de 180 204 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Condamne la S.A.S. SPEED FRANCE à payer à [K] [S] une indemnité de 2 500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
La condamne aux dépens.
Le GreffierLe Président
Michèle GULLONJean-Charles GOUILHERS